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Le droit international positif

Section I – Le libre-échange comme instrument indispensable à la sécurité alimentaire

Paragraphe 3 Le droit international positif

143. Jusqu’à l’heure actuelle, les débats théoriques sur la question des

rapports entre commerce agricole et problème alimentaire mondial sont loin d’avoir abouti à une conclusion définitive. En réalité, en raison de son importanc e économique, sociale et stratégique, le secteur agricole est traditionnellement bien protégé par les gouvernements.314 Le mouvement vers l’ouverture des échanges

311 VINCENT Ph., Institutions économiques internationales, op. cit., pp. 18 – 20 312

FAO, Documents d’information technique du Sommet mondiale de l’alimentation , op. cit., para. 3.23

313

FAO, Les négociations commerciales multilatérales sur l’agriculture - Manuel de référence - I - Introduction et sujets généraux, op. cit., para. 2.2.1

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agricoles pose toujours des questions très sensibles et se heurte souvent aux obstacles explicites ou déguisées mis en place par les acteurs principaux des marchés internationaux. Malgré l’existence persistante du protectionnisme agricole et les imperfections réelles des arrangements commerciaux multilatéraux, les experts des relations économiques internationales considèrent le commerce et sa réforme comme une « composante essentielle de toute stratégie de sécurité alimentaire fondée sur l’autosuffisance ».315

Parmi un nombre important d’instruments élaborés à diverses occasions par les organisations internationales traitant du problème alimentaire, les textes suivant méritent d’être soulignés. Ils ont consolidé les résultats des efforts déployés par la communauté internationale sous l’égide des Nations Unies et de ses divers organes sur des questions du commerce ayant une incidence sur la sécurité alimentaire.316

144. Dans son article 11.2 (b), le Pacte international relatif aux droits

économiques, sociaux et culturels a envisagé, de façon implicite, la contribution du commerce dans les actions de sauvegarde du droit à une alimentation adéquate. Il exige des Etats contractants d’adopter, individuellement ou au moyen de la coopération internationale, les mesures nécessaires « pour assurer une répartition

1) Il est impossible pour les pays en développement de renoncer aux recettes douanières qui constituent souvent une source indispensable de revenus et le seul moyen de récupérer les devises. Voir TODARO M. P. et SMITH S. C., Economic Development, 12nd ed., Boston, Pearson, 2015, pp. 637 – 639. ; KOWALSKI P., Impact of changes in tariffs on developing countries’ government revenue, OECD Trade Policy Working Paper n°18, Paris, 2005, 104p.; et LAIRD S., VANZETTI D. et FERNANDEZ DE CORDOBA S., Smoke and Mirrors, Making Sense of the WTO Industrial Tariff Negotiations, UNCTAD Policy Issues in International Trade and Commodities Study Series N°30, Genève, 2006, p. 18

2) Le protectionnisme est considéré souvent par certains auteurs comme une étape intermédiaire vers le libre - échange. La protection est surtout nécessaire pour permettre aux industries naissantes de se développer suffisamment avant d’entrer dans la concurrence avec les industries déjà installées. Voir BAIROCH P., Mythes et paradoxes de l’histoire économique, Paris, La Découverte, 2005, pp. 77 – 79

3) En matière agricole, les économies d’échelle vont arriver un moment où « le producteur est obligé de mettre en culture des terres de moins bonne qualité. Le coût de chaque unité produite augmentera, diminuant dès lors l’avantage comparatif ». Voir le travail de GRAHAM F., « Some Aspects of Protection Further Considered », Quaterly Journal of Economics, Vol. 37, n°2, 1923 pp. 199 – 227

4) Le protectionnisme est d’ailleurs soutenu par les secteurs pour lesquels l’Etat ne dispose pas d’un avantage comparatif. La tradition de protectionnisme agricole persiste également afin d’assurer le niveau de vie des populations rurales et de réduire la dépendance des Etats à l’égard des importations agricoles. VINCENT Ph., Institutions économiques internationales, op. cit., pp. 24 – 25

315 FAO, Les négociations commerciales multilatérales sur l’agriculture – Manuel de référence – II – L’Accord sur

l’agriculture, op. cit., Module 10, para. 10.2.2

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Nous trouverons d’ailleurs des passages sur ce sujet dans les résolutions et déclarations de l’Assemblé générale, de la Conférence sur le commerce et le développement, du Conseil économique et social, de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, et du Comité de la sécurité alimentaire mondiale de la FAO.

