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Pourquoi les lipides ne sont pas arrach´es de la membrane par

Avant de comprendre comment les kin´esines peuvent d´eformer suffisamment la membrane pour extraire un tube, nous devons d’abord comprendre pourquoi, dans les exp´eriences que j’ai r´ealis´ees, elles n’extraient pas simplement les lipides auxquels elles sont directement attach´ees grˆace `a la liaison streptavidine-biotine5. En effet, les forces d´eploy´ees par les kin´esines sont comparables `a celles n´ecessaires pour extraire un lipide [Ludwig and Evans, 2000]. Pour r´epondre `a cette question, il faut comparer les temps de vie de la liaison kin´esine-MT et ceux d’un lipide biotinyl´e ins´er´e dans une membrane, lorsqu’une force est appliqu´ee sur ces liaisons.

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les kin´esines sont biotinyl´ees, elles s’attachent aux lipides biotinyl´es de la membrane via une streptavidine (voir chapitre suivant pour le protocole exact).

B. Dynamique de formation et de croissance d’un tube de membrane tir´e par des kin´esines

B.1.1 Temps de vie de la liaison kin´esine-microtubule

Dans le cas de liaison kin´esine-MT, nous avons vu au paragraphe B.3.3 du cha-pitre 2 que le taux de d´etachement kin´esine-MT augmentait exponentiellement avec la force r´etrograde appliqu´ee sur la kin´esine. La d´ependance, donn´ee par la th´eorie de Kramers [Kramers, 1940] est donn´ee par l’´equation 2.4. Comme le temps de vie de la liaison (τK−M T), c’est-`a-dire le temps moyen au bout duquel la kin´esine se d´etache spontan´ement du MT, est simplement l’inverse du taux de d´etachement, on peut le calculer en prenant l’inverse de la formule 2.4 :

τK−M T(F ) = τK−M T0 exp(−KF a

BT) (3.17)

o`u τ0

K−M T = 1/k0

u= 2,4 s est le temps de vie en l’absence de force appliqu´ee, F la force appliqu´ee et a=1,3 nm [Schnitzer et al., 2000]. On peut par exemple calculer le temps de vie de la liaison lorsqu’une force de l’ordre de la force d’arrˆet de la kin´esine est appliqu´ee (6 pN). Avec les valeurs donn´ees pr´ec´edemment, on obtient un temps de vie de l’ordre de τK−M T ≃ 0,3 s.

B.1.2 Temps de vie d’un lipide biotinyl´e dans une membrane lipidique Dans le cas de la liaison lipide-membrane, l`a encore il faut tenir compte de la force appliqu´ee sur la liaison. Il est important de remarquer que la force du lien d´epend de la vitesse `a laquelle on applique la force : plus on tire vite et plus la force `a appliquer pour casser la liaison doit ˆetre importante. Ces observations sont bien expliqu´ees par la th´eorie de Kramers. Il n’est pas n´ecessaire de rentrer dans les d´etails ici, je vous renvoie aux travaux de Evan Evans [Evans et al., 1995, Evans and Ritchie, 1997] (voir aussi la revue [Evans, 2001]) qui a mis au point une technique de Spectroscopie Dynamique de Force pour sonder ces effets de vitesse de force appliqu´ee sur la force de rupture d’une liaison. Cette technique appel´ee ”Biomembrane Force Probe” utilise un globule rouge comme capteur de force. Le globule est fix´e `a une bille couverte du ligand test´e ; le tout est mis en contact avec une bille couverte du r´ecepteur associ´e au ligand test´e ou bien avec une v´esicule dans le cas o`u la liaison d’un lipide dans une membrane est ´etudi´ee. Le globule et la deuxi`eme bille (ou v´esicule) sont maintenus grˆace `a deux micropipettes mises face `a face (fig. 3.10). Lorsque le globule et la bille centrale sont ´eloign´es de fa¸con contrˆol´ee de l’objet sond´e, il est possible de mesurer la force croissante appliqu´ee sur la liaison entre la bille centrale et l’objet (connaissant la position de la bille et l’´elasticit´e du globule) jusqu’`a rupture de la liaison. Pour sonder une liaison unique, il suffit de diminuer au maximum la quantit´e de ligands et de r´ecepteurs situ´es `a la surface des billes (ou v´esicule).

Evans et al. ont notamment ´etudi´e l’influence de la force appliqu´ee sur le taux de dissociation d’un lipide d’une membrane. Ils ont utilis´e comme sonde le lipide diC14-PE-biot (deux chaˆınes de 14 carbones, une tˆete PE et un tag PEG-biotine6). Ce lipide est plac´e dans une membrane de v´esicule SOPC-cholest´erol. Les

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Le PEG, poly-ethyl`ene-glycol est un long polym`ere ins´er´e entre le lipide et la biotine. Il sert d’espaceur et permet de rendre la liaison avec la biotine plus mobile. En toute rigueur, il faudrait

Chapitre 3. Etude th´eorique de l’extraction et la croissance de tubes de membrane

Fig. 3.10 – Principe de la ”Biomembrane Force Probe”. Une bille est attach´ee `a un globule rouge aspir´e dans une micropipette, utilis´e comme capteur de force. La bille est mise en contact de fa¸con contrˆol´ee avec l’objet r´ecepteur (bille ou v´esicule) puis ´eloign´ee. L’enregistrement de la position de la bille centrale ainsi que la d´e-formation du globule rouge permet de remonter `a la force de rupture de la liaison entre la bille et l’objet. D’apr`es [Merkel et al., 1999].

