• Aucun résultat trouvé

Taux de d´etachement et d’attachement d’une kin´esine sur un

B.3.1 Taux de d´etachement d’un microtubule

Nous avons vu auparavant que la kin´esine est un moteur processif qui fait en moyenne une centaine de pas avant de se d´etacher. On peut d´ecrire le taux de d´etachement repr´esent´e fig. 2.14(A) par une fr´equence ´egale `a l’inverse du temps moyen que la kin´esine passe sur le microtubule. Ce taux, qu’on appellera par la suite k0

u (u pour ”unbinding”, 0 signifie en l’absence de force appliqu´ee) est donc ´egal au rapport entre la vitesse moyenne de la kin´esine et la distance moyenne parcourue en l’absence de force L0 : L0 = V0 k0 u (2.3) 12

B. Les kin´esines conventionnelles, moteurs mol´eculaires qui transportent les cargos

Nous avons vu que typiquement, la vitesse d’une kin´esine est V0 = 0, 6 µm/s et la distance moyenne de parcours de l’ordre du micron. k0

u est donc de l’ordre de 0, 6 s−1; ce taux a ´et´e mesur´e plus pr´ecis´ement par [Vale et al., 1996], il est ´egal `a ´egal `a k0 u = 0,42 ± 0.03 /s. Tube de membrane Kinésine Microtubule ku0 (A) (B) kb

Fig. 2.14 – (A) Sch´ema d´ecrivant le taux de d´etachement d’une kin´esine marchant le long d’un MT et attach´ee le long d’un tube de membrane ; aucune force n’est appliqu´ee sur elle comme dans nos exp´eriences d´ecrites aux chapitres suivants. (B) Sch´ema d´ecrivant le taux d’attachement d’une kin´esine attach´ee le long d’un tube de membrane sur un MT.

B.3.2 Taux d’attachement sur un microtubule

Ce taux, appel´e kb, correspond `a la fr´equence d’attachement d’une kin´esine sur un microtubule (fig. 2.14(B)). Il n’est pas tout `a fait sym´etrique au pr´ec´edent : le taux de d´etachement d´ecrit le passage d’un ´etat 1D bien d´efini (la kin´esine avance `a la vitesse V0le long d’un microtubule) vers un ´etat `a 3D quand la kin´esine passe dans le tampon ou `a 2D quand la kin´esine reste accroch´ee `a une membrane ou au cargo, ce qui est les cas dans nos exp´eriences in vitro, comme dans le trafic intracellulaire. L’attachement, en revanche, correspond au passage d’un ´etat de diffusion `a 3D ou 2D `a un ´etat `a 1D : on comprend que, dans ce cas, la concentration en kin´esine `a 3D ou `a 2D ainsi que la fa¸con dont elle diffuse va influencer le taux d’attachement. Ce n’est donc pas une grandeur caract´eristique de la kin´esine mais une grandeur qui d´epend de la g´eom´etrie du syst`eme. C’est pourquoi il existe tr`es peu de litt´erature sur la mesure de ce coefficient. Nous verrons dans le dernier chapitre que nos exp´eriences permettent de mesurer le taux d’attachement des kin´esines dans une g´eom´etrie tubulaire, mais qu’il n’est pas possible de le comparer `a d’autres valeurs puisque ce n’est pas une grandeur intrins`eque du moteur. Par un petit calcul g´eom´etrique, on pourra cependant calculer la probabilit´e d’attachement de la kin´esine quand elle est `a proximit´e imm´ediate du MT ; ce sera au contraire une grandeur intrins`eque.

B.3.3 Influence de la force appliqu´ee : le taux de d´etachement augmente exponentiellement

Le r´eaction de dissociation de la kin´esine du microtubule fait intervenir un chan-gement de la conformation de la prot´eine, comme pendant le pas. On comprend donc

Chapitre 2. Principales caract´eristiques des constituants impliqu´es dans la formation de tubes de membrane.

que la force appliqu´ee aura une influence sur la cin´etique de la r´eaction de disso-ciation. Le profil de la r´eaction est repr´esent´e de fa¸con sch´ematique par la courbe continue figure 2.15(A) (en l’absence de force appliqu´ee). La coordonn´ee de r´eaction, qui mesure l’avancement de la r´eaction, correspond de fa¸con naturelle `a la taille de la prot´eine dans la direction de la force. On remarque que pour passer de l’´etat d’´equilibre (1) `a l’´etat d’´equilibre (2), la prot´eine doit passer une barri`ere d’´ener-gie, dont le sommet correspond `a l’´etat de transition (instable) entre les deux ´etats d’´equilibre. La distance entre l’´etat (1) et l’´etat de transition se note a. Lorsqu’une force est appliqu´ee dans la direction oppos´ee au mouvement de la kin´esine, le profil est d´eplac´e vers le profil pointill´e : l’´etat (2) dissoci´e est plus stable et l’´etat de transition est abaiss´e de l’´energie F.a si F est l’intensit´e de la force appliqu´ee et a, d´efinie comme pr´ec´edemment.