QIN Quan| Thèse de doctorat |Novembre 2017 équitable des ressources alimentaires mondiales par rapport aux besoins, compte tenu des problèmes qui se posent tant aux pays importateurs qu’aux pays exportateurs de denrées alimentaires ».317

145. A l’occasion de la Conférence mondiale de l’alimentation de 1974, le

rapport entre sécurité alimentaire et commerce international a nécessité plusieurs jours de discussion.318 La déclaration adoptée à l’issue de la Conférence a encouragé explicitement les Etats à réajuster leurs politiques agricol es, « en reconnaissant… le rapport qui lie le problème alimentaire mondial et le commerce international ». Particulièrement, les pays développés étaient invités à « tenir compte, dans la mesure du possible, des intérêts des pays en voie de développement ex portateurs…afin d’éviter de porter préjudice aux exportations de ceux-ci ». La coopération dans les négociations commerciales multilatérales était d’ailleurs appelée à mettre au point des mesures efficaces en vue de stabiliser les marchés mondiaux, promouv oir les prix équitables et rémunérateurs et renforcer la capacité d’importation des pays en développement.319 Sur ce point, la déclaration a présenté un plan très ambitieux, dont le contenu opératoire est pourtant grandement restreint de manière regrettable par l’expression de « dans la mesure du possible ».320

146. Lorsque 186 pays se sont réunis à Rome en 1996 à l’occasion du Sommet

mondial de l’alimentation, ils ont réaffirmé que « le commerce est un élément

317 Article 11.2 (b) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

318 RONDEAU A., « La Conférence mondiale de l’alimentation ou le triomphe de la rhétorique. Rome, 5 – 16 novembre

1974 », Revue Tiers Monde, Vol. 16, n°63, 1975, p. 680

319

Sur ce point, le texte original de la déclaration se lit comme suit :

« tous les Etats devraient s’efforcer, dans toute la mesure possible, de réajuster, le cas échéant, leurs politiques agricoles de manière à accorder la priorité à la production alimentaire, en reconnaissant à cette occasion le rapport qui lie le problème alimentaire mondial et le commerce international. Pour déterminer leur attitude à l’égard des programmes de soutien agricole en faveur de la production alimentaire nationale, les pays développés devraient tenir compte, dans la mesure du possible, des intérêts des pays en voie de développement exportateurs de produits alimentaires, afin d’éviter de porter préjudice aux exportations de ceux -ci. En outre, tous les pays devraient coopérer pour mettre au point des mesures efficaces afin d’affronter le problème de la stabilisation des marchés mondiaux et de la promotion de prix équitables et rémunérateurs, notamment par des arrangements internation aux, d’améliorer l’accès aux marchés moyennant la réduction ou la suppression des obstacles douaniers et non douaniers pour les produits intéressant les pays en développement, d’accroître substantiellement les recettes d’exportation de ces pays, de contribuer à la diversification de leurs exportations et de leur appliquer, dans les négociations commerciales multilatérales, les principes de la Déclaration de Tokyo, notamment celui de non - réciprocité et de traitement plus favorable. »

ONU, Déclaration universelle pour l’élimination définitive de la faim et de la malnutrition , adoptée le 16 novembre 1974 par la Conférence mondiale de l’alimentation, texte disponible sur le site Internet : http://www2.ohchr.org/french/law/malnutrition.htm (consulté le 25 juillet 2016)

