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L’INCIdENCE dE La PubLICITé SuR La dISTRaCTIoN dES bIENS du TRuST

A. La teneur du Message

La position exprimée dans le Message du Conseil fédéral est claire. Il fait valoir que le principe de publicité du droit suisse, qui relève de l’ordre pu-blic suisse33, “protège notamment les créanciers potentiels du propriétaire d’un bien dans la confiance qu’ils ont que la personne concernée-ci dis-pose effectivement du droit de disdis-poser du bien en question”34. A propos de l’art. 149d al. 3 LDIP, il est indiqué en particulier que “[c]ette règle sert à protéger tant les créanciers de bonne foi du trustee que les acquéreurs de bonne foi de biens du trust qui ont été aliénés. Dans le premier cas, elle a pour effet de permettre aux créanciers de faire saisir les éléments du pa-trimoine du trust qui n’ont pas fait l’objet d’une inscription, dans le cadre d’une procédure d’exécution forcée ouverte à l’encontre du trustee”35. Il est encore précisé que l’art. 149d al. 3 LDIP va plus loin que l’art. 973 CC “en ce qu’il protège et couvre ainsi non seulement l’acquisition de bonne foi, mais aussi l’octroi de crédit de bonne foi”36.

32 sur les effets de l’absence de mention, cf. Pannatier Kessler, p. 142 et p. 202 ss.

33 message (Trusts), p. 576 : “La reconnaissance du trust, en particulier de l’exclusion de responsabilité prévue par le droit applicable, est soumise à la réserve de l’ordre public (art. 17 LDiP). Le tribunal inclut dans cette réserve les art. 715 CC (non-validité d’un pacte de réserve de propriété qui n’est pas inscrit dans un registre public) et 717 (une chose transférée ne peut être retenue par l’aliénateur) CC et, partant, probablement aussi, de manière générale, le principe de la publicité régissant le droit civil suisse en matière de droits réels.”

34 message (Trusts), p. 576.

35 message (Trusts), p. 606.

36 message (Trusts), p. 607.

B. L’avis de la doctrine en Suisse et à l’étranger

1. L’opinion majoritaire

Dans sa très grande majorité, la doctrine suisse s’est alignée sur le Mes-sage37. La plupart des auteurs indiquent sans développement particulier que la distraction effective des biens du trust est sujette à l’existence d’une mention du rapport de trust dans le registre pertinent38. D’autres appro-fondissent davantage la question, comme nous le verrons ci-après.

R. Gassmann fait valoir que l’art. 149d al. 3 LDIP s’appuie sur l’art. 15 de la Convention et limite les effets de l’art. 11 al. 3 lit. a à d de celle-ci, notamment quant au principe de ring-fencing en cas d’exécution forcée contre le trustee. Selon l’auteur, la bonne foi du tiers créancier doit être examinée dans la procédure de revendication au sens des art. 106 ss LP en cas d’exécution individuelle contre le trustee. Dans l’hypothèse d’une faillite, la protection des seuls créanciers de bonne foi porterait atteinte à l’égalité de traitement dans la faillite et impliquerait un travail administra-tif disproportionné si l’on voulait distinguer entre les créanciers de bonne et de mauvaise foi. L’auteur suggère dès lors de refuser systématiquement la distraction du bien du trust concerné, dès lors qu’un seul créancier peut se prévaloir de sa bonne foi39.

Se référant au Message, B. Foëx indique que “l’appartenance de l’im-meuble au patrimoine séparé que constitue le trust dépend d’une mesure de publicité, à l’égard des tiers de bonne foi”40. De ce fait, le créancier chirographaire de bonne foi peut requérir la saisie ou le séquestre de l’im-meuble concerné. Comparant cette solution avec le régime qui prévaut en matière de fiducie ordinaire, il considère qu’elle “n’a rien de choquant”41. L’auteur reconnaît toutefois que le système est malaisé à appliquer en cas de faillite. Notamment, la solution de R. Gassmann ne semble pas emporter

37 Berger, p. 155 ; Dutoit (supplément), N 4 ad art. 149d LDiP ; eichner, p. 200 s. ; Foëx (mention du trust), p. 86 s. ; idem (Trust et registre foncier), p. 264 s. ; Gass-mann, N 6 ss ad art. 149d LDiP ; Gutzwiller, p. 176, N 149d-20 ; schmid, N 47a ad art. 946 CC ; Vogt, N 16 ad art. 149d LDiP ; Wolf / Jordi, p. 73.

