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LA TECTONIQUE STRUCTURANTE OU ORGANISATRICE, OUTIL DES « TECHNIQUES SPATIALES » DE CONTRÔLE

I. LA FONCTION TECTONIQUE COMME PENSÉE DES DISPOSITIFS.

I.1. DE LA TECTONIQUE COMME DISPOSITIF

I.1.2. LA TECTONIQUE STRUCTURANTE OU ORGANISATRICE, OUTIL DES « TECHNIQUES SPATIALES » DE CONTRÔLE

A l’inverse de la tectonique décrite comme expressivité des structures et des matériaux, nous appelons fonction tectonique ce qui commande le développement d’un projet architectural, c’est à dire la structure structurale  et  structurelle. En drapant respectivement la structure et la matérialité d’une certaine idée de forme et d’expressivité, Frampton poursuit une architecture qui ne se soucie pas de la fonction de la structure porteuse. Cette fonction est pour nous, en plus de structurale (porteuse), structurelle c’est-à-dire, organisatrice ou structurante. En effet, nous pensons que la tectonique comprise comme structure en architecture, comme ossature structurelle, concerne des fonctions éminentes de support physique mais aussi de support de planification spatiale. En outre, la fonction tectonique, selon nos termes, dispose, conduit, oriente l’espace architectural. Ainsi la tectonique n’est pas seulement le support de la forme architecturale mais aussi sa matrice fonctionnelle.

Par conséquent, l’espace dépend de la tectonique, et non pas de la technique, puisque en plus de le rendre soutenable, la tectonique l’organise. Et cette organisation est présente dans plusieurs exemples de l’architecture moderne et contemporaine. En fait, une telle fonction tectonique irrigue l’histoire de l’architecture en devenant beaucoup plus déterminante avec le mode compositionnel en architecture ; mode qui,

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comme nous l’avons dit, marque son début entre la fin du XVIIIème siècle et le début du XIXème. En effet, l’organisation spatiale de la ville que Foucault identifie comme plus convenable à une organisation de contrôle gouvernemental qu’à une autre politique et disciplinaire, date de cette époque-là. Une telle organisation convenable au contrôle est donc un dispositif de gestion de conduite des hommes.

Dans Space, knowledge and Power, entretien avec P. Rabinow pour le magazine Skyline en mars 1982, Foucault est interviewé sur le rapport politique-architecture. Le philosophe dit qu’il est intéressé par la réflexion sur l’architecture en tant que « fonction d’objectifs et de techniques de gouvernement des sociétés »13. C’est pourquoi, ses études portent sur la conception architecturale et urbanistique en rapport avec les objectifs à mettre en place pour développer, ou maintenir, une certaine forme de gouvernement.

Ce nouvel intérêt en l’architecture ne signifie pas nécessairement une transformation de la technique ni des esprits architecturaux, mais un changement dans l’esprit des « hommes politiques »14. Or, la question de la conception de l’architecture pour Foucault est plutôt du côté des « techniques d’espace »15.

Foucault dit que les architectes ne sont pas les maitres de l’espace, car de tels maîtres devraient gérer des aspects qui échappent au domaine de l’architecture et qui sont plus proches du domaine des ingénieurs des Ponts et chaussées. Les aspects à gérer sont les techniques d’espace déterminantes de l’architecture, à savoir, « le territoire, la communication, et la vitesse »16. Or, la méconnaissance des techniques d’espace et de sa force déterminante, concerne aussi les architectes dont les intentions sont libératrices. Néanmoins, Foucault ajoute que l’architecture peut produire des effets positifs « lorsque les intentions libératrices de l’architecte coïncident avec la pratique réelle des gens dans l’exercice de leur liberté »17.

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FOUCAULT, Michel, Space, Knowledge and Power (Espace, Savoir et Pouvoir), entretien avec P. Rabinow ; trad. F. Durand-Bogaert, in : Skyline, mars 1982, la version en française : Dits et Écrits II 

1976­1988, Paris : Gallimard, Édition Quarto, 2001, p. 1089. 

14 Ibid, p. 1090

15 Ibid, p.1090 16 Ibid, p. 1094 17

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Foucault remarque dans le même entretien qu’il n’y a pas de « fondements » 18 quant à la conception spatiale. Ainsi il éclaire son avis. La « convergence » ne résulte pas des intentions d’un autour et des pratiques de liberté, mais entre celles-ci et certaines « distributions spatiales »19. Il est clair que la « distribution spatiale » donnée est donc

l’organisation des variables techniques déterminantes, à savoir le territoire, la communication, la vitesse. Parmi ces variables qui sont des forces, Foucault dit qu’il n’y n’a pas de hiérarchie mais une « relation réciproque perpétuelle »20. Ainsi, les projets

conçus comme « machines libératrices » peuvent devenir tout le contraire, puisqu’ils n’obéissent pas aux « bonnes » intentions des hommes mais à des variables de gestion. Ces variables, même quand elles sont traitées par les ingénieurs et les techniciens, échappent au contrôle des hommes, étant donné qu’elles n’agissent pas par mesures disciplinaires mais par gestion. La discipline est un plutôt vertical et ponctuel et par conséquent identifiable, en revanche la gestion est horizontale et diffuse. En ce sens, dans le domaine de la gestion, il s’agit de calculs de probabilité. Aucun événement n’est contrôlable, parce que l’événement est toujours configuré par des variables en relation réciproque dont aucune ne se détache. Pour illustrer ce paradoxe, deux cas font exemples, l’œuvre de Jean-Baptiste Godin21 et celle de Le Corbusier.

A ce propos, le philosophe fait une affirmation concernant la garantie de la liberté qui implique l’œuvre de Le Corbusier : « Rien n’est fonctionnellement libérateur. La liberté est ce qui doit s’exercer, la garantie de la liberté est la liberté »22. Les choses ne

sont pas fonctionnellement libératrices c’est pourquoi, la liberté est un exercice où seule la liberté est garantie en elle-même. Par conséquent, si nous nous concentrons sur ces affirmations, il faut conclure que la liberté est presque impossible parce qu’elle n’est qu’un effet d’elle-même. Ceci revient à dire que la liberté est une utopie irréalisable. Le concept de liberté auquel pense Foucault est produit par le « vrai dire ». Pour qu’il y ait exercice de liberté, il faut qu’il y ait d’abord une parole exercée par l’homme. Autrement dit, la parole capable du « vrai dire » est à la base du rapport liberté- pratiques spatiales. Ainsi les objets ne sont donc pas aptes à la liberté, car ils ne possèdent pas de parole, cependant, ils sont effectifs.

18 FOUCAULT, Space, Knowledge and Power, op. cit, p.1096 19 Ibid. 

20Ibid. p.1096

21 Voir figure 3 à la page 45. 22

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I.1.3. TECTONIQUE STRUCTURELLE OU PORTEUSE, OU COMMENT LA

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