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autoritaires de la police bonaerense et carioca

1.3. Les débuts de la relation entre la police, la politique et le crime

Les années 1920-30 ont engendré, sur les deux terrains, un tournant majeur au sein de la politique et, par conséquent, de l’institution policière. À partir de cette période, la police devint une vraie institution de l’État, avec une organisation interne hiérarchiquement militarisée et alignée sur les objectifs politiques et de répression menés par les régimes autoritaires qui se succédèrent dans ces deux pays97. Ce processus débuta dans les années 30, se renforça lors de l’époque « péroniste » en Argentine en 1946 et « gétuliste » au Brésil en 1937 et prit de l’ampleur lors des dictatures militaires dans ces deux pays à partir des années 70.

La Première Guerre Mondiale, la montée des totalitarismes et la crise économique de 1929 au niveau international déclenchèrent un climat d’instabilité économique et politique au niveau local : en Argentine cette conjoncture ouvrit la voie au coup d’État de 1930 contre le président radical98 Hipólito Yrigoyen mené par les généraux conservateurs José Félix Uriburu et Agustín Pedro Justo tandis qu’au Brésil la « politique des gouverneurs » arriva à sa fin avec le coup d’État de 1930 mené par les oligarchies des États du Rio Grande do Sul, Minas Gerais et Paraiba qui ont soutenu le candidat de l’Alliance libérale99 Getúlio Vargas contre Júlio Prestes,

      

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Voir Di Meglio, op. cit., p. 40.

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Le radicalisme en Argentine est un vaste courant politique né en 1891 avec la création du parti politique l' « Union Civique Radicale » (UCR), mais qui le dépassa en tant que mouvement. Le radicalisme argentin a conduit à la formation de plusieurs autres partis politiques nationaux et provinciaux, ainsi que de groupes d’étudiants et syndicaux qui se reconnaîssaient héritiers politiques de Leandro Alem – fondateur de l’UCR -, qui exprima sa lutte contre le républicanisme oligarchique et pour la démocratie en Argentine. À l'origine, le radicalisme est né comme opposition aux « conservateurs », nom générique qui englobait diverses manifestations politiques, comme le « Parti national Autonome » (PAN) entre 1880 et 1916, la Concentraccion Nationale lors des élections de 1922, le Parti Conservateur (PDN) créé après le coup d’État de 1930 et, finalement, le Parti Conservateur populaire fondé en 1954. Par la suite, certains secteurs du radicalisme se sont identifiés à des positions conservatrices ou ont conclu des alliances avec des conservateurs.

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L' « Alliance libérale » (AL) était une coalition politique mise en en place en 1929 au Brésil, qui réunissaient des opposants à la candidature du conservatuer Julio Prestes à la présidence, représentant la « Politique du Café au Lait ». Dans cette politique, les États de São Paulo et Minas Gerais se relayaient dans le choix du président de la république, à savoir, un « paulista » indiquait toujours un « mineiro » et vice-versa. Grâce à des schémas de fraude et de manipulation de votes, cette combinaison politique remporta toujours des victoires, d'autant plus qu'il n'y avait pas d'opposition forte. En 1929, le président de São Paulo Washington Luis s'est opposé aux règles de ce schéma et a nommé Julio Prestes, un autre « paulista » pour sa succession. Mécontents, les politiciens de Minas Gerais ont rompu avec le « Parti républicain Pauliste » (PRP) et ont soutenu la candidature d'Antonio Carlos Ribeiro de Andrada, également un mineiro. Cependant, incertains de la victoire, ils cherchèrent à s'allier avec d'autres États, notamment le Rio Grande do Sul. Ainsi, le 17 juin 1929, Antônio Carlos céda sa candidature à Getúlio Vargas. D'autres accords ont été conclus avec l'Etat de Paraíba, qui nommait le député João Pessoa, et, également, avec le Partido Democrático Paulista, rival du PRP. En août, l' « Alliance libérale » fut officialisée. L' « Alliance libérale » préconisait l'indépendance judiciaire, l'amnistie pour les lieutenants impliqués dans plusieurs rébellions au cours des années 1920, le protectionnisme dans les exportations de Café et des réformes sociales.

candidat conservateur100 des oligarchies de l’État de São Paulo. Il est important d’éclairer le fait que cette « instabilité politique » n’était pas une conséquence directe de la crise économique et que ses racines étaient ancrées dans ces deux contextes, mais d'une façon différente.

