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Chapitre 1 : Le système éducatif en Communauté française de Belgique

4. Un système éducatif morcelé

Au fil du temps, le système éducatif belge s’est peu à peu morcelé. Tout d’abord, par le profond clivage qui s’est creusé entre l’enseignement organisé par les pouvoirs publics et celui organisé par l’Eglise catholique. Ensuite, entre les niveaux de pouvoir, chaque Communauté étant en charge de l’organisation de son propre système éducatif. Enfin, et non des moindres, existe la distinction entre les réseaux d’enseignement. Il est à noter que si le terme « réseau » est largement répandu dans le milieu scolaire, il n'existe pas de définition juridique de ce terme. Dès lors, l’usage de ce terme est souvent galvaudé. On parle parfois de deux réseaux, opposant ainsi l’officiel et le libre ; parfois de trois réseaux (Communauté française - officiel subventionné - libre subventionné) ou encore de quatre réseaux ajoutant une distinction entre le subventionné confessionnel et non confessionnel. Toujours est-il que si chaque école reconnue en Communauté française doit se conformer au Décret « Missions » de 1997, les pouvoirs organisateurs sont libres dans la constitution de leur programme. Bien qu’ils soient regroupés au sein d’organes de représentation et de coordination, ce ne sont pas moins de cinq programmes qui coexistent, rien que pour l’enseignement primaire.

Toutefois, si des différences peuvent être observées entre les réseaux d’enseignement, celles-ci tiennent davantage dans la formulation et les modes d’application que dans les tâches elles-mêmes. Par ailleurs, ces dernières années, nous pouvons même noter une volonté d’uniformisation dans les statuts et, de fait, dans les prescriptions ainsi formulées.

4.1. Les réseaux d’enseignement

A la suite du Pacte scolaire (1959), de nouveaux modes d’organisation et de regroupement vont émerger dans le paysage éducatif. Nous pouvons ainsi distinguer quatre types d’écoles, selon leur organisation : soit par la Communauté française, soit par les villes et communes, soit par les provinces, soit par des personnes privées (qu’il s’agisse de personnes physiques ou d’associations). Dans cette dernière catégorie, il est courant de distinguer, en outre, les écoles selon qu’elles se réclament, ou non, d’une confession particulière.

Notons que, d’un point de vue légal, ce n’est l’école mais son pouvoir organisateur qui est identifié et reconnu (loi du 29 mai 1959). Les pouvoirs organisateurs (PO) sont définis comme « l’autorité, la (ou les) personnes physique(s) ou morale(s) qui assume(nt) la

Chapitre 1 : Le système éducatif en Communauté française de Belgique responsabilité de l’enseignement »31. Bien que ces derniers disposent, de par la Constitution, d’une autonomie pédagogique pour organiser leurs enseignements, celle-ci a été réduite par l’obligation, inscrite dans le décret Missions (1997) de devoir se conformer à des référentiels de compétences communs pour toutes les écoles organisées sur le territoire de la Communauté.

Afin de pouvoir créer des synergies et être suffisamment représentatifs, les PO se regroupent en réseaux incluant des écoles organisées par le même pouvoir organisateur ou par des PO de même nature juridique (Beckers, 2008). On peut ainsi distinguer trois réseaux d’enseignement :

 Le réseau de la Communauté française qui se substitue, en 1989, au réseau de l’Etat et qui regroupe toutes les écoles organisées par ce niveau de pouvoir. En Belgique francophone, ce réseau dépend directement du ministre en fonction, alors qu’en Communauté flamande cette compétence a été confiée à une personne de droit public. Ce modèle pourrait, par ailleurs, être suivi en Communauté française dans les années à venir.

 Le réseau officiel subventionné regroupe les écoles organisées par des autres pouvoirs publics. Il peut s’agir des villes ou des communes, des provinces ou de la Commission communautaire française (COCOF) pour la région de Bruxelles-Capitale.

 Le réseau libre subventionné qui regroupe les écoles organisées par des pouvoirs organisateurs privés ; ceux pouvant être confessionnels ou non.

Le projet de fusionner certains réseaux est une question qui revient régulièrement sur la scène politique. De nombreuses voix s’élèvent pour incriminer les réseaux et les désigner comme une cause de dysfonctionnement et de surcoûts financiers (Beckers, 2008). En 1992, le « Plan Busquin-Di Rupo » prévoyait la constitution d’un réseau uniquement pour l’enseignement organisé par des pouvoirs publics, rassemblant ainsi les écoles organisées par la Communauté, les provinces et les communes. Vingt ans plus tard, le projet n’a pas vu le jour mais la question rejaillit régulièrement dans les débats publics.

