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Section I L’ouverture des marchés agricoles par homogénéisation et diminution des

Paragraphe 1 – L’homogénéisation des restrictions aux importations pour un accès

A. La tarification

264. Dans le cadre du processus de tarification, tous les Membres de l’OMC

sont obligés de convertir, au moment de la conclusion de l’Accord sur l’agriculture, leurs barrières non tarifaires existantes en droits de douane équivalents, qui peuvent offrir le même niveau de protection à la frontière. Cette obligation est en effet imposée de manière implicite par l’article 4.2 de l’Accord sur l’agriculture, qui exige ses Membres de l’OMC de ne pas maintenir, ni recourir ni revenir aux « mesures du type de celles qui ont dû être converties en droits de douane proprement dits ».558

265. Le langage de cet article étant concis, plusieurs interrogations ont surgi

en ce qui concerne les mesures visées par le processus de tarification, le résultat devant être atteint à l’issue de la tarification, la méthode de conversion et le choix des données de référence pour la tarification. Les travaux des négociations et les interprétations offertes par l’Organe de règlement de différends (ORD) de l’OMC ont fourni quelques lignes indicatives sur ces points.

557 Etant donné la nature très sensible du commerce agricole, l’OCDE a déclaré la tarification comme « one of the most

significant ‘systemic’ achievement of the Uruguay Round ». Voir OCDE, Le Cycle de l’Uruguay: évaluation préliminaire des conséquences de l’Accord sur l’agriculture dans les pays de l’OCDE, Paris, 1995, p. 33

M. D. Ingo a également considéré la tarification comme l’aspect le plus important de l’Accord sur l’agriculture. INGCO M. D., Agricultural Trade Liberalization in the Uruguay Round: One Step Forward, One Step Back? , Rapport supplémentaire préparé pour la Conférence de la Banque mondiale sur « Le Cycle de l’Uruguay et les pays en voie de développement », Washington D.C., 26 – 27 January 1995, p. 4

558

Le libellé de l’article 4.2 de l’Accord sur l’agriculture est comme suivant :

« les Membres ne maintiendront pas de mesures du type de celles qui ont dû être converties en droits de douane proprement dits, ni ne recourront ni ne reviendront à de telles mesures, exception faite de ce qui est prévu à l’article 5 et à l’Annexe 5 ».

QIN Quan| Thèse de doctorat |Novembre 2017

266. En fait, la note de bas de page 1 de l’article 4.2 a énuméré une série de

mesures pouvant faire l’objet du processus de tarification. Il s’agit des restrictions quantitatives à l’importation, des prélèvements variables à l’importation, des prix minimaux à l’importation, des régimes d’importation discrétionnaires, des mesures non tarifaires appliquées par l’intermédiaire d’entreprises commerciales d’Etat, des autolimitations des exportations. Sont couverts également « les mesures à la frontière similaires autres que les droits de douane proprement dits, que ces mesures soient ou non appliquées au titre de dérogations aux dispositions du GATT de 1947 ».559

267. Or, comme l’a affirmé l’Organe d’appel dans l’affaire Chili – Système de

fourchettes de prix, cette liste n’a qu’une nature « exemplative, et non pas

exhaustive ».560 Surtout, par les expressions vagues de « mesures à la frontière similaires autres que les droits de douane proprement dits », il semble que, pour résoudre les problèmes des obstacles non tarifaires, les rédacteurs de l’Accord ont pris une approche globale, et non pas une approche énumérant toutes les « mesures qui ont dû être converties » durant les négociations du Cycle de l’Uruguay.561 L’obligation de tarification touche ainsi toutes sortes de barrières à l’importation qui n’étaient pas appliquées sous la forme de « droits de douane proprement dits ». Les seules mesures susceptibles d’échapper du processus de tarification sont celles appliquées au titre de dispositions relatives à la balance des paiements et au titre d’autres dispositions générales du GATT de 1994 ou d’autres accords conclus dans le cadre de l’OMC.562

559 La note de bas de page 1 de l’article 4.2

560 Dans cette affaire, le Chili a mis en place un système de fourchettes de prix et les mesures de sauvegarde appliqués aux

huiles végétales alimentaires, au blé et à la farine de blé, au sucre, afin de protéger son marché interne contre les fluct uations des cours mondiaux. Ce système consistait à imposer à l’importation de ces produits, en surplus du droit ad valorem prévu dans la Liste d’engagements du Chili, une taxe dont le mondant variait en fonction des prix mondiaux mensuels moyens enregistrés sur les marchés les plus importants au cours des années précédentes. Le droit spécifique s’appliquait à ce titre seulement lorsque le prix de référence calculé chaque semaine pour les produits concernés tombait en dessous de la limite inférieure de la fourchette tandis qu’une remise était consentie lorsqu’il dépassait la limite supérieure. Le Groupe spéciale et l’Organe d’appel ont, tous deux, considéré que ce système contrevenait à l’article 4.2 de l’Accord sur l’agriculture, en rais on que ce système chilien était similaire à un prélèvement variable à l’importation et à un prix minimal à l’importation, qui variaient automatiquement et continuellement, d’une manière au surplus non transparente et non prévisible.