38 Gutzwiller, p. 176, N 149d-20 ; mayer (IPRG-Bestimmungen), p. 82 ; schmid, N 47a ad art. 946 CC ; Vogt, N 16 ad art. 149d LDiP ; Wolf / Jordi, p. 73.

39 Gassmann, N 6 ss ad art. 149d LDiP.

40 Foëx (mention du trust), p. 86 s. ; idem (Trust et registre foncier), p. 264 s.

41 Foëx (Trust et registre foncier), p. 265.

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sa conviction, dans la mesure où l’immeuble ne doit en principe être réa-lisé qu’au profit des créanciers de bonne foi42. Quoi qu’il en soit, l’auteur considère qu’il serait délicat de revenir sur les assurances données sur ce point dans le Message du Conseil fédéral et qu’il appartiendra à la juris-prudence de clarifier la situation43.

Selon P. M. Gutzwiller, ne peuvent être revendiquées et sont dès lors acquises à la masse en faillite les valeurs patrimoniales du trust qui n’ont pas été mentionnées comme telles dans le registre public pertinent.

Lorsque certains créanciers ignorent de bonne foi l’existence du trust, alors que d’autres la connaissent (pour avoir par exemple été informés par le trustee), l’auteur considère – contrairement à R. Gassmann – que le pro-duit de réalisation des biens du trust ne peut profiter qu’aux premiers. Il favorise en cela le principe de la protection de la bonne foi sur celui de l’égalité de traitement entre créanciers44.

Enfin, d’après M. Eichner, le législateur suisse a choisi, à travers l’art. 149d LDIP, de privilégier le principe de publicité tabulaire sur celui de la distraction des biens du trust prôné par la Convention de La Haye.

L’art. 149d LDIP consisterait à cet égard en une loi d’application immédiate suisse réservée par l’art. 16 de la Convention de La Haye45. Cela étant, se-lon cet auteur, le défaut de mention au registre foncier n’entraîne pas une exclusion générale de la distraction, ce qui serait incompatible avec l’art. 11

§ 3 lit. a à c de la Convention. Elle empêche la distraction d’office, mais non la procédure de revendication, dans le cadre de laquelle le tiers revendi-quant peut prouver que le tiers était de mauvaise foi, i.e. qu’il connaissait l’appartenance du bien au trust46.

42 Foëx (mention du trust), p. 87 : “mais en bonne logique, cet immeuble devrait alors être réalisé au profit de ce seul créancier ou des seuls créanciers du trustee qui sont de bonne foi : il n’y a de raison que les autres créanciers du trustee, qui savaient par hypothèse que l’immeuble est en trust (nonobstant l’absence de mention), puissent bénéficier de cette réalisation alors même qu’ils ne sont pas protégés par l’art. 149d al. 3 LDiP. Force est de reconnaître que cela paraît fort compliqué, même si les créan-ciers pourront se prévaloir de la présomption de bonne foi ancrée à l’art. 3 al. 1 CC.”

43 Foëx (mention du trust), p. 87.

44 Gutzwiller, p. 188, N 284b-15 ss.

45 eichner, p. 200.

46 eichner, p. 201.

2. Des avis divergents

Dans sa thèse consacrée au droit de suite en matière de trust et à sa re-connaissance en Suisse, D. Pannatier Kessler examine attentivement la question des effets de l’absence de mention du trust sur les créanciers de bonne foi47. Au terme de son analyse, elle s’exprime en défaveur d’une interprétation de l’art. 149d LDIP allant dans le sens d’une protection des créanciers de bonne foi48, partageant ainsi le point de vue que nous avons eu l’occasion d’exprimer ailleurs49. Nous nous référerons à l’argumenta-tion de cet auteur dans le cadre de la discussion de la problématique, qui sera entreprise sous le point C.

