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Le temps pour unité vectorielle

Dans le document De l'urgence ou le mouvement de la rencontre (Page 154-167)

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3 LES OBSTACLES A LA CONSCIENCE ETHIQUE DANS L’URGENCE,

L’ETHIQUE EMPECHEE

La conscience éthique, véritable sursaut salvateur, ne peut avoir lieu sans un fin décryptage des contraintes pesant sur l’exercice en service d’urgences. Seront ici analysés les éléments constitutifs de la prise en charge, leur impact, et la réaction dérogatoire pouvant émerger.

Illusion de la règle de l’unité

Le temps pour unité vectorielle

« La chose la plus précieuse de toutes [le temps en lui-même], on s’en moque ; l’on s’y

trompe aussi, parce que c’est une chose immatérielle, parce qu’elle ne vient pas sous les yeux et à ce titre on l’estime de très faible valeur, pis : d’un prix à peu près nul. »

Sénèque, Sur la brièveté de la vie, Paris, Fayard, Editions Mille et une nuits, janvier 1994, p.22.

3.1.1.1 Le règne du temps

« URGENCES »…mot en lettres capitales, souvent écrit en blanc sur fond rouge, tel un sémaphore attirant l’œil aujourd’hui intégré dans la toponymie hospitalière, voire urbaine. Cette signalétique colorée a pour but de permettre une orientation rapide en direction de ce service et d’éviter errance(s) et perte de temps. Car ce mot Urgences est inexorablement relié au temps, après lequel courir…« C’est une urgence », locution semblant contenir à la fois le péril de la vie et l’imminence du besoin de soins, donc le temps, ce temps, à ne pas perdre.

143 Si le temps est le chronomètre de l’existence, il en devient, surtout dans un service d’urgences, le maître omniprésent, le juge, le censeur. Maître des vies humaines dont le temps est compté ; l’urgence vraie devant être repérée, traitée au plus vite. Maître des vies professionnelles, se devant à la fois de détecter le risque vital et de répondre à la pression du flux incessant, ou presque. Multiplicité des situations alternant, conjuguant le plus dramatique avec le plus bénin, avec ou sans transition, variation des arrivées induisant des modifications de rythme imprévisibles et incessantes.

Le temps des structures d’urgence est continu, permanent, perpétuel, le jour, la nuit. La répartition du temps professionnel tient compte de cette distinction jour/nuit, sans toutefois, strictement, s’y conformer. L’absence de rythme fixe est une spécificité du travail dans pareil service, c’est-à-dire l’existence de plusieurs rythmes distincts, tous réunis dans un temps, pourtant, arythmique en son sein. Cadence de travail en horaires variables dont les enchaînements peuvent être physiquement, et psychologiquement, éreintants. Partage du nycthémère en deux ou trois temps. Deux temps pour l’équipe médicale, jour et garde, voire trois temps lorsqu’existe, de plus en plus fréquemment, une demie garde en jonction de la fin de la journée et du début de nuit (de 17h00 à minuit par exemple). Trois temps le plus souvent pour l’équipe paramédicale - matin, garde, nuit - ou deux temps en rythme de douze heures, ce dernier rythme existant surtout dans les petites structures. Les horaires des équipes médicales et paramédicales sont rarement concordants, obligeant à des transmissions séparées et donc démultipliées. Les jonctions temporelles se chevauchent alors d’une équipe à l’autre, la finalité étant d’assurer une présence permanente suffisante pour mener à bien les soins.

Si de nos jours, la notion de permanence des soins paraît normale, elle est finalement assez récente. La présence médicale nocturne avait pour but d’éviter certains décès. « L’idée d’un service nocturne spécifique fut lancée par la presse, appuyée par des pétitions (la première eut lieu en 1868) dénonçant les cas de blessés décédés du fait de l’impossibilité de trouver un médecin. »347. La permanence des soins médicaux dans Paris a été défendue par le Docteur Passant durant dix années348, avant

347 J. Peneff, Les malades des urgences, Une forme de consommation médicale, Op. cit., p.19.

348 S. Le Quellec-Baron, Histoire des urgences à Paris, de 1770 à nos jours – Thèse médecine. Paris : Thèse médecine – Université Paris 7, 2000, p.59.

