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Le mode de fonctionnement des organisations à caractéristiques

3.1. La systématisation des pratiques

répressives-arbitraires :

consolidation

d’un « appareil terroriste d’État »

194

Deux mécanismes ont servi de piliers « légitimateurs » aux coups d’États orchestrés par les militaires et à la systématisation des pratiques répressives-arbitraires au sein des institutions de sécurité : la « Doctrine de la Sécurité Nationale » (DSN)195 et, dans ce cadre, le processus de construction de l’« ennemi intérieur » dans la figure du « subversif ». Ces mécanismes évoquèrent la période de la Guerre Froide et la théorie de la « guerre totale » où l’ennemi du « monde occidental » était le communisme à l’intérieur du territoire. La « guerre totale », mise en place par les deux puissances mondiales de l’époque – États-Unis et Russie -, n’était pas seulement militaire mais également économique, politique, idéologique et scientifique. Le champ de bataille se traduisait par des guerres dans d’autres pays où les deux puissances mesuraient leurs capacités respectives à conquérir des territoires et à imposer leur influence.

Aux Etats-Unis, le « National Security Act » de 1947 réorganisa les Forces Armées, en associant les stratégies de défense de sécurité intérieure - forces policières - avec celles de défense nationale – l’armée. Étant donné l’influence croissante des États-Unis sur les pays du sud du continent depuis la transformation de la Doctrine

      

194

Voir : HUGGINS, Martha Knisely. Vigilantism and the state in modern Latin America : essays on extralegal

violence. New York: Praeger, 1991 ; HUGGINS, Martha Knisely, HARITOS-FATOUROS, Mika ; ZIMBARDO,

Philip George. Violence workers : police torturers and murderers reconstruct Brazilian atrocities. Londres: University of California Press, 2002 ; CAIMARI, Lila. Apenas un delincuente. Crimen, castigo y cultura en la

Argentina. 1880-1955. Buenos Aires: Siglo XXI, 2004 ; CHAMAYOU, Grégoire. Les chasses à l’homme: histoire et philosophie du pouvoir cynégétique. Paris: La fabrique, 2010 ; KOONINGS, Kees, KRUIJT, Dirk. Societies of fear : the legacy of civil war, violence and terror in Latin America. New York: Zed Books, 1999 ; KOONINGS,

Kees, KRUIJT, Dirk. Armed actors : organized violence and state failure in Latin America. New York: Zed Books, 2004. MENJÍVAR, Cecilia, RODRÍGUEZ, Néstor. When states kill : Latin America, the US, and technologies of

terror. Austin: University of Texas Press, 2005.

195

La Doctrine de la Sécurité Nationale (DSN) fut l’adaptation latinoaméricaine du paradigme de la sécurité nationale développée aux Etats-Unis pendant la Guerre Froide. Jusqu’à la fin des années 1950, la doctrine militaire prédominante et – acceptée universellement – était basée sur le concept classique d’ennemi extérieur, c'est-à-dire de l’ennemi situé hors des frontières géographiques d’un pays. A partir des années 1960, ces concepts stratégiques ont eu tendance à être modifiés. C’est à partir de ce moment-là que l’ennemi cessa d’être externe et devint interne à la société, il s’intériorisa et aboutit à un changement de doctrine militaire très important qui redéfinit le rôle des militaires. Cela conduisit les forces armées à prendre le pouvoir pour extirper cet élément malin du noyau sain de la société. Effectivement, la fonction militaire résidait dès lors dans la préparation pour la guerre intérieure contre les subversifs. Voir : ORGAZ, Carlos Alfredo. La difícil convivencia: fuerzas armadas y sociedad civil en la Argentina. Buenos Aires : GEL, Grupo Editor Latinoamericano, 1996.

Monroe de 1923 en subterfuge pour l’expansion impérialiste à partir du corollaire Roosevelt en 1904, les militaires latino-américains ont suivi les principes de la « sécurité nationale » dictés par leur voisin du nord afin de garantir leur place dans le « monde libre » de la menace communiste. Le rôle nord-américain au sein des dictatures militaires latino-américaines s’est surtout traduit par l’augmentation des programmes d’assistance technique, d’entraînement et d’approvisionnement en armements et équipements militaires196. Les « Écoles de guerre » créées à l’image de l’« U.S. Army War College » et, également, de l’ « Institut des Hautes Études de Défense Nationale »197 (IHEDN) en France – l’ « École Supérieur de Guerre » au Brésil et l’« École de la Défense Nationale » en Argentine - ont été des lieux d’un « nouveau professionnalisme »198 au sein de l’armée, de la diffusion de cette Doctrine de Sécurité Nationale199 et de la construction idéologique de l’« ennemi intérieur ».

