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Le temps comme un modèle pour l’action et le changement

La modélisation du temps telle que vue en intelligence artificielle est utilisée principalement à la modélisation du changement d’état. Un « état » est vu comme une situation stable par rapport au monde physique. Un changement est défini comme une modification de cette situation stable dans le temps vers une autre situation à nouveau stable.

Cette modification de situation est dès lors vue comme étant instantanée ou comme ayant une certaine durée. Ces deux visions sont consécutives à la primitive temporelle envisagée pour la modélisation (Pani and Bhattacharjee 2001).

i. Situation Calculus

Le « Situation Calculus » (SC) proposé par McCarthy et Hayes (McCarthy and Hayes 1969) est sans doute un des premiers systèmes de raisonnement décrivant l’action (Pani and Bhattacharjee 2001). Ce modèle propose une représentation du monde comme un ensemble de situations instantanées. Le monde y est décrit comme une succession de « snapshots » (instantanés) pour lesquels une description du monde y est donnée. L’état du monde reste stable jusqu’à ce qu’une action soit effectuée afin de transformer son état vers un nouvel état stable. L’action est considérée comme la transition entre les états, elle est donc constituée de la paire : situation initiale, effets. Le temps n’est pas représenté tel quel dans le SC, il est implicitement compris dans la notion de situation. Celui-ci a comme primitive l’instant et possède une structure linéaire et discrète. Un problème majeur de cette représentation est qu’elle ne peut tenir compte d’une notion de durée pour une action ou tenir compte d’effets reportés dans le temps pour une action (Yoav 1987). La structure discrète du temps rend également difficile la modélisation de la continuité du changement. Plusieurs problèmes ont

L’identité à travers l’espace et le temps Chapitre II.

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été soulevés concernant cette modélisation, dont certains directement par les auteurs. Il s’agit notamment de la complexité qu’entraîne une modélisation poussée, celle-ci devant notamment formaliser tout ce qui change et également tout ce qui ne change pas entre chaque état. La complexité y augmente donc rapidement de manière incontrôlable.

Une situation s est décrite comme l’état complet de l’univers à un instant donné.

Comme la description complète de l’univers est impossible, une simplification est nécessaire, seulement la partie intéressante pour l’analyse est décrite. Les auteurs parlent de « faits » relatifs à la situation. Ces faits sont utilisés pour déduire d’autres « faits » futurs à propos de la situation s ou d’une situation future. Les propriétés d’une situation sont qualifiées de

« fluents » (courants) qui déterminent la transition vers une situation nouvelle. Les fluents peuvent être vus comme une fonction booléenne relative à une situation. Afin d’expliciter la notion de situation et de fluents, partons de l’exemple suivant. Considérons 2 blocs A et B disposés sur une table et l’action de déplacer le premier bloc pour le déposer sur le second.

Afin de résoudre ce problème, une définition axiomatique de l’action « déposer dessus » doit être fournie :

Holds clear y Result Puton x y s

∧ ∧ ≠

« Puton » l’action de déposer un objet sur un autre. L’exemple précédent devient alors :

( ( ), 1) ( ( ), 1) ( ( , ), 1)

Le prédicat « Result » est alors appelé « Fluent », il fait le lien d’une action et une situation à une autre situation. Le prédicat « Holds » et la manière de représenter une situation par rapport à un instant seront largement utilisés dans les modèles d’inférences temporelles postérieures à celui-ci. Il sera d’ailleurs étendu afin de considérer des intervalles de temps.

ii. Mc Dermott

McDermott propose dès 1982 une première logique de raisonnement relative au temps (Mc Dermott 1982). Cette logique basée sur l’approche de la physique naïve de Hayes (McCarthy and Hayes 1969; Hayes 1990) a pour but une formulation naïve du temps utilisable pour inférer des connaissances. Ce modèle permet l’analyse de la causalité de phénomènes,

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de changements continus et de problèmes de décalage temporel. La logique de McDermott est, comme celle du SC basée sur la notion de « states » (états). Cependant, il inclut également une notion d’intervalle dans son raisonnement. L’intervalle y est défini comme une paire de points ou d’instants. Il considère également la relation d’ordre

interdisant le retour dans le passé. Son ontologie temporelle inclut la précédence, l’infinité passée et future, et finalement un « branching time » basé sur une structure hiérarchique des différentes possibilités futures.