144 l’instauration, le 1er janvier 1876, d’un service médical de nuit. L’accès de nuit au médecin se faisait alors par l’intermédiaire de la police : « la personne qui aura à

requérir un médecin, se rendra au poste de police de son quartier et choisira sur le tableau le médecin dont elle désire réclamer les soins »349. Escorté d’un gardien de la paix, le requérant était accompagné au domicile du médecin choisi. Les horaires de cette permanence nocturne étaient définis par arrêté préfectoral « […] de dix heures du

soir pour finir à sept heures du matin depuis le premier octobre jusqu’au trente et un mars ; et à onze heures du soir jusqu’à quatre heures du matin depuis le premier avril jusqu’au trente septembre »350. En 1890, un chirurgien de garde, dédié à la prise en charge des blessés graves, fut nommé pour la ville de Paris. La notion prédominante était donc la nécessité des soins, et, en regard, la disponibilité des compétences idoines à toute heure.

La terminologie professionnelle consacrée au temps de nuit est celui de garde, au sens de surveiller. Actuellement, ce temps nocturne ne correspond plus du tout à une simple surveillance, mais s’apparente parfois au temps diurne tant le flux peut être dense. Toutefois, l’ambiance du travail nocturne est particulière à plus d’un titre. Par le type de requêtes, car se déplacer de nuit pour venir consulter sélectionne les personnes (au moins en deuxième partie de nuit), mais également par la modification de l’activité de la structure hospitalière, en suspens, générant une sensation palpable d’isolement. « Le travail de nuit est à la fois plus fatigant, mieux accepté et mieux supporté. Le poids

de l’autorité hiérarchique est moins visible […]. La tutelle administrative n’est perçue qu’à travers un surveillant débonnaire. »351. En période nocturne, les arcanes administratifs et hiérarchiques sont moins présentes et leur poids moins perceptible. Les liens au sein des équipes de nuit diffèrent de ceux des équipes de jour. La proximité existe bel et bien (organisation régulière de repas à la faveur de périodes d’accalmie) mais les contacts peuvent être aussi plus rugueux, plus directs qu’en journée.

Ainsi, le curseur temporel est-il incontournable…voire constitutif du fonctionnement des services d’urgences.

349 S. Le Quellec-Baron, Histoire des urgences à Paris, de 1770 à nos jours – Thèse médecine. Paris : Thèse médecine – Université Paris 7, 2000, p.59.

350 S. Le Quellec-Baron, Histoire des urgences à Paris, de 1770 à nos jours – Thèse médecine. Paris : Thèse médecine – Université Paris 7, 2000, p.59.

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3.1.1.2 Les trois temps

L’origine mythique du temps repose sur l’anthropomorphisme. Il faut garder à l’esprit que « Les mythes sont faits pour que l’imagination les anime. »352. Kronos est un titan, né de l’union d’Ouranos, le Ciel, avec Gaïa, la Terre. Kronos, à la fois « prudent »353, « […] aux rusés conseils »354 mais « […] aux desseins tortueux […] »355, va séparer Gaïa et Ouranos d’un coup de serpe et « […] jeter le membre divin dans le

Flot de la mer »356. Par cette séparation d’Ouranos et de Gaïa, l’espace et le temps peuvent apparaître. Le Dieu du temps physique, Cronos, n’aurait pas existé sans cet acte séparatif dont la violence interpelle. Le temps physique serait-il de facto violent ? Quoi qu’il en soit, Cronos est incontournable, central, car « […] père de toute chose et

il est absolument impossible qu’un être quelconque vienne à l’existence sans le temps. »357. A ce point central que Cronos est le géniteur de Zeus, « père des dieux et

des hommes »358. Ainsi, selon la mythologie grecque, le temps, support du vivant et de l’existant, serait-il un ascendant (l’ascendant ?) en ligne directe des Hommes.

Toutefois, les Grecs anciens distinguaient trois entités se rapportant au temps :

Cronos (Κρόνος) ou temps physique, Kairos (καιρός), ou l’instant opportun, et Aiôn, (Αἰών) signifiant destinée. Ces entités temporelles distinctes caractérisent la perception protéiforme du temps. Le temps connaitrait plusieurs rythmes, plusieurs cours, pouvant être à la fois écoulement invariant ou, paradoxalement, temps impromptu synonyme d’occasion, telle l’irruption de l’instant à saisir sous peine qu’il n’échappe ou, au contraire, un véritable parcours, un destin.