La « doctrine de la guerre révolutionnaire » (DRG) mise en place par l’État français lors des guerres coloniales d’Indochine (1946-1954) et d’Algérie (1954-1962) eut également une forte influence idéologique sur les méthodes répressives employées par les militaires latino-américains200. Face aux révoltes nationalistes aussi bien dans les colonies que dans la « métropole », un quadrillage militaro-policier intensif fut déployé par l’État français afin d’éradiquer la « gangrène subversive pourrissant le corps national »201. Cette gangrène représentait la menace « rouge et verte » qui illustrait le rapport Libermann : l’encerclement de l’Europe par l’alliance d’un « monde islamique » en vert et d’un « monde communiste » en rouge, une « menace globale », à la fois raciale et idéologique, à la fois interne et externe202. 

      

196

Orgaz, op. cit., 1996.

197

Et, aussi, le « Centre des Hautes Études Militaires » (CHEM) et « École Superieure de Guerre » (ESG). Le CHEM étant generalement réputé pour sa perspective stratégique et l’ESG pour son orientation tactique.

198

Stepan parle d’ « un nouveau professionnalisme militaire » dans lequel convergent les aptitudes politiques et les doctrines militaires. Voir : STEPAN, A. The New Professionalism of Internal Warfare and Military Role Expansion. In: Authoritarian Brazil, Origins, Policies, and Future. New Haven: Yale University Press, 1973.

199

Doctrine formalisée pour la première fois dans l’ « École de Guerre de Rio » en 1950, puis diffusée largement à partir de la « US Army School of Americas » au Panama.

200

Pendant et après la guerre d'Algérie, des généraux français ont été envoyés en Amérique du Sud (basés à Buenos Aires, ils y restèrent jusqu'à la chute de la junte du Général Jorge Rafael Videla) ainsi qu'à l'École militaire des Amériques pour y enseigner leurs méthodes contre-insurrectionnelles. Le documentaire de Marie-Monique Robin cité plus haut fait un portrait didactique des enseignements français auprès des armées sud-américaines.

201

« Les théories contre-subversives et la technologie sécuritaire sont alimentées à travers le partage d’expérimentations internationales et donc formulées différement selon les États et les armées. Ainsi, explicitement ou non, les conceptions de la DGR française renvoient aussi bien au répertoire colonial de l’Empire britanique qu’aux doctrines d’action psychologique du III Reich, à la psychologie des foules, l’anthropologie coloniale et la criminologie depuis la seconde partie du XIX siecle jusqu’au début du XX siecle. (…) L’idée centrale de la DGR présente le militaire comme le « chirurgien » attitré du corps national : professionnel doté d’un répertoire de techniques et de méthodes « éthiques et scientifiques » pour connaître et traiter les menaces visant la souveraineté de l’État et la vie de la nation, qui serait le seul à pouvoir traiter le cancer subversif à sa racine ». (tda). Voir Rigouste,

op. cit., pp.5-63.

202

Il s’agissait de créer une catégorie dans laquelle l’URSS, le communisme et la Ligue arabe étaient des « dangers » pour le bloc occidental. D’après le rapport, l’URSS était un danger puisqu’elle s’armait et cherchait à désintegrer le bloc occidental, le communisme, puisqu’il cherchait à désarmer l’armée occidentale, la Ligue arabe et l’islamisme du fait qu’ils appellaient à la guerre sainte sur les territoires occidentaux. D’après Rigouste, la

Quelques dispositifs constituèrent la panoplie qui donna corps à la DGR et qui ont également été adoptées par la DSN en Amérique latine:

« - mise en place d’un régime d’exception juridique ;

- quadrillage et recensement : surveillance et contrôle, physique et statistique, des identités et des relations sociales de la population ;

- déplacement et internement : déportations et camps de concentration (mais aussi torture massive et disparitions forcées) ;

- renseignement : écoutes, infiltrations, retournements de délateurs (et torture) ;

- action psychologique et propagande (manipulation des médias en direction de la population, des troupes ou de l’étranger) ;

- contre-terrorisme : emploi confidentiel et discrétionnaire des forces spéciales (création de « faux maquis » et des fausses organisations adverses visant à justifier la répression, formation des milices paramilitaires pouvant faire office d’ « escadrons de la mort » et suppléer les forces spéciales dans le cadre de « coup tordus ») ; 