Dans son rapport destiné à l’Office fédéral de la justice, L. Thévenoz a prôné une solution allant dans un sens divergent de celui du Message (qu’il a précédé dans le temps). Selon cet auteur, le droit de distraction peut être efficacement exercé indépendamment de la mention de l’existence du trust au registre foncier, dans la mesure où il constitue un effet d’un acte juridique fondé sur une loi étrangère qui doit être reconnu en Suisse en raison de la ratification de la Convention de La Haye50. Il précise qu’il n’y a pas lieu de craindre que les créanciers personnels du trustee soient in-duits en erreur par la solvabilité apparente de ce dernier du fait de l’ab-sence de publicité du trust. Selon lui, “le créancier qui se préoccupe de la surface financière de son débiteur ne se contente pas de vérifier ses actifs au moment où il lui fait crédit ; il demande des gages, qui seuls lui garan-tissent la possibilité de les faire réaliser à son profit en cas de défaillance de son débiteur.”51

L’auteur fait du reste valoir le même type d’arguments à propos du droit de distraction conféré aux fonds de placement contractuels et aux opérations fiduciaires des banques. Il indique ce qui suit : “Primo, la sé-grégation effective et reconnaissable aux tiers des avoirs fiduciaires n’est

47 Pannatier Kessler, pp. 147 à 173.

48 Pannatier Kessler, p. 156 ss, en particulier p. 160 : “en résumé, nous sommes d’avis que l’article 149d al. 3 LDiP ne protège que les acquéreurs de bonne foi et non pas les créanciers de bonne foi, la lettre de la loi n’étant pas suffisamment claire pour admettre la création d’un postulat inexistant du droit suisse et de surcroît contraire à la reconnaissance des trusts prévue par la Convention de La Haye.”

49 Voir la référence supra p. 81, note 1.

50 Thévenoz (Trusts), pp. 121 s. et 127.

51 Thévenoz (Trusts), p. 122.

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pas une condition de leur distraction dans la faillite du fiduciaire. C’est là une différence notable par rapport à l’art. 401 CO tel qu’interprété par la jurisprudence. La solution est tout à fait cohérente avec la notion même de patrimoine fiduciaire.”52

Certains de ces arguments avaient déjà été exprimés par G. Nickel-Schweizer en 1977 en rapport avec l’art. 401 CO. Prônant de lege ferenda une extension de la norme aux immeubles, l’auteur fait valoir que la foi publique du registre foncier vise à protéger l’acquéreur d’un droit sur un immeuble, mais non à garantir au donneur de crédit de bonne foi que l’immeuble fait effectivement partie de la fortune personnelle du débiteur.

Celui-ci a au contraire la possibilité de requérir des sûretés pour se proté-ger du risque correspondant. A défaut d’y procéder, il lui incombe d’assu-mer les conséquences53.

L’examen de la doctrine étrangère révèle également certains avis al-lant dans le même sens. En droit luxembourgeois, A. Prüm, T. Revet et C. Witz dénient tout effet à l’absence de publicité sur le principe de distraction, alors même que la mention de la qualité de trustee dans les registres y est obligatoire (sans être assortie de sanction)54. Les auteurs re-lèvent à cet égard : “L’art. 11 de la Convention de La Haye est particuliè-rement net quant à l’automaticité du respect des effets minima du trust qu’impose la ratification ou l’adhésion. Il est donc difficilement conce-vable que des créanciers personnels d’un trustee puissent saisir un bien du trust situé au Luxembourg sur le seul fondement du défaut de mention de la qualité de trustee du propriétaire dans le registre public relatif à ce

52 Thévenoz (Patrimoines fiduciaires), p. 366.

53 Nickel-schweizer, p. 110 : “Der öffentliche Glaube des Grundbuchs will die rechtsge-schäftlichen Erwerber von Rechten an Grundstücken schützen, nicht aber dessen Zuge-hörigkeit zur Haftungsmasse garantieren. So wird z.B. bei unrichtiger Eintragung zwar der gutgläubiger Erwerber von Rechten am Treugut geschützt, nicht aber der Gläubiger, der im Vertrauen auf die Haftungsqualität des Grundstücks Kredit gewährt hat. Wer Kredit gewährt, hat die Möglichkeit, sich Sicherheiten geben zu lassen – und auf diesem Wege den Schutz des rechtsgeschäftlichen Erwerbes für sich in Anspruch zu nehmen – tut er es nicht, ist dies sein Risiko.” Contra : Gautschi (BeKo-ZGB), N 6b ad art. 401 Co et Hofstetter, p. 126 s., en particulier note 23.

