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SELON FOUCAULT

I. 4. DU DISPOSITIF COMME POUVOIR ET EXPLOITATION.

I. 4.2. DE LA « BEATITUDE » COMME ADÉQUATION AU DISPOSITIF.

L’économie des projets trop visuels en tant qu’ordre architectural à suivre (comme mot d’ordre), actualise le mode compositionnel du XVIIIème et XIXème siècles. Les signatures XVIIIème et XIXème siècle ne sont pas seulement la marque de l’architecte-artiste dans l’œuvre, elles relèvent des milieux déterminés théologiquement. On continue à projeter d’abord dans le papier pour après mettre en œuvre le projet. L’emphase dans le dessin reste actuelle même si l’assistance par ordinateurs est entrée en jeu. Les logiciels assistent le dessin de l’architecte, ils ne le remplacent pas. Et si cela était le cas, si le remplacement aurait lieu parmi nos pratiques, l’architecte continuerait son rôle de dessinateur sur l’écran. La main suit toujours l’œil. Le dessin serait ainsi une étape de l’économie architecturale où le visuel s’imposerait. Ensuite, selon l’ordre établi, le dessin oriente la mise en place d’une œuvre où le visuel compte aussi comme domaine conducteur. De cette procédure résulte une architecture de prépondérance fonctionnelle, utile à des propos d’exploitation et de pouvoir dont dépend la forme La main suit ainsi le pouvoir (le dispositif panoptique) et l’exploitation (le dispositif parisien) à travers l’œil. Et par là, le pouvoir s’augmente à travers des dispositifs chaque fois plus « béats ».

La béatitude promise aux hommes marque le chemin du progrès des dispositifs. Elle est devenue le moteur et l’objet, soit la fin du fonctionnalisme. La fin  du 

fonctionnalisme est le premier attribut de la béatitude. En parlant du Panoptique

Foucault disait toujours, « à la limite », comme s’il existait un horizon final où l’automatisme du dispositif pourrait arriver à son achèvement. En effet, l’automatisme signifie que le dispositif peut fonctionner par lui-même sans le concours d’un autre corps. Or, dans le domaine de la béatitude, l’autosuffisance est sœur d’un savoir de haute perception distinctive, un savoir très performant. La capacité en voie de tout voir  du panoptisme, est proche ici de celle en voie de tout savoir de la maison de Bill Gates.

« …plus un corps est apte, par rapport aux autres, à agir et à pâtir de plus e façons à la fois, plus son esprit est apte à percevoir plus de choses à la fois ; et plus les actions d’un corps dépendent de lui seul, et moins d’autres corps concourent avec lui à une action, plus son esprit est apte à comprendre distinctement. »92

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En fait, la concurrence des autres corps pour le développement de l’action d’un corps spécifique, est comprise en termes d’obstacle. Les autres corps sont des obstacles qui ne permettent pas au corps d’agir comme il faut. Le panoptique marche d’une manière similaire, comme on l’a développé avec Foucault, « il n’a pas des obstacles, il n’a pas de friction, de résistance ».

Autre attribut de la béatitude qui se présente comme effort des dispositifs en voie de devenir béats, est l’utile propre ou véritable. Traduit dans les termes des dispositifs étudiés, cela correspond à la capacité de mettre en place des rapports  convenables. Même parmi des éléments dissimulés, le rapport est ce qui importe et non pas l’élément en relation en tant que tel. Le dispositif parisien est efficace au sein d’une relation de contraste entre des bâtiments différents. L’utilité se dessine ainsi à travers le rapport de composition entre rendant des corps différents.

« Quel que soit le corps rencontré, je cherche l’utile. Mais il y a une grande différence entre chercher l’utile au hasard (c’est-à-dire s’efforcer de détruire les corps qui ne conviennent pas avec le nôtre) et chercher une organisation de l’utile (s’efforcer de rencontrer les corps qui conviennent en nature avec nous, sous les rapports où ils conviennent). Seul ce deuxième effort définit l’utile propre ou véritable. »93

La stratégie militaire soutenant le dispositif urbain du Paris du XIXème siècle est une organisation de l’utile qui ne laisse rien au hasard. Par ailleurs, le biopouvoir dans sa tâche de gestion, ne prétend pas empêcher, mais administrer le hasard, l’imprévu. Or l’organisation de l’utile n’est pas statique, elle peut varier pour s’adapter aux différences et ainsi préfigurer le futur.