Chili – Système de fourchettes de prix et mesures de sauvegarde appliqués à certains produits agricoles , Rapport du l’Organe d’appel, WT/DS207/AB/R, 23 septembre 2002, p. 74, para. 209

561 Ibid., para. 210 562

La note de bas de page 1 de l’article 4.2 de l’Accord sur l’agriculture établi cette exception: « … mais non les mesures appliquées au titre de dispositions relatives à la balance des paiements ou au titre d’autres dispositions générales ne concernant pas spécifiquement l’agriculture du GATT de 1994 ou des autres Accords commerciaux multilatéraux figurant à l’Annexe 1A de l’Accord sur l’OMC ».

268. D’ailleurs, l’interprétation de l’Organe d’appel sur l’article 4.2 révèle

clairement que les rédacteurs de l’Accord sur l’agriculture ont soigneusement choisi l’expression « mesures du type de celles qui ont dû être converties » pour renforcer cette approche globale. Pour l’Organe d’appel, « les rédacteurs voulaient viser un large éventail de mesures ». Ceci est donc contraire à l’argument du Chili que l’obligation de tarification se limite aux mesures « qui ont effectivement été converties ou qu’il a été demandé de convertir en droits de douane proprement dits » (italique en texte original).563

269. On remarque également la trace de l’approche globale du processus de

tarification dans l’expression « droits de douane proprement dits ». Au lieu d’utiliser le terme « droits de douane », les rédacteurs de l’Accord souhaitaient établir une ligne de démarcation entre les droits de douane ordinaires et autorisés et d’autres taxes et charges supplémentaires qui prenaient la forme de droits de douane mais variaient automatiquement et continuellement d’une manière instable, non transparente et imprévisible. Ce dernier type de taxes partage souvent un certain niveau de similarité avec les prélèvements variables à l’importation.564

Ainsi, le simple fait que les restrictions à l’importation soient mises sous forme de droit de douane ne leur permet pas d’échapper au processus de tarification.565

Donc, à l’issue du processus de

Il existe également d’autres exceptions au titre de l’Article 5 et de l’Annexe 5 de l’Accord sur l’agriculture. Pour les déta ils, voir le présent travail, para. 330 – 339 et 340 – 347

563

Dans l’affaire du Chili – Système de fourchettes de prix, afin de défendre la légitimité de son système de fourchettes de prix au titre de l’Article 4.2, le Chili a prétendu que « le fait qu’aucun pays n’a effectivement converti un système de fourchettes de prix en tarifs durant les négociations du Cycle de l’Uruguay et qu’aucun Membre ne lui a demandé de convertir son système de fourchettes de prix en tarifs durant ces négociations est ‘extrêmement pertinent’ aux fins de l’interprétation de l’article 4.2 ». Mais l’Organe d’appel ne voit pas la possibilité de donner sens et effet au texte de l’article 4.2, « si cette disposition était interprétée de manière à n’inclure que les mesures particulières dont la conversion en droits de douane proprement dits avait été demandée par les participants aux négociations du Cycle de l’Uruguay ».

Chili – Système de fourchettes de prix et mesures de sauvegarde appliqués à certains produits agricoles , Rapport de l’Organe d’appel, 23 septembre 2002, WT/DS207/AB/R, para. 206 – 208

564

Ibid., para. 240 – 252

565 En effet, on ne trouve aucune définition de « droits de douane proprement dits » dans le texte de l’Accord sur

l’agriculture. Le Groupe spécial dans l’affaire Chili – Système de fourchettes de prix a constaté que « tous les droits de douane “ proprement dits” prennent la forme de droits ad valorem ou de droits spécifiques (ou des deux à la fois) ». Cette définition n’était cependant pas acceptée par l’Organe d’appel. Pour l’Organe d’appel, c’est plutôt en examinant l’usage et l e contexte de ce terme, surtout l’article II : 2 du GATT de 1947 et l’Annexe 5 de l’Accord sur l’agriculture, que l’on voit la distinction entre les droits de douane permissibles et ceux visés par le processus de tarification.

