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La métropole, une grande ville pas comme les autres Les problématiques que soulèvent J K Mitchell et al s’appliquent éga-

La ville et la métropole : des espaces à risque

2. La métropole, une grande ville pas comme les autres Les problématiques que soulèvent J K Mitchell et al s’appliquent éga-

lement à un type particulier de mégapoles, les métropoles. Les métropoles sont en effet de très grandes villes, mais, on va le voir, le volume démogra- phique ou la taille de l’agglomération, s’ils constituent un indicateur, ne sont pas déterminants. Dans ces conditions, si les problématiques spécifiques aux

mégapoles s’appliquent aux cas métropolitains, les problématiques métro- politaines ne sont pas réductibles à celles des mégapoles.

Pourquoi s’intéresser aux métropoles et leur accorder un traitement par- ticulier ? Parce que ces espaces urbains ne sont pas tout à fait comme les autres. Or, si le cas des mégapoles a été analysé au milieu des années 1990, celui des métropoles n’a pas fait l’objet d’un traitement géographique spé- cifique : les problématiques posées par la métropole restent généralement confondues avec celles de la grande ville. J. K. Mitchell et al. traitent ainsi des exemples de métropoles (Londres en particulier) sans pour autant insis- ter sur la différence avec les mégapoles classiques. Pourtant, si nous suivons notre hypothèse de départ, la singularité de l’espace métropolitain devrait lui conférer des formes de vulnérabilités originales, qui viendraient se super- poser à la vulnérabilité urbaine classique.

Pour analyser la vulnérabilité des espaces métropolitains, il convient au préalable de définir ce que nous entendons par métropole.

Le terme de métropole est employé par des disciplines diverses, notam- ment l’économie et la géographie. Malgré la quantité importante de travaux sur le sujet, le vocabulaire reste « riche mais imprécis, comme pour la ville elle-même, on constate une profusion de termes qui ne sont en réalité que de faux synonymes, chacun apportant un correctif ou une nuance par rapport à une réalité insaisissable. (Derycke, 1999, p. 1) »

Il n’existe par exemple pas de définition statistique de la métropole. Le terme est d’ailleurs souvent confondu avec mégapole, mégalopole, agglomé- ration, grande ville, etc. P.-H. Derycke rappelle même que le concept de métropolisation ne trouve aucune définition dans les dictionnaires Larousse ou Robert (Derycke, 1999, p. 2).

La métropole est une ville. L’étymologie en atteste puisque le grec polis renvoie à la ville tandis que meter signifie la mère. Mais c’est une ville particulière, qui possède des caractéristiques démographiques, fonctionnelles et spatiales tout à fait spécifiques. Elle résulte d’un « ensemble de processus (. . . ) qui conduisent à des recompositions territoriales nouvelles tant au plan interne des ensembles urbains concernés que sur celui de leurs relations externes. (Lacour et Puissant, 1999). »

La métropole est liée à l’idée de domination, de régulation, sens que l’on retrouve avec l’emploi de métropole pour désigner le rapport entre un territoire et les colonies qu’il régit. Pour F. Ascher (Ascher, 1995), « étymo- logiquement, la métropole est la cité grecque ancienne, mère de ses colonies, qui exporte ses guerriers, ses commerçants et ses dieux. Cette image sied bien à la grande ville moderne, qui se définit plus par le rayonnement inter- national de ses entreprises, de ses capitaux, de ses universités, que par des

fonctions traditionelles régionales et par un arrière-pays dont elle tirerait ressources et puissance. »

Plusieurs critères définissent les métropoles. Ils servent d’ailleurs d’in- dicateurs aux nombreux classements réalisés pour établir une hiérarchie mondiale (Brunet et alii , 1989; Rozenblat et Cicille, 2003).

La taille est un premier critère. Le rayonnement international est lié à un certain volume démographique, une « masse critique » en quelque sorte qui est importante car elle définit un marché potentiel, marché qui per- met l’exercice de fonctions urbaines spécifiques. Au départ, les métropoles sont donc de grandes villes16. Mais l’internationalisation des villes n’est

pas nécessairement proportionnelle à leur taille : Genève ne compte que 400000 habitants17

Deux autres critères sont en revanche déterminant. Le premier est la place dans le réseau urbain. Pour G. Di Méo par exemple, « la métropole au sens large du terme, est avant tout une place centrale, un nœud décisionnel dans un réseau de villes. C’est un lieu d’impulsion, de créativié, d’émission d’ordres et de connexion des flux les plus variés qui parcourent l’espace (Di Méo, 1995, p. 697). » La métropole est donc une ville qui domine le réseau urbain. Le processus de métropolisation passe d’ailleurs par l’élargissement de l’aire d’influence de la ville.

