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resistência »,

« Razzias »

et

« Chacinas » :

la

permanence

des

pratiques

policières

autoritaires

en

démocratie

Les années 90 en Argentine et au Brésil ne furent pas seulement marquées par la mise en place des politiques économiques néolibérales, l’escalade de la pauvreté et la montée de la criminalité mais, également, par un processus d’« autonomisation » des forces policières. Certaines pratiques arbitraires comme le « gatillo facil » et les « razzias » en Argentine, les « autos de resistência » et les « chacinas » au Brésil devinrent récurrentes dans ce contexte. L’instabilité économique juxtaposée à une sensation d’insécurité croissante alimentèrent une « peur » au sein d’une partie de la population – notamment, de la classe moyenne haute et riche –vis-à-vis, d’une part, des territoires pauvres dans les régions métropolitaines des grandes villes associées automatiquement au crime et, d’autre part, une « méfiance » des nouveaux mouvements sociaux de gauche qui émergeaient dans ce contexte d’ouverture démocratique305. 

Ces facteurs ont encouragé les gouvernements des deux pays à viser des politiques sécuritaires axées sur le « contrôle » de ces deux « problèmes sociaux » majeurs - la criminalité organisée émergente et les nouveaux mouvements sociaux - qui dérangeaient l’« ordre » des démocraties naissantes. Si, pendant les périodes dictatoriales, les forces policières ont servi aux militaires pour l’exécution du « sale boulot » de la répression politique clandestine, elles ont été fonctionnelles aux gouvernements civils lors des premières années démocratiques pour le « maintien de l’ordre » sans que pour autant la répression « hors la loi » soit abolie. Cette période marqua donc un tournant important en ce qui concerne la répression policière puisque les pratiques arbitraires ont demeuré mais étaient désormais couvertes du « voile

      

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institutionnel » des politiques de « lutte contre l’insécurité ». Dans ce contexte, les forces policières ont reçu « carte blanche » des gouvernements civils pour entreprendre une répression « préventive » et discrétionnaire des nouveaux acteurs susceptibles de mettre l’ « ordre » en péril.  

La police bonaerense était impliquée dans plusieurs cas d’exécutions extra- judicaires – rassemblées sous l’expression « gatillo facil »306 (« la gâchette facile ») - et des razzias307 – incursions violentes des forces policières dans des territoires soit

marginalisés soit des rassemblements d’individus considérés « dangereux »308, suivies de perquisitions illégales et/ou de morts et/ou de massacres. Ces méthodes répressives ciblaient notamment les secteurs les plus pauvres de la population et, en particulier les jeunes dits « oisifs » de ces régions. Si le « gatillo facil » en tant que méthode de répression au sein des forces policières bonaerenses remonte aux années 50-60, il deviendra une pratique systématique en démocratie. Les premiers « gatillos facil » font référence aux cas des fusillades clandestines entreprises, notamment par la police

bonaerense qui eurent lieu d’abord sous la « Revolución Libertadora »309 puis, sous le « Plan Conintes »310. Ces évènements tragiques furent occultés jusqu'à ce que le journaliste Rodolfo Walsh311 les révélât dans un livre devenu un classique, intitulé « Operación Massacre »312, publié en 1957. Walsh écrivit également vers la fin des

      

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L'expression « gatillo facil » est énoncée par diverses organisations de défense des droits humains, principalement par « Coordinadora contra la repression policial e institucional » - CORREPI (« Coordinateur contre la répression policière et institutionnelle ») et se réfère spécifiquement à une exécution extrajudiciaire ou à un dommage grave causé illégalement par un agent de l’État.

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Une razia policiere peut se traduire en français par un raid de la police, à savoir, des interventions policières (le plus souvent faites tôt le matin ou tard le soir) dans le but de créer la surprise chez les cibles visées (personnes soupçonnées de crimes et/ou simplement terroriser les populations marginalisées).

