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S’organiser pour faire face

La répartition des structures d’urgences sur le territoire national, encore dénommée maillage, dépend du Schéma Régional d’Organisation Sanitaire (S.R.O.S.) sous l’égide de l’Agence Régionale d’Hospitalisation51 (A.R.H.), seule habilitée à délivrer l’autorisation de pratiquer la médecine d’urgence. Chaque Agence Régionale d’Hospitalisation conçoit son propre schéma régional d’organisation sanitaire, le volet urgences ayant été développé entre 1999 et 2004, lors du SROS de deuxième génération. La médecine d’urgence est ainsi organisée en réseaux, dans l’objectif est de pouvoir intervenir en moins de trente minutes, sur l’ensemble du territoire, à toute

49 Arrêté du 14 septembre 2001 relatif à l’organisation et à l’indemnisation des services de garde et à la mise en place du repos de sécurité dans les établissements publics de santé autres que les hôpitaux locaux, JORF n°217 du 19 septembre 2001.

50 Circulaire DHOS/O1 no 2007-65 du 13 février 2007 relative à la prise en charge des urgences.

22 demande de soins relevant de l’urgence réelle52. Ce délai de trente minutes représente un curseur temporel (semblant) raisonnable pour pouvoir/devoir répondre à l’urgence. Cette limite n’est pas pour autant acceptable ou comprise, par nombre de citoyens jugeant souvent que les secours ne viennent jamais assez vite, ne sont jamais assez proches.

La médecine d’urgence peut actuellement avoir plusieurs modalités distinctes d’exercice. Soit la personne se rend dans un établissement de santé comportant une unité dédiée à la prise en charge des urgences, un service d’urgences à proprement parler, ou dans une maison médicale de garde (ouverte la nuit). Soit les secours sont contactés via une régulation téléphonique spécifique, dont le rôle est d’analyser la situation et d’adapter les moyens de secours pour répondre à cette demande. Selon la situation décrite, la régulation téléphonique décidera de diligenter les secours auprès de la personne (via une Structure Mobile d’Urgence et de Réanimation spécialisée - SMUR ou l’envoi d’un médecin libéral), ou orientera la personne sur une structure de soins adaptée. « En application de l’article R. 6123-1 du code de la santé publique

[…] », les services d’urgence constituent « […] des unités trifonctionnelles assurant à

la fois la régulation des appels adressés au service d’aide médicale urgente (Samu), la prise en charge in situ des détresses médicales et la réalisation de soins d’urgence avant et durant le transport du patient, dans le cadre des services mobiles d’urgence et de réanimation (Smur) régulés par le Samu, ainsi que l’accueil continu et sans sélection des personnes se présentant en situation d’urgence dans les établissements de santé

»

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Ces possibilités de prise en charge répondent aux différents types et natures d’urgence, et à la célérité avec laquelle il est judicieux de pouvoir intervenir.

Les conditions liminaires à l’existence d’un service d’urgences au sein d’un établissement de soins sont de disposer de lits d’hospitalisation traditionnelle en médecine, et d’avoir accès à un plateau technique de chirurgie, de biologie, d’imagerie médicale in situ, ou par convention avec un établissement partenaire de soins54. Cette précaution révèle à quel point un service d’urgences ne saurait exister sans un après, à savoir les moyens lui permettant d’orienter convenablement les personnes dont l’état requiert une hospitalisation.

52 Ibid.

53 Le Sénat, Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires sociales sur les urgences

hospitalières, Op. cit., p.12.

23 Dès l’arrivée dans le service d’urgences, un tri précoce permet de déterminer le niveau de gravité du malade, selon des échelles validées, connues et partagées par tous les soignants55. A un niveau de gravité identifiée correspondent des soins de niveau adapté. Ainsi existe-t-il des circuits dénommés courts, pour les urgences non graves, et des circuits plus longs, pour toute situation nécessitant un recours au plateau médicotechnique ; les urgences vraies étant prioritaires. Si la terminologie utilisée est reliée au temps (circuit court/long), elle caractérise surtout la charge en soins nécessaires. Afin de garder à chaque filière ainsi définie homogénéité et cohérence, l’organisation actuelle consiste à ne pas mélanger des malades ne requérant pas le même niveau de soins. Au terme d’un passage au sein du service d’urgences, décision est prise de poursuivre les soins en hospitalisation (in situ ou par transfert vers un autre établissement de soins), ou en ambulatoire (médecine de ville ou consultation externe de l’hôpital), la prise en charge pouvant être plus ou moins finalisée, aboutie, selon le contexte.