r´esultats obtenus sont repr´esent´es figure 3.11 (A) (disques rouges). Les triangles bleus repr´esentent les r´esultats obtenus lorsque seule la liaison avidine-biotine est sond´ee. (A) (B) 20 15 10 5 0 F o rc e ( p N ) 10-2 10-1 100 101 102 103 104 Taux de charge (pN/s) 0.01 0.1 1 10 100 T e m p s d e v ie ( s ) 20 15 10 5 0 Force (pN)

Lipide dans la membrane Avidine-biotine

Fig. 3.11 – (A) Force d’arrachage d’un lipide de la membrane (disques rouges) ou force de rupture de la liaison avidine-biotine en fonction du taux de charge (taux d’accroissement de la force appliqu´ee en fonction du temps). Les lignes continues cor-respondent aux fits logarithmiques donn´es par l’´equation 3.18. (B) Temps de vie d’un lipide dans une membrane (disques rouges) ou de la liaison avidine-biotine (triangles bleus) en fonction de la force appliqu´ee. Les lignes continues correspondent aux fits exponentiels donn´es par l’´equation 3.20. D’apr`es [Merkel et al., 1999, Evans, 2001].

Pour calculer le temps de vie de la liaison, τlip, en fonction de la force de rupture, f

, connaissant la relation entre la force de rupture et le taux de charge, rt(taux de croissance de la force appliqu´ee avec le temps, d´epend de la vitesse d’´eloignement et de l’´elasticit´e du globule), il faut ´ecrire les ´equations suivantes [Evans, 2001] :

B. Dynamique de formation et de croissance d’un tube de membrane tir´e par des kin´esines

f = KBT xβ ln rtτ0 lipxβ KBT  (3.18) τlip = KBT xβ 1 rt (3.19) τlip = τlip0 exp

 −f xβ KBT  (3.20) o`u τ0

lipest le temps de vie du lipide dans la membrane en l’absence de force appliqu´ee et xβ joue le mˆeme rˆole que a dans la liaison kin´esine-MT7. Il suffit en effet de remplacer l’expression de rt donn´ee par l’´equation 3.19 dans l’´equation 3.18 pour obtenir l’´equation 3.20, qui est similaire `a l’´equation 3.17 dans le cas de la liaison kin´esine-MT. Un ajustement `a deux param`etres des donn´ees de f

en fonction de rt

(fig. 3.11 (A)) permet d’obtenir les valeurs de xβ et τlip0 qu’il suffit de r´einjecter dans l’´equation 3.20 donnant le temps de vie τlip. On obtient alors les donn´ees repr´esent´ees dans la figure 3.11 (B).

B.1.3 Comparaison : la kin´esine se d´etache avant d’arracher un lipide Nous pouvons remarquer que pour une valeur de force ´egale `a 6 pN, le temps de vie d’un lipide dans la membrane est de l’ordre de 3 s, et le temps de vie de liaison streptavidine-biotine est de l’ordre de 10 s (fig. 3.11 (B)). Sachant que les lipides biotinyl´es utilis´es dans nos exp´eriences ont une chaˆıne carbon´ee plus longue (18 carbones) que ceux utilis´es pour tracer les courbes repr´esent´ees figure 3.11, on peut supposer que leur temps de vie est encore plus ´elev´e. De mˆeme, sachant que la liaison streptavidine-biotine utilis´ee est encore plus forte que la liaison avidine-biotine, le temps de vie est aussi plus ´elev´e. En remarquant que ces temps de vie sont beaucoup plus ´elev´es que celui de la liaison kin´esine-MT, on comprend que ce sera toujours la liaison kin´esine-MT qui cassera avant l’arrachage du lipide de la membrane (ou encore la rupture de la liaison streptavidine-biotine) n’ait lieu ; ce qui r´epond `a la question pos´ee. Cependant, c’est tout de mˆeme pour ´eviter que les kin´esines n’arrachent les lipides qu’A. Roux et al. ont commenc´e par accrocher les kin´esines `a la membrane par l’interm´ediaire de petites billes de latex (taille 200 nm) pour tirer des tubes de membrane [Roux et al., 2002].

La suite du chapitre porte sur la th´eorie correspondant aux exp´eriences que j’ai r´ealis´ees sur la formation de tubes de membrane tir´es par des kin´esines. Dans ces exp´eriences, de fa¸con relativement similaire aux exp´eriences in vitro r´ealis´ees pr´ec´edemment, une v´esicule couverte d’un nombre contrˆol´e de moteurs est mise en contact avec un r´eseau de MTs stabilis´es. En pr´esence d’ATP, les moteurs se d´eplacent et ´etant attach´es `a la membrane, la d´eforment. Nous avons cherch´e `a d´eterminer quelles ´etaient les conditions pour qu’un tube se forme, ainsi que la

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caract´erise la distance entre l’´etat li´e et l’´etat de transition avant l’´etat non li´e (voir fig. 2.15).

Chapitre 3. Etude th´eorique de l’extraction et la croissance de tubes de membrane

distribution des moteurs le long du tube une fois qu’il est tir´e. Une ´etude th´eorique en champ moyen effectu´ee au laboratoire a permis de coupler la dynamique des moteurs et la physique d’extraction de tubes.

B.2 Pr´esentation du syst`eme v´esicule-tube de membrane