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Des risques induits hybrides susceptibles d’affecter des ter ritoires non inondés

Le scénario catastrophe envisagé aujourd’hu

2. Des risques induits hybrides susceptibles d’affecter des ter ritoires non inondés

L’inondation pourrait entraîner des risques secondaires dans et hors de la zone inondable. Le risque sanitaire est par exemple important avec la contamination du réseau d’eau potable par des matières en suspension. Les gestionnaires de la DIREN et des divers distributeurs d’eau potable s’inter- rogent ici sur l’opportunité de couper l’eau : on s’orienterait davantage vers la coloration de l’eau du robinet pour indiquer aux populations que cette eau n’est plus potable, mais qu’elle peut être utilisée pour les toilettes, la vaisselle, etc.

Les gestionnaires redoutent également des pollutions d’origine chimique. Ces pollutions peuvent d’abord provenir des sols de certaines friches indus- trielles contaminés par des métaux lourds, qui peuvent être libérés en cas de crue. Le cas des terrains Renault et Citröen dans les Hauts-de-Seine est ainsi préoccupant. Lors d’une communication orale, A. Guillerme rappe- lait cependant que, la plupart du temps, ces polluants sont piégés sous les chaussées ou les dalles, ce qui réduit le risque. Il est à noter ici qu’il existe peu de renseignements sur ce sujet et que les associations qui travaillent sur la question peinent souvent à trouver des données.

Plus largement, certaines industries pourraient être inondées et libérer dans l’eau des produits toxiques, ce qui induiraient des dommages envi- ronnementaux importants et des risques sanitaires. Il faut savoir ici que plusieurs établissements classés, soumis à déclaration ou à autorisation, se trouvent en zone inondable. Beaucoup sont situés dans la zone de Genne- villiers. Ces établissements ressortent d’une réglementation stricte et sont très surveillés par la DRIRE. Les PPRI imposent désormais la prise en compte du risque inondations. À l’heure actuelle, des mesures de mises en conformité sont à l’étude et en cours d’application : les entreprises doivent proposer à la DRIRE un plan de mise aux normes, qui est ensuite avalisé. La DRIRE laisse du temps aux entreprises car ces mesures sont souvent très coûteuses.

En cas de non-respect des prescriptions du PPRI, la DRIRE dispose d’outils de coercition et de sanctions — contrairement aux DDE pour les particuliers. Dans ces conditions, la DRIRE semble avoir pris la mesure du risque inondation, mais de l’aveu même des responsables interrogés, l’am- pleur de la crue laisse présager des imprévus qui pourraient avoir des consé- quences très lourdes qu’on ne sait pas évaluer pour l’instant. La défaillance d’une protection peut ainsi entraîner des pollutions graves. En outre, de nombreuses inconnues subsistent : par exemple, la question des cuves des stations services, et notamment des stations fermées où les cuves n’ont pas été retirées, est un sujet de préoccupation.

Des risques sociétaux peuvent également survenir. Les pouvoirs publics craignent en particulier une désorganisation du corps social — mouvement de panique, émeutes — et des actes de malveillance — vols, dégradations volontaires. Nous avons pu noter lors de nos entretiens que l’expérience de la Nouvelle-Orléans avait joué un rôle important dans la prise en compte de ces questions. Plus largement d’ailleurs, le cas de la Nouvelle-Orléans a été mentionné à plusieurs reprises par des acteurs, publics ou privés. Pour un gestionnaire par exemple, « les images de pillages en zone inondée pourraient

favoriser des comportements égoïstes ou un sauve-qui-peut », qui déstabili-

seraient l’unité du corps social .

Certains de nos entretiens nous ont cependant donné l’impression que l’enjeu était au final moins un problème éthique qu’une question d’image du politique et de l’administration. Ainsi, un responsable de la mairie de

Paris nous indiquait qu’« un sauvetage à 90 ou 95% des sinistrés sera perçu comme un échec collectif ». À la préfecture, un responsable soulignait que l’on ne pouvait héberger des personnes âgées pendant plusieurs semaines sur des lits pliants, car « l’image donnée serait désastreuse ». Il s’agit là d’une réponse à une évolution de la société pour laquelle l’image de la crise, avec les désordres inhérents à la situation, est devenue intolérable.

Par ailleurs, la menace terroriste est prise très au sérieux. Cette pré- occupation était déjà sensible lors des entretiens réalisés début 2004, mais elle semblait particulièrement forte lors des entretiens réalisés au cours de l’année 2005 et au début de l’année 2006. On touche ici à des questions très sensibles sur lesquelles les gestionnaires communiquent avec beaucoup de réticences.

À deux reprise, la consultation du tome 2 du plan de secours zonal nous a été refusée. Dans le premier cas, l’acteur interrogé a évoqué le fait que ce tome n’était pas prêt. Or, nous avons vu chez un acteur le tome en question. Ce second acteur a justifié son refus en nous signifiant clairement que les données contenues dans ce tome ne devaient pas être diffusées car elles touchaient à la sécurité nationale. La question de la diffusion du document semblait d’ailleurs poser problème puisqu’au départ, il devait être rendu public, au même titre que le tome 1.

La répartition des forces de police et de gendarmerie, ainsi que celle des moyens militaires, reste actuellement problématique. Selon les données communiquées par la mairie de Paris, outre les effectifs de police, on dispose de 10000 militaires, dont 2000 réservés à la logistique. CRS et gendarmes pourraient intervenir sur demande. Parallèlement, les acteurs privés sont invités à mettre en place leur propre service de sécurité : c’est le cas de la RATP, qui prévoit de mobiliser des vigiles pour assurer des rondes dans le réseau fermé en surface ou de la Société Générale, qui fera garder l’accès à la tour.

Les effectifs civils et militaires seront déployés sur toute l’aggloméra- tion, avec une priorité donnée aux sites stratégiques et à l’évacuation des personnes. L’inconnue principale est ici l’état du reste du pays. En cas d’inondations multiples simultanées, notamment dans l’est ou le nord de la France, il faudrait redéployer ces personnels.

3. Des perturbations liées au statut de capitale politique