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Un système ploutocratique

Dans le document Les populismes en Bulgarie (Page 72-101)

Première partie : Les racines des populismes

Section 1: Un système ploutocratique

L’une des dimensions essentielles de la transition postcommuniste est la redistribution des ressources politiques et économiques. Alors que la Bulgarie était auparavant caractérisée pour l`essentiel par la propriété étatique sur les moyens de production et une grande homogénéité sociale, on assiste à la concentration des ressources aux mains d’un groupe social restreint; une transformation du rapport entre le politique et l’économique se produit : le passage à l’économie de marché est assorti du processus parallèle de captation de l’Etat par des milieux politico- économiques qui fonctionnent en symbiose. Un tel bouleversement génère des tendances ploutocratiques, qui seront abordées à travers l`étude de la conversion des élites (§1) et de la stratification sociale qui suscite polarisation des groupes sociaux et paupérisation (§2).

§1 Conversion des élites

L`apparition de nouvelles élites débute avec une révolution du palais (I), passe par des trajectoires originales (II) et produit comme effet une captation des ressources étatiques par des groupes d`intérêt (III).

I Une révolution de palais

A la différence de pays d’Europe Centrale tels que la Pologne et la Hongrie, la chute du communisme en Bulgarie a été pilotée par une évolution interne au sein du parti communiste. La chute du communisme a résulté de la démission du Secrétaire General du Parti communiste bulgare Todor Jivkov, le 10 novembre 1989 : Il s’agit d’une « révolution de palais » effectuée par un cercle de dirigeants communistes proches de Moscou qui renverse l’ancien N° 1 à travers une pression interne au sein du parti. Comme le soulignent Evgenia Kalinova et Iskra Baeva « le

facteur soviétique est décisif même cette fois »167. Le modèle soviétique est

abandonné par le biais de l’adoption d’une réforme orientée vers le pluralisme et des élections législatives libres, notamment lors du XIVème Congrès du Parti

communiste bulgare qui a lieu du 30 janvier au 2 février 1990.

Cette sortie de l’ancien régime assure un statut privilégié aux dirigeants en place dans le processus de transition. La sortie du communisme «par le haut » permet de parler, dès l’origine, de l’instauration d’une « démocratie encadrée »168 par l’ancienne classe dirigeante. En Bulgarie, les dirigeants du parti communiste participent à la naissance du nouveau régime dans le cadre de la Table ronde (organisée du 3 janvier au 15 mai 1990) : ils négocient les règles de la transition en collaboration avec le front anticommuniste, tardivement formé et influencé par les anciennes élites communistes. Comme le souligne Tzviatko Tzetkov la formule de la transition était une stratégie de persistance des modes de fonctionnement de l’ancien régime sous la couverture démocratique ; synthétisée par la formule largement utilisée par les anciennes élites : « Sans Tato169 à la tatovienne »170.

Cette sortie du communisme s’avérera essentielle pour l’évolution postérieure des populismes en Bulgarie. Les deux forces qui ont négocié la transition se transforment en partis politiques qui domineront le paysage politique

167 Kalinova, E., Baeva, I., Les transitions en Bulgarie (1939-2005) « Balgarskite prehodi (1939- 2005) », Paradigma, Sofia, 2006, p. 248.

168 Bafoil, F., Europe centrale et orientale, Mondialisation, européanisation et changement social,

Paris, Presse de la fondation nationale de science politique, 2006, p. 141.

169 Ce qui signifie « petit père », surnom de l’ancien dictateur Todor Jivkov sous le communisme. 170 Entretien avec Tzviatko Tzvetkov, expert de Sécurité nationale, ancien Secrétaire général du

pendant la première décennie postcommuniste : le BSP (l’ancien parti communiste) et le SDS (l’ancien front anticommuniste). Cette nature de la transition par le haut explique l’efficacité des messages populistes en Bulgarie, la révolution ayant été initiée par les anciennes élites et pilotée par leurs représentants au détriment des aspirations populaires.