Dans un souci de représentativité et de défense de leurs intérêts, les PO se sont également regroupés en fédérations, dans lesquelles le clivage entre enseignement officiel et libre est fortement marqué.

4.2. Les fédérations et les organes de représentation

Les fédérations relatives à l’enseignement ont, au départ, joué un rôle informel, s’axant principalement sur l’information à leurs écoles et l’orientation des décisions politiques. Par le décret Missions, elles ont obtenu un statut officiel de représentation et de coordination des pouvoirs organisateurs qu’elles représentent. Nous pouvons distinguer quatre fédérations :

 Le CECP, Conseil de l’enseignement des communes et des provinces, qui représente les écoles primaires et les écoles secondaires d’enseignement spécialisé ;

 Le CPEONS, Conseil des PO de l’enseignement officiel neutre subventionné, qui représente les écoles secondaires d’enseignement ordinaire et les écoles de promotion sociale organisées par les communes et les provinces ;

 La FELSI, Fédération des écoles libres subventionnées indépendantes32, qui représente

des écoles libres non-confessionnelles ;

 L’APOEC, Association des PO de l’enseignement catholique, qui dispose d’un organe chargé d’assurer la coordination et l’unité de l’enseignement catholique, le Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique (SEGEC), qui, dans les faits, est le principal interlocuteur des pouvoirs publics33.

Bien que ces fédérations ne puissent se substituer à l’autonomie des pouvoirs organisateurs, leur influence est conséquente. C’est à leur niveau, par exemple, que sont constitués les programmes d’enseignement basés sur les référentiels communs de compétences.

En outre, les fédérations peuvent se doter de structures particulières de formation, d’orientation, de création d’outils pédagogiques ou encore d’information juridique. Ainsi, l’asbl Média Animation est reconnue en tant que Centre de ressources en éducation aux médias et multimédias de l’enseignement libre de la Communauté française de Belgique bien que son champ de compétences pourrait concerner l’ensemble des structures éducatives. D’innombrables structures gravitent ainsi autour des fédérations et des réseaux d’enseignement développant chacune leurs stratégies et leurs productions, parfois de façon redondante, parfois de façon spécifique mais dont les collaborations restent complexes par le découpage entre réseaux et fédérations.

4.3. Les syndicats

Les syndicats d’enseignants ne font pas exception à la dichotomie existant entre enseignement officiel et libre, bien que certaines centrales syndicales puissent compter des membres issus des différents réseaux d’enseignement.

Dans l’enseignement officiel, nous pouvons relever trois organisations syndicales :

 La Centrale générale des services publics (CGSP) qui est rattachée à la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB)

 Le syndicat libre34

de la fonction publique (SLFP) rattaché à la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique (CGSLB)

32

Le terme « indépendant » fait référence aux notions de pluralisme et de non-confessionnalité. (Beckers, 2008)

33 Par ailleurs, dans le langage courant, c’est l’appellation SEGEC qui est utilisée également, l’acronyme APOEC

n’étant quasiment jamais utilisée.

34

Le terme « libre » fait référence au domaine libéral et ne correspond aucunement à la dénomination « libre » utilisée dans les réseaux d’enseignement

Chapitre 1 : Le système éducatif en Communauté française de Belgique  La confédération des syndicats chrétiens – Enseignement (CSC-Enseignement)

Dans l’enseignement libre, les enseignants peuvent rejoindre l’une des organisations suivantes :

 La confédération des syndicats chrétiens – Enseignement (CSC-Enseignement)

 Le Syndicat des employés, techniciens et cadres – Enseignement libre (SEL) rattaché à la FGTB

 L’Association professionnelle du personnel de l’enseignement libre (APPEL) rattachée à la CGSLB.

Ce sont donc cinq organisations syndicales qui coexistent dans le domaine de l’enseignement, bien que leur rattachement à des structures plus globales les organise en trois syndicats, constitués sur la base des familles idéologiques qui compartimentent la société belge : socialiste, catholique et libérale.