Dans un service d’urgences, ces trois temps - Cronos, Kairos, Aiôn - s’entremêlent. Le temps physique, Cronos, sert de support, de trame de fond à d’autres temps : Kairos et Aiôn, dont le déroulement et/ou la narration ont lieu conjointement. Au sein d’un temps compté identiquement, garant de la règle de l’unité, existe-t-il plusieurs valences temporelles.

352 A. Camus, Le mythe de Sisyphe, Paris, Gallimard, Folio essais, 2008, p.164.

353 Hésiode, La Théogonie, Nouvelle traduction par M. Patin, 1872, p.10.

354 Hésiode, Op. cit., p.6.

355 Homère, L’Iliade, II, 182-228, Nouvelle traduction de Louis Bardollet, Paris, Robert Laffont, Bouquins, 2011, p.21.

356 J.F. Mattéi, Platon et le miroir du mythe, Paris, PUF, Quadrige, 2002, p.57.

357 Héraclite, Allégories d’Homère, trad. De F. Buffière, Paris, Les Belles Lettres, 1962, p.6.

146 3.1.1.2.1 Cronos ou le temps décompté

Le temps, véritable métronome, est une unité quantitative décomptant le rythme de prise en charge des malades en un temps continu, fut-il composite. Le service d’urgences est ouvert jour et nuit, sans discontinuité. Autant dire qu’il est ouvert en permanence, tout le temps, l’usage étant de prononcer H24. Donner des soins à toute heure, voire à n’importe quelle heure…l’heure serait-elle l’unité soignante de référence scandant de fait des relations relativement brèves, au maximum contenues en quelques heures, parfois dans l’heure ? Pourquoi ne pas avoir choisi M1440 (pour les minutes) ou S86400 (nombre de secondes nécessaires pour parvenir à 24 heures) quitte à stigmatiser l’urgence en une unité symbole de rapidité ?...H24, horloge mécanique sans fin démontrant « cette centration sur le présent immédiat »359. L’heure tourne, prévaut et l’heure compte à la fois. Pourtant, si ce qui importe est la permanence des soins, pourquoi la perpétuité serait-elle indicible, inaudible, voire offensante au regard des vies humaines ?...H24. La référence horaire est-elle la seule ? Pourquoi le temps est-il (devenu) si important pour dispenser des soins ? « Dès l’origine, la médecine a été un savoir agissant en fonction du temps sur une réalité, la maladie, qui était elle-même d’essence temporelle et conçue spécifiquement comme telle et comme rupture dans la trame du temps. »360. Temps de la vie au sein duquel s’inscrit un nouveau temps, celui de la maladie, à l’encontre de laquelle le savoir médical est requis, savoir également dépendant du facteur temps. Le rapport de la médecine au temps est indéfectible tant en termes d’observation et d’action que d’avancée des connaissances. Ainsi, confluent plusieurs temporalités à la fois impliquées, intriquées et imbriquées, à la fois conjointes et complémentaires : la temporalité pathologique (se rapportant à la maladie) et la temporalité pratique (définissant le temps de prise en charge), issues d’une temporalité plus large, scientifique car mesurable et mesurée.

Le temps physique désigne une quantité objective, quasi-matérielle, palpable comprise par tous - les soignants ainsi que les personnes venues consulter - telle la durée d’une réanimation cardio-respiratoire, évènement intense d’une gravité extrême, ou la durée de passage par malade dans le service, critère administratif, factuel. Temps

359 N. Aubert, Le culte de l’urgence ou la société malade du temps, Paris, Flammarion, Champs essais, 2010, p.249.

147 chiffré vecteur de deux éléments distincts, aux antipodes quant à leur signification, leur vécu. Le temps du risque vital, caractéristique de la finitude de la vie versus le temps mesuré, photographié, figé. Ce critère du temps-durée, par définition préhensible, est devenu un paramètre descriptif (flux journalier, diurne/nocturne, périodes de vacances…) puis un critère évaluatif (comparaison des périodes de l’année les unes par rapport aux autres, des structures d’urgence à flux identique…).