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Le cas de Walter Bulacio, notamment. Bulacio, âgé de 17 ans, a été arrêté dans une razzia avant d'entrer dans un concert de rock. Aucune enquête sérieuse de l'affaire n’a été faite, tenant en compte l'application de la torture aux 73 détenus le 19 avril 1991 dans le 35e commissariat de police dans la capitale féderale. L'autopsie de Walter Bulacio a révélé des marques de traits horizontaux parallèles sur les mollets et sur la plante du pied, ainsi que sur les lèvres. Tous les détenus ont déclaré avoir été battus ou avoir vu d'autres personnes battues. Rien de tout cela n'était suffisant pour enquêter sur la perpétration du crime de torture, bien que les plaignants l'aient demandé à plusieurs reprises. Après l'intervention de 36 juges - dont la Cour suprême de justice de la nation - le commissaire Miguel Angel Espósito a été poursuivi et condamné à une peine de détention préventive seulement pour le crime de privation illégale de liberté qualifiée, réitérée à 73 occasions.

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Connue également sous l’expression de « Revolución Fusiladora » pour faire référence aux militaires et civils fusillés en 1956 à l'occasion du soulèvement du général Juan José Valle (qui a été lui aussi fusillé) contre le coup d'État de Fronzini et le gouvernement d'Aramburu.

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Pendant le « Plan Conintes » la loi martiale (decret-loi 10.363) fut proclamée qui établissait des fusillades comme peine maximale. « Ce dernier décret établit, en résumé, ce qui suit: 1) Pendant la validité de la loi martiale, les dispositions de la loi 13.234, de l'organisation générale de la Nation en temps de guerre, seront applicables. 2o) Tout officier des forces armées actives et exécutant des actes du service peut ordonner un procès sommaire avec pouvoirs d'appliquer ou non la peine de mort en tirant sur toute perturbation de la tranquillité publique. 3e) Toute personne qui porte des armes, désobéit aux ordres de la police ou manifeste des attitudes suspectes de quelque nature que ce soit est considérée comme perturbatrice » (tda). WALSH, R. J. Operación Massacre. Buenos Aires : Ediciones de la Flor, 2005. p. 58.

311

Rodolfo Jorge Walsh, disparu à Buenos Aires le 25 mars 1977 lors de la dictature argentine, était un journaliste argentin, écrivain et traducteur qui militait dans les organisations de guérilla FAP et Montoneros.

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« Les faits qui ont donné naissance à l'enquête ont commencé dans la nuit du 9 juin 1956, se sont poursuivis à l'aube du 10 juin et ont eu des répercussions au-delà des jours suivants. Perón avait été renversé en septembre 1955 et le général Pedro Eugenio Aramburu prend le pouvoir. Au milieu de l'année 1956, le général péroniste Juan José Valle mena une révolution afin de provoquer la chute d'Aramburu, de sorte que Perón puisse reprendre le pouvoir.

années 60 pour le journal de la « Centrale Générale des Travailleurs » (CGT argentine) une série d’articles dans lequel il racontait avec minutie les pratiques criminelles et répressives arbitraires de la police bonaerense ainsi que l'usage habituel de la « gégène » comme méthode pour mener les enquêtes et « clarifier » les délits communs et, également, comme moyen d’anéantissement du mouvement syndical péroniste de l’époque. Ces articles furent intitulés « la secta del gatillo alegre » (« la secte de la gâchette heureuse ») - une référence donc pour le « gatillo facil » de nos jours - et à « la secta de la picana » (« la secte de la gégène ») et sont prémonitoires d’un répertoire arbitraire d’action propre à la bonaerense et qui se révèle donc plus élargi que les cas des fusillades clandestines. Cela englobe également plusieurs types d’affaires criminelles dans lesquelles la bonaerense était impliquée313. Walsh résumait ce répertoire avec une phrase devenue classique : « la secta del gatillo alegre y la

picana es también la logia de los dedos en la lata »314.  

Ce fut lors des premières années d’ouverture démocratique que les organisations de lutte contre la violence policière, notamment la « Coordinadora contra la represión policial e institucional – CORREPI » avec l’aide des proches des victimes systématisèrent les informations disponibles concernant les personnes exécutées dans tout le pays par les forces de sécurité de l'État depuis 1983315. L’index de « gatillo facil » a toujours été croissant depuis cette année dans la région métropolitaine de Buenos Aires avec des pics en 1990 et 1999316.  

