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Le temps extrascolaire de l’enfant a l’aube du XXI siècle à Genève

multiculturelle influe aussi le temps extrascolaire de l’enfant

1.4 Le temps extrascolaire de l’enfant a l’aube du XXI siècle à Genève

Le grand bouleversement crée par lʼapplication de la loi pour une école gratuite et obligatoire en Europe, comme nous venons de lʼanalyser, nʼa été que lʼanti-chambre dʼune modification profonde de la vie quotidienne de lʼenfant et de la famille, qui sʼest produite progressivement, tout au long du vingtième siècle et jusquʼà nos jours. Ce constat est repris par F. de Singly (2010) qui sur la base

dʼune idée défendue par Ph. Ariès (1960), soutient que la famille a été transfor-mée par la scolarisation.

Les sept mois de temps « extrascolaire », calculés par J.F. de Vulpillières en 1981 pour la France, correspondent assez bien au temps extrascolaire des petits éco-liers genevois jusquʼà aujourdʼhui et ceci alors que lʼon ne compte pas les heures de sommeil. Toutefois, lʼécole de quatre jours instaurée à Genève depuis 1997, suite à la suppression du samedi matin par les autorités cantonales, suscite dʼim-portants débats particulièrement depuis 2010. En effet, lʼadhésion de Genève à lʼAccord intercantonal sur lʼharmonisation de la scolarité obligatoire, HarmoS, ac-cepté par quinze cantons suisses sur vingt deux et entré en vigueur depuis le 1er Août 2009, force le Département de lʼInstruction Publique de Genève à promou-voir une augmentation du temps scolaire pour le cycle moyen (enfants de 8 à 11 ans), à partir de 2013. Cette mesure est enfin votée par scrutin populaire le 11 mars 2012. Concrètement, les enfants de 8 à 11 ans fréquenteront lʼécole le mer-credi matin de 8h à 11h30 faisant basculer la proportion des jours dʼécole (211 au lieu de 172) et des jours de congé (154 au lieu de 193). Nul ne doute des chan-gements provoqués par cette mesure. Cependant ces 136.5 heures récupérées au temps extrascolaire pour cette tranche dʼâge ne change pas lʼimmense poids de celui-ci. Sur les 8ʼ760 heures dʼune année, 7ʼ591 heures correspondront au temps extrascolaire des enfants de 8 à 11 ans à partir de la rentrée 2013. Pour les plus petits, ce temps sʼélève à 7ʼ728 heures par année.

Ce changement vient, par ailleurs, interrompre la tendance manifeste tout au long du vingtième siècle à Genève visant à réduire de plus en plus le temps dʼécole des enfants. A voir ensuite sʼil sʼagit dʼune nouvelle tendance qui se dessine pour ce nouveau siècle où lʼécole reprendra plus dʼimportance tant en termes de temps, que de ses programmes, où sʼil sʼagit uniquement d'un souci dʼhomogé-néiser lʼéducation entre les différents cantons suisses.

Cet imposant temps disponible par année, concerne plusieurs types de temps différents : le temps des vacances, le temps des week-ends, les jours de congé hebdomadaire ainsi que le temps extrascolaire des jours dʼécole et concrètement toute une panoplie dʼactivités quotidiennes de lʼenfant ayant lieu en dehors des heures dʼécole, depuis les plus courantes au plus singulières. Se nourrir, dormir, se laver, sʼhabiller, se déplacer, jouer, sortir, faire du sport, faire des activités créa-tives, voir un spectacle, suivre des cours en dehors de lʼécole, se reposer, faire ses devoirs, se promener, faire des achats, visiter des amis, entre tant dʼautres.

Les heures dʼécole, par contre, touchent des horaires fixes et semblables pour

tous les enfants fréquentant lʼécole publique. En principe, censés être des horai-res les plus propices à lʼacquisition dʼun enseignement.