II Les trajectoires élitistes

Cette « révolution de palais » qui a donné naissance à la démocratie en Bulgarie explique les trajectoires des élites communistes sous le postcommunisme ; elles renforcent la perception d’une reproduction partielle de l’ancien ordre social en dépit du renversement du régime communiste. Pourtant celle-ci ne correspond que partiellement à la réalité. Comme le déclare François Bafoil, « En Bulgarie et

en Roumanie il y a «une stratégie manipulatrice» de la réforme du communisme »,

à cause des transformations internes des partis communistes dans les deux pays qui ont encadré la transition. L’hypothèse de Jean-Charles Szurek et Georges Mink sur l’Europe Centrale est valable pour la Bulgarie : « Si l’on examine deux hypothèses

concurrentes, celle de « reproduction » des élites et celle de leur «circulation», on observe avec le temps une relativisation de la reproduction des anciennes élites » 171. L`idée d`une reproduction intégrale des anciennes élites s’avère

simplificatrice : comme il le soulignent Andrey Raichev et Kancho Stoichev dans leur étude de la transition en Bulgarie, il ne s’agit pas d’une sortie du communisme « dirigée », mais plutôt d’une scission interne et d’une concurrence à l’intérieur des anciennes élites172.

D’une part, les anciennes élites communistes gardent un poids dans la dynamique d’évolution de la vie politique et économique. Leur perte de légitimité initiale a été récompensée par la reconversion d’une partie d’entre elles dans la nouvelle structure sociale : le « capital politique » a été transformé en « capital

171 Mink, G., Szurek, J-Ch., « L’ancienne élite communiste en Europe centrale : stratégies,

ressources et reconstructions identitaires », Revue française de science politique vol. n°1, 1998, pp. 3-41, p. 3/4.

172 Voir : Raichev, A., Stoichev K., Qu’est-ce qui s’est passé? Récit pour la transition en Bulgarie (1989-2004); « Kakvo se sluchi ? Razkaz za prehoda v Bulgaria (1989-2004) », Iztok-

économique » à travers des ressources telles que le niveau de formation, l’accès aux sources d’information, les réseaux de contacts, les clientèles construites sous le communisme, le savoir-faire, l’expérience organisationnelle ; les anciens membres de la nomenklatura ont également été privilégiés dans leur parcours économique. Pourtant, « tant qu’il s’agit de différents types de champs et de capitaux, la

conversion ne peut pas être traitée en tant qu’un processus homogène »173. La

Bulgarie ne connaîtra pas non plus une politique de lustration : les anciennes élites communistes n’ont été ni épurées, ni éliminées. Les attaques contre elles stigmatisées par l’opinion, sont restées partielles et issues des rangs des représentants du front anti-communiste et de leurs adeptes. Il s’agit d’une

« violence symbolique tournée vers un groupe ou une personne concrète»174, de

nature cyclique, suivant la logique des cycles électoraux.

D’autre part, cette tendance coïncide avec l`émergence de nouveaux acteurs, la mobilité descendante des anciennes élites communistes et la restauration des statuts de certaines des couches élitaires de l’époque pré-communiste. Cette dernière résulte de la restitution des biens nationalisés après 1944. Elle débute rapidement après la chute du communisme (la première Loi de restitution des terres agricoles est adoptée en 1991) ; processus non linéaire, elle provoque des tensions sociales significatives, le changement du régime de la propriété étant à l’origine d’une nouvelle différantion sociale dans la société anciennement homogène. Selon les estimations de la valeur des biens restitués à la fin des cinq premières années après 1989, à la fin de 1994, elle s’élève à10,3 milliards de leva, soit 2 % du PIB175.

Des trajectoires variées sont observées également au sein des anciennes élites communistes. A l’intérieur de la nomenklatura sont identifiables plusieurs sous-groupes qui entrent en relations d’interaction ou de concurrence et jouent des

173 Boundjalov, A., La conversion : « Les ressources de réseau de la délégation politique »

« Konversijata : Mrejovi resursi na politicheskoto delegirane» in Chalakov, I. (dir), Les réseaux

de la transition, qu’est-ce qui s’est passé en Bulgarie après 1989 ? « Mrejite na prehoda, kakvo vsashnost se sluchi v Bulgaria sled 1989 », Iztok - Zapad, Sofia, 2008, p. 216.

174 Ibid p. 217.

175 Voir : Popov, M. et Todorova, E., « Privatisation, démocratisation ou oligarchisation de la

Bulgarie postcommuniste », Balkanologie, Vol. I, n° 2 | décembre 1997, [En ligne], mis en ligne le 02 juin 2008. URL : http://balkanologie.revues.org/219. Consulté le 6 janvier 2014.

rôles différents sous le postcommunisme. Andrei Boundjalov176 identifie cinq

sous-groupes à l’intérieur des élites postcommunistes : la nomenklatura partisane- organisationnelle ; la nomenklatura économico-technocrate; la nomenklatura issue des structures du commerce international ; les cadres des différents niveaux des structures de sécurité tels que l’ex Sûreté d’Etat. Ces diverses fractions ont une importance différente dans le processus de transition et entrent dans des structures d’interaction originales : les branches de la nomenklatura économico-technocrate et partisane-organisationnelle ont une position privilégiée tandis que les élites intellectuelles demeurent à la périphérie.