        La révolte a échoué et l'ouragan répressif fut atroce. La loi martiale a été décrétée. Tous n’ont pas été tués, certains ont réussi à échapper aux ténèbres de la mort, et leurs révélations sur l'exil, la clandestinité ou les tribunaux ont été recueillies et faisaient partie de l'histoire du journaliste. Leurs noms: Nicolás Carranza, Francisco Garibotti, Carlos Alberto Lizaso, Mario Brión et Vicente Damián Rodríguez. Presque six mois après le fait, quelqu'un dit à Walsh: ‘Il y a un fusillé qui est en vie’. Au cours des mois suivants, il découvrit qu'il y en avait plus d'un: il y avait sept survivants de cet abattoir. Et il les contacta un par un, tout en reconstituant les faits et en accumulant, clandestinement, les preuves catégoriques qui deviendront Operación Massacre (tda.). ». Voir : Informe de la Conadep (Comisión Nacional sobre la disparición de personas). Capítulo II - El caso de Walsh : un clandestino. Septiembre 1984. Disponible sur http://www.desaparecidos.org/nuncamas/web/investig/wolf/walsh03.htm (consulté le 18 mars 2016).

313

Nous traiterons l’implication des forces policières dans les affaires criminelles par la suite.

314

Pour cette phrase qui peut être traduite en français comme : « la secte de la ‘gachette facile’ et de la ‘gégène heureuse’ est, également, le club des doigs dans la boîte », Walsh désigne la police, non seulement comme une machine de torture et d'exécution extrajudiciaire, mais aussi comme d'excellents voleurs engagés dans diverses affaires criminelles.

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La méthode de recensement utilisée par la CORREPI était la suivante : «1- Nous incluons seulement les cas qui ont abouti à la mort de la victime. 2- Nous n'incluons que les cas où les meurtriers étaient membres des agences répressives de l'Etat: police fédérale, police provinciale, gendarmerie, préfecture, service pénitentiaire, sécurité "privée" ou armée. 3- Nous n'incluons que les cas dans lesquels le décès est survenu dans des circonstances dans lesquelles la victime n'était pas dangereuse. 4- Nous incluons des cas de gachettes faciles ‘classiques’ (fusillades masquées comme pseudo-confrontations), gachettes faciles ‘coupables’ (morts de tiers provoqués par la police lors de confrontations réelles), morts dans les prisons et commissariats, tortures suivies de morts et de disparitions. » Voir : Informe de la CORREPI – Coordinadora contra la repression policial y institucional. Novena Actualización

del Archivo de Casos de Personas Asesinadas por las Fuerzas de Seguridad en Argentina 1983 – 2004, deciembre

2004. Disponible sur: http://correpi.lahaine.org/?p=549 (consulté le 18 mars 2016).

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Le pic en 1990 est surtout lié à la tragédie qui a eu lieu dans la prison d’Olmos dans la ville de La Plata, capitale de la province de Buenos Aires. Le 5 mai, un incendie éclata dans un pavillon de la prison d'Olmos pouvant accueillir 25 détenus, qui en ont hébergé 45. Trente-trois prisonniers sont morts brûlés et/ou asphyxiés Le pic de 1999 fait également référence a plusieurs cas avec des méthodes qui se répètent : exécutions extra-judiciaires,

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Les modalités de « gatillo facil » en démocratie rassemblent trois catégories qui répondent à des fonctions spécifiques :

1) Les exécutions extra-judiciaires se divisent, notamment en quatre types :

a) Les cas de « légitime défense » : les policiers bonaerenses présentent les faits d’« abus de pouvoir » comme des affrontements pour dissimuler ce qui constitue en fait une exécution extra-judiciaire. Ces exécutions ciblent notamment les petits délinquants.

C’est le cas par exemple de l’évènement connu sous le nom de « Massacre de Germania » qui a eu lieu en janvier de 1984 dans la région de Germania, municipalité de General Pinto, au nord-ouest de la région métropolitaine de Buenos Aires. À cette occasion, un groupe de policiers bonaerenses commandés par le commissaire Carlos « El Vampiro » Miniscarco – personnage important de l’époque, impliqué dans d’autres évènements arbitraires318 quelques années plus tard - ont tiré sur deux voleurs qui se sont rendus sans aucune résistance. La biopsie démontra que les coups de feu avaient percé les aisselles des victimes qui étaient agenouillées avec les bras levés319. Le procès pénal ouvert contre Miniscarco et les autres policiers a été rejeté par manque de preuves. Le principal témoin écouté lors du procès était un ami du commissaire. 

        tortures suivies de mort, suicides forcés dans les prisons, entre autres. Cela démontre, tout d’abord, depuis 1990, un processus croissant d’ « autonomisation » des forces policière avec une diversification de leurs méthodes arbitraires, de plus, cela révèle une tendance quise confirma lors des années 2000 – et que nous verrons dans la 2ème partie de la thèse – d’un saut quantitatif du nombre des « gatillos facil ».