En Argentine, le coup d’État fut une réponse autoritaire des oligarchies conservatrices à la période antérieure des politiques considérées dans leur fondement plus « progressistes » mises en place par les gouvernements radicaux qui se sont succédé de 1916 jusqu’à 1930. La loi « Sanz Peña » proclamée en 1912 (et entrée en vigueur aux élections de 1916) qui établissait le vote secret, a permis un contrôle plus important de la fraude électorale rendant possible l’expression de la volonté populaire qui s’exprimait, notamment à travers les candidats de l’Union Civique Radicale – UCR. Le climat d’ « instabilité politique » a été principalement alimenté par les conservateurs rassemblés autour des courants nationalistes de droite, extrême droite et profascistes101 qui se renforcèrent au sein de l’armée au moins dix ans avant la crise économique de 1929.

L’évènement qui eut lieu en janvier 1919 à Buenos Aires connu sous le nom de « Semaine Tragique » est un moment clé pour la compréhension du coup d’État de 1930. Dans le sillage de la montée des mouvements syndicaux-anarchistes, la grève décrétée par des ouvriers métallurgiques de l’entreprise « Pedro Varsena e Hijos » pour l’augmentation des salaires et pour de meilleures conditions de travail a été violemment réprimée par les forces policières. Après cet épisode et pendant la semaine qui le suivit, le climat d’hostilité contre les mouvements syndicaux augmenta. Pour les conservateurs et pour une partie de la classe moyenne, l'inaction du gouvernement face au renforcement de ces mouvements était due à son soutien à la cause « révolutionnaire », connue également sous le nom de « conspiration judeo- maximaliste »102. Cet évènement révèle, d’un côté, les agitations syndicales et la difficulté du gouvernement radical d’aboutir à un accord avec les ouvriers et de

      

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Julio Prestes fonda le 7 avril de 1945 l’ « Union Democratique Nationale » (UDN), parti politique frontalement opposé à la politique et à la figure de Getúlio Vargas, ainsi que d’orientation conservatrice. L’ « udenisme » se caractérisait par la défense du libéralisme classique et de la moralité, et par la forte opposition au populisme. Il préconisait l'ouverture de l’économie aux capitaux étrangers et la valorisation de l'éducation publique. Le parti avait un fort soutien des classes moyennes urbaines et de certains secteurs de l'élite.

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Avec très forte influence des mouvements nationalistes-totalitaires, notamment le fascisme italien de Mussolini.

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Assimilée par les élites à une « conspiration » orchestrée conjointemment par des communistes, anarchistes et étrangers, dirigée vers les juifs. L'écrivain Juan José Sebreli fait référence au phénomène antisémite des répresseurs de la « Semaine tragique » dans son livre « La question juive en Argentine », publié en 1968, en révélant la xénophobie de l'oligarchie de l'époque : « La même haine raciale que la bourgeoisie libérale se ressentait pour le métis, (...) s'est ensuite tournée vers l'immigré européen lui-même quand il s'est révélé de manière inattendue un élément au sein des dynamiques de bouleversement social ». Cité par HERMAN, Schiller. « El primer ‘pogrom’ ».

Página/12, Buenos Aires, 3/01/1999. Disponible sur: https://www.pagina12.com.ar/1999/99-01/99-01- 03/pag16.htm (Consulté le 15 décembre 2015).

contrôler les forces de l’ordre qui commettaient des abus envers les grévistes et anarchistes et, de l’autre côté, la montée du climat de « terreur » orchestré par les élites conservatrices qui, effrayées de cette nouvelle conjoncture sociale, essayaient de déstabiliser le gouvernement radical.

Dans ce contexte, des groupes civils armés, notamment des jeunes issus de l’élite porteña se sont rassemblés autour de la « Commission pro-défenseurs de l’ordre » (« Comisión pro-defensores del orden ») coordonnée par Manuel Tomás Domecq García, amiral de la Marine Argentine, afin de lutter contre cette « conspiration ». Au sein de ce groupe, émergea la « Ligue Patriotique Argentine » (« Liga Patriótica Argentina »), le principal apparat de « terreur »103 de cette époque et qui joua un rôle essentiel dans la préparation du coup d’État de 1930. Cette organisation nationaliste d’extrême droite constituée par des jeunes de la haute société

porteña, mais également par des membres des forces policières et par des militaires qui

se présentaient comme « défenseurs de l’ordre et de la patrie » avait comme siège le « Club Naval Argentin » (« Círculo Naval »). Ils agissaient comme des groupes de choc auxiliaires aux « forces d’ordre » - qui étaient bien en effet complices - dans la répression du mouvement ouvrier, réprimant les grèves, persécutant et menaçant les syndicalistes, les Juifs104 et les immigrants, notamment, et ceux qu’ils appelaient les « russes »105.