Des interactions complexes se produisent avec les acteurs nouveaux. La logique de ces interactions peuvent être décrite à travers l’idéaltype de « molécule

de la conversion »177 constituée par six types d’acteurs : 1) l` homme politique ; 2)

l`acteur du monde du business ; 3) le représentant des banques qui assure des crédits ; 4) le fonctionnaire d’Etat qui joue un rôle de transmission ; 5) le représentant du pouvoir judiciaire et/ou du « droit informel » qui fonctionne au sein des groupements du crime organisé qui surveillent le respect des « règles du jeu » ; 6) les représentants des think-tanks ou des médias qui assurent la légitimité de la conversion. Ces groupes d’acteurs ne sont pas constants. Comme le note Tzviatko Tzetkov : « Il y a trois cercles du pouvoir : le cercle politique; le cercle

économique et le cercle du pouvoir parallèle, criminel. Pourtant ces trois cercles ne sont pas constants : il y des individus qui circulent, d’autres qui sortent. »178.

Coexistent ainsi trois types d’élites sous le postcommunisme : les anciennes élites communistes ; les élites de l’époque pré-communiste à travers les restitutions des biens ; enfin, celles formées « ex-nihilo » ou bien par le biais d’une ascension sociale.

En dépit de cela, la légitimité des élites est remise en question dans le cadre d`une vision holistique et complotiste des processus. Il s`agit d`un des piliers

176 Boundjalov, A., op.cit. 2008, p. 207. 177 Ibid., p. 266/267.

178 Entretien avec Tzviatko Tzvetkov, expert de Sécurité nationale, ancien Secrétaire général du

structurels des populismes bulgares à l’origine de l’antiélitisme profond sur laquelle s’appuie l’argumentation populiste.

III La captation des ressources étatiques

Les sentiments antiélitistes sont nourris par les modes d’interaction spécifiques qui s’instaurent entre public et privé. Ces processus sont liés au type de capitalisme qui s’instaure : l’Etat joue un rôle central dans l’allocation des ressources; or on observe des interférences politico-économiques qui conduisent à une captation de l’Etat par des groupes d’intérêt. Ainsi Andrey Raichev et Kancho Stoichev voient dans ce processus une « colonisation de l’Etat »179, ou même une

« tumeur de cancer qui grossit en changeant son poids et son importance »180. Une

telle « colonisation » s’opère à travers des pratiques telles que la constitution de clientèles et de réseaux de patronage qui, à travers des échanges de services en chaîne, parviennent à capter les ressources politico-économiques; si les groupes en cause varient, ce type de structures joue un rôle clé dans l’interaction entre le public et le privé. Comme le souligne Tzviatko Tzetkov : « Il y a une mythologie en

Bulgarie qu’au début de la transition il y avait un processus de distribution de l’argent dans des valises par les anciennes élites communistes au profit des personnes qu’elles avaient choisies. En effet, il s’agissait d’une distribution des fonctions, des positions sociales dans les domaines desquels l’Etat était en train de se retirer. Ceux qui effectuaient une fonction au nom de l’Etat ont commencé à effectuer la même fonction pour leurs propres structures privées »181.

Les racines de la construction de ce type d’échanges politico-économiques ont été identifiées avant même la chute du communisme par le sociologue bulgare Petar-Emil Mitev qui, pendant les années 1980, a qualifié ce type d’échanges de « deuxième réseau ». Il visait par cette formule le système d’adaptation de la société contre l’égalitarisme imposé ; il se traduisait par des échanges de services,

179Raichev, A., Stoichev K., Qu’est-ce qui s’est passé? Récit pour la transition en Bulgarie

(1989-2004). « Kakvo se sluchi ? Razkaz za prehoda v Bulgaria (1989-2004) », Iztok-Zapad,

Sofia, 2004, p. 46.