320 RONDEAU A., « La Conférence mondiale de l’alimentation ou le triomphe de la rhétorique. Rome, 5 – 16 novembre

essentiel à la sécurité alimentaire » et se sont solennellement engagés à s’efforcer « de faire en sorte que les politiques concernant le commerce des denrées alimentaires et agricoles et les échanges en général contribuent à renforcer la sécurité alimentaire pour tous grâce à un système commercial mondial à la fois juste et axé sur le marché ».321 D’ailleurs, le Plan d’action adopté à l’issue du Sommet ne s’était pas borné à reprendre l’idée que « le commerce engendre une utilisation efficace des ressources et encourage la croissance économique qui est indispensable pour améliorer la sécurité alimentaire », et allait plus loin en précisant dans son paragraphe 37 :

« le commerce permet à la consommation alimentaire de dépasser la production vivrière, contribue à réduire les fluctuations de la production et de la consommation et évite en partie d’avoir à constituer des stocks. Il facilite considérablement l’accès à la nourriture grâce à ses effets positifs sur la croissance économique, les revenus et l’emploi. Des politiques économiques et sociales appropriées sont le meilleur moyen d’assurer que tous, y compris les pauvres, profitent de la croissance économique. Les politiques commerciales appropriées doivent promouvoir les objectifs de croissance durable et de sécurité alimentaire ».322

147. Ayant à réaffirmer le principe que le commerce est un facteur clé de la

sécurité alimentaire mondiale, la Déclaration du Sommet mondial de l’alimentation : cinq ans après, a invité le Conseil de la FAO à créer un groupe de travail intergouvernemental pour élaborer une série de directives volontaires. Elles visent à donner aux Etats des orientations pratiques pour assurer la concrétisation de la sécurité alimentaire de manière à atteindre les objectifs fixés par le Plan d’action du Sommet mondial de l’alimentation.323

Ces directives volontaires sont adoptées par le

321 FAO, Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale, adoptée par le Sommet mondial de l’alimentation de

1996, Rome, 13 – 17 novembre 1996, texte disponible sur le site Internet : http://www.fao.org/WFS/index_fr.htm (consulté le 25 juillet 2016)

322 Texte disponible sur le site Internet : http://www.fao.org/docrep/003/w3613f/w3613f00.htm (consulté le 25 juillet 2016) 323 La Déclaration du Sommet mondial de l’alimentation : cinq ans après (sic) a invité « le Conseil de la FAO à créer un

groupe de travail intergouvernemental chargé d’élaborer, dans un délai de deux ans, avec la partic ipation des parties parentes, une série de Directives volontaires à l’appui des efforts faits par les Etats Membres pour assurer la concrétisatio n progressive du droit à une alimentation adéquate, dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale ». FAO, du Sommet mondial de l’alimentation : cinq ans après, op. cit., p. 92, Volonté politique 10

QIN Quan| Thèse de doctorat |Novembre 2017 Conseil de la FAO en 2004, remettant l’accent sur la contribution du commerce international qui « peut fortement contribuer à promouvoir le développement économique, à lutter contre la pauvreté et à améliorer la sécurité alimentaire à l’échelle nationale ».324

Elles invitent ensuite les Etats à favoriser le commerce international « en tant qu’instrument efficace de développement, parmi d’autres, dans la mesure où un élargissement des échanges internationaux peut ouvrir des perspectives en matière de lutte contre la faim et la pauvreté dans b ien des pays en développement ».325 Bien que ces directives n’aient, par leur nature « volontaire », pas d’effet juridique contraignant, leur mise en œuvre est assurée par une volonté politique forte du fait qu’elles sont élaborées par un groupe de travail intergouvernemental, c’est-à-dire par les Etats participants, et non pas par des experts indépendants, comme dans le cas des Observations générales n°12 établies par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU.326

Section II – La sécurité alimentaire, un concept ignoré de la théorie du libre