Ainsi, ces confrontations violentes et le climat de « terreur » prirent de l’ampleur et montèrent crescendo. La crise économique de 1929 toucha fortement l’Argentine et les conservateurs avaient donc un contexte parfait pour justifier leur coup d’État pour des raisons d’« ordre public » : d’une part la crise économique et l’instabilité politique et d’autre part la « terreur » déclenchée par eux-mêmes soutenus

      

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Pedro Wald, journaliste, arrêté et torturé par le gouvernement, a décrit cette ‘terreur’ des années plus tard dans son livre « Pesadilla » publié en 1929: « Ce qui était vraiment sauvage, c’était les manifestations des ‘bons enfants’ de la Ligue Patriotique, qui marchaient pour demander la mort des maximalistes, juifs et autres étrangers. Raffinés, sadiques, ils torturaient et organisaient des orgies. Un juif a été détenu et après les premiers coups, du sang a commencé à couler de sa bouche. Ils lui ont alors ordonné de chanter l’hymne national et comme il ne le connaissait pas, vu qu’il venait d’arriver en Argentine, ils l’ont tué. Ils ne choisissaient même pas : ils battaient et tuaient tous les barbus qui paraissaient juifs et qui leur tombaient sous la main. Une fois, ils s’en sont pris à un passant : ‘Crie que tu es maximaliste’. ‘Je ne le suis pas’, a-t’il répondu. Une minute plus tard, il gisait par terre, noyé dans son propre sang. » (tda.). Cité par Schiller, op. cit., 2015. (Consulté le 15 decembre 2015).

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La ligue patriotique est également responsable du premier et du plus grand « pogrom » (mot russe qui signifie ‘massacre des juifs’) à Buenos Aires. La répression et les violences envers les Juifs se produisirent particulièrement dans le quartier d' « Once », où la majorité d’entre eux y viveaient. Pour plus d’information sur ce « pogrom » voir le documentaire « Un pogrom en Buenos Aires » de H. Szwarcbart, Argentine, 2007, 75’. (consulté le 15 decembre 2015).

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La phrase de l’époque répétée par la bonne société porteña lorsqu’elle faisait référence à la « ligue » étaient ces « braves et bons enfants qui se battaient contre les russes ». Parmi leurs objectifs, certains se démarquaient: « Stimuler surtout le sentiment d’ ‘argentinidad’ »; « coopérer avec les autorités dans le maintien de l'ordre public, empêchant la destruction de la propriété privée, communautaire et de l'État et contribuant ainsi à maintenir la paix des ménages », « inspirer les gens à aimer l'armée et de la marine ». Les slogans principaux étaient: « Étrangers, dehors ! »; « Mort aux maximalistes »; « Guerre à l’anarchisme »; « Mort aux juifs ». Cité par Schiller, op. cit., 2015. (consulté le 15 decembre 2015).

par la presse nationaliste106. La « ligue patriotique » a cessa bien entendue ses activités, une fois les militaires de la « concordancia »107 arrivés au pouvoir. La période entre 1930 et 1943 est connue comme la « décennie infâme »108 dûe principalement à la « fraude patriotique » , mécanisme caractérisé par des manœuvres menées lors des élections ayant pour but d’assurer la victoire du parti du « bien de la patrie » mis en place par les militaires conservateurs.

Au Brésil, à la différence de l’Argentine, le coup d’État de 1930 – également connu comme « Révolution de 30 »109 - était une réponse considérée « progressiste »110 à la période antérieure des politiques de tonalité « conservatrice » propres aux oligarchies agraires. Pendant les années 20, le secteur agricole d’exportation brésilien, notamment le secteur caféier, était en net déclin tandis que le secteur industriel urbain était en expansion. Cette reconfiguration de l’économie fut accompagnée de l'émergence de nouveaux groupes sociaux – la petite bourgeoisie, les commerçants et la bourgeoisie industrielle, - et des nouvelles tendances politiques – les libéraux, les anarcho-syndicalistes, les communistes - qui jouèrent un rôle important dans le réarrangement de la politique brésilienne à l’époque antérieure à la « révolution ».