54 Cf. art. 11 de la loi luxembourgeoise du 23 juillet 2003 sur le trust et les contrats fiduciaires : “Dans tout registre public sur lequel est inscrite la qualité de proprié-taire, pour quelque cause et à quelque occasion que ce soit, le fiduciaire et le trustee doivent demander que soit mentionnée leur qualité, après l’indication de celle de propriétaire.” sur l’absence de sanction, cf. Prüm / revet / Witz, p. 59.

bien.”55 Selon ces auteurs, le défaut de mention n’est toutefois pas sans ef-fet, puisqu’il peut entraîner la responsabilité du trustee négligent. Rele-vons au surplus l’existence de l’art. 2 al. 2 de la loi luxembourgeoise sur le trust et les contrats fiduciaires, à teneur duquel l’inscription du trustee en tant que propriétaire ne porte pas atteinte à la séparation du fonds du trust56. Les auteurs précités font valoir que cette règle permet de couper court aux prétentions des créanciers personnels du trustee qui excipe-raient de la position de propriétaire du trustee pour demander la saisie des biens du trust57.

En droit hollandais, la mention du trust dans les registres publics est permise par la loi. L’art. 3 Wet conflictenrecht trusts reprend en effet l’art. 12 de la Convention de La Haye, sans l’adjonction de la deuxième phrase, in-diquant par là que la mention du trust est parfaitement compatible avec le système tabulaire néerlandais. M. Koppenol-Laforce fait valoir que la distraction des biens du trust n’est, de façon générale, pas subordon-née à la publicité du trust, dans la mesure où l’appartenance des biens au trust peut être prouvée d’une autre manière : “The system of the public reg-ister is not such that it would be necessary to regreg-ister the trust to achieve the separateness of the goods. The proof that some specific assets are trust property may be established in any manner whatsoever. In my opinion the trustee need not have the assets transferred to him with specific mention of his trusteeship in order to secure the separateness of the trust property.”58 L’auteur précise en particulier que les registres publics hollandais pro-tègent les acquéreurs de bonne foi du bien du trust, mais non les créanciers personnels du trustee59.

Il ressort de ce qui précède qu’en dépit du Message et de la tendance majoritaire suisse qui s’en est fait l’écho, divers avis divergents ont été ex-primés en Suisse et à l’étranger. Il y a donc de la place pour une discussion de la problématique, à laquelle nous procéderons ci-après.

55 Prüm / revet / Witz, p. 59.

56 La norme dispose ce qui suit : “La référence à la situation d’un propriétaire ne préjudi-cie pas au principe de séparation entre le patrimoine formé par les biens du trust et le patrimoine constitué par les biens personnels du trustee, conformément à l’art. 11 de la Convention du 1er juillet 1985.”

57 Prüm / revet / Witz, p. 59.

58 Koppenol-Laforce (Trustverdrag), p. 272 ; idem (Convention), p. 39.

59 Koppenol-Laforce (Trustverdrag), p. 196 ss.

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c. Discussion

La discussion portera spécifiquement sur la mention du trust dans le cadre du registre foncier, dans la mesure où il s’agit du registre public le plus complètement réglé par la loi suisse. Les considérations développées ci-après sont toutefois valables mutatis mutandi pour le registre des ba-teaux et aéronefs et ceux de la propriété intellectuelle, dans la mesure où – comme le relève D. Pannatier Kessler – ils opèrent de façon similaire à celle du registre foncier60.

1. Principes généraux pertinents

a. Les effets du registre foncier à l’égard des tiers

En matière immobilière, le principe de publicité est réalisé par le registre foncier. Sa fonction consiste à rendre manifestes les droits divers qui sont attachés à un immeuble61. Il déploie des effets distincts en fonction des tiers visés. En premier lieu, à l’égard des tiers en général, il entraîne une présomption d’exactitude et de “complétude”. En deuxième lieu, à l’endroit des acquéreurs d’un droit réel de bonne foi, il déploie plus particulièrement un effet renforcé de foi publique. Ces deux aspects sont exposés succinc-tement ci-après.

En premier lieu, à l’égard du public en général, et conformément à ce qui prévaut pour les registres publics (art. 9 CC), le registre foncier est pré-sumé exact et complet (937 CC)62. Cette présomption s’attache à l’existence des droits inscrits et à leur contenu (titularité du droit, modalités, étendue, etc.). Elle constitue un effet général du registre foncier dont chacun peut se prévaloir. Une présomption peut toutefois être renversée par la preuve du contraire, c’est-à-dire par la preuve que l’écriture est inexacte ou incom-plète. Le fardeau de la preuve incombe à celui qui conteste le bien-fondé de l’inscription63. L’on relèvera incidemment qu’en matière d’exécution

60 Pannatier Kessler, p. 123 : “[…] les considérations faites en matière de biens im-mobiliers inscrits au registre foncier et de mention du lien de trust sont applicables mutatis mutandi à ces biens, étant donné que ces derniers sont soumis à un système de publicité tabulaire calqué sur le système du registre foncier.”