« Vous prenez trop de temps pour voir un malade. Au tri, il faut aller

beaucoup plus vite. Il faut être plus efficace que ça. », dit une cadre de santé à une jeune recrue, sans s’inquiéter ni de l’adaptation de la dite recrue au poste, ni du pourquoi du retard, si tant est qu’il s’agisse d’un quelconque retard. L’efficacité temporelle est interpellée comme le critère (absolu), le critère de choix.

De critère quantitatif, le temps, toujours le même, est devenu critère qualitatif : la performance d’un service d’urgences se déduit des durées de passage. Ainsi le jugement s’opère -t-il sur une moyenne, par définition d’échelon collectif lissant l’aspect microscopique, individuel, élément pourtant loin d’être négligeable, à savoir la corrélation entre le temps pris et les soins prodigués. La clepsydre est un juge dont la seule objectivité, et non des moindres, est la mesure implacable, opposable. Le temps bat la mesure, passe, mais ce qui se passe, s’y passe, lui serait (est) indifférent, car le temps ne vit pas, mais se vit.

Mais la mission des Urgences est de surseoir à l’irréparable et/ou de réparer ce qui peut l’être, sans compter le temps, mais en comptant sur lui, ambiguïté bien connue des soignants de ces services. En effet, le temps, et surtout l’allongement des délais de prises en charge, peut être source de dégradation de l’état de santé des malades mais peut aussi, paradoxe, donner la solution. Pourtant, l’utilisation connexe par les tutelles n’est pas orientée sur cet élément d’ordre médical mais sur la performance comprise comme la réduction - la compression ? - des temps de passage. Le dogme, voire la politique consacrée, est de promouvoir la rapidité tel un critère qualitatif tout en recherchant une augmentation du nombre de passages. Un service d’urgences jugé efficace, voire efficient, serait caractérisé par des durées moyennes de passage courtes. Ainsi l’évaluation de la qualité se transforme-t-elle en contrôle de rapidité, truchement fallacieux s’il en est. De fait, le temps contenu dans le mot Urgences prendrait-il une forme de pouvoir devenant un censeur permanent, pouvant à lui seul

148 caractériser le service ; les personnes, malades, ayant d’ailleurs, elles aussi, tendance à recourir au temps pour caractériser leur passage.

« On attend toujours aux Urgences. »…Ou alors… « Pour une fois, on n’a

pas attendu trop longtemps. ».

3.1.1.2.2 Kairos ou le temps compté

Le kairos ou le moment opportun, à ne pas manquer, celui justement de l’urgence : savoir être à la fois au temps, à temps et dans les temps.

Un jeune homme se présente aux Urgences le jour de la Saint Sylvestre. Elève vétérinaire, il est allé voir un de ses amis qui possède un serpent venimeux, un crotale vivant en Amérique du Sud, crotalus durissus durissus, interdit sur le sol français. Alors qu’il manipule le serpent, il se fait mordre au bout du doigt et décide, connaissant les risques de pareille morsure, de venir consulter. A son arrivée, deux heures après avoir été mordu, il ne présente aucun signe inquiétant. Pourtant, du fait des risques majeurs liés au venin, les urgentistes prennent la décision de trouver du sérum, antidote spécifique. Le seul laboratoire pouvant dispenser le produit est à plus de 600 kilomètres de l’hôpital. Du fait de la localisation de ce laboratoire, la seule solution est de faire acheminer le sérum avec le précieux concours d’une compagnie aérienne nationale, acceptant gracieusement de transporter le produit. Lors du départ de l’urgentiste pour l’aéroport en vue d’aller récupérer le sérum, le jeune homme présente des signes généraux d’envenimation, à savoir une chute de la paupière, une diplopie et des troubles biologiques sévères. Le jeune homme est alors hospitalisé en réanimation car l’envenimation concerne l’ensemble de son organisme dont les fonctions neurologiques, mettant en jeu son pronostic vital, le risque ultime étant l’arrêt respiratoire. Le temps est compté car le sérum doit être administré au maximum dans un délai de 8 heures après la morsure. Afin de ne pas perdre de temps, l’urgentiste part escorté de motards dans un véhicule du SAMU. Chaque soignant impliqué a les yeux rivés sur l’horloge. Sérum récupéré, l’escorte fait le chemin inverse à vive allure pour arriver à temps. L’injection a finalement lieu au bout de 7h45 permettant au jeune homme d’échapper à l’arrêt respiratoire. Après

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48 heures d’hospitalisation, ce dernier signe sa sortie contre avis médical, trouvant que les équipes en ont fait un peu trop [sic]. ».