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Il est intéressant de noter que, même si la police fédérale est aussi responsable pour certains cas, c’est la police bonaerense qui systématise le nombre des « gatillos facil » de chaque force policière en tant que modus operandi.

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Notamment, le massacre de Ramallo et l’assassinat du journaliste et photographe José Luiz Cabezas que nous verrons ultérieurement.

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Voir : Informe de la CORREPI – Coordinadora contra la repression policial y institucional. Archivo de Casos

1983 – 2012, juin 2013. Disponible sur : http://materialanarquista.espiv.net/files/2013/06/Archivo-2012-por-

fecha.pdf (consulté le 18 mars 2016). 0  20  40  60  80  100  120  140  160  Gatillo Facil ‐ Police  Bonaerense  Gatillo Facil ‐ Police  Fédérale  

Par ailleurs, il existe plusieurs cas où les personnes exécutées n’étaient pas impliquées dans des affaires criminelles. Un cas emblématique de l’époque est connu sous le nom de « Massacre de la Villa Albertina » qui eut lieu en juin de 1985 à « Villa Albertina » dans la municipalité de Lomas de Zamorra, zone sud de la région métropolitaine bonaerense. A cette occasion, un cortège de policiers bonaerenses - César García, Angel Rodríguez, Adrián Ferrara, Claudio Smith et Guillermo Monteiro (le « Rambo ») – firent une incursion dans cette localité afin de capturer trois voleurs mais assassinèrent finalement trois innocents. Les victimes étaient Florentino Moreno, en fauteuil roulant, sa femme Lidia Raquel Lopez, qui était enceinte, et sa fille, Margarita Leonor de 2 ans. Le procès pénal contre les responsables fut ouvert mais classé par la suite, même s’il s’avéra que les balles appartenaient à la police. Les policiers Claudio Smith et Guillermo Monteiro sont également des personnages importants de l’époque : le premier devint chef de la police bonaerense des années plus tard alors que le deuxième commanda un « groupe d’extermination » responsable de divers cas de « nettoyage social » dans la zone sud de la région métropolitaine. 

Finalement, le cas qui est devenu emblématique pour les organisations de droits de l’homme dans la lute contre le « gatillo facil » était le « Massacre de Budge »320. Cet évènement eut lieu en mai de 1987 dans la région de « Ingeniero Budge » (d’ailleurs très proche de « Villa Albertina », lieu du massacre décrit ci- dessus), municipalité de Lomas de Zamora, au sud du conurbano bonaerense. Les policiers bonaerenses Juan Balmaceda, Isidro Romero et Jorge Miño, rattachés au 10ème commissariat de police, sont sortis à la recherche de trois jeunes suite à la dénonciation d’un commerçant de la région qui les accusaient d’avoir cassé la vitre de son commerce. Les bonaerenses les ont trouvé sur une terrasse buvant des bières et les ont criblés de balles sur place. Dès le début, les policiers ont essayé de présenter le cas comme un affrontement avec des criminels suspects, en déposant même des armes autour des corps. La pression des familiers et des voisins a rendu possible l’ouverture de deux jugements oraux. Le premier a été achevé en mai 1990. A cette occasion, Balmaceda et Mino ont été condamnés à cinq ans de prison et Romero à douze ans. Le premier procès a été annulé par la Cour suprême et la deuxième décision, contenue dans le procès-verbal du 24 Juin 1994, a décidé d’une peine de 11 ans de prison pour les trois policiers bonaerenses qui se sont évadés pendant une longue période avant

      

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Il fut l'un des premiers cas de gatillho facil qui généra la mobilisation populaire face à l'impunité du judiciaire, récupérant ainsi les trajectoires des organisations historiques des droits de l'homme tels que les mères et les grands- mères de la Plaza de Mayo. En souvenir du massacre de Budge et des centaines de jeunes tués par les forces de police, la loi n ° 26 811, promulguée en janvier 2013, établit le 8 mai comme « Journée nationale de lutte contre la violence institutionnelle ».

que leur peine soit effectivement appliquée. Balmaceda bénéficie aujourd'hui de la peine d’arrêt domiciliaire. 