Les syndicats assument plusieurs rôles dont le plus médiatique concerne la négociation des règlementations générales avec les représentants du gouvernement et les pouvoirs organisateurs. Ils sont également actifs au sein de divers mandats tels que dans des jurys de sélection et de promotion, des commissions de réaffectation, des chambres de recours, …

4.4. Les associations de parents

Au niveau de chaque école peut exister une association de parents. Son rôle est d’informer et de susciter la participation à la vie de l’établissement. Dans un souci de représentativité, celles-ci sont organisées en deux pôles distincts : la FAPEO, pour les parents de l’enseignement officiel et l’UFAPEC pour l’enseignement catholique. Ces deux organes sont représentés, à parts égales, par le conseil des parents de la Communauté française (CPECF). A nouveau, c’est le clivage libre (catholique) et officiel qui prédomine. Il est intéressant de souligner les différences au niveau micro et macro des associations de parents. A un niveau macro, les fédérations d’associations de parents constituent un interlocuteur médiatique qui peut, parfois, prendre la forme d’un contre-pouvoir comme, par exemple, dans le cas du décret « Inscriptions ». En outre, ces fédérations produisent également des éléments de recherche sur des thématiques en lien avec l’enseignement.

A un niveau micro, le rôle de l’association de parents peut diverger extrêmement d’une école à l’autre. Selon l’impulsion que lui donnent ses membres, l’association peut s’investir de façon substantielle dans l’école, voire dans son organisation, alors que dans d’autres cas, elle peut se cantonner à un rôle de soutien lors de l’organisation d’une fête scolaire, par exemple.

4.5. Le système éducatif belge : un labyrinthe kafkaïen

Comme nous venons de le constater, l’enseignement en Belgique francophone est particulièrement morcelé. La distinction entre enseignement officiel et libre prédomine mais elle s’inscrit dans un découpage bien plus complexe.

Pour les membres du personnel, tout comme pour les parents ou toute personne s’intéressant au système éducatif, ce dernier peut rapidement devenir un labyrinthe dans lequel se perdre relève davantage de la probabilité que de la malchance.

En outre, comme nous l’avons souligné précédemment, à cet imbroglio vient s’ajouter le rôle que peuvent prendre les régions et l’état fédéral dans l’organisation de l’enseignement. Nous pouvons tenter de représenter le système éducatif par le tableau ci-après.

Figure 1 : Schématisation du système éducatif en Communauté française de Belgique

Il est important de noter que les différentes structures n’ont pas toutes la même représentativité si l’on compare les chiffres de la population scolaire. Ainsi, l’enseignement libre représente environ la moitié de la population scolaire, l’enseignement organisé par la

Chapitre 1 : Le système éducatif en Communauté française de Belgique communauté, les villes, communes et provinces en représente 35% et, enfin l’enseignement organisé par la Communauté française avoisine les 15%. Néanmoins, de profondes distinctions émergent selon le niveau d’enseignement. Ainsi, pour l’enseignement maternel et primaire, la répartition de la population scolaire place l’enseignement communal en tête, avec environ 50%, suivi par l’enseignement libre (40%). Le reste de la population scolaire pour l’enseignement fondamental concerne principalement l’enseignement organisé par la Communauté française ; les provinces organisant peu ce niveau d’enseignement (0,2%). Un système aussi morcelé rend complexe les synergies entre les écoles pour autant qu’elles n’appartiennent pas au même réseau. S’il existe une volonté politique de convergences par la création de « bassins scolaires » et d’organes de consultations à un niveau méso, force est de constater que les obstacles seront nombreux pour lever les frontières entre les structures.

Enfin, dans un souci d’équité, nous pouvons constater que certains choix politiques prennent en compte cette « clé de répartition ». Nous prendrons, à titre d’illustration de nos propos, les écoles primées lors des appels à projets « Ecole numérique ».

Tableau 1 : Répartition des projets "Ecole Numérique" dans l'enseignement obligatoire, selon les réseaux d'enseignement

Sans présumer de la qualité des propositions émises par les écoles, nous ne pouvons pas non plus occulter la répartition selon les réseaux et les fédérations de PO. Force est de constater que les projets se répartissent selon le même schéma que la population scolaire. Cette analyse pourrait, par ailleurs, se compléter par la répartition géographique des écoles primées. Toutes les régions géographiques sont concernées, chaque province compte des projets dont la proportion rappelle étrangement le taux de population.

Dans le labyrinthe que constitue le système éducatif, certains accès sont donc corrélés à la répartition scolaire et géographique. Bien que très certainement établi dans un souci d’équité, ce mélange savant de répartition ne rend que plus complexe encore, pour le néophyte, la lecture des politiques publiques liées à l’éducation.