Ener gie libr e Coordonnée de réaction 1 2 a E.T.

Fig. 2.15 – Sch´ema montrant le pro-fil d’´energie libre (courbe continue) lors du d´etachement de la kin´esine du MT en fonction d’une coordonn´ee de r´eaction et en l’absence de force appliqu´ee. L’´etat (1) correspond `a l’´etat li´e au MT et l’´etat (2) `a l’´etat non li´e. La distance a correspond `a la distance entre l’´etat (1) et l’´etat de transition (E.T.). Le d´eplacement de la courbe d’´energie avec une force appliqu´ee dans le sens inverse `a ce-lui du mouvement de la kin´esine est repr´esent´e en pointill´e. La force va tendre `a d´estabiliser l’´etat (1) alors que l’´etat (2) est stabilis´e.

De plus, comme le changement de conformation lors de la dissociation kin´esine-MT est limit´e par la diffusion, il est r´egi par la th´eorie de Kramers [Kramers, 1940]. Le taux de d´etachement ku va d´ependre fortement de la force F appliqu´ee dans le sens inverse du mouvement et de la distance a, ce que d´ecrit l’´equation suivante :

ku(F ) = k0uexp( F a

KBT) (2.4)

o`u KB est la constante de Boltzmann et T la temp´erature. Par exemple, pour une force appliqu´ee ´egale `a la moiti´e de la force d’arrˆet (3 pN), le taux de d´etachement vaut 2,6 fois k0

u soit 1,1 s−1. Pour F = FS, ku = 7k0

u, c’est pour cette raison qu’il est tr`es difficile d’observer un pas en arri`ere de la kin´esine puisqu’elle se d´etache avant. Le param`etre a est obtenu en ajustant la courbe qui donne la longueur de pro-cessivit´e, `a une concentration en ATP donn´ee, en fonction de la force appliqu´ee ((fig. 2.16(B)). L’´equation utilis´ee pour l’ajustement est du type cin´etique de Michaelis-Menten (comme dans l’´equation 2.2, voir fig. 2.16(A)) en tenant compte de la

d´epen-B. Les kin´esines conventionnelles, moteurs mol´eculaires qui transportent les cargos

Longeur de processivit é (nm) Longeur de processivit é (nm) Force (pN) (A) (B)

Fig. 2.16 – (A) Longueur de processivit´e en fonction de la concentration en ATP pour diff´erentes forces appliqu´ees dans le sens inverse du mouvement, d’apr`es [Schnitzer et al., 2000]. Elle suit la cin´etique de Michaelis-Menten. (B) Distance moyenne parcourue par une kin´esine le long d’un microtubule (longueur de proces-sivit´e) en fonction de la force longitudinale appliqu´ee dans le sens inverse du mouve-ment `a 2 mM d’ATP (saturation, disque) et `a 5 µM d’ATP (triangle). Les courbes d’ajustement repr´esent´ees en ligne continue permettent de remonter `a la valeur de la longueur caract´erisant la potentiel : a=1,3 ± 0,1 nm, d’apr`es [Schnitzer et al., 2000].

dance exponentielle des constantes cin´etiques avec F.a (eq. 2.5) ; elle fait intervenir trois param`etres dont a.

L(F ) = 8nm[AT P ].A.e

−F a/KBT

[AT P ] + B(1 + A.e−F a/KBT) (2.5)

La valeur obtenue pour a est de 1,3± 0,1 nm [Schnitzer et al., 2000], valeur que l’on utilisera par la suite. Il est aussi possible d’extraire la valeur de a `a partir des r´esultats exp´erimentaux du groupe de Vale [Thorn et al., 2000]. En ajustant les donn´ees du taux de d´etachement en fonction de la force r´etrograde appliqu´ee avec l’´equation 2.4 (connaissant k0

u) et en pond´erant l’ajustement par les erreurs sur les donn´ees, on trouve : a=1,4 ±0,2 nm, en bon accord avec les r´esultats obtenus par le groupe de Block (fig. 2.17).