D’autres reconfigurations eurent également lieu au sein de l’armée où émergea un courant formé par de jeunes officiers issus de la classe moyenne et moyenne basse qui visaient à moderniser le pays et mettre fin à la vieille République et à ses structures oligarchiques. Ce mouvement politico-militaire est connu sous le nom de « Tenentismo » (« Mouvement des Lieutenants ») et ses revendications coïncidaient avec celles de la classe industrielle émergente : ils critiquaient la « fraude électorale » propre au système « colonialiste » et à la politique des « gouverneurs », défendaient le vote secret et demandaient des réformes sociales – notamment la mise en place de l’enseignement public universel - et économiques en rapport avec la nouvelle structure sociale urbaine brésilienne. Les principales révoltes « tenentistes » ont été celles « des 18 du Fort de Copacabana » en 1922, la « Révolution de 1924 », la « Commune de Manaus » de 1924 et la « Colonne Prestes » entre 1925-1927. Bien que ces révoltes

      

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Notamment les journaux « La Época », « La Prensa », « La Nación » et « New York Evenning Mail ».

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La « concordance » était une alliance politique argentine ayant une sympathie pour les régimes fascistes, formée en 1931 entre le « Parti National Démocratique » (également connu sous le nom de « Parti Conservateur »), l' « Union Civile Antipersonnaliste Radicale » et le « Parti Socialiste Indépendant ».

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Voir TORRES, José Luis. La Década Infame. Buenos Aires: Freeland, 1973.

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Le terme « Révolution de 30 » n’a pas été une révolution populaire, mais a été mise en place par l’élite politique de certains États contre l’élite politique de l’État de São Paulo. La phrase qui résume cette caractéristique à été la suivante : « faisons la révolution avant que le peuple la fasse ». Voir le documentaire « A revolução de 30 » de Sylvio Back, Brasil, 1980, 75’. Disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=lfqyaGZu5Jc (consulté le 17 décembre 2015).

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Au début, avant de devenir un gouvernement de tendance fasciste lors de l’État nouveau mise en place par Getúlio Vargas.

aient été désarticulées par les forces armées fidèles au gouvernement, leurs idéologies ont influencé l’ « Alliance Libérale », parti qui fut à la tête de plusieurs dynamiques qui ont abouti à la « révolution de 30 » et à la prise de pouvoir par Getúlio Vargas. Cependant, cette période de basculement qui accompagna la « révolution de 30 » n’a pas représenté la fin des structures oligarchiques et son remplacement par la bourgeoisie industrielle. Ce contexte illustre en fait un « état de compromis »111 entre d’un côté, les oligarchies agraires décadentes et, de l’autre côté, les nouvelles classes industrielles et urbaines émergentes. L’« état de compromis » articulait donc les intérêts et la représentation de groupes sociaux divers, ce qui fut la base de soutien de l’Ère Vargas et qui se consolida, notamment en 1937 avec l’émergence de la dictature nationaliste de l’ « État Nouveau ».

Les années 30 représentent donc à la fois une transition importante au niveau politique et économique dans ces deux pays et la toile de fond d’un processus de transformation d’une « police brava vers une police dure »112. Autrement dit, d’une police articulée localement par l'exercice d'une autorité locale forte – les « caudillos » argentins et les « colonels » brésiliens - et qui souvent recourait à des mesures extrajudiciaires afin de garantir son contrôle territorial et économique à une police structurée verticalement depuis le pouvoir central avec son soutien explicite afin qu’elle réprime systématiquement la contestation sociale et la dissidence politique sans pour autant cesser leurs sources de financement illégal. La consolidation d’une police « dure » et sa coordination avec les forces armées a créé des conditions favorables à l'installation ultérieure du terrorisme d'État en Argentine et au Brésil.

Si, lors des années 20, la police « brava » bonaerense présentait des caractéristiques « liberticides », pendant la période des gouvernements conservateurs ces caractéristiques se renforcèrent. Le manque de formation professionnelle et l’« anarchie institutionnelle » 113 dans lesquelles étaient plongés les cadres policiers commencèrent à inquiéter les conservateurs. La province de Buenos Aires – historiquement héritière de la politique « brava caudillesca » - fut la plus touchée par

      

111

Voir FAUSTO, Boris. A revolução de 1930: historiografia e história. São Paulo : Ed. Brasiliense, 1970.

