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DU RELATIVISME DE LA NOTION CHEZ LEIBNIZ AU CAS DE L’ARCHITECTURE NUMERIQUE.

I. LA FONCTION TECTONIQUE COMME PENSÉE DES DISPOSITIFS.

I.1. DE LA TECTONIQUE COMME DISPOSITIF

I. 2.3. DU RELATIVISME DE LA NOTION CHEZ LEIBNIZ AU CAS DE L’ARCHITECTURE NUMERIQUE.

Comme chez Spinoza, une disposition est motif tant d’esclavage que de liberté chez Leibniz. La théorie du « cas perplexe » oriente notre intérêt de la fonction vers une nouvelle direction. Nous avons dit que la fonction tectonique reste principe organisateur, « le noyau dur » de l’économie de la disposition architecturale en vigueur, à cause d’un travail prépondérant dans le domaine d’une certaine idée de forme. Par conséquent, le détournement de cette disposition ne viendra pas d’un travail sur la fonction (à travers les potentialités des matériaux), mais d’une démultiplication des principes. En effet, comme le propose Deleuze, il s’agit de l’ « exaspération » baroque. Il dit ceci,

« …on ne s’empare pas de l’adversaire pour le rendre à l’absence, on en cerne la présence pour le neutraliser, le rendre incompossible, lui imposer la

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divergence (…) » La solution baroque est celle-ci : on multipliera les principes, on en sortira toujours un de sa manche, et par là on en changera l’usage. On ne demandera plus quel objet donnable correspond à tel principe lumineux, mais quel principe caché répond à tel objet donné »44

Avant de commenter la citation, il est nécessaire d’éclaircir ici que quand nous parlons des attributs des individualités, nous ne nous referons pas seulement aux hommes. Nous pensons les dispositifs comme capables de tels attributs, en nous appuyant sur la notion d’ « individuation technique » de Simondon. Mais, concernant le Leibniz deleuzien, il nous semble que l’hypothèse est beaucoup plus convenable pour traiter le thème de la disposition des usagers. Ainsi, une architecture soucieuse de la fonction tectonique, pourrait s’occuper aussi des dispositions des usagers. En fait, il nous semble que l’architecture dite numérique, telle qu’elle est exposée par Antoine Picon45, ouvre la possibilité d’une expérience « actuelle » des usagers envers

l’architecture. Premièrement, cette expérience « actuelle » ne serait pas la conclusion, l’effet ou la suivie d’une disposition antérieure des éléments en jeu, qu’il s’agisse d’architecture ou de l’individu.

L’expérience actuelle saisi « l’effort par lequel une autre disposition sort de la précédente »46. Deuxièmement, cela est rendu possible grâce à une « fonction

d’inhérence » ou d’inclusivité. Il faudra voir si cette fonction est en train de se mettre en place à travers l’architecture numérique, ou si au contraire, le numérique étant capable d’augmenter l’architecture de cette manière-là, empêche le développement de cette possibilité. De manière similaire à la non exploitation des matériaux composites à cause de raisons économiques, le numérique pourrait aussi être limité. L’une des raisons de la limitation des capacités des matériaux, pourrait être due au fait que l’expérience avec les espaces deviendrait plus complexe et difficile à conduire de manière efficace par les dispositifs de gestion. Dans ce sens, peut être que, parmi d’autres stratégies, la persévérance de la fonction tectonique servant les dispositifs de gestion, fasse partie des « eschatons », des éléments retardateurs dont parle Agamben.

44 DELEUZE, Gilles, Le pli : Leibniz et le baroque, Paris : éd. de Minuit, 1998, pp. 92, 91

45 PICON, Antoine, Architecture numérique, une introduction, op. cit. 

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« L’Être incompossible » veut dire que le principe ne peut pas faire monde, puisque son principe et ses explications (par exemple les entités qui le développent) ne sont pas convergentes ni prolongeables avec les nouveaux principes. Il s’agit donc de rendre le vieux principe indisponible dans son rapport avec les nouveaux. Mais, entouré des nouveaux principes, la disposition de l’usager aurait donc de nouveaux repères pour orienter sa conduite. Pensons aussi à une expérience où il y aurait plusieurs perspectives d’événements (un espace rempli de « fenêtres » ou d’écrans) montrant les divergences. En quelque sorte cela serait un synonyme des pluralités des informations qui montrent la « réalité augmentée » à l’usager. Les perspectives sont appelées « motifs » par Leibniz. A ce propos Deleuze précise qu’un événement, une action est libre, si « on peut assigner un motif comme raison du changement de perception ». Il faut donc un motif et un changement. Apres, il faut comprendre que les motifs permettent la réflexion sur la « cause efficiente » extérieure à ma volonté (les sollicitations de la chose), mais aussi sur la cause finale intérieure à l’action à produire (mes propres dispositions).

Or, le motif est une disposition toujours présente. Pour exposer l’adhérence au présent, Deleuze utilise la figure du balancier. A l’inverse de la balance, si je reviens sur les motifs pour les reconsidérer, ils ont changé, ils ont progressé ou changé en suivant l’amplitude du balancier47. C’est pourquoi, les dispositions comme motifs sont toujours

des expressions du présent et non pas des effets du passé. Cela nous amène à conclure que la théorie des motifs jouie d’une fonction inhérente. La disposition ainsi inclut « ce que je fais en ce moment, ce que je suis en train de faire, (…) ce qui m’a poussé à le faire, et tout ce qui en découlera »48. Une telle disposition est constitutive, motif d’un acte libre et non pas effet d’une détermination extérieure. En outre, demeurer dans une disposition, la rendre dure, même si elle vient du dedans, est synonyme de « condamnation »49. La condamnation consiste à « s’endurcir sur un seul pli sans le

défaire », c’est-à-dire, par acte de volonté, une disposition peut aussi devenir dure et ne plus varier, limitant le dynamisme des dispositions à travers lesquelles on se développe (progrès dans la terminologie de Leibniz).

Nous pouvons dire qu’un tel dynamisme d’inclinations découle du numérique mélangé à l’architecture, sans pour autant rendre l’usager « libre ». Cependant le dynamisme des inclinations qui répondent aux multiples sollicitations du traitement des

47 Ibid., p.95 48 Ibid. 49

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images contemporaines (dont l’architecture est le support), ne procure pas un temps suffisant pour réfléchir sur les multiples options offertes. En plus, l’usager ne peut pas sortir d’une disposition pour en produire une autre, précisément parce que l’effort n’est pas productif dans une telle « multiplicité ». Il ne peut que subir des sollicitations, et être ainsi disposé depuis l’extérieur. Nous nous demandons par l’expérience réelle où la multiplicité des dispositions seraient produites par l’usager (ou au moins, qu’il y participe). Cette expérience se trouve-elle en relation avec ce que Benjamin appelle le « flâneur ». Du côté de la disposition de l’espace architectural, l’architecture qui change de disposition selon ses besoins de lumière ou selon ses rapports au climat, est une preuve possible d’inclusion du présent vivant. Mais, comme nous le verrons par la suite, le problème de cette affaire est la notion de vivant. Concernant l’exemple du climat, nous ne pensons pas nécessairement aux travaux d’efficacité énergétique mais au travail de Philippe Rahm. Or, d’ores et déjà, on peut avancer que le mot « vivant » pose problème à cause de sa force fonctionnaliste ; force capable de s’étendre et même de couvrir tout forme ou processus de formation.

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