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1. LA SOCIALISATION

1.5. Synthèse du concept de socialisation

Le concept de socialisation a été défini par le recours aux différents courants théoriques et leurs conceptions de la pratique y reliées. La socialisation est notamment définie comme processus d’inculcation et d’intégration de normes et valeurs de la société. D’autre part, ce même concept a été élargi, notamment par le recours à la socialisation de soi et/ou de personnalisation : une socialisation comme construction sociale de la réalité. Nous avons vu que la socialisation ne se limite pas uniquement à l’apprentissage d’un savoir et savoir-faire, mais peut être davantage relié à un niveau du savoir-être. Ceci nous a encore permis de présenter un lien avec notre problématique par le biais du concept de double socialisation et qui semble, selon plusieurs chercheurs, particulièrement important à considérer pour le contexte des jeunes immigrants.

L’identité sociale de l’enfant se construit au point de convergence de ces réseaux relationnels. La famille exerce son influence sur l’enfant, jusque dans la classe, par sa structure, ses conditions de vie, son origine ethnique, ses croyances, ses principes éducatifs en harmonie ou en opposition avec ceux de l’école. Mais par sa pression incessante, le groupe-classe amène les enfants à adhérer à de nouvelles normes qui gagneront progressivement en importance au point d’ébranler souvent ou de supplanter quelquefois les normes familiales […] Quant à l’enseignant, son influence sur les conduites sociales dépendra dans une large mesure de sa compétence à éduquer dans un double esprit de convivialité et de civisme. (Gayet, 1998, p. 16)

Vu les différents angles et approches potentiellement abordables par l’enseignant, une définition assez large de la socialisation sera retenue pour le cadre de cette étude. La socialisation se définit ainsi comme processus d’apprentissage construisant une relation de l’individu quant à

différents agents et environnements de la société, suite à un rapport appliqué de rôles, de règles, de normes et de valeurs déterminées dans un contexte spécifique.

On ne peut que rappeler le rôle important que joue l’enseignant pour la mission de socialisation, en tant que responsable de sa classe :

l’instituteur enseigne une matière spécifique et socialise en même temps : en conduisant un apprentissage spécifique, il renforce en même temps certaines valeurs qui lui sont importantes […] l’enseignant encourage couramment le silence et l’ordre. (Ibid., p. 86)

En passant par l’intervention éducative, nous reviendrons plus tard aux formes de socialisation en classe. La classe est en effet un lieu particulier, comprise comme espace social intime, d’apprentissage social (savoir-être) (Ibid., p. 58). La construction identitaire, élément fondamental influençant le savoir-être, particulièrement en contexte de double socialisation, semble un élément à travers lequel il faudrait s’orienter davantage. Ainsi arrivons-nous à nous pencher sur le concept de la construction identitaire. Celui-ci considère donc une conception de socialisation vécue comme élément de savoir-être, de socialisation comme construction de la réalité, et qui devrait nous permettre de distinguer entre différents processus psychosociaux, reliés à l’appartenance et à la différenciation quant au groupe :

Socialization occurs through a host of specific means, namely through imitation, identification, play, role taking, language acquisition, contact with books, media, and all of other means of learning. (Camilleri et Malewska-Peyre, 1997, p. 44)

Abordons maintenant le concept d’identité et son interaction avec la socialisation. 2. L’IDENTITÉ

Le recours au concept d’identité permet de clarifier la place, les besoins et les positions proposés à l’élève depuis la socialisation. Comme nous l’avons pu observer dès la problématique, l’humain a besoin d’un sentiment d’appartenance et de différenciation par rapport à un/des groupes. Ainsi, nous définissons dans un premier temps le processus de construction identitaire, situant la conception de l’identité retenue dans le cadre de cette étude. Le concept d’identité individuelle, distinguant entre une identité sociale et personnelle

(Kastersztein, 1981; Taboada-Leonetti, 1981), permet par la suite un regard approfondi pour une opérationnalisation du concept pour notre contexte, l’approche pour prendre en compte l’identité pour un positionnement de l’individu par rapport à des rôles, normes et valeurs de socialisation. Ainsi, il s’agirait de valoriser l’individu (Abdallah-Pretceille, 2008), en respectant son identité, de se questionner à une possible internalisation identitaire des rôles, normes et valeurs (Camilleri et Malewska-Peyre, 1997, p. 43). Une synthèse du concept permet finalement de conclure cette analyse conceptuelle. Commençons donc à définir l’identité et son processus de construction.

2.1. L’identité et la construction identitaire

Depuis le psychanalyste Erikson (1968), le concept d’identité a été traité depuis différents angles, notamment en psychologie, en sociologie, en anthropologie. La notion d’identité selon Erikson (Ibid.) a notamment été conçue comme un positionnement personnel, intime et statique de la personne, qui se développe à partir de différents stades qui se succèdent jusqu’à un aboutissement. C’est encore Erikson qui modélise l’évolution de l’identité de manière dichotomique : c’est en partant d’une distinction entre l’identité (préalable) vers une confusion ou une crise identitaire, que l’individu se questionne sur ce positionnement de soi.