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Expression empruntée de l’article de Barreneche, op. cit., 2010. Voir également : CAIMARI, Lila M,. Mientras

la ciudad duerme: pistoleros, policías y periodistas en Buenos Aires, 1920-1945. Buenos Aires : Siglo Veintiuno

Editores, 2012.

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Dans ce contexte les chefs de police se sont succédés les uns d’après les autres sans pouvoir garantir leurs positions. Ainsi, entre septembre 1930 (le mois du coup d'état qui a mit fin au gouvernement radical) et février 1936 (quand Ganduglia assume le gouvernement), la police de Buenos Aires avait eu 15 chefs de police avec une durée moyenne de 4 mois dans leurs postes (11 seulement pendant le gouvernement de Federico Martínez de Hoz entre 1932 et 1935).Voir : BARRENECHE, Osvaldo ; MOREYRA, Beatriz ; MALLO, Silvia. La reorganización de las policías en las provincias de Buenos Aires y Córdoba, 1936-1940. In: Pensar y construir los grupos sociales:

actores, prácticas y representaciones. Córdoba y Buenos Aires, siglos XVI-XX. Córdoba: Centro de Estudios

cette réalité, ce qui mettait en danger le « centralisme autoritaire » recherché par les conservateurs. À cause de l'augmentation des affrontements entre radicaux et conservateurs à cette époque, certains caudillos du « Gran Buenos Aires » ont fait des alliances avec des « tireurs » - notamment des policiers – afin d'assurer le contrôle de leurs territoires et l'élimination donc de la menace radicale. Le phénomène du « tireur de la banlieue » (« pistolero del suburbio »114) démontre les débuts de la relation entre la politique, la police et le crime comme source de financement.

Ainsi, une première tentative de réorganisation hiérarchique et centralisatrice au sein de la bonaerense eut lieu lors du gouvernement conservateur à tendance profasciste de Manuel Fresco dans la province de Buenos Aires de 1936 à 1940. Il s’agissait donc de désarticuler les relations de « loyauté » au niveau local à travers un processus continu de centralisation de l’institution policière et de renforcement du pouvoir du « chef policier local » nommé directement par le gouverneur. L’objectif de cette première réforme policière n’était donc ni de mettre un terme à plusieurs affaires de corruption ni de réprimer les pratiques arbitraires courantes dans lesquelles était plongée la police bonaerense. Elle avait notamment pour but de créer une vraie force répressive organisée depuis le pouvoir central pour diminuer cette « anarchie institutionnelle » et pouvoir mener une répression plus efficace contre l’opposition radicale.

Cependant, la réforme est restée inachevée et la période conservatrice prit fin en 1943 avec un coup d’État qui fut organisé au sein de l’armée par une nouvelle génération de militaires « progressistes » issus des classes moyennes et moyennes basses. Ces militaires se sont ensuite rassemblés autour d’un projet politique de type syndical en Argentine. Ce projet fut mené par le Coronel Juan Péron qui assuma le pouvoir lors des élections de 1946. Pendant ce premier gouvernement115, Perón a mis en place un projet qui bénéficiait à la fois à la classe ouvrière, au lumpen prolétariat migrant des campagnes à la ville – les « cabezitas negras »116 - et à la bourgeoisie industrielle émergente. Après la victoire électorale, il a considérablement élargi l’organisation des travailleurs au sein des syndicats, ce qui a renforcé le monopole de

      

114

Caimari, op. cit., 2012. p. 58.

115

Voir BARRENECHE, Osvaldo ; BOHOSLAVSKY, Ernesto ; CAIMARI, Lila ; SCHETTINI, Cristiana. Por mano propria. La justicia policial de la provincia de Buenos Aires en el primer peronismo. In : La policía en

perspectiva histórica. Argentina y Brasil (del siglo XIX a la actualidad). Buenos Aires : CD-Rom, 2009. Disponible

sur : http://www.crimenysociedad.com.ar/files/submenu6-item3.html (consulté le 20 décembre, 2015).

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Le terme est associé aux caractéristiques physiques de beaucoup de migrants internes en Argentine, telles la peau et les cheveux très foncés et venant notamment des provinces du nord, où il y a une plus grande proportion d'habitants issus des populations autochtones, tandis que la part d'immigration blanche européenne est plus faible.

la « Confédération générale du travail » (CGT) en tant qu’unité syndicale partie prenante centrale de son projet.