La très grande majorité des services d’urgence, pour ne pas dire la quasi-totalité, dispose de lits d’hospitalisation dans une zone dédiée. Depuis 1991, les textes officiels ont instauré l’appellation d’Unité d’Hospitalisation de Courte Durée (U.H.C.D.)56, signifiant et spécifiant explicitement que le temps de séjour des malades dans ce service doit être limité. Le but d’un séjour bref est d’éviter de transformer cette unité en zone d’attente - l’expression de zone tampon est souvent utilisée pour caractériser cette unité d’hospitalisation - par rapport aux services d’hospitalisation de l’hôpital. En 1991, les malades affectés à cette unité d’hospitalisation requéraient soit un temps de réflexion avant leur orientation, soit quelques heures de surveillance. Ainsi, à l’issue de la prise en charge en U.H.C.D., leur orientation pouvait être soit une hospitalisation en service classique, soit une sortie. Dans ce texte princeps, il était spécifié que cette unité ne devait pas « […] être une unité de réanimation ou de soins intensifs. » 57. Au demeurant, exception pouvait être faite « pour des raisons liées à la structure

hospitalière, à l’organisation des responsabilités médicales et à une mutualisation des moyens au sein d’une entité centrée sur l’urgence et la réanimation, elle [l’U.H.C.D.] peut être en partie, une unité de soins continus, avec monitorage pouvant dépasser 24 heures pour patients à risque d’instabilité, nécessitant une densité de soins infirmiers

55 Société Française de Médecine d’Urgence, Le triage en structure des urgences, Recommandations formalisées d’experts, 2013.

56 Direction des Hôpitaux, Circulaire no DH.4B/D.G.S. 3E /91 — 34 du 14 mai 1991 relative à

l’amélioration des Services d’Accueil des Urgences dans les établissements à vocation générale : guide d’organisation.

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trop élevée pour permettre une hospitalisation ou le maintien dans une unité de soins classiques. »58. Cette unité devait donc rester une unité de soins légers, sauf particularité de fonctionnement local, à définir via les projets médicaux.

En 1995, une nouvelle appellation est venue remplacer l’unité d’hospitalisation de courte durée : la zone de surveillance de très courte durée (Z.S.T.C.D.)59. Encore une fois, la durée de l’hospitalisation était mise en avant, et même raccourcie (très courte

durée), sans doute pour insister sur la fonction de cette unité. Or, l’évolution du fonctionnement des services d’hospitalisation des urgences n’a pas été en faveur d’hospitalisations courtes, dévolues à la réflexion, mais plutôt à une zone d’attente, en vue d’une place dans un service d’hospitalisation de spécialité. Ainsi, la terminologie recommandée quelques années plus tard, en 2001, par la société savante, la Société Francophone de Médecine d’Urgence, reprenait la dénomination d’U.H.C.D. inchangée à ce jour. Il arrive néanmoins que cette dénomination varie selon les services, sans modification de la ligne directrice, celle d’une hospitalisation courte. La « philosophie » de ce lieu d’hospitalisation était en 2001 ainsi libellée par la société savante : « …un

séjour hospitalier de très courte durée, une efficacité et une efficience de la démarche médicale et des soins »60. L’utilisation du terme philosophie peut d’ailleurs apparaître comme une irruption incongrue dans un texte de recommandations. Ne fallait-il pas lui préférer le terme de finalité ? Utiliser le mot philosophie reste flou et n’attribue pas un cadre rigide, fermé, à cette unité. Néanmoins, oser le terme philosophie rend bien compte de la réalité du terrain : tenter, dans la mesure du possible, de ne pas prolonger le séjour au sein de cette unité, véritable centre névralgique, dont la vocation n’est pas d’assurer des soins au-delà de 24 heures. Pourtant, les traditions sont (encore) difficilement bousculées par les textes officiels et/ou recommandations ; l’appellation, dans le langage usuel restant encore parfois celle de service porte. L’origine de cette expression « porte » serait issue du XVIIIe siècle, période durant laquelle les malades étaient accueillis par la sœur portière, responsable de garder la porte de l’hôpital61. Le

service porte désignait ainsi le service situé à l’entrée de l’hôpital, car proche de la

58 S.F.M.U., Recommandations de la Société Francophone de Médecine d’Urgence concernant la mise en

place, la gestion, l’utilisation et l’évaluation des unités d’hospitalisation de courte durée des services d’urgence, JEUR 2001, 144-152.

59 Décret no 95-648 du 9 mai 1995 relatif à l’accueil et au traitement des urgences dans les établissements de santé et modifiant le code de la santé publique. JORF du 10 mai 1995 : pp 7588-9.

60 S.F.M.U., Recommandations de la Société Francophone de Médecine d’Urgence concernant la mise en

place, la gestion, l’utilisation et l’évaluation des unités d’hospitalisation de courte durée des services d’urgence, JEUR 2001, 144-152.

61 S. Le Quellec, Histoire des urgences à Paris de 1770 à nos jours, Thèse pour le doctorat en médecine, Faculté de Xavier Bichat, 13 Octobre 2000.

25 porte. La connotation implicite est aussi celle d’être à la porte, à la lisière entre le dedans et le dehors, telle une position hésitante, un entre-deux. Le premier service de ce type ouvert au sein de l’Assistance Publique fut celui de l’hôpital Broussais en 192862. Le but était d’héberger, au sein de ce service, des malades admis la nuit, entre 17 heures et 9 heures du matin.

Ainsi, l’organisation générale d’un service d’urgences est-elle conçue en fonction du niveau de gravité et du type de soins requis, lesquels définissent le parcours de la personne, tout au long de la prise en charge.