Le deuxième critère est la présence de certaines fonctions. La métropoli- sation est en effet un processus qualitatif qui débouche sur la concentration des fonctions de commandement, de décision et d’encadrement, économiques et politiques, qui permettent à la ville d’organiser les échanges sur un terri- toire beaucoup plus étendu que son territoire initial. Les véritables métro- poles, « les métropoles complètes » sont celles dont le rayonnement d’exerce dans tous les domaines.

La présence de fonctions de commandement politique est un premier indicateur de métropolisation. Certes, l’exemple des villes américaines et l’affaiblissement du rôle de l’État dans les dernières décennies a atténué le rôle de commandement politique des métropoles. Le commandement poli- tique national passe après le commandement économique : New-York, par exemple, n’est pas une capitale politique, mais abrite le siège de l’ONU.

16J. K. Mitchell, et les anglo-saxons confondent souvent mégapole et métropole. stricto

sensu, mega-city désignerait la mégapole et global city la métropole de rang international.

17« Suffit-il d’être une très grosse agglomération pour être rangé parmi les grandes

métropoles mondiales ? Non, répond J. Bonnet, qui avance l’idée que pour mériter cette appellation, une très grosse agglomération doit s’appuyer “sur un arsenal complet de domination à la fois politique, économique et culturelle”, et ce à l’échelle mondiale bien entendu. » J. Bonnet (Bonnet, 1995), cité par R. Guiglielmo.

Toutefois, le pouvoir politique reste encore très important en Europe, les pouvoirs politiques internationaux y étant en revanche moins présents .

La concentration du pouvoir économique et financier est en revanche indispensable pour prétendre au statut de métropole. Elle se manifeste par la présence des grandes banques, de bourses et des sièges sociaux des prin- cipaux groupes industriels.

La métropolisation se traduit aussi par la montée des services : non pas les services dits banals, qui caractérisent la ville en général, mais des services stratégiques qui se répartissent en plusieurs domaines : l’administration et l’encadrement, la direction des sièges sociaux des très grandes entreprises, les services financiers et bancaires, l’assurance, les activités touchant à la production et la diffusion de l’information. Le rôle des NTIC (nouvelles techniques d’information et de communication) a ainsi été maintes fois pré- senté comme la conditions sine qua non du développement d’autres secteurs économiques puisque « ces activités fonctionnent en réseau et renforcent par là-même le rôle de pôle émetteur et récepteur de la grande ville. (Derycke, 1999, p. 11) » Les fonctions logistiques de services aux entreprises sont aussi essentielles. La métropole se singularise par la qualité de ses infrastructures de transports, la présence d’aéroports internationaux ou encore de plates- formes multimodales.

On ajoutera ici que la montée en puissance des services ne signifie pas pour autant la disparition de l’industrie : les métropoles sont aussi des lieux de production qui possèdent une activité industrielle qui n’est certes plus dominante mais qui est rendue spécifique par son caractère technologique, par la part de la recherche et développement, par la dimension internationale et multinationale des entreprises.

Deux autres fonctions qui relèvent du tertiaire supérieur sont caracté- ristiques de la métropole. La recherche et le développement font de la mé- tropole un lieu d’innovation. La présence de laboratoires, d’universités, la tenue de congrès internationaux sont ici des indicateurs.

Enfin, les métropoles ont un rayonnement culturel international. Si le poids culturel de la métropole est plus difficile à mesurer que son poids économique, la présence de musées, de grandes bibliothèques, de salles de concerts est un indicateur important. Plus largement, la métropole est un lieu d’innovation intellectuelle (mode, littérature, musique, arts plastiques, arts de la scène, etc.)

Dans ces conditions, peut-on considérér l’agglomération parisienne comme une métropole ? Au niveau Européen, Paris se classe dans le peleton de tête pour tous les indicateurs de métropolisation, et ce, quel que soit le classe- ment choisi.

L’aire urbaine parisienne compte ainsi 23% des emplois nationaux, 38% des cadres, 40% des professions intellectuelles, la moitié des cadres adminis- tratifs et commerciaux d’entreprise. Plus de la moitié des sièges de grandes entreprises (+500 salariés) y sont regroupés, ainsi que 40% des services mar- chands aux entreprises. 1/3 des entreprises de 100 salariés et plus, 2/3 des entreprises de 500 salariés et plus, 100% des entreprises de plus de 1000 salariés, ont leur siège social à Paris. La ville accueille 35 sièges sociaux des 500 premières capitalisations européennes, même si ce nombre est inférieur à celui de Londres qui reçoit 113 sociétés. F. Damette note en outre que « Paris constitue un cas tout à fait à part puisqu’elle est la seule à cumuler les fonctions économiques et les fonctions d’État. La capitale est la seule à bénéficier des synergies entre les deux bases de la métropolisation alors qu’ailleurs, la séparation est la rège. (Damette, 1994) »

Par conséquent, de toutes les villes françaises, l’agglomération parisienne constitue le cas le plus significatif pour étudier le risque dans une métropole.