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L’absence de la sécurité des approvisionnements alimentaires dans l’évolution

Section II – La sécurité alimentaire, un concept ignoré de la théorie du libre échange

B. L’absence de la sécurité des approvisionnements alimentaires dans l’évolution

153. S’il est vrai que les échanges commerciaux des produits agricoles, en

particulier celui des denrées alimentaires, représentent historiquement une partie importante du commerce international des marchandises, cela ne nous permet pas, cependant, de dégager des rapports entre la sécurité des approvisionnements alimentaires et l’évolution du principe de la liberté du commerce depuis des siècles.

En outre, Paul Samuelson découvrit qu’ « [a]griculture may be the unlucky stepchild of nature, but it is often the favored foster child of government ». Voir SAMUELSON P., Economics, 10th ed., New York, McGraw-Hill, 1976, p. 412

335

Selon B. Guillochon, l’Europe continentale était « majoritairement protectionniste » dans la première moitié du 19ème siècle. Par exemple, la France, l’Allemagne et la Russie avaient choisi de protéger leur agriculture et industrie par les dro its de douane. Ce n’est que la signature en 1860 d’un traité de commerce bilatéral entre la France et le Royaume-Uni qui marquait « le début d’une période de relatif libre-échange ». GUILLOCHON B., Le protectionnisme, op. cit., p. 20

336 GUILLAUMET P., « Les relations commerciales entre la France et l’Europe depuis 1850 : impact sur la croissance

économique de la France », Revue de l’OFCE, n°82, 2002, pp. 49 et 56 ; GUILLOCHON B., Le protectionnisme, op. cit., pp. 21 – 22

337 VINCENT Ph., Institutions économiques internationales, op. cit., p. 25

A ce propos, P. H. Lindert a observé que l’histoire des Etats-Unis et celle des pays industrialisés européens enregistraient un mouvement disproportionné vers le protectionnisme agricole. Par contre, il a remarqué le manquement des preuves historiques sur les pratiques de protectionnisme agricole dans les pays du Sud.

Pour details, voir LINDERT P. H., « Historical Patterns of Agricultural Policy », op. cit., pp. 68 – 75 ; GUILLOCHON B., Le protectionnisme, op. cit., pp. 20 – 23

QIN Quan| Thèse de doctorat |Novembre 2017

154. Le retour aux passages théoriques du droit international révèle que le

principe de la liberté du commerce, en tant qu’une des normes fondamentales du droit international classique, s’était accompagné dès sa genèse de ceux de la liberté de communication et de la liberté de navigation.338 Plus précisément, Francisco de Victoria, un des fondateurs du droit international a qualifié, dans son œuvre les

Relectiones theologicæ, le droit de communication (jus comunicationis), le droit de

navigation et le droit de commerce (jus commercii) comme droits primitifs de tous les individus. D’ailleurs, il a indiqué explicitement que « les hommes ont le droit de commercer avec les autres hommes et les princes ne peuvent…imposer aucune prohibition aux étrangers ou à leurs sujets ».339 Lorsqu’il traitait de la liberté des mers (Mare liberum), Hugo Grotius a commencé par poser, comme principe du droit des gens primaire, la règle que la navigation et le commerce sont libres pour tous les hommes.340 Il a considéré par la suite que la liberté du commerce « est du droit des gens appelé primitif, lequel procède d’une cause naturelle et perpétuelle ».341

155. L’insertion du principe de la liberté du commerce dans les premiers

traités bilatéraux du commerce conclus entre les pays européens combinaient également le droit de commerce et le droit de navigation.342 Prenons comme exemple le premier traité sous le nom de « Traité de commerce » conclu en 1353 entre l’Angleterre et le Portugal. Il a prévu que « les gens, … puissent sûrement, franchement et suavement (sic) aller et passer, par terre et par mer, à toutes les

338

LAGHMANI S., Histoire du droit des gens du jus gentium impérial au jus publicum europaeum, Paris, Pedone, 2003, p. 176