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Image 1 : « L'affaire Budge atteint le plus haut niveau : manifestation des voisins devant la Casa Rosada et demande au président en personne » ; Image 2 : « Les habitants d'Ingeniero Budge ont remis une note à Alfonsín » ; Image 3 : « Budge, le peuple réclame ». Voir : Fondo DIPPBA - Dirección de Inteligencia de la Policía de la provincia de Buenos Aires. Mesa “DS” (“Delincuente Subversivo”). Varios, legajo Nº 26185, “Homicidio en Riña en Ingeniero Budge”, Tomo 1. Disponible sur : http://www.comisionporlamemoria.org/archivo/fondo-dippba/ (consulté le 19 mars 2016)

b) Les cas d’« élimination des témoins » : Il existe également plusieurs cas d’exécutions de délinquants qui ont été tués afin de les empêcher de témoigner devant la justice sur l’implication des policiers dans des affaires criminelles.

C’est en effet le cas de José Luis Vergara, voleur de voitures qui bénéficiait de la protection des policiers bonaerenses de la ville de Mar del Plata. Il a été assassiné par les policiers Jorge Borelli (le 2ème chef de l’Unité régionale) et Ramón Insúa en juin de 1991 car il les avait dans l’implication de la bonaerense de la région avec ces affaires criminelles. Il y a également le cas de Pablo Cantone qui a été tué en avril 1999 par les policiers du département de Vols et Vols qualifiés. Pablo Cantone était recherché dans l'enquête sur le vol d'un camion de la Poste Argentine, produit en septembre 1998, pendant lequel le sergent de la bonaerense Rodolfo Gallegos a été tué. L’implication du sergent et d’autres membres de ce département de la bonaerense dans le vol de ce camion est soupçonnée et la déclaration de Pablo Cantone devant le juge aurait pu être la clé pour le prouver. 

c) Les cas d’exécutions par la police bonaerense des militants politiques322 dans le cadre du processus de « criminalisation des nouveaux mouvements sociaux ».

Agustín Ramírez était un militant politique chrétien de base engagé dans la cause du mouvement des sans terre et du mouvement des sans abris. Vers la fin des années 80, certains commissaires-priseurs de la région de San Francisco Solano, la municipalité de Quilmes, étaient impliqués dans des affaires obscures de ventes de terrains, dont beaucoup appartenaient à la mairie. La manoeuvre illégale était la suivante : ils vendaient ces terrains à des prix très bas à des personnes sans terres et sans abris de la région. Lorsque ces personnes arrivaient pour en prendre possession, elles étaient violemment expulsées et les terrains étaient revendus. Agustín Ramírez a commencé à dénoncer ces manoeuvres illégales et, par conséquent, les commissaires- priseurs ont embauché certains policiers bonaerenses pour le tuer. Il a été exécuté en juin 1988 et le procès pénal a été classé323.  

d) Les cas de « nettoyage social » (« limpieza social ») mise en place par des policiers – « groupes d’extermination »324 – contre les jeunes, le plus souvent des mineurs,

      

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Ces cas sont beaucoup plus nombreux à partir des années 2000. Nous verrons de façon plus détaillée cette croissance lors de la deuxième partie de la thèse.

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Les policiers, avant de tuer Agustin, se sont trompés et ont tué une autre personne – Javier Sotelo – qui n’avait aucun lien avec la militance politique locale. Voir : Informe de la CORREPI, op. cit, 2013.

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En Argentine, les organisations des droits de l’homme comme la CORREPI et la presse font référence à ces groupes, en utilisant le terme « escadrons de la mort ». Etant donné que ce terme n’est pas neutre et établit une relation directe avec les groupes qui agissaient lors des périodes dictatoriales, notamment, le cas de la Triple A, nous