Si la théorie d’Erikson a en effet été l’initiation d’un véritable courant de recherche, le manque de souplesse concernant les stades statiques selon l’âge et l’idée d’un aboutissement d’une identité ont été critiqués (Camilleri, 1990). Ainsi, nous partons plutôt d’une approche d’identité « moins substantialiste et plus dynamique, plus interactionniste, plus sociale » (Lipiansky, Taboada-Leonetti et Vasquez, 1990, p. 8). L’idée de passer à travers des phases identitaires plus ou moins stables ne fera pas l’objet ici. L’identité se caractérise pour le contexte de cette étude plutôt comme une forme psychologique, propre à l’individu, qui se positionne lui- même de façon explicite ou implicite par rapport à différents éléments de socialisation d’un groupe (Ibid.; Kastersztein, 1990, p. 30).

Réduire les ‘‘mondes vécus’’ et les processus identitaires à un [seul] aspect ou un produit des ‘’systèmes’’, c’est supprimer la question de la socialisation et donc ôter toute autonomie aux sciences sociales. (Habermas, 1987a, p. 90)

Il y a d’ailleurs un débat en recherche à propos de l’importance accordée à la personne et son caractère en quelque sorte « stable », respectivement son environnement (Camilleri, 1989 ; 1990) quant à la construction identitaire. L’environnement peut influencer significativement le recours à l’identité, comme plusieurs études, recensées dans la problématique, l’ont notamment fait constater (Phinney et al., 2001 ; Phinney et al., 1997 ; Qribi et al., 2011). D’autant plus, l’identité se développe, selon la littérature récente, comme étant centrée sur des processus de développement et non pas des stades (Kunnen et Bosma, 2006, p. 183). Ainsi, rappelons encore le courant interactionniste de Mead (1934), affirmant que l’individu se développe depuis l’interaction avec son environnement. Dès le contact avec son environnement (dont l’école), l’individu construit son identité par rapport à l’autre, par « un mouvement relationnel de rapprochement et d’opposition, d’ouverture et de fermeture, d’assimilation et de différenciation, d’identification aux autres et de distinction par rapport à eux » (Lipiansky, 1998, p. 24).

Mon identité, c’est donc ce qui me rend semblable à moi-même et différent des autres, c’est ce par quoi je me sens exister en tant que personne et en tant que personnage social (rôles, fonctions et relations), c’est par quoi je me définis et me connais, me sens accepté et reconnu, ou rejeté et méconnu par autrui, par mes groupes ou ma culture d’appartenance. (Tap, 1991, p. 69)

Si nous nous intéressons dans ce contexte d’étude aux interventions de l’enseignant et non à une mesure d’identité de l’élève, l’utilisation du concept d’identité semble néanmoins avoir sa place. Celui-ci permettra d’expliquer la pertinence de notre étude et du besoin de l’enseignant de favoriser un cadre respectueux et bénéfique au développement de l’identité sociale et personnelle.

Ainsi, nous concevons l’identité comme un processus dynamique, propre à l’individu où celui-ci se positionne par rapport à un groupe, un rôle, une valeur, une norme. En même temps, c’est l’environnement qui influence largement ces choix (Camilleri et al., 1990). Le lien socialisation – construction identitaire dépend dès lors du recours offert par l’environnement. Dubar (2002, p. 109) définit l’identité comme le

résultat à la fois stable et provisoire, individuel et collectif, subjectif et objectif, biographique et structurel, des divers processus de socialisation qui, conjointement, construisent les individus et définissent les institutions.11

L’identité peut donc être comprise un processus interactif d’assimilation et de différenciation, attaché à l’individu, la définition du sujet étant constamment mise en relation avec la définition de l’autre (Lipiansky, 1991).

Une telle description d’interrelations entre socialisation et construction identitaire appuie la pertinence de notre choix d’objet de recherche et semble confirmer l’adéquation du choix conceptuel. Il faudrait pourtant prendre en compte que les termes tels qu’«identité individuelle», «identité collective», «identité sociale» ou «identité personnelle» et bien d’autres se confondent ou réfèrent selon les chercheurs et recherches à différents objets d’études (Hogg, 2006). Si Erikson est d’autant plus parti d’un concept d’identité personnelle (ou «subjective»), la sociologie propose encore le recours à une identité sociale (ou «objective»). Afin de bien distinguer notamment l’utilisation de «l’identité sociale» et de «l’identité collective», de «l’identité personnelle» avec «l’identité individuelle», nous nous référons dans cette recherche au vocabulaire utilisé par Camilleri et de ses collègues (Camilleri, Kastersztein, Lipiansky, Malewska-Peyre, Taboada-Leonetti, et Vasquez, 1990 ; Codol, 1981 ; Tap, 1998).

Une définition des termes s’impose donc pour bien les distinguer et arriver à une opérationnalisation. Nous passons d’abord à l’explicitation de l’identité individuelle, se composant d’une identité sociale et personnelle.