Pour les détails, Chili – Système de fourchettes de prix et mesures de sauvegarde appliqués à certains produits agricoles , Rapport du Groupe spécial, 3 mai 2002, WT/DS207/R, para. 7.52, et Rapport de l’Organe d’appel, 23 septembre 2002, WT/DS207/AB/R, para. 276 – 277

QIN Quan| Thèse de doctorat |Novembre 2017 tarification, toutes les restrictions frontières à l’importation autres que les droits de douane « proprement dits » devaient être converties en leurs équivalents tarifaires.

270. En ce qui concerne la méthode de tarification, aucun indice n’a été fourni

par les dispositions de l’Accord sur l’agriculture. C’est plutôt dans la Section A de l’Annexe 3 des Modalités de l’établissement d’engagements contraignants et spécifiques s’inscrivant dans le cadre du programme de réforme, que l’on trouve les prescriptions sur la méthode pour calculer les équivalents tarifaires.566

271. Selon les Modalités de l’établissement d’engagements contraignants et

spécifiques, les équivalents tarifaires doivent être établis pour to us les produits agricoles assujettis à des restrictions frontalières autres que les droits de douane proprement dits. Ils doivent être exprimés en droits ad valorem ou spécifiques et calculés « d’une manière transparente sur la base de la différence effective entre les prix intérieurs et les prix extérieurs, au moyen des données, sources de données et définitions spécifiées à l’annexe 2 ».567

En cas où un équivalent tarifaire ainsi calculé est négatif ou inférieur au taux consolidé courant, « l’équivalent tarifaire initial pourra être établi au niveau de ce taux ou sur la base des offres nationales relatives au produit considéré ».568 C’est ce que l’on appelle la méthode de « l’écart de prix » pour établir les équivalents tarifaires des restrictions non tarifair es.569 A ce propos, les analyses dans deux rapports d’arbitrage de l’affaire EC –Banane III ont dégagé des

566

Les Modalités de l’établissement d’engagements contraignants et spécifiques s’inscrivant dans le cadre du programme de réforme, ont été publiées pendant les négociations multilatérales du Cycle de l’Uruguay afin de « permettre la mise au point des projets de Listes de concessions et d’engagements dans les négociations sur l’agriculture et faciliter le processus de vérification qui aboutira à l’établissement des Listes formelles qui seront annexées au Protocole du Cycle de l’Uruguay ». Ce document étant de nature temporaire, son effet juridique est terminé à la conclusion du Cycle de l’Uruguay. Tout comme d’autres modalités des négociations, il ne peut non plus être utilisé comme base pour engager une procédure de règlement des différends au titre de l’Accord instituant l’OMC. Il peut servir cependant à un instrument supplémentaire dans le but de l’interprétation de l’Accord sur l’agriculture et des Listes d’engagements des Membres.

GATT, Groupe de négociation sur l’accès aux marchés, Modalités de l’établissement d’engagements contraignants et spécifiques s’inscrivant dans le cadre du programme de réforme, MTN.GNG/MA/W/24, 20 décembre 1993, para. 1 et 4

567 Ibid., Annexe 3, Section A, para. 4 et 6.

En vertu des Modalités, les prix extérieurs seront les valeurs unitaires moyennes c.a.f. effectives pour le pays importateur, et le prix intérieur sera généralement un prix de gros représentatif qui prévaux sur le marché intérieur. En outre, l’Annexe 2 prévoit que « les participants présenteront des listes d’en gagements et des données explicatives établies suivant les engagements de réduction et les modalités établies pour chaque domaine de la négociation. Dans les cas où cela sera spécifié, les données explicatives feront partie intégrante des engagements spéci fiques auxquels elles se rapportent. »

568

Ibid., Annexe 3, Section A, para. 8

569 INGCO M. D., Agricultural Trade Liberalization in the Uruguay Round: One Step Forward, One Step Back? , op. cit., p.

principes directeurs pour l’application de cette méthode, surtout pour le calcul des prix intérieurs et extérieurs.570

272. Afin de calculer les équivalents tarifaires, les données des années de

1986 à 1988 ont été choisies comme données de référence.571 Ce choix de période de base a une importance cruciale, du fait que les équivalents tarifaires résultant du processus de tarification auront établi le plafond du niveau de protection et servi ainsi comme base d’engagements de réduction, objectifs des négociations multilatérales subséquentes. Par conséquent, les pays participants aux négociations ont tout intérêt à se référer aux données dans les années où les différences entre les prix intérieurs et extérieurs sont les plus importantes.572 Apparemment, le choix des années 1986 à 1988 a bien reflété cette considération.573

273. Etant donné que la tarification était censée conférer une protection

équivalente à celle qui était assurée par les barrières non tarifaires, elle permet de quantifier l’étendue des engagements des Membres et facilite ainsi la recherche de leurs avantages réciproques.574