339 PILLET A., Les fondateurs du droit international, Paris, V. Giard & E. Brière, 1904, pp. 8 – 9 340

Ibid., pp. 171 et 173 Précisément, il a écrit que

« c’est un principe introduit par le d roit des gens que la faculté de négocier soit libre à tous les hommes, et ne puisse leur être enlevée par personne. …En ce principe, qui fut nécessaire aussitôt après la distinction des propriétés, peut ainsi être considéré comme remontant à la plus antiqu e origine. »

Sur le texte original, voir GROTIUS H., Dissertation de Grotius sur la liberé des mers, op. cit., p. 113

341

GROTIUS H., Dissertation de Grotius sur la liberé des mers, op. cit., p. 115

342 Sur ce point, V. Philbert a remarqué que « la plupart des conventions commerciales… de même que plusieurs autres traités

de cette époque contiennent des dispositions relatives à la liberté de navigation…parallèlement à celle du commerce international ». PHILBERT V., De la liberté du commerce dans les traités de commerce, op. cit., p. 28

De tel type de formulation a été repris de façon continue dans les actes du droit international contemporain. Par exemple, l’article 23, lettre e) du Pacte de la Société des Nations proclamait que

« les membres de la Société…prendront les dispositions nécessaires pour assurer la garantie et le maintien de la liberté des communications et du transit, ainsi qu’un équitable traitement du commerce et tous les membres de la Société ».

marines, ports, cités et villes de l’une part et de l’autre, et à tous autres royaumes et parties, … avec toutes marchandises …».343

Il a été stipulé, en outre, dans l’article 7 du traité de paix et d’amitié du 1713 entre la France et l’Angleterre, que « la navigation et le commerce seront libres entre les sujets de leurs dites Majestés… ».344

Suite à la multiplication rapide des traités de commerce aux 17ème et 18ème siècles, la liberté du commerce était affirmée de plus en plus nettement comme la règle par les acteurs de la scène internationale et est devenue ainsi un droit commun dans plusieurs Etats européens, même si elle était soumise indirectement à certaines restrictions.345

156. En ce qui concerne le mouvement contemporain du libre-échange, il a

pris comme point de départ les théories des physiocrates français du 18ème siècle, qui préconisaient la réduction de l’interdiction à l’exportation des produits agricoles sous le slogan de « laisser faire, laisser passer ».346 Il a été considéré, sur le plan économique, par C. P. Kindleberger comme une partie de la réponse générale à l’effondrement du système seigneurial et des corporations, réponse motivée par les considérations idéologiques et non pas purement et simplement par les intérêts économiques.347 Particulièrement, le libre-échange est apparu en Angleterre comme doctrine de l’économie politique ayant pour but de lutter contre les monopoles, augmenter les profits, et améliorer l’efficacité de l’allocation des ressources et de la productivité.348 Néanmoins, sur le plan juridique, le principe de la liberté du commerce est considéré comme « le principe moteur des développements du droit international au cours de la seconde moitié du 19ème siècle et du début de 20ème siècle », et comme « le principe de base d’un droit international fait par et pour des

343

PHILBERT V., De la liberté du commerce dans les traités de commerce, op. cit., pp. 6 – 7

344 Ibid., p. 40

345 Les restrictions portaient souvent sur les droits de douane, l’obligation de fournir un certifi cat d’origine (Traité de paix et

d’alliance conclu en 1604 entre la France et l’Espagne), etc. Pour les détails, PHILBERT V., De la liberté du commerce dans les traités de commerce, op. cit., pp. 21 – 30

346 KINDLEBERGER C. P., « The Rise of Free Trade in Western Europe, 1820 – 1875», op. cit., p. 6 347

Ibid., pp. 33 – 34

En plus, selon lui, ce point est notamment vrai lors qu’il agissait de l’élimination des restrictions et de diverses taxes à l’exportation.

348

QIN Quan| Thèse de doctorat |Novembre 2017 Etats capitalistes » qui justifie l’hégémonie occidentale par rapport aux peuples du reste du monde.349

C. L’absence de la sécurité des approvisionnements alimentaires dans le