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Des enjeux sur lesquels repose le fonctionnement de la mé tropole

La spécificité du risque dans une métropole à la lumière de

2. Des enjeux sur lesquels repose le fonctionnement de la mé tropole

Parallèlement à des enjeux spécifiques aux fonctions métropolitaines, certains enjeux permettent le fonctionnement de la métropole. Ces enjeux ne sont pas spécifiques à la métropole dans la mesure où on les trouve ailleurs, mais leur densité y est beaucoup plus grande.

a. Le rôle des réseaux critiques d’énergie et de transport

Dans le cas parisien, les réseaux d’énergie et de transports ont été iden- tifiés par les gestionnaires comme l’un des principaux facteurs de l’augmen- tation de la vulnérabilité. Ainsi, l’IAURIF note que « différents facteurs conduisent à une fragilité urbaine toujours plus grande face aux risques naturels : la concentration de certains équipements, activités ou infrastruc- tures, la dépendance envers le système de transport, les gestions centralisées et de plus en plus informatisées de l’eau, de l’énergie et des communications. (, 2004, p. 2) »

Le cas francilien montre à quel point les réseaux ont pris une place importante dans notre vie quotidienne, au point d’être désormais considé- rés comme des infrastructures « critiques ». Cette expression désigne des éléments stratégiques dont l’endommagement pourrait compromettre la sa- tisfaction des besoins élémentaires nécessaires au quotidien des populations et/ou la gestion de la crise. Ces infrastructures critiques remplissent un rôle fondamental dans la société puisqu’elles assurent les services essentiels à la vie, la survie et la sécurité des populations ainsi que le fonctionnement de l’économie.

La particularité des réseaux de la métropole francilienne est qu’ils sont de plus en plus étendus et de plus en plus complexes car interconnectés : la dépendance ainsi créée favorise la propagation du sinistre d’un réseau à l’autre ce qui décuple les pertes tandis que la complexité rend plus difficile l’appréhension des vulnérabilités au sein même du réseau.

L’interconnexion peut être nécessaire pour le fonctionnement même du réseau (exemple du réseau électrique qui alimente de nombreux autres ré- seaux). Mais, dans le cas des grandes villes, elle offre surtout des avantages économiques : l’interconnexion de plusieurs réseaux d’un même secteur per- met aux entreprises d’accéder à de nouveaux marchés et donc d’accroître si- gnificativement le nombre de clients de leur réseau. Au final, un double mou- vement est aujourd’hui en cours : on construit des réseaux qui connectent de plus en plus d’agents tandis que l’interconnexion de réseaux déjà com- plexes et internationaux va croissante. Selon E. Michel-Kerjan, ceci a une

triple conséquence : l’augmentation du nombre d’agents utilisateurs signifie l’augmentation du nombre d’agents dépendants de ce réseau ; interconnec- ter des réseaux augmente l’interdépendance entre ces réseaux ; l’utilisation grandissante des réseaux conduit à accroître les risques propres au réseau, mais aussi à « décupler les niveaux de risques » (Michel-Kerjan, 2000).

Le réseau de distribution d’électricité est une bonne illustration des pro- blèmes que pose l’interconnexion dans la mesure où, en dehors de la desserte des particuliers, il permet l’alimentation des entreprises de toute nature ainsi que des équipements stratégiques comme les hôpitaux. L’alimentation en électricité est également essentielle à la téléphonie et aux télécommuni- cations en général (internet par exemple). Les vulnérabilités liées au réseau EDF-RTE sont énormes car peu ou prou, tous les autres réseaux dépendent de l’approvisionnement en électricité. De fait, la plupart des entreprises ont essayé de mettre en place des mesures de substitution en développant des moyens de production autonome de courant.

D’autres tentent de diversifier les sources d’alimentation : par exemple, toutes les grandes stations d’eau potable de l’Île-de-France disposent d’au moins deux alimentations électriques distinctes provenant de postes sources différents. Mais même dans ce cas, il n’est pas certain que les conditions gé- nérales de fourniture du courant soient suffisantes pour les faire fonctionner. Par conséquent, l’interdépendance entre les réseaux et l’absence de solution alternative à même de leur garantir une autonomie relative est un facteur de vulnérabilité majeur pour les sociétés contemporaines et les grandes mé- tropoles en particulier.

Cette interdépendance pose en outre un problème de gestion car elle suppose une coordination et une coopération entre différents acteurs. Ainsi, en cas de crise, c’est EDF qui choisira les secteurs à alimenter en priorité. Comme le rappelle J. Cavard et al. (Cavard et alii , 1998), il est loin d’être assuré que les plans de coupure qui seraient mis en œuvre privilégieraient par exemple l’alimentation en eau potable face à d’autres activités régionales, économiques ou stratégiques. De fait, l’interdépendance entre réseaux réduit la marge de manœuvre pour la gestion de crise au niveau de chaque réseau, chaque acteur devant prendre en compte les options de gestion du réseau dont il dépend.

