• Aucun résultat trouvé

SYNTHÈSE DE LA PROBLÉMATIQUE ET FORMULATION DE LA QUESTION DE

Les plans d’action et documents gouvernementaux désirent promouvoir le vivre ensemble et la reconnaissance de la différence, tant au niveau social que scolaire. Au Québec, l’instauration des classes d’accueil sert d’abord à développer des capacités linguistiques suffisantes pour garantir une meilleure intégration de l’élève immigrant. En même temps, l’apprentissage d’une nouvelle culture et l’échange de normes et valeurs semblent importants (Froelich, 2009). À cet effet, différentes recommandations et orientations ont été données par le gouvernement, afin d’assurer une intégration de qualité. Par sa mission de socialisation, l’école québécoise semble responsable de cette intégration (Gouvernement du Québec, 1997 ; 2001). En effet, la socialisation passe par la vie quotidienne en classe, par l’interaction et les relations sociales, mais aussi par l’apprentissage des disciplines et des contenus enseignés. Selon plusieurs auteurs (Abdallah-Pretceille, 1996 ; Kanouté, 2003; Ouellet, 1991 ; 2002), un tel lieu de partage se traduit en effet par le biais d’un enseignement qui prend en compte le vécu de chaque élève, et qui semble encore avoir des répercussions sur le bien-être en général et la réussite scolaire des élèves (Phinney, 1996; Qribi, Courtinat et Prêteur, 2011).

Si les documents gouvernementaux partent, depuis leurs recommandations et orientations, d’une réflexion sur la pratique de l’école, la majorité des recherches scientifiques part plutôt du vécu de l’élève immigrant nouvellement arrivé, de ses besoins et défis : ceci est organisé par un recours au processus de construction identitaire de l’individu, en général et en contexte scolaire. Un besoin de favoriser l’appartenance aussi bien que la possibilité de se différencier en a notamment pu être décelé. Si plusieurs études se penchant sur une analyse de politiques d’intégration reprochent un manque de caractère actif à la formule d’intégration proposée, c’est-à-dire une conceptualisation davantage passive qu’active de l’immigrant nouvellement arrivé (Allen, 2006), on pourrait de même reprocher un manque de dynamisme à certaines recherches qui s’intéressent à mieux comprendre les conceptions des immigrants nouvellement arrivés. L’environnement, qui semble jouer un rôle crucial à travers l’intégration des élèves, semble souvent abordé comme un facteur inaltérable depuis la perspective de l’élève

immigrant, de ses pairs et de sa famille. Pourtant, l’école et sa mission de socialisation ont justement comme objectif de favoriser une intégration réussie du jeune.

L’intervention de l’école et de l’enseignant a surtout été abordée que par des perspectives d’analyse des représentations ou encore d’un curriculum. Ceux-ci pourraient fournir certains indices d’un traitement de la différence en classe, mais, pour l’instant, peu de recherches se sont intéressées aux interventions en classe et encore moins de recherches s’intéressent aux pratiques d’intégration ou de socialisation à l’école primaire, en contexte spécifique des classes d’accueil. Il nous semble pourtant important de s’interroger sur la mise en pratique en classe, par des actions quotidiennes, des pratiques de socialisation : un tel objet de recherche nous paraît d’importance fondamentale, vu le manque de connaissances scientifiques quant aux rôles, normes et valeurs mises en pratique de manière raisonnée et suite à des chances et défis au quotidien. D’autant plus, la fossé entre les écrits gouvernementaux et scientifiques pour une prise en compte dynamique des individus en société oriente vers une question s’interrogeant sur la manière de prendre en compte l’individu, son identité personnelle et son espace accordé à se différencier, ainsi que la société, la nécessité d’un sentiment d’appartenance et d’identification à des rôles avec leurs normes et valeurs sociales. Un manque de recherches s’interrogeant sur une telle dialectique de l’individu et de la société, sur la socialisation dans le quotidien de la classe, devrait nécessairement être comblé, car cette mission scolaire semble davantage importante depuis le premier contact de l’élève avec l’institution-école, responsable pour son intégration dans la société d’accueil (Gouvernement du Québec, 1998 ; Gouvernement du Québec, 2004) et second agent de socialisation (Berger et Luckmann, 1996 ; Gayet, 1996).

Notre recherche compte ainsi mieux situer et comprendre les pratiques de socialisation en classe, pour un aperçu global à propos d’une possible dynamique à l’élève opérationnalisé par les pratiques enseignantes, sans courir le risque de ne considérer qu’un élément de socialisation de la pratique scolaire. Cet aspect n’a point été étudié au terrain scolaire du Québec. En outre, les recherches ayant comme thème l’intégration des élèves immigrants s’intéressent souvent aux conceptions d’une population immigrante du secondaire. Pourtant, un tel objet de recherche paraît tout aussi pertinent à explorer dans un contexte d’enseignement primaire et d’autant plus

pour le contexte des classes d’accueil québécoises. Si ces classes sont avant tout organisées pour combler certains retards scolaires et linguistiques, leur fonctionnement de différenciation externe pourrait laisser supposer une prise en compte davantage plus holistique de certains besoins de la population immigrante nouvellement arrivée.

Le manque de documentation des pratiques de socialisation par les enseignants nous amène en effet à entreprendre le choix d’une recherche de terrain. Selon Vasquez (1992), les formes de socialisation scolaires peuvent bien s’articuler à travers le curriculum réel. Pourtant, l’aspect crucial d’une intégration des élèves à travers le quotidien en classe, des éléments socialisateurs surgissant encore à travers un curriculum caché (Lenoir, 2010; Vasquez, 1992), semble avoir été quasiment ignoré dans les recherches recensées.