Bien que tous les enfants comptent exactement avec le même temps extrasco-laire, (en dehors de ceux inscrits dans les écoles privées où les horaires peuvent varier), toutes leurs activités peuvent avoir des durées fort différentes et se dérou-ler dans des contextes infiniment variés, créant des disparités très importantes dʼun enfant à lʼautre.

Peu dʼétudes peuvent affirmer connaître quels sont les facteurs les plus détermi-nants de lʼemploi du temps des enfants et dans quel sens ils fonctionnent. Maintes études cependant, montrent lʼinfluence du genre, de la situation socioprofession-nelle des parents, de lʼactivité professionsocioprofession-nelle de la mère, de la nationalité, ou dʼautres variables, mais dʼune part, elles nʼabordent quʼun certain type dʼactivités enfantines et dʼautre part, elles analysent plutôt la fréquentation à ces activités ou les interactions des enfants dans ces activités, que le temps quʼelles prennent dans la journée de lʼenfant.

Il est bien connu quʼà lʼheure actuelle, un grand nombre dʼenfants participe à une diversité dʼactivités artistiques, culturelles, sportives et de loisirs, en dehors de lʼécole. Ces activités sont organisées par des institutions, publiques et pri-vées, spécialisées dans chacun de ses domaines. En vue dʼaméliorer leurs prestations et de rationaliser leurs ressources, plusieurs dʼentre elles réalisent des sondages rendant compte de lʼévolution de leurs effectifs des caractéristi-ques des leurs usagers, de leur taux de satisfaction, etc. Les institutions extra-scolaires les plus ciblées pour ce genre dʼétude à Genève, sont celles du type parascolaire (restaurant scolaire, accueil parascolaire, activités surveillées pour lʼaide aux devoirs scolaires) ou du type périscolaire (centres de loisirs, maison de quartier, terrains dʼaventures, conservatoire de musique, centres sportifs, etc.) dépendant des finances publiques. Rares sont les enquêtes qui analysent lʼensemble des institutions extrascolaires.

Durant cette dernière décennie quelques travaux plus globaux sur la fréquenta-tion par les enfants de ce type dʼinstitufréquenta-tion ont été effectués. (Deux à Genève, réalisés par le Service de recherche en éducation, dont un réalisé sur la base dʼune partie des données de la présente recherche). Lʼintérêt de ce type de ré-sultats est réel. En plus de détecter le taux de fréquentation par les enfants de chaque type dʼinstitution, de repérer le type de public touché en fonction de dif-férentes variables sociodémographiques, de formuler des hypothèses sur les

motivations éventuelles des parents, de découvrir les activités les plus cotées et les moins cotées, etc., lʼobjectif final de ce genre dʼenquête est de mieux connaî-tre lʼutilisation dʼun ou des services publics concernés ainsi que la demande des parents, afin de pouvoir améliorer lʼoffre destinée aux enfants. La dernière étude de ce type réalisée à Genève (SRED, 2010), interroge les parents ayant des enfants dans lʼenseignement primaire, sur les prestations en lien avec ces mê-mes organismê-mes de prise en charge et les horaires dʼécole, en vue dʼun réamé-nagement du temps scolaire et, par conséquent, extrascolaire.

Les résultats de ce travail montrent que les lieux de socialisation en dehors de lʼécole divergent en fonction de différents facteurs, mais particulièrement en fonction de la situation familiale et professionnelle de la mère, des facteurs so-cioéconomiques, ainsi quʼen fonction de la nationalité. Concrètement, à Genève, un tiers des enfants scolarisés ne fréquente aucun lieu de prise en charge para-scolaire durant les jours dʼécole, alors que 11% en bénéficie tous les jours. Les enfants restent deux fois plus au restaurant scolaire quʼaux autres moments de la journée (matin ou soir), dʼailleurs près de 50% des enfants reste au moins un jour pour le repas de midi à lʼécole. Bien que les enfants de tous les milieux so-cioéconomiques soient usagers du parascolaire, ceux qui y font appel tous les jours appartiennent majoritairement aux milieux défavorisés ou modestes. Le mercredi, 80% dʼenfants nʼont pas de prise en charge extra-familiale, en dehors des cours hors école suivis régulièrement.

