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Recours à l’élève des pratiques de socialisation

2. LA DESCRIPTION DU RECOURS À L’IDENTITÉ PAR LES PRATIQUES

2.1. Recours à l’élève des pratiques de socialisation

Comme nous avons fait le choix de focaliser notre regard d’analyse sur les pratiques de socialisation proposées par l’enseignante, nos données ne permettent pas de situer les véritables positionnements identitaires des élèves. Pourtant, les pratiques de socialisation émettant nécessairement un rôle à l’élève, celui-ci semble en effet imbriquer un recours à l’identité. Nous revenons donc rapidement sur certaines pratiques, en les objectivant d’abord quant à la place et la perception de l’élève. C’est par la suite lors d’une deuxième partie que nous arrivons à interpréter ces recours à l’élève quant aux rapports identitaires proposés.

2.1.1. L’élève et le recours au comportement scolaire

Comme nous venons de l’analyser, le suivi d’un comportement scolaire est introduit à l’aide d’un agir normatif, suite à des recours conversationnels impersonnels – du « on », d’« un élève » ou du « tu » se rapportant à tout le groupe. L’utilisation de la machine des feux de circulation mesurant le volume de décibels lors de la deuxième journée de classe paraît illustrer une volonté de rendre impersonnel le recours comportemental.

La participante décide en même temps de prendre son temps pour s’assurer d’une bonne compréhension des règles scolaires, d’encourager la mise de l’avant de comportements jugés adéquats pour faire préserver un sentiment positif, de capacité. En même temps, selon le

contexte, en cas d’un conflit ou d’un non-suivi de comportements, l’enseignante invite les élèves concernés à sortir de la salle, en discutant du comportement attendu lors d’une conversation privée, isolée de l’écoute du groupe-classe. Les pairs sont aussi invités à se présenter comme des modèles.

La routine des défis personnels semble en outre illustrer une personnalisation différenciée par l’élève pour une amélioration d’un agir comportemental: pour l’élève, il y s’agirait d’avancer, de s’améliorer sans courir le risque de reculer d’une case. Il en est de même pour la fiche d’émulation qui n’a été mise en place que pour quelques élèves.

Ces pratiques découlent et sont guidées pourtant par la volonté de l’enseignante, relativisant un véritable positionnement interne de l’élève quant aux comportements. Plutôt s’agirait-il selon l’enseignante d’éviter une dévalorisation de l’élève, en axant plutôt sur le comportement externe et en encourageant l’élève suite à des renforcements positifs. Passons maintenant au recours à l’élève depuis les rôles émis lors de l’apprentissage, du travail et du recours au savoir académique.

2.1.2. L’élève et le recours à l’organisation du travail scolaire

Suite aux retards scolaires des élèves et du fait que le savoir académique se veut enseigné d’une manière progressive, les interventions témoignent de pratiques de différenciation externe. Selon le niveau académique et les prérequis des élèves, des tâches sont proposées à l’élève de manière individuelle ou en séparant la classe en plusieurs sous-groupes. Par la volonté de responsabiliser l’élève et suite à différents encouragements et demandes de se débrouiller seul, l’individu se veut guidé vers une certaine autonomie et une disponibilité par rapport à son travail. Sous cette optique, de nouvelles attitudes se veulent développées chez l’élève pour favoriser son autonomie quant au travail. Ces attitudes restent en même temps ancrées à un rôle d’apprenant scolaire, dépendant du savoir que l’enseignante lui instruit.

À un tel double sens attribué à l’élève, personne active, mais dépendante, s’ajoute encore une autre attribution de traits de responsabilité. Lors du projet réalisé sur les parcours migratoires ou encore la narration orale de la présentation de soi, l’élève semble avoir davantage de

responsabilités : de telles activités de productions orales, écrites ou visuelles de l’élève partent en effet de son vécu préalable, de ses traits et représentations biographiques et sentimentales de soi, de son entourage. D’autres activités, comme la mise à disposition de livres thématisant différents pays mondiaux ou qui sont rédigés en langues étrangères, témoignent encore d’une volonté de rendre l’apprentissage et le travail académique signifiant pour l’élève, lui permettant de voir une utilité ou nécessité dans son travail, faisant dès lors allure à la mobilisation de sa motivation interne d’apprendre. L’objectif de telles activités semble ainsi être de situer l’élève au coeur de son travail, de responsabiliser celui-ci en tant que personne-ressource pour son propre apprentissage et un potentiel échange collectif.

Discutons maintenant des pratiques se rapportant à l’élève depuis des activités pour un rapport à soi et à l’autre.

2.1.3. L’élève et le recours à soi et à l’autre

Comme nous l’avons introduit dans l’analyse des pratiques de socialisation, plusieurs interventions émettent une réflexion explicite ou implicite quant à soi et l’autre.

Marie part, depuis plusieurs activités, de sa connaissance des élèves pour centrer son apprentissage aux intérêts de ceux-ci. Plusieurs livres sont ainsi disponibles aux enfants, thématisant des vécus de parcours migratoires ou d’enfants vivant dans des contextes divers. Des activités partant de connaissances et besoins d’élèves ont encore été organisées pour un objectif de valorisation de l’enfant immigrant, de ses capacités, vécus et compétences perçus comme une richesse. Il s’agit par exemple d’interventions valorisant les élèves ayant vécu en camp de réfugiés lors du projet jumelage, les origines d’élèves lors de l’activité de représentation des drapeaux, ou encore la valorisation de la famille lors de narrations d’histoires. L’enseignante admet en même temps qu’il s’agit d’une déconstruction de conceptions hiérarchisées, pour une sensibilisation à la différence.

À travers différentes tâches, les enfants sont aussi invités à se présenter devant la classe, ou à écrire et dessiner sur leurs vécus lors de parcours migratoires, leurs goûts, leurs origines, leurs familles ou expériences préalables. C’est aussi à travers de telles tâches que des

conversations émergent où les élèves comparent différents fonctionnements culturels de la société d’origine avec ceux de la société d’accueil, où l’enseignante questionne les élèves sur leurs représentations et vécus sentimentaux.

Nous revenons sur ces aspects de pratiques suite à l’interprétation théorique de nos données.

2.1.4. L’élève et le recours à l’apprentissage et à l’utilisation du code linguistique

À travers les pratiques, la langue française se présente premièrement comme objectif d’apprentissage normatif et instrumental pour une réussite scolaire et un agir respectueux de compréhension, et deuxièmement, comme un objet de médiation pour un agir communicationnel.

L’utilisation de l’espagnol, de l’anglais et le recours à des traductions par d’autres élèves viennent appuyer cette deuxième composante d’utilisation langagière : il s’agit selon l’enseignante de répondre à un besoin de se comprendre et de se sentir à l’aise. Marie explique à travers plusieurs activités qu’il n’y a pas de meilleure langue, que l’utilisation du français se veut priorisée que du fait d’apprendre la langue du pays d’accueil et de se pratiquer pour la réussite scolaire en classe régulière. La participante distingue ainsi entre une langue « du coeur », propre à l’élève et de laquelle celui-ci peut être fier, et une langue du Québec, pour une pratique et une réussite scolaire, véhicule à prioriser pour une compréhension en tant que lingua franca.

Cet aspect sera repris lors de l’interprétation théorique des données.