- création d’une autodéfense composée d’éléments « indigènes » (…) »203 

En Amérique-latine, le concept de l’« ennemi intérieur » fut donc construit sur une panoplie adaptée à la « menace communiste » qui serait en tout lieu. C’est une « guerre » qui ne fixe pas d'« ennemi » réel à combattre car elle ne se déroule pas sur des « frontières territoriales » mais sur des « frontières idéologiques ». La DGR ainsi que la DSN considèrent « la population comme un milieu de prolifération de la subversion révolutionnaire » et pensent « l’ennemi à la fois comme acteur d’un pourrissement invisible et un corps politique concurrent ». C’est pourquoi les services de renseignement deviennent des acteurs centraux dans le processus de désignation de cet « ennemi idéologique »204 et le concept de « sécurité intérieure » le pilier sur lequel s’appuie l’appareil répressif dictatorial.  

L' « opération Condor »205 , lancée le 25 novembre 1975 par Augusto Pinochet et articulée par la « Central d'Intelligence Américaine » (CIA) - à laquelle ont participé les chefs des services de renseignements des régimes dictatoriaux chilien, argentin, uruguayen, paraguayen, bolivien et brésilien - est paradigmatique et révèle une

        « question post-coloniale », cette expérience, influencerait toujours certaines pratiques de l’État français et les imaginaires sur lesquels ils s’appuient. La notion du « danger » représenté par l’ « ennemi interieur », serait incarné aujourd’hui, notamment par les immigrés venus des anciennes colonies et resterait très prégnante dans l’esprit des « élites de la nation ». Idem, p. 6.

203

Rigouste, op. cit., p.64.

204

Voir CONESA, Pierre ; WIEVIORKA, Michel, La fabrication de l’ennemi ou Comment tuer avec sa conscience

pour soi. Paris : R. Laffont, 2014.

205

Également connu sous le nom de « Commandement moral » ou « Société internationale de la mort », ce plan soutenait les politiques secrètes d'au moins six régimes militaires sud-américains pour mener une opération secrète conjointe visant à tuer des ennemis communs, ceux dénommés ‘gauchistes’, communistes et marxistes, à l'étranger. CALLONI, Stella. Los Archivos del Horror del Operativo Cóndor. CovertAction, automne 1994, p. 57. Disponible sur: http://www.derechos.org/nizkor/doc/condor/calloni.html#Archivador%20245 (consulté le 5 mars 2016).

coopération régionale entre ces régimes en vue d'échanger des informations, d'arrêter et d'éliminer les opposants par des actions coordonnées au nom de la DSN. C’est à cette époque que la torture, les disparitions forcées et les exécutions sommaires se systématisèrent à des degrés différents selon les dictatures, en impliquant les forces répressives et guerrières (forces policières, forces armées, forces de la marine et de l’aéronautique) dans son ensemble dans la complicité avec le terrorisme d’État contre un « ennemi commun intérieur », le communisme.  

La répression et l’acte arbitraire unissent donc leurs forces en faveur du pouvoir militaire :  

« les mécanismes et les technologies de la répression révèlent la nature même du pouvoir, la façon dont il se conçoit lui-même, la manière dont il intègre, réaffecte, restitue ce qui lui échappe, ce qu’il estime être extérieur à sa nature. (…) Le pouvoir montre et dissimule en permanence, et il se révèle autant par ce qu’il affiche que par ce qu’il cache. La face cachée et la face visible présentent des aspects apparemment incompatibles, qui s’avèrent pourtant entretenir d’étranges liens »206

La systématisation des pratiques répressives-arbitraires a été facilitée par des mécanismes et des technologies qui se nourrissent de ce jeu entre la face « cachée » et la face « visible » du pouvoir en place. Les innombrables lieux de « non droit » - les « centres clandestins207 de détention » (CCDs) - qui se répandaient sur les territoires argentin et brésilien au fur et à mesure que le régime d’exception se renforçait, en sont des cas d’analyse emblématiques. Le fonctionnement des CCDs est concomitante à la mise en place des « départements d’Opérations de renseignement » dans ces deux pays. Cela est également symptomatique du processus de perfectionnement de l’ « appareil d’organisation logistique de la terreur » qui s’est consolidé avec la coopération ferme et structurée sur le terrain entre les forces militaires et les forces policières.