Concernant les activités extrascolaires suivies régulièrement, la participation est plus forte chez les enfants suisses que chez les enfants étrangers (80% contre 60%). Lʼécart est encore plus fort lorsque lʼon compare les enfants des cadres supérieurs avec les enfants de familles à faible revenu et à formation élémen-taire (84% contre 60%). Les activités sportives sont les activités régulières les plus suivies et avec le moins dʼécart socioéconomique, alors que les activités artistiques et culturelles sont dʼavantage suivies par les enfants des milieux fa-vorisés. Les cours de langue se différencient entre ceux dʼanglais suivis plutôt par des francophones issus des milieux favorisés, par rapport aux cours de lan-gue maternelle touchant des enfants tous milieux confondus. (Pecorini, Jaunin, Ducret, Benninghoff, 2010)

Ces informations importantes sur la situation de prise en charge extrafamiliale des enfants en dehors de lʼécole, nʼabordent cependant quʼun aspect restreint du quotidien des enfants. De plus, on constate quʼun tiers des enfants nʼest pas du tout touché par la prise en charge parascolaire et quʼun quart des enfants

nʼest pas du tout touché par les cours hors école, ce qui laisse imaginer que pour ces enfants-là cʼest le cadre familial restreint ou le réseau familial leur seul lieu de socialisation.

Lʼintérêt de notre recherche est très différent. Nous sommes loin dʼune étude dʼimpact de modification dʼhoraire scolaire ou dʼun sondage de satisfaction ou non de la part des parents par rapport aux prestations des institutions para- et périsco-laires, très légitime, par ailleurs. Nous tenons à analyser lʼemploi du temps extra-scolaire global de lʼenfant, cʼest-à-dire lʼensemble de ses activités durant la jour-née. Bien plus que de savoir qui le prend en charge, nous tenons à savoir ce quʼil fait durant sa journée, avec qui et pendant combien de temps. Nous tenons aussi à découvrir comment il vit son quotidien, ce quʼil pense de ce quʼil fait, ses motiva-tions, ses rêves et ses déceptions. Bref, le centre de notre réflexion et de notre recherche est lʼenfant considéré comme un sujet à part entière.

Les représentations sociales les plus courantes du temps extrascolaire des en-fants sont diverses et variées. La plus habituelle, est celle qui présume que les enfants passent une grande partie de leur temps libre devant la télévision, par opposition aux longs moments de jeux dʼune supposée époque passée. Celle qui suit dans le même sens, prédit que les jeux vidéo doivent être aussi en pre-mière loge aujourdʼhui.

Une autre représentation que lʼon entend assez souvent aussi est celle qui es-time quʼactuellement on assiste à une suroccupation des enfants que lʼon « leur fait faire trop de choses, trop de cours hors école », quʼils ont des « agendas de ministres », ne leur laissant pas le choix de ne rien faire. J. Chesneaux (1996), parlant de leurres et servitudes des temps personnels, nourrit aussi cette idée dans son analyse du temps: « Chacun tend à penser sa vie en termes de plans et de programmes, quʼil sʼagissent de carrière ou dʼéquipement ménager, dʼépargne ou même des loisirs. Le conditionnement commence dès lʼenfance avec le programme dʼactivités dites libres, et les chers petits perdent toute ca-pacité dʼinitiative quand survient une heure « creuse » ». (Chesneaux, 1996, p.

54-55) Enfin, certaines représentations sociales considèrent que les enfants dʼaujourdʼhui ont beaucoup de chance, car ils ont tout un éventail de possibilités pour remplir leur temps extrascolaire à la différence de ce qui était à disposition dans le passé. Cette étude pourra répondre à ces représentations et à bien dʼautres.

1.5 Modèle d’analyse et hypothèse