180 Ibid.

181 Entretien avec Tzviatko Tzvetkov, expert de Sécurité nationale, ancien Secrétaire général du

impliquant aussi bien les gouvernants que les gouvernés. Les liens établis sous le communisme ne sont pas entièrement détruits sous le postcommunisme, même si certains des acteurs, en particulier les plus mal placés dans la hiérarchie, perdent les ressources qu’ils échangeaient à l’époque : « Le sommet de ce deuxième réseau

prend les fonctions politiques et commence à piller, tandis que les acteurs de rang plus mineur, les gens ordinaires, n’ont qu’à « désosser » le reste »182 . Ce

« deuxième réseau » se transforme sous le postcommunisme « d’une structure de redistribution des biens et des statuts en structure de conversion et d’accumulation des capitaux »183. Suite aux mutations structurelles qui s’opèrent après 1990, ce

« deuxième réseau » évolue également autour de quatre grandes transformations décrites par Andrey Raichev et Kancho Stoichev : 1) Une dissolution de l’organisme Etatique ; 2) Des désignations d’une nouvelle avant-garde bulgare ; 3) Une décapitalisation de l’économie; 4) La constitution d’une nouvelle strate de propriétaires184.

Cette logique est mise en place lors du processus de privatisations ; elle perdure à travers différentes formes de captation de l’Etat après son retrait de la sphère économique : « Il est devenu évident que le principal motif politique des

représentants de l’élite politique n’était pas seulement de « posséder la machine étatique ». Leur principal objectif était de capturer le pouvoir étatique, essentiellement comme un moyen d’accéder au pouvoir économique »185. Cette

symbiose politico-économique de plusieurs groupes en interaction ou en concurrence mutuelle « produit des effets perturbateurs dans le processus de

l’institutionnalisation » 186 qui fonctionne en utilisant les « vacuums du

pouvoir »187 laissés vides par l’Etat-parti ; elle évite habilement le cadre législatif

ou adapte la législation en fonction de ses besoins en utilisant les partis politiques au profit de ses intérêts économiques. Par conséquent, « Le système politique (le

Parlement, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, les partis, les médias)

182 Raichev, A., Stoichev K., op.cit, p. 52. 183 Ibid, p. 93.

184 Ibid p. 41.

185 Popov, M, Todorova, E, Privatisation, démocratisation ou oligarchisation de la Bulgarie

postcommuniste, Balkanologie vol. vol.1: n°2, 1997, pp. 71-84.

186 Boundjalov, A., op. cit., 2008, p. 219. 187 Ibid.

demeure envahi par des restes des réseaux structurés ou bien d’autres récemment construits qui les supportent en les rendant impuissants à la fois »188. L’Etat

connait une érosion : « L’un des éléments essentiels de l’effondrement de l’ancien

système politique c’est l’érosion des structures étatiques en général : les citoyens bulgares sont des témoins d’un Etat faible, rejeté, inefficace, impuissant, incapable de s’imposer sur le crime organisé et les « groupements » privés »189.

Le processus d’oligarchisation qui en résulte se caractérise par quatre éléments : « D’une part, les élites ont intégré les hautes sphères de l’administration

et de l’État. D’autre part, les élites maintiennent des liens étroits et synchronisent leurs mouvements avec les cercles bancaires. Troisièmement, les élites ont subi une différenciation sociale, politique et culturelle (particularisation). Enfin, elles tendent à perpétuer la pyramide sociale établie entre 1990 et 1996. »190. Par

conséquent, on peut parler de « latino-américanisation » du pays : « une

différenciation sociale aiguë, une corruption généralisée, l’imitation d’un système bancaire, des formes illégales de transformation de la propriété étatique, la création de cercles restreints cumulant pouvoirs politique et économique, contrôlant aussi bien les flux financiers que l’opinion publique. »191. Ces processus

aboutissent à la stratification extrême de la société bulgare.

§ 2 La stratification sociale: polarisation des groupes sociaux et paupérisation

La stratification sociale suscitée par la transition s’avère cruciale pour la compréhension des populismes : la société, qui était dominée par les privilèges de la nomenklatura communiste, se caractérise toujours par la concentration des ressources bien que la transition a été perçue comme une tentative d’égalitarisation démocratique. La société bulgare se caractérisait par une stratification poussée à l’extrême (I) et une fluidité des statuts sociaux (II).

I Stratification poussée à l’extrême

188 Ibid.

189 Todorov, A., La culture politique bulgare et la participation civique ; « Bulgarskata

politicheska kultura i grajdanskoto uchastie », 2011, 28 pp. p. 22.

190 Popov, M., Todorova, E., op.cit., 1997, pp. 71-84. 191 Ibid.

La transition postcommuniste entraine une stratification de la société qui résulte de la concentration des biens aux mains d’une couche sociale restreinte et de la production d’une distance sociale significative.