L’analyse des vulnérabilités liées aux réseaux de transports en commun confirme également le rôle stratégique de ce réseau pour la métropole : ces ré- seaux ont bien un rôle structurant pour les territoires métropolitains (Offner et Pumain, 1996). En Île-de-France, les distances des migrations alternantes se sont accentués, passant en moyenne sur la région parisienne de 12,3 km en 1993 à 30,2 km en 2000. Si l’on s’intéresse aux seuls flux de cadres, on note que parmi les 23 plus grands pôles régionaux d’attraction figurent quatorze arrondissements parisiens (Merlin, 1997, 2003). Le viii earrondissement at-

en moyenne pour plus de 6% de l’emploi de leurs cadres. Le xve arrondis-

sement arrive en deuxième position avec 28000 navetteurs.

En banlieue, les mouvements de cadres sont structurés par les pôles péri- phériques assemblés autour de la Défense. Courbevoie accueille 27000 navet- teurs pour 31000 emplois, Puteaux, 28000 navetteurs pour 31000 emplois, Nanterre, 20000 navetteurs pour 22000 emplois. De tels pôles apparaissent aussi au sud (Créteil, Évry, Massy, Orsay) et au sud-ouest avec Vélizy, Ver- sailles et Issy-les-Moulineaux (Berroir et alii , 2004, p. 50). Lorsque plus de 80% des cadres habitent loin de leur lieu de travail, on conçoit aisément la catastrophe économique que peut constituer l’interruption de la migration alternante et de fait, les vulnérabilités indirectes associées aux réseaux de transports.

On peut également illustrer ce point par deux exemples tirés de nos en- quêtes. Nous avons d’abord rencontré le cas d’une maison d’édition qui a délocalisé ces activités en banlieue pour réduire les frais de location des bu- reaux. Son personnel (une cinquantaine d’employés) habite majoritairement à Paris et est très dépendant des transports en communs et de la route. Le site lui-même n’est pas inondable et ne risque pas a priori de coupure de courant. En revanche, l’activité risque d’être interrompue à une période cri- tique de l’année (le moment des bons à tirer pour les ouvrages destinés aux scolaires) si les gens ne peuvent pas se rendre à leur travail. De son côté, le responsable de Société Générale interrogé rapprochait les conséquences des perturbations des transports en commun avec l’expérience des grandes grèves de 1995, qui avaient provoqué des dysfonctionnements importants pour l’entreprise.

b. Les nouvelles technologies de l’information et de la communi- cation

La plupart des entretiens ont fait ressortir l’extrême dépendance des activités aux nouvelles technologies de l’information et de la communica- tion. Les technologies de l’information et de la communication (TIC) ou nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) dé- signent généralement ce qui est relatif à l’informatique connectée à internet et plus largement aux télécommunications et aux réseaux informatiques. Sont regroupés sous cette dénomination le multimédia, les services informa- tiques et les logiciels, le commerce électronique et les médias électroniques, la microélectronique, l’équipement informatique, etc.

Ces NTIC sont par exemple essentielles au fonctionnement des activités de finance. Une salle de marché regroupe de multiples ordinateurs reliés à internet ainsi que des téléphones qui permettent au trader d’être relié en temps réel à des clients répartis sur l’ensemble du globe et de recevoir de

multiples informations sur l’évolution des cours boursiers, l’actualité inter- nationale, etc.

La dépendance à l’informatique est également essentielle pour les opé- rateurs de réseaux : le réseau RATP est dirigé à partir d’un PC central entièrement informatisé. Ce PC, qui servira aussi de PC de crise, se situe en sous-sol de la gare de Lyon, c’est-à-dire dans l’un des espaces les plus à risque de la capitale. Il est absolument inenvisageable de le déplacer. Sa protection est donc un impératif.

Un autre exemple intéressant est celui de mairie de Paris. Du fait de la localisation des équipements en zone inondable, le réseau informatique et téléphonique risque d’être totalement arrêté. Le responsable de la cellule de crise indique que « le démontage et la mise hors d’eau de ces équipements

n’empêchera ni la paralysie, ni un retour à la normale très long, sachant qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas de plans de secours ni de site de repli ».

Si certaines fonctions comme la paie des fonctionnaires, le paiement des allocations, etc. seront assurées par le Trésor public général, la gestion in- formatisée des véhicules de la propreté par exemple sera interrompue. L’un de problème majeur réside dans l’insuffisance des mesures de sauvegardes informatiques. La remise en fonctionnement est estimée à une durée d’un an. Une étude est actuellement en cours pour un plan de sécurisation du réseau informatique dans une situation de crue majeure.