Cette socialisation joue encore sur sa construction identitaire, son besoin d’appartenance et de différenciation par rapport à un et plusieurs groupes. Valoriser la différence et créer un sentiment d’appartenance, tels sont les éléments qu’on retrouve à travers différents débats, orientations et recommandations politiques et résultats de recherches. Comment un tel recours à l’identité s’opérationnalise dans les pratiques de socialisation en classe, n’est pourtant pas documenté. Une recherche qui axerait sur ces aspects d’espace à la différence et à l’appartenance pourrait encore permettre de mieux situer la pertinence d’un débat entre ces deux besoins sur un plan microsocial. À ce sujet, la conceptualisation de la socialisation et de l’identité lors d’un cadre conceptuel permettra encore de situer la pertinence d’un tel objet de recherche. Avant d’y arriver, la figure 2 permet d’abord de synthétiser la problématique pour arriver à une question de recherche.

CADRE SOCIOPOLITIQUE :

 Haut taux d’immigration au Canada et au Québec

 Préoccupations scolaires et sociales, se déclinant en différentes mesures et responsabilités : discours à propos d’un espace accordé à l’appartenance et à la

différenciation

 Forte responsabilité accordée au milieu scolaire et aux enseignants pour ce qui est d’une intégration scolaire et sociale

Figure 2 - Synthèse de la problématique

Quelles pratiques de socialisation, les enseignants du primaire mettent-ils en place en

classe d’accueil au Québec?

Peu de recherches à propos de la gestion de la diversité et socialisation par l’école en milieu multiethnique Connaissances de plusieurs difficultés rencontrées et d'effets de double socialisation de l’enfant immigrant suite au vécu à l'école Difficultés et besoins

Suite aux différents constats de pertinence sociale et scientifique, nous arrivons donc à formuler la question de recherche suivante :

Quelles pratiques de socialisation l’enseignant du primaire pourrait-il mettre en place en classe d’accueil au Québec?

Avant d’entreprendre pourtant une telle étude, le recours à un cadre conceptuel se penchant davantage sur des concepts touchés et en lien avec notre objet sert ultérieurement à proposer des objectifs précis et opérationnels.

DEUXIÈME CHAPITRE LE CADRE CONCEPTUEL

Après avoir cerné le problème de recherche, s’insérant dans un contexte social et scientifique pour arriver à un objet de recherche spécifique, l’analyse des concepts de socialisation, d’identité et de l’intervention éducative permettra de définir le regard analytique porté à cet objet. L’examen critique des concepts situera ceux-ci quant aux ancrages théoriques avec leurs tensions et variations de définitions. Cette explicitation permettra dès lors d’identifier les objectifs de la recherche. Nous commençons par l’explicitation du concept de socialisation. 1. LA SOCIALISATION

La socialisation est d’abord reconnue en tant qu’une des missions fondamentales de l’école québécoise (Gouvernement du Québec, 1997). Ainsi, depuis sa réforme de la fin des années 1990, le ministère de l’Éducation définit trois missions comme champs d’action principaux de l’école québécoise : « Instruire avec une volonté réaffirmée […] Socialiser pour apprendre à mieux vivre ensemble […] Qualifier, selon des voies diverses » (Ibid., p. 9). Pour ce qui est de la socialisation, le gouvernement explique que

dans une société pluraliste comme la nôtre, l’école doit être un agent de cohésion : elle doit favoriser le sentiment d’appartenance à la collectivité, mais aussi l’apprentissage du ‘‘vivre ensemble’’ […] l’école doit être attentive aux préoccupations des jeunes quant au sens de la vie; elle doit promouvoir les valeurs qui fondent la démocratie et préparer les jeunes à exercer une citoyenneté responsable; elle doit aussi prévenir en son sein les risques d’exclusion qui compromettent l’avenir de trop de jeunes. (Ibid.)

Ces trois missions ont notamment été reprises dans le programme de formation de l’école québécoise du préscolaire et du primaire (Gouvernement du Québec, 2001a).

De façon générale, il ne semble pas avoir de consensus scientifique sur ce que serait un tel processus de socialisation. Selon la discipline (la sociologie, la psychologie ou d’autres), des

définitions variées peuvent être constatées, mais qui ne s’excluent pas nécessairement de façon réciproque. Depuis notre objet de recherche s’intéressant aux pratiques de socialisation en classe d’accueil, se rapportant aux traitements de l’individu et de la différence par un agir scolaire, il importe de mettre ces tendances de l’avant. Ainsi, nous abordons d’abord les ancrages théoriques quant au concept en distinguant entre une approche conceptuelle de la socialisation en tant que processus d’inculcation, d’intégration et de construction sociale de la réalité. Ces approches permettent alors une mise-en-perspective pour une conceptualisation qui semble influencer les visions et les finalités en éducation. Des éclairages inévitables pour la mise-en-pratique de formes de socialisation permettent alors d’opérationnaliser davantage la socialisation dans un contexte scolaire. Le concept de double socialisation permet en outre de construire un lien avec notre problématique et de se pencher davantage à la socialisation à l’école. Nous arrivons finalement à une description de la socialisation à l’école, avec des éléments retenus pour une analyse ultérieure.

Nous abordons donc d’abord les théories pour une définition de la socialisation, en commençant par une conceptualisation inculcatoire ou d’intégration et en précisant en même temps les conséquences de ces approches pour une conceptualisation de la socialisation en éducation.

1.1. Théories de la socialisation : un processus d’inculcation ou d’intégration

Une tentative de caractérisation du concept nous amène donc à une conceptualisation théorique. Plusieurs auteurs que nous documenterons ont en effet expliqué ce concept comme processus d’inculcation6 ou d’intégration de valeurs et normes d’une société.