L’économie bulgare connaît un choc important après la chute du communisme. Le pouvoir d’achat chute de 40% et ne parviendra à atteindre les niveaux antérieurs à 1989 qu’en 2004. Le pays est également secoué par une crise bancaire et une hyper inflation à la fin de l’année 1996 et au début de l’année 1997 avec des taux d’inflation de plus de 300%, ce qui génère un appauvrissement brutal de la population. Le PIB tombe de 5549 USD par an par habitant, en 1989, à 239 USD en 1991. Il atteint des niveaux aussi modestes que 1647 USD, en 1999, à la fin de la première décennie postcommuniste. En raison de la reprise économique de la deuxième décennie postcommuniste, le PIB parvient à des scores de 6432 USD en 2008 et 7591 USD en 2013192.

En dépit de la hausse importante du PIB, son niveau reste très bas par rapport à la moyenne de l’UE et le pouvoir d’achat est lui aussi très faible; de plus, on constate une concentration extrême des ressources : en 1999, « 8% de la

population consomme autant que 75% »193 ; les ressources des plus aisés étant plus

de 20 fois supérieures à celles des plus pauvres. Pour mesurer le « choc » produit par la nouvelle hiérarchie sociale sous le postcommunisme, une comparaison avec la structure de la société bulgare sous le communisme s’avère nécessaire. A l’époque, les différences sociales résidaient pour l’essentiel dans les privilèges des membres de la nomenklatura : il n’y avait que trois groupes essentiels : la nomenklatura (entre 0,1% et 0,5% de la population194) ; la totalité de la population

doté d`un niveau de vie relativement homogène coïncidant avec les caractéristiques d’une classe moyenne ; un nombre non significatif de personnes marginalisées.

192 Source pour l’ensemble des données sur le PIB : Fond monétaire international, cité par la base

de données de Bloomberg.

193 Raichev, A., (dir. de), La stratification sociale en Bulgarie « Sotsialnata stratifikatzija v Bulgaria », LIK, Sofia, 2000, p. 26.

194 Voir : Todorov, A., Citoyens, partis, élections : La Bulgarie 1879-2009 ; « Grajdani, partii, izbori : Bulgaria 1879 – 2009 », Iztok-Zapad, Sofia, 2010, p. 207.

A la fin de la première décennie postcommuniste (en 1999), la structure sociale connait déjà des changements significatifs : 8,1% de la population concentre un pourcentage significatif de ressources en réalisant 33% de la consommation, tandis que 60% de la population ne réalisent que 25 % des dépenses de consommation195. Concernant l’auto-identification des individus, cette même

année 1999 seulement 1,6 % de la population se considère comme « aisée » ; un total de 18,9% se déclare « bien » ou « sans grandes difficultés matérielles », tandis que 79% se considèrent comme en proie à des « difficultés matérielles », « pauvres » ou vivant « dans la misère »196.

Dix ans plus tard, après la reprise de la croissance économique du début des années 2000, la répartition des différents groupes sociaux selon ce critère économique est légèrement moins polarisée. Pourtant, de grandes disparités sociales subsistent : en 2007, 8,8% des Bulgares se considèrent comme « aisés », 44,9% se déclarent « bien » ou « sans grandes difficultés matérielles », mais 46,3% se déclarent toujours en proie à des « difficultés matérielles », « pauvres » ou vivant « dans la misère »197.

Cette nouvelle structure sociale est liée à un déclassement de groupes sociaux engendré par la désindustrialisation du pays et la transformation d’une économie planifiée qui assurait du travail à la majorité de la main d’œuvre en une économie dominée par les acteurs privés et soumise aux règles de la concurrence ; de plus, la structure de l’économie bulgare est marquée par l’exploitation des biens acquis à travers les privatisations.

La transition produit des taux de chômage importants essentiellement pendant la première décennie postcommunisme et un niveau élevé de pauvreté, même parmi les groupes sociaux qui exercent une activité professionnelle. Le taux du chômage constitue un indicateur inquiétant dès la chute du communisme. Il

195 Raichev, A. (dir. de), op.cit., 2000, p. 25.

196 Mizov, M. (dir. de), Stratification sociale et conflits sociaux dans la Bulgarie contemporaine ; « Socialna stratifikacia i socialni konflikti v suvremenna Bulgaria », Fondation « Friedrich

Ebert », Sofia, 2008, p. 38.

atteint des niveaux très élevés pendant la période caractérisée par la percée

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