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La spécificité du risque dans une métropole à la lumière de

3. L’image comme enjeu

Dans un rapport de l’Agence régionale de développement publié par la Direction régionale de l’équipement (Baudoin, 2003, 15), on peut lire que « la compétitivité de la région doit être également conservée, en particulier,

face aux risques naturels qui peuvent ralentir sévèrement son rythme de pro- duction. » Or, cette compétitivité semble également reposer sur la question

de l’image.

Pour S. Sassen par exemple, « le caractère international des grandes métropoles ne réside pas uniquement dans leur infrastructure de télécom- munication ou dans la présence de sociétés multinationales (Sassen, 1991) » : il tient également à l’image de la ville, qui devient désormais un gage de compétitivité dans la situation de concurrence féroce que se livrent les mé- tropoles. L’image est un facteur d’attractivité au fondement de plusieurs activités essentielles à l’économie locale, régionale et nationale.

Il ressort de nos entretiens que l’image de la métropole parisienne, qui se confond encore largement avec celle de la ville-centre, est devenue un enjeu majeur. Cet enjeu n’est pas exprimé explicitement par les pouvoirs publics, mais il se devine au travers de certaines remarques. Il apparaît en revanche clairement dans le discours de la mairie de Paris et des responsables d’établissements financiers d’envergure internationale.

L’image de Paris attire les investisseurs nationaux et étrangers qui contri- buent directement à la bonne santé de l’économie régionale et nationale. Un salarié francilien sur huit travaille dans un groupe étranger. Les investisseurs plébiscitent l’accessibilitée, la qualité de la main-d’œuvre, mais aussi la qua- lité de vie qui, selon une enquête menée par Healey and Baker et reprise par l’IAURIF, « constitue un élément décisif au moment du choix final ». On peut ici se demander quel serait l’impact d’une inondation sur cet investis- sement. Il faut aussi noter que selon une enquête de l’Agence régionale de développement, le premier critère de choix d’une implantation est le trans- port, les télécommunications, la sécurité. On voit ici apparaître deux enjeux cités précédemment (transports et télécommunications) et la question de la sécurité qui renvoie à l’image.

On peut appréhender indirectement le poids de l’enjeu-image au travers de la question du tourisme. Nous avons interrogé plusieurs acteurs sur le sujet, en particulier les chambres de commerce et d’industrie, qui ont in- diqué n’avoir aucune information précise sur l’impact d’une inondation sur l’activité touristique. En revanche, les chiffres communiqués donnent une idée de l’importance de cette activité qui repose sur l’image.

La capitale accueille chaque année près de 26 millions de personnes, dont 18 millions d’étrangers. Si l’on ajoute la région parisienne (avec notamment le pôle de Marne-la-Vallée), l’Île-de-France a accueilli, en 2005, 33,6 millions de nuitées (tourisme d’affaires et de loisirs confondus)6.

Les enjeux économiques du tourisme sont considérables puisque selon la CCI de Paris, l’activité permet de faire vivre plus de 140000 emplois directs et 150000 emplois indirects et induits, soit au final 15% des emplois tou- ristiques nationaux. En 2002, le chiffre d’affaires était estimé à 14 milliards d’euros. En 2004, le chiffre d’affaires de l’hôtellerie était de 3,4 milliards d’euros, celui de la restauration de 5,5 milliards. L’endommagement du pa- trimoine historique et paysager, ou même la fermeture provisoire, auraient des conséquences très lourdes. Plus largement, l’inondation dégraderait l’at- tractivité de Paris : qui voudrait se rendre dans un lieu souillé par la boue ? De plus, Paris n’est pas qu’une ville de loisirs, elle est aussi la capitale des salons internationaux : l’accessibilité de la capitale et la qualité des infrastructures d’accueil se combine à l’image de destination touristique de qualité pour les étrangers. Ce tourisme d’affaires constitue une activité métropolitaine par excellence.

L’impact économique de ces manifestations est important : selon la CCI de Paris, en 1998, les foires et salons avaient rapporté 3,3 milliards d’euros, les visiteurs et exposants avaient réalisé 2,9 milliards d’euros de dépenses, dont 1,15 milliards d’euros pour les activités liées au tourisme. Toutefois, la concurrence est grande avec les autres villes européennes, en particulier les

6Observatoire économique du tourisme parisien, Office du tourisme et des Congrès de

métropoles allemandes que sont Hambourg, Munich, Leipzig ou Francfort, même si Paris reste la première ville de congrès au monde.

Ajoutons qu’au-delà de l’impact économique, l’activité touristique, de loisir ou d’affaires, participe à la promotion de l’image de la ville et donc à l’attrait des investisseurs étrangers.

Dans ces conditions, l’image de Paris devient un véritable enjeu, non seulement pour la ville, mais pour la région et pour la France. Une inonda- tion pourrait provoquer des pertes immédiates, les touristes et les congrès ne se rendant plus dans la capitale, mais avoir également des effets à moyen et long termes, en particulier pour les investissements étrangers. Les rivales de Paris pourraient profiter de l’inondation pour « récupérer » un certain nombre d’activités, comme les congrès internationaux.

Il conviendrait de vérifier cette hypothèse par une enquête plus approfon- die auprès des entreprises internationales. Nous n’avons pas eu les moyens de réaliser ce type de travail dans le cadre de notre thèse faute de temps et de contacts suffisants. En revanche, les réponses obtenues auprès des acteurs financiers interrogés semblent confirmer cette piste. Le responsable de la So- ciété Générale nous a par exemple indique « que l’entreprise déménagerait

vraisemblablement son siège à Londres où elle dispose déjà d’infrastruc- tures de bureaux importantes ». Il précise d’ailleurs que si une inondation

survenait à Londres, « les activités migreraient certainement dans le sens

inverse ».

Ajoutons que ce type de risque semble moins important dans le cadre d’entreprises d’envergure régionale et nationale : par exemple, pour l’une des maisons d’édition interrogées, la la rente de situation parisienne est beaucoup trop importante pour qu’une délocalisation vers une autre ville ne soit envisagée.

Au final, il apparaît que dans le cas d’une métropole, la vulnérabilité ne

peut se réduire à sa dimension matérielle : il faut également tenir compte de l’aspect intangible que constitue le rayonnement de la ville.

3.

La nature de l’endommagement et son

échelle

L’endommagement dans la métropole parisienne présente deux spécifici- tés. D’une part, l’endommagement ne se réduit pas à des destructions ma- térielles, mais concerne aussi le fonctionnement de l’agglomération. D’autre part, cet endommagement ne se limite pas à la zone inondée.

1. Les impacts d’une inondation ne se réduisent pas à l’en-