61 steinauer, p. 194, N 526.

62 steinauer, p. 310, N 883 ss.

63 steinauer, p. 310, N 885.

forcée, la présomption résultant du registre foncier a pour unique fonction de répartir les rôles dans la procédure de revendication de la LP64 : le rôle de demandeur revient à celui auquel l’inscription est défavorable65.

En deuxième lieu, à l’égard plus particulièrement des acquéreurs d’un droit réel de bonne foi, les inscriptions du registre foncier déploient un ef-fet de “foi publique” (öffentliche Glaube)66. Le principe est (partiellement) régi à l’art. 973 al. 1 CC, selon lequel : “Celui qui acquiert la propriété ou d’autres réels en se fondant de bonne foi sur une inscription du registre foncier, est maintenu dans son acquisition.” La foi publique signifie que les inscriptions au registre sont réputées exactes et complètes à l’égard des tiers acquéreurs, nonobstant le fait qu’elles ne correspondraient pas à la réalité matérielle. Elle remédie en cela aux éventuels défauts de l’inscrip-tion. Concrètement, cela implique deux choses. Positivement, l’acquéreur d’un droit réel est maintenu dans son acquisition, même si le transférant n’avait pas le pouvoir d’en disposer faute d’en être le véritable propriétaire.

Négativement, l’acquéreur acquiert le droit réel libre des droits qui n’ont pas été inscrits au registre alors qu’ils auraient dû l’être67. En d’autres termes, à l’égard du tiers acquéreur d’un droit réel, la présomption issue du registre foncier est érigée en fiction irréfragable68. En cela, le principe de la foi publique sert à garantir la sécurité des transactions immobilières : il est dans l’intérêt général qu’une transaction opérée de façon régulière sur la base du registre ne soit plus remise en cause.

N’est toutefois protégé que le tiers de bonne foi, i.e. celui qui s’est fié aux indications du registre, en ce sens qu’il ne connaissait pas son carac-tère inexact ou incomplet69. Cette bonne foi est présumée conformément à l’art. 3 al. 1 CC. Elle ne peut néanmoins être invoquée si elle est incom-patible avec l’attention requise par les circonstances au sens de l’art. 3 al. 2 CC. Autrement dit, la bonne foi suppose donc cumulativement l’ignorance du défaut de l’inscription et l’absence de raisons d’en douter70. Il n’est en revanche pas nécessaire que le tiers démontre avoir effectivement consulté

64 steinauer, p. 310 s., N 886.

65 Cf. également infra p. 109.

66 Deschenaux, p. 613 s. ; steinauer, p. 319, N 917.

67 Homberger, N 19 s. ad art. 973 CC ; Jenny, p. 64 ; ostertag, N 19 ad art. 973 CC ; schmid, N 24 ss ad art. 973 CC.

68 steinauer, p. 319, N 917.

69 schmid, N 28 ad art. 973 CC ; steinauer, p. 321, N 922.

70 Deschenaux, p. 637.

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le registre foncier, car les inscriptions sont supposées être connues (art. 970 CC). Il en résulte que le principe de foi publique protège les tiers acqué-reurs indépendamment de toute consultation effective71.

L’on relèvera que la bonne foi du tiers est une condition de la mise en œuvre de l’effet de foi publique dans le cadre de l’art. 973 CC, alors qu’elle est sans incidence sur la présomption de l’art. 937 CC. La raison est à notre sens la suivante. Dans la première situation, l’acquéreur d’un droit réel est mis au bénéfice d’une véritable fiction d’exactitude du registre foncier. Ce

L’on relèvera que la bonne foi du tiers est une condition de la mise en œuvre de l’effet de foi publique dans le cadre de l’art. 973 CC, alors qu’elle est sans incidence sur la présomption de l’art. 937 CC. La raison est à notre sens la suivante. Dans la première situation, l’acquéreur d’un droit réel est mis au bénéfice d’une véritable fiction d’exactitude du registre foncier. Ce