En somme, la béatitude est une augmentation de la puissance d’agir dont la visée est la perfection d’une performance donnée. Or, cette performance de la béatitude que Spinoza rapporte aux hommes, implique que les actions dérivent d’une même source qui, simultanément, s’actualise chaque fois à travers l’agir des actions94.Les notions adéquation et parallélisme sont importantes pour la  béatitude. À la limite, les

93 Ibid, p. 240.

94 « C’est pourquoi, les joies qui suivent des idées du troisième genre sont les seules à mériter le

nom de béatitude : ce ne sont plus des joies qui augmentent notre puissance d’agir, ni même des joies qui supposent encore une telle augmentation, ce sont des joies qui dérivent absolument de notre essence, telle qu’elle est en Dieu et est conçue par Dieu ». DELEUZE, Spinoza et le problème 

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productions sortant d’une même essence ne seraient que des éléments  adéquats. L’essence demeure telle qu’elle est en elle-même et telle qu’elle est conçue par elle- même, c’est-à-dire, sans interactions avec les actions ou la conscience des hommes. Les hommes ne sont pas des obstacles ou des éléments perturbant l’organisation, ils doivent rentrer dans le cadre, se plier, être ou devenir adéquats. Les formes fonctionnalisées qu’on a remarquées avec G. Agamben, sont l’exemple des éléments en voie d’adéquation. Même si une forme est autre chose qu’une fonction, le but est que la forme arrive à être adéquate à la fonction, que les formes inadéquates n’occupent que la plus petite partie des dispositifs95.

Finalement, la béatitude est aussi caractéristique de contemplation. Cela est l’argument d’Agamben quand il écrit L’Immanence absolue. Ce qu’il développe, est que la béatitude comme contemplation sans connaissance, comme force sans agir, se trouve, par voisinage, dans le même plan où se déplace le corps bio-politique. Ceci est un thème que nous poursuivrons plus tard.

Il se peut que cette idée assez complexe apportée par Agamben, où une certaine équation existe entre des termes couramment conçus comme distincts, puisse se résoudre à travers la pensée de l’inclusion que Deleuze étudie dans Leibnitz  et  le 

baroque. Ainsi entre ces termes distincts, il peut avoir des résonnances, parce que

l’horizon commun est composé (si l’on reprend nos termes), par des dispositifs fonctionnels dont les formes sont fonctionnalisées.

« Les désaccords qui surgissent dans un même mode peuvent être violents, ils se résolvent en accords, parce que les seules dissonances irréductibles sont entre mondes différents. Bref, l’univers baroque voit s’estomper ses lignes mélodiques, mais, ce qu’il semble perdre, il le regagne en harmonie, par l’harmonie. Confronté au pouvoir des dissonances, il découvre une florescence d’accords extraordinaire, lointains, qui se résolvent dans un mode choisi, même au prix de la damnation ».96

Par contraste aussi, il se peut que l’émancipation de la dissonance implique des éléments convenables pour figurer le concept de forme. A propos du néobaroque,

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« …il s’agit de faire en sorte que les idées inadéquates et les passions n’occupent pas que la plus petite partie de nous-mêmes », DELEUZE, Spinoza et le problème de l’expression, Op.cit., p. 289, 290.

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Deleuze dit que les dissonances n’impliquent pas une tonalité. D’après nos termes « la tonalité », ou le guide d’un mouvement musical, représenterait dans le domaine de l’architecture la fonction de contention. Deleuze dit du néobaroque,

« Viendra le Néo-baroque, avec son déferlement de séries divergentes dans le même mode, son irruption d’incompossibles sur la même scène, (…) L’harmonie traverse une crise à son tour, au profit d’un chromatisme élargi, d’une émancipation de la dissonance ou d’accords non résolus, non rapportés à une tonalité.»97

La citation portant sur les accords baroques définie ce qu’est une forme. Une forme serait ce qui ne perd pas son état de tension avec d’autres choses différentes, ce qui ne peut pas être inclus, ce qui ne se résout pas par accords. Voilà l’importance de mettre en évidence la complexité des dispositifs. Peut-être qu’ils cachent des artifices si complexes au point d’arriver à rendre voisins les pôles opposés. Visuellement, ils trompent l’œil ; l’œil commandant par ailleurs les actes de conception en architecture. Foucault disait qu’il faut mettre à nue l’artifice. Le produit d’une mise à nu est visuel, on va voir ce que cache le dispositif. Mais la procédure, dans le cas de Foucault est du côté d’une pratique assez violente, celle du cynisme.

Parmi les autres procédures possibles, la libération de l’organisation des matériaux de la détermination qu’ils subissent de la part de l’ossature, nous donne une piste. Ces matériaux intelligents ont déjà des capacités structurales et structurelles, mais on les utilise sous la même économie d’auparavant, sous dépendance de l’ossature. Peut-être que cela répond aussi à une habitude visuelle. On voit la structure toujours comme première par rapport aux matériaux. On la pense aussi comme le support que résoudre l’organisation des matériaux. Par ailleurs, même la nomination qu’elle possède, structure, rend sa représentation forte, principale par rapport aux autres éléments qu’on considère donc tributaires.

Voyons pour finir, un dispositif visuel contemporain dont la procédure de conception est classique, elle répond au dessin géométrique, où l’architecte réussit à rendre concret un visible, jusqu’au, « non visible ».

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