La province de Buenos Aires bénéficiait d’une véritable structure répressive mise à disposition par le « proceso » préparée à la lutte « contre-subversive » et à l'élimination de « l'ennemi intérieur » : elle présentait à la fois une quantité supérieure de centres clandestins par rapport aux autres provinces argentines208 et, également, un

      

206

CALVEIRO, Pilar. Poder y desaparición: los campos de concentración en Argentina. Buenos Aires: Colihue,

1998, p.45.

207

« Clandestine » dans le sens de caché, officieux, puisqu’en fait, ces centres de torture en dehors des garnisons militaires et des bâtiments publics étaient plutôt connus de toute la chaîne de commandement et étaient même financés avec des fonds officiels. Hannah Arendt soutient « que ces espaces physiques spécialement préparés pour la captivité, la torture et la mort sont la véritable institution centrale du pouvoir organisateur dans le cadre du terrorisme d'Etat » « que estos espacios físicos especialmente preparados para el cautiverio, la tortura y la muerte son la verdadera institución central del poder organizador en el marco del terrorismo de estado ». (tda). Voir ARENDT, Hannah. Los orígenes del totalitarismo. Madrid : Alianza Editorial, 2002, p. 653.

208

Parmi les 762 centres de détention répertoriés par la secrétaire de droits de l’homme du gouvernement argentin, 239 étaient situés dans la province de Buenos Aires. Voir en Annexes II. Documents : la carte de la répartition des

nombre très important d’« hommes » et d'infrastructures propres à l’institution policière bonaerense. Plusieurs « directives » - « décrets » établis par le pouvoir militaire afin de donner une façade de légitimité au régime d’exception - ont été réglementés et ont rendu opérationnelle cette structure terroriste. Parmi ces innombrables « directives », certaines ont eu un rôle primordial dans la systématisation des pratiques répressives-arbitraires au sein de la police bonaerense. 

En l’occurence, la directive 405/76 avait pour but le renforcement graduel mais continu de l’action répressive dans la ville de Buenos Aires et dans le « grand Buenos Aires »209. D’après cette directive, ces « zones » étaient prioritaires car elles seraient les plus visées par les actions subversives dûes à la plus grande concentration d’industries et, par conséquent, d’« ouvriers ». Elle établissait également la création d'une Centrale d’Opérations et de renseignement (COI)210 responsable de la coordination entre les actions de renseignement et celles de répression. Cette directive et celle d’un an après - 504/77, qui fixaient les missions relatives aux forces de sécurité y compris les polices provinciales dont la bonaerense -, ont créé les bases pour l’exécution logistique du « projet idéologique » des forces armées. En effet, l'utilisation des ressources de la police sous le contrôle opérationnel d'une autorité militaire dans « la lutte contre la subversion – (LCS) » est régie par les critères suivants : 

« 1) Les autorités militaires sont chargées de formuler les demandes des moyens nécessaires pour l'exécution de chaque opération, qui doivent être répondues en priorité par les autorités policières concernées.

2) En formulant ces demandes opérationnelles aux autorités policières, elles doivent tenir en compte de ne pas affecter de manière significative leur capacité à remplir leurs missions normales.

3) Les opératifs policiers affectés à une « opération » restent sous le contrôle direct de l'autorité militaire pendant le temps qui exige l'accomplissement de la « mission ». Une fois la « mission » terminée, les fonctions habituelles reviennent à l’autorité policière d’origine.

4) Les corps policières, lors de l'exécution de ces « missions », sont censés à les mettre en place contre les « subversifs », qui, en fonction de la situation locale, sont déterminés par l'autorité militaire dans le

        centres de detention dans l’ensemble du pays.

209

D’après cette directive, les forces militaires : « Ils intensifieront progressivement et rapidement l'action contre- subversive (…) afin de compléter l'anéantissement de l'adversaire dans la zone où il maintient une plus grande capacité » (tda). Cela visait notamment les municipalités de Moreno, Morón, Merlo, La Matanza, Esteban Echeverria, Almirante Brown, Lomas de Zamora, Lanus, Avellaneda et Quilmes. Voir : Orden Parcial Nro 405/76.

Reestructuración de jurisdicciones para intensificar las operaciones..., mayo 1976. Disponible sur:

http://www.desaparecidos.org/nuncamas/web/document/militar/40576.htm (consulté le 5 mars 2016).

