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Des facteurs de vulnérabilité biophysiques et sociau

1. La temporalité de l’aléa

L’endommagement est conditionné par les caractéristiques de l’aléa : hauteur d’eau, vitesse d’écoulement, débit, etc. Dans le cas parisien, la tem- poralité de l’aléa constitue un facteur de vulnérabilité supplémentaire.

En cas de crue centennale, l’inondation correspondrait à une montée des eaux de 50 cm à 1 m par jour, la décrue prenant plusieurs semaines (six en 1910, la crue ayant été suivie par une deuxième crue de l’Yonne puis par un épisode de hautes eaux). Il faut environ dix à quinze jours entre le

dépassement de la cote d’alerte de 3,20 mètres (29,12 mètres NGF) et le maximum de crue considéré (soit 8,62 mètres soit 33,54 mètres NFG ) sans qu’aucune différence significative au départ puisse annoncer une crue plus ou moins importante.

Or, la temporalité de l’aléa n’est pour l’instant que peu prise en compte. Par exemple, dans les études de l’IIBRBS, la durée de submersion n’est pas retenue : les estimations reposent sur des courbes d’endommagement, construites à partir de valeurs du couple hauteur d’eau/pourcentage d’en- dommagement. Pourtant, comme le soulignent certains auteurs, la prise en compte des durées de submersion dans les fonctions d’endommagement est « un paramètre peu utilisé mais tout aussi important que les hauteurs de submersion. (Chiroiu et alii , 2003, p. 1) » Ces mêmes auteurs précisent : « il est évident que plus la stagnation est longue, plus les dommages sont importants. En effet, les matières biologiques commencent à pourrir, les mortiers se désagrègent, les matériaux métalliques rouillent tandis que les germes pathogènes se multiplient d’autant plus que la température de l’eau stagnante est élevée. »

Il faut aussi souligner que même des hauteurs peu élevées peuvent être extrêmement dommageables si l’eau stagne longtemps. Il existe d’ailleurs un seuil de submersion au-delà duquel les dommages seront irréversibles : ce seuil est mal connu mais l’on sait que pour certains enjeux, il peut être très court. Ainsi, certains matériaux comme le plâtre sont rapidement détériorés. Enfin, il existe un décalage temporel entre la submersion de surface et l’écoulement d’eau dans les sous-sols, qui peut avoir dix jours à trois semaines de retard sur l’inondation de surface. Par exemple, en 1910, l’eau était arrivée dans les sous-sols de Saint-Lazare entre quinze jours et trois semaines après le début de l’inondation. Ce décalage induit un retard dans la mise en place des actions de réparation.

Par ailleurs, la dynamique de la montée des eaux ne permet pas de prévoir le déroulement de la crue au-delà d’un délai de 72 heures. « La visibilité sur la survenance d’une crue majeure n’excédera pas trois jours » rappelle la secrétaire générale de la zone de défense d’Île-de-France, lors des Petits Déjeuners du SIPPEREC1, le 13 avril 2005. Lors des entretiens avec

la cellule inondation et la DIREN, il est même apparu que la précision à trois jours n’était pour l’instant pas atteinte et que les services d’annonce des crues cherchaient à améliorer le délai2.

1Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l’électricité et les réseaux de

communication.

2Les services d’annonce des crues ont d’ailleurs été réorganisés pour accroître leur

efficacité : le suivi des cours d’eau est d’ailleurs disponible sur internet en temps réel. Ce service est utilisé par l’ensemble des acteurs que nous avons rencontrés.

Les responsables des services de prévision expliquent que ce délai très bref résulte de la vitesse de montée des eaux, elle-même liée au comporte- ment de l’Yonne, dont le bassin-versant a un temps de réaction très court. En 1910, il n’a fallu qu’un jour pour passer de 5 à 6 mètres, ce qui repré- sente la hauteur butoir de mise en alerte, les premiers dégâts survenant sur la ligne C du RER à 6,20 mètres à l’échelle Paris-Austerlitz.

Cette temporalité de l’aléa impose aux gestionnaires d’opérer des choix

en situation d’incertitude, et ce même si les seuils d’alerte sont calculés de

façon à minimiser cette prise de risque. Le responsable de l’IIBRBS nous parlait du cas de certains bâtiments dans lesquels on ne peut déplacer une cuve de chauffage installée au sous-sol que jusqu’à une certaine hauteur d’eau. Si la décision est prise trop tard, le système de chauffage est détruit. Si elle est prise trop tôt, les coûts induits par l’absence de chauffage seront très élevés. Il en va de même pour les entreprises de fabrications où le dépla- cement des machines est coûteux et demande d’interrompre la production. Le cas du réseau RATP est ici intéressant. Lors des entretiens, les res- ponsables DIREN, IIBRBS et la responsable de la cellule de crise inondation ont en effet évoqué le cas de la crue 1982 où l’eau est montée à 6,18 mètres. Le lendemain, seule l’annonce in extremis de la baisse du niveau des eaux a permis d’éviter la décision d’ennoiement.

Le responsable de la RATP précisait lors de notre entretien que la déci- sion de mettre en place des dispositifs de protection se prend « à l’aveugle » : la RATP a par exemple prévu de commencer à murer les entrées d’eau recen- sées sans en connaître l’utilité réelle à terme. Notre interlocuteur soulignait la complexité du problème avec le cas de la gare de Lyon où la mise en place des dispositifs de protections demande de couper la circulation auto- mobile, ce qui entraîne des perturbations majeures pour le trafic. Au cours de la réunion à l’AFPCN déjà citée, un autre responsable RATP évaluait à 300 millions d’euros le coût de la mise en œuvre du plan. Selon les esti- mations de la régie, ce plan sera lancé en moyenne trois fois par siècle dont deux fois pour rien. Pour le responsable, le plus dur est de faire comprendre aux élus la nécessité de mettre en place un dispositif si coûteux sans avoir la certitude que la crue le justifiera.

Enfin, bien que ce cas n’ait pas été mentionné explicitement dans les entretiens, se pose le problème de la décision de la procédure d’évacua- tion : il s’agit de donner l’ordre au bon moment afin de ne pas engager de dépense inutiles, mais de laisser un laps de temps suffisant pour évacuer dans de bonnes conditions. En outre, les responsables de la mairie de Paris soulignaient que les personnes refuseront vraisemblablement d’évacuer tant qu’elles ne seront pas inondées.

2. Un aléa qui ne peut être supprimé malgré les solutions tech-