On peut remarquer enfin que l’action d’une force sur une kin´esine lors du chan-gement de conformation pendant un pas fait aussi apparaˆıtre un param`etre qui a l’´echelle du nanom`etre. Ce param`etre a ´et´e mesur´e `a partir de courbes de vitesse en fonction de la force appliqu´ee [Schnitzer et al., 2000] et est diff´erent du param`etre a pr´ec´edent (3,7 nm contre 1,3 nm respectivement). La mobilit´e (donc le pas) et la processivit´e (donc le d´etachement) de la kin´esine font donc bien intervenir des m´ecanismes diff´erents.

Chapitre 2. Principales caract´eristiques des constituants impliqu´es dans la formation de tubes de membrane.

1.5 1.0 0.5 0.0 T a u x d e d é ta c h e m e n t (s -1 ) 3 2 1 0 F (pN)

Fig. 2.17 – Taux de d´etachement d’une kin´esine d’un MT en fonc-tion de la force r´etrograde appliqu´ee, d’apr`es [Thorn et al., 2000]. L’ajus-tement des donn´ees avec l’´equation 2.4 permet d’obtenir a=1,4 ±0,2 nm.

B.3.4 Influence de la concentration en ATP sur le taux de d´etachement Comme la longueur de processivit´e suit la cin´etique de Michaelis-Menten, elle augmente avec la concentration en ATP puis sature, comme la vitesse (fig.2.11). Comme elle est donn´ee par une formule similaire `a l’´equation 2.3 : L = V /ku dans le cas g´en´eral (avec force appliqu´ee), on en d´eduit que le taux de d´etachement d´epend peu de la concentration en ATP. Ainsi, quand l’ATP est limitant, le temps durant lequel la kin´esine est attach´ee au MT est du mˆeme ordre de grandeur qu’`a saturation en ATP, en revanche le nombre de pas effectu´es est plus faible et le temps ´ecoul´e entre chaque pas est plus grand : la kin´esine est bloqu´ee dans la position attach´ee en atten-dant qu’un ATP se lie. La conformation de la kin´esine penatten-dant l’attente d’un ATP reste controvers´ee : une tˆete attach´ee si on suppose que l’arriv´ee de l’ATP entraˆıne l’attachement de la deuxi`eme tˆete [Kawaguchi and Ishiwata, 2001, Asbury, 2005], ou bien deux tˆetes attach´ees comme ce qui a ´et´e sugg´er´e par les exp´eriences de Yildiz [Yildiz et al., 2004]. La r´eponse `a cette question demande une am´elioration de la r´esolution temporelle des exp´eriences faites en mol´ecule individuelle.

B.3.5 Influence de la pr´esence de MAPs

Les MAPs13 sont des prot´eines associ´ees aux MTs, elles se lient `a eux et changent leurs propri´et´es. Elles peuvent notamment les stabiliser contre le d´esas-semblage et intervenir dans leur interaction avec d’autres composants cellulaires [Alberts et al., 1995]. Il a ´et´e montr´e par exemple que les prot´eines Tau et MAP2c peuvent interagir avec les kin´esines qui s’accrochent sur les MTs. Elles diminuent leur fr´equence d’attachement, sans pour autant changer leur longueur de proces-sivit´e ni leur vitesse ; ce qui laisse penser que MAP2c et Tau peuvent intervenir dans la r´egulation de la fonction de la kin´esine au niveau de l’attachement, mais pas pendant le mouvement [Seitz et al., 2002]. Ces observations ont aussi ´et´e faites en marquant la kin´esine en fluorescence et en suivant les ´ev´enements d’accrochage et de mouvement au niveau de mol´ecules individuelles. Ces observations peuvent expliquer pourquoi, lorsque l’on fait des ”bead assays” en utilisant des microtubules stabilis´es contenant de la tubuline contenant des MAPs, la proportion de billes qui s’attachent sur les MTs est beaucoup plus faible que lorsque l’on utilise des MTs compos´es de tubuline pure, dans des conditions exp´erimentales similaires (voir ch4

13

C. Les V´esicules G´eantes Unilamellaires : syst`eme mod`ele de membranes biologiques

§A).