210

La lettre b, article 3 de la même directive 405/76 prévoyait que le régime militaire : « Organise, dans la juridiction susmentionnée, un centre d'opérations et de renseignement (COI) pour coordonner et intégrer les actions de renseignement et les opérations de sécurité de nature immédiate. La COI doit être intégrée (…) par du personnel spécialisé délégué par SIDE, B ICIA 601. Police fédérale et police de la province de Buenos Aires, à cette fin, le Commandant Général de l’Armée adaptera les ordres et directives en vigueur ». (tda). Voir Orden Parcial Nro 405/76, op. cit., 1976.

commandement.  (…)

5) Dans tous les niveaux militaires de commandement, les représentants des agents des polices provinciales peuvent intégrer les apparats de renseignements et d’opérations de renseignement, lorsque cela est jugé nécessaire par les autorités militaires211 ».

Le territoire national argentin a donc été divisé en 5 zones qui correspondaient aux différents corps de l’Armée – 1er Corps, 2ème Corps, 3ème Corps, 5ème Corps et le Commando des Instituts Militaires. Ces zones furent ensuite divisées en sous-zones et, finalement, en régions (« Áreas »). Chaque « Commando de Sub-zone » et chaque « Chef de région » avait pour mission de coordonner la lutte « contre-subversive » à l’intérieur de sa région « administrative ». Afin de « libérer une zone » pour entreprendre une « opération » ils devaient se rapporter à la hiérarchie militaire de la zone visée212. Les « actions » étaient menées par les « Commandos d’Opérations Tactiques », composés notamment par des membres des forces policières, et les commissariats de police servaient de CCDs des « prisonniers de guerre ». La règlementation ROP 30-5 titrée « Prisonniers de guerre » prévoyait cette disposition dans la Section II de l’article 4018 :  

« Les divisions de première ligne établiront des ‘lieux de réunion’ dans la partie arrière de chaque commissariat de police. Ces « lieux », dans la mesure du possible, se situeront dans des ‘zones protégées’ ou ‘clôturées’ offrant une sécurité maximale avec une surveillance minimale. (…) Le fonctionnement de ces lieux sera sous la responsabilité des troupes de la police militaire de la division soutenant ce commissariat. (…) »213. 

      

211

Voir : Directiva del Comandante en Jefe del Ejército N° 504/77. Continuación de la ofensiva contra la

subversión durante el período 1977/78, Abril 1977. Disponible sur : http://www.desaparecidos.org/nuncamas/web/document/militar/50477.htm (consulté le 5 mars 2016).

212

Voir : MÁNTARAS, Mirta. « El manual de la repression ». Página 12, Buenos Aires : 24/03/1999. Disponible sur : https://www.pagina12.com.ar/1999/99-03/99-03-24/pag33.htm (consulté le 5 mars 2016).

213

Article cité dans le rapport du jugement du procès oral et public pour les crimes commis pendant la dernière dictature civilo-militaire argentine (1976-1983) dans le réseau des centres de détention clandestine, de torture et d'extermination (CCDTyE) connu sous le nom de "Circuit Camps". Le procès a commencé le 12 septembre 2011 et était en charge de la Cour pénale n ° 1 de La Plata, composée des juges Mario Portela et Roberto Falcone et présidée par le juge Carlos Rozanski. Après plus d'une année de la tenue des audiences, le 19 décembre 2012, la sentence a été annoncée devant une salle d'audience complète, et le 25 mars 2013, ont été annoncés ses motifs. Au-delà des références précédentes dans plusieurs autres rapports sur l'existence d'un génocide en Argentine, c'était le premier cas où les crimes étaient décrits « sans équivoque » comme un génocide, devant la demande unanime de l'accusation et les différentes plaintes. La sentence complète est disponible sur : http://www.cij.gov.ar/nota-11023-Lesa- humanidad--difundieron-los-fundamentos-del-fallo-que-conden--a-23-acusados-por-el--Circuito-Camps-.html (consulté le 5 mars 2016).

Les CCDs argentins étaient de deux natures214 :

1) « Lieu de réunion de Détenus » (Lugar de reunión de Detenidos) (LRD) ou « Lieu Définitif » (Lugar definitivo) (LD). Centres - ou

pozos (« puits ») - où les détenus étaient gardés en général pendant

de longues périodes jusqu'à ce que leur « destination finale » soit décidée - soit la libération soit la prison légale soit l’exécution ou la disparition215 (« traslado final »216). Ces lieux possédaient une bonne infrastructure et une organisation interne destinées à héberger, torturer et exécuter une grande quantité de détenus.