Il nomme « chronicle » le chemin maximum au travers des différents états successifs du monde ; cela correspond à une possible histoire du monde. Le modèle effectue également la différence entre les faits et les événements. Un fait est un ensemble d’états définis comme vrais. L’événement quant à lui est l’intervalle (ou la période) durant lequel l’événement se produit, i.e. le changement d’un état du monde stable vers un autre état stable du monde. Ce modèle a surtout été utilisé dans des études de projections et de planification comme étude des différentes successions possibles d’événements et de l’effet d’actions sur l’état du monde (McDermott 1997).

iii. Le temps pour logique propositionnelle

La logique temporelle « Propositional Linear Temporal Logic » (PLTL) est une logique temporelle propositionnelle (Manna and Pnueli 1992). Elle est basée sur un ensemble de variables et principalement sur deux opérateurs booléens : Oet symbolisant respectivement une opération unitaire, i.e. signifie qu’ « à l’instant suivant il sera le cas que… » et l’opérateur temporel binaire, i.e. spécifie que la formule

f

1

f

2est vraie s’il existe un instant futur pour lequel

f

2 est vraie et tel que : pour tous les instants le précédant et suivant l’instant courant, la formule

f

1 est vraie (Balbiani and Condotta 2001). La formule de base du PLTL est :

( )

{

, , 1 2 , 1, 1 2

}

fA ¬f ff Of ff (2.37)

avec

A

une variable propositionnelle et

f f

1

,

2deux formules. L’axiomatisation du temps dans ce modèle est discrète, linéaire et finie dans le passé et infinie dans le futur. Cette logique est à la base de nombreuses modélisations spatio-temporelles, citons notamment les modèles de Balbiani (Balbiani and Condotta 2001) et Wolter (Wolter and Zakharyaschev 2000).

iv. Le temps comme base à une modélisation événementielle

Nous ne détaillerons volontairement pas toutes les approches temporelles événementielles. Cependant, pointons les travaux de Galton (Galton and Augusto 2002) qui propose un état actuel des notions d’événements dans le monde de la modélisation des bases de données ou de l’intelligence artificielle et la modélisation telle que proposée dans le domaine de la formalisation des connaissances. La première approche est souvent basée sur une notion événementielle associée à des instants tandis que la seconde considère plus

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généralement des intervalles de temps. Bien qu’une communication existe entre les deux domaines, cette dichotomie est souvent observable. D’autres auteurs ont travaillé sur la représentation et le stockage des événements (Gehani, Jagadish et al. 1992; Claramunt and Thériault 1995; Motakis and Zaniolo 1995; Worboys 2001; Worboys and Hornsby 2004;

Worboys 2005; Galton 2007). Dans ce type d’approche, l’information enregistrée ne fait plus l’état du monde entre deux instants, mais enregistre bien la transformation ou le lien qui peut être fait entre ses deux états du monde. Prenons comme exemple l’ensemble des habitations d’une rue. Deux de ces maisons sont repeintes afin de changer de couleur de façade. Une modélisation événementielle enregistrerait l’action de peindre les bâtiments et mettrait cette action en relation avec des objets bâtiments particuliers (ceux qui sont repeints). Dans une modélisation basée sur des états, l’action ne serait pas stockée en elle-même, mais bien les deux états des bâtiments avant et après peinture. L’action ou l’événement seraient alors retrouvés en comparant les modifications.

5. Raisonnement spatio-temporel qualitatif identitaire

Comme nous avons pu le constater, l’identité est définie comme la relation d’une chose à elle-même. Nous avons également remarqué que l’évolution de l’identité de l’objet au cours du temps a intéressé le domaine de la philosophie comme celui de l’informatique ou de l’intelligence artificielle. Dans le cadre d’une modélisation géographique, le suivi de l’identité dans le temps fait également partie intégrante des sujets de recherche actuels.