Cet exemple authentique361, conformément à la méthode choisie362, illustre l’importance du kairos ou temps à saisir. La décision prise de façon prospective d’aller chercher le sérum correspondait à l’anticipation de l’évolution potentielle, au bon moment.

Savoir ne pas passer à côté du temps opportun pour les soins est un élément capital s’apparentant à la perception et, le cas échéant, à l’anticipation de l’évolution de la maladie. La vitesse de prise en charge est une sorte de curseur ayant pour finalité de contrecarrer la pathologie. La rapidité d’intervention est inféodée au rythme évolutif de la gravité de la maladie : à pathologie critique, délai court voire immédiat. L’importance de ce lien est, par exemple, concrétisé par les échelles de tri basées sur des délais de prises en charge. Ces échelles, aujourd’hui devenues référence officielle363, s’avèrent indispensables pour organiser les soins. Une urgence vitale ne souffre aucun délai, une

urgence immédiate doit être prise en charge dans les 20 minutes suivant son arrivée.

Moins d’une heure pour une urgence vraie, l’urgence ressentie pouvant attendre car ne présentant pas de risque véritable sous réserve d’une évaluation idoine. Au demeurant, la gravité clinique pour les soignants n’est pas celle perçue par les malades. Si le cancer est une maladie grave, dont le délai de prise en charge est variable selon les situations, elle représente rarement une urgence pour les soignants. A contrario, le cancer est fréquemment vécu par les malades, du fait de sa gravité létale potentielle, comme une urgence quel que soit le contexte clinique. Ce hiatus temporel entre malades et soignants est souvent source d’incompréhension. Or, la genèse première des services d’urgence reposait sur l’importance de pouvoir donner des soins, dans un délai court, aux malades dont l’état le nécessitait, c’est-à-dire en présence d’urgences

vraies avec mise en jeu du pronostic vital à court terme. Mais, l’évolution tant sociétale que structurelle a transformé les services d’urgence en structures de premier recours, bouleversant la temporalité princeps de l’urgence. Le recours aux Urgences revêt désormais de multiples demandes éloignées d’un éventuel risque vital.

361 Cf. Annexe 2 : Lettre au Pr. E. Roupie au Président Directeur Général d’Air France le 09/01/2004 parue

dans la revue Briefing février – mars 2004

362 Cf. Partie 3.1 : Méthode

150 3.1.1.2.3 Aion ou le temps conté

A la fois permanente et courte, le temps est une entité ambivalente, concomitamment rassurante et effrayante. « Le temps est une image de l’éternité, mais c’est aussi un ersatz de l’éternité. »364. Le temps physique, d’ailleurs souvent représenté par une figure géométrique, soit rectiligne - « le temps linéaire, qui va de

l’avant »365-, soit circulaire -« le temps cyclique, qui fait des boucles. »366-, semble (pouvoir) ne jamais finir. Entité objective, ce temps universel obéit à des règles établies, validées, partagées par tous. Véritable mesure impartiale, l’horloge matérialise ce temps compté. A contrario, le temps vécu est éminemment subjectif, pouvant être perçu comme dé-mesure, l’espace-temps, tant son contenu influe directement sa perception. Ce temps vécu puis conté est alors une entité de densité variable ayant pour seule(s) norme(s) celle(s) du sujet. Ce temps (ra)conté est également grammaire, quand, conjugué, il permet le récit de qui fut, est, ou sera.

Ainsi le temps est-il simultanément avoir et être : deux auxiliaires pour une seule et même dimension. Le temps objectif représente un avoir car il contient, détient la mesure, le rythme. Avoir du temps peut sembler infini, avoir une heure est perceptible : prendre du temps est un avoir, telle la potentialité de ce qui peut arriver, et qui, peut-être, ne sera jamais. « Quand on est déçu par un plaisir qu’on attendait et qui vient, la

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