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7.6 Résultats

7.6.3 Synthèse des résultats quantitatifs : des influences directes

La première hypothèse (H1) est vérifiée dans le cas des deux échantillons de recherche : les attitudes des enseignants francophones et germanophones envers l’intégration scolaire varient en fonction de la nature des besoins éducatifs particuliers. Les élèves avec des difficultés sociales et de communication ou des difficultés d’apprentissage sont davantage perçus comme devant être scolarisés en classe ordinaire que les élèves avec un déficit sensorimoteur ou des troubles du comportement.

La seconde hypothèse de recherche (H2) est également confirmée : les attitudes des enseignants sont influencées par certaines caractéristiques propres à l’enseignant. Parmi les variables testées, deux variables démontrent les mêmes effets, quel que soit l’échantillon de recherche : la formation continue n’influence pas de manière significative les attitudes des enseignants, qu’ils soient francophones ou germanophones, alors que le sentiment de compétence perçu prédit de manière significative les attitudes des enseignants interrogés. Plus les enseignants se sentent compétents pour enseigner aux élèves avec des besoins éducatifs particuliers, plus ils expriment des attitudes favorables vis-à-vis de l’intégration scolaire. En outre, dans le cas des deux échantillons, les variables sexe et degré

d’enseignement n’ont pas été insérées dans les modèles de régression en raison de l’absence de

corrélation avec les attitudes des enseignants (score à l’échelle ORI).

Ensuite, les résultats se distinguent en fonction des échantillons de recherche. Dans l’échantillon francophone, les attitudes des enseignants sont également plus positives lorsqu’ils ont expérimenté l’intégration scolaire et lorsqu’ils sont ou ont été en contact avec des personnes en situation de handicap. En ce qui concerne l’échantillon germanophone, outre le sentiment de compétence perçu, la variable années de pratique de l’enseignement contribue elle aussi à la prédiction des attitudes des enseignants envers l’intégration scolaire : plus les enseignants ont d’années d’expérience de l’intégration scolaire, plus leurs attitudes sont négatives. Toutefois, et contrairement aux enseignants

francophones, les attitudes des enseignants germanophones ne sont pas influencées de manière significative par l’expérience de l’intégration scolaire ni par l’expérience du contact avec des personnes en situation de handicap. Les figures 11 et 12 illustrent la synthèse des résultats des facteurs influençant de manière significative les attitudes des enseignants respectivement francophones et germanophones.

Figure 11. Synthèse des résultats des facteurs influençant de manière significative les attitudes des enseignants francophones (H2).

Figure 12. Synthèse des résultats des facteurs influençant de manière significative les attitudes des enseignants germanophones (H2).

Bien que les modèles obtenus soient généralisables à la population cible, les variables testées dans ces modèles n’expliquent qu’une partie de la variance des attitudes des enseignants (R2

f = .309 et R2

g = .173). Cela signifie qu’il est possible que les attitudes des enseignants soient aussi expliquées par d’autres variables.

En résumé, l’étude quantitative a permis de déterminer quelles variables influencent les attitudes des enseignants de trois cantons suisses vis-à-vis de l’intégration d’élèves ayant des besoins éducatifs particuliers en classe ordinaire du niveau primaire. Néanmoins, si cette première étude fournit une compréhension générale du phénomène étudié, elle ne permet pas de comprendre les processus sous-

jacents aux constats générés, comme les raisons de l’absence d’effet direct de la formation continue sur les attitudes des enseignants. De plus, elle ne permet pas non plus d’accéder au vécu expérientiel de l’intégration scolaire ni aux significations que les acteurs donnent eux-mêmes aux déterminants de leur situation (Anadón, 2006). Cela soutient l’intérêt de mener une seconde étude de nature qualitative afin d’appréhender plus finement le phénomène étudié en explorant les points de vue des enseignants en profondeur (Creswell & Plano Clark, 2011). En conséquence, avant d’être discutés au regard de la littérature, les résultats de l’étude quantitative sont employés dans le chapitre qui suit pour déterminer les objectifs de la seconde étape de cette recherche, l’étude qualitative.

8E

TUDE QUALITATIVE

Les constats générés dans le cadre de la synthèse des résultats de l’étude quantitative attestent de l’intérêt de mener une seconde étude de nature qualitative, dont le but est d’illustrer et de mieux comprendre certains résultats statistiques. Outre une visée descriptive de certains déterminants propres au phénomène étudié, cette seconde étude a également pour but de mieux comprendre certains aspects du phénomène en établissant des liens entre les facteurs et en considérant à la fois l’ensemble et le particulier. Pour ce faire, l’étude qualitative qui suit implique une démarche d’inférence en laissant un maximum d’espace à l’expression des données (Duvanel Aouida, 2014), tout en s’inscrivant dans une logique délibérative : le processus d’analyse est guidé par le cadre théorique et les résultats de la phase quantitative précédente (Mukamera, Lacourse, & Couturier, 2006). En ce sens, le cadre théorique a permis de préciser les concepts et les variables qui permettront l’interprétation du phénomène à l’étude, tout comme les résultats quantitatifs ont permis d’en préciser les relations. Ainsi, cette phase qualitative subséquente ne peut faire l’abstraction d’a priori théoriques (Deslauriers & Kérisit, 1997) : le cadre théorique et, plus encore, les résultats de la phase quantitative interfèrent avec les différentes étapes de l’étude qualitative, notamment lors de l’élaboration des objectifs de recherche, du canevas d’entretien et de l’échantillonnage (Mukamurera et al., 2006). Cependant, il va sans dire qu’une telle démarche autorise l’émergence d’éléments nouveaux, évitant ainsi au chercheur d’être « en contradiction avec la nécessité [...] de rester toujours disponible aux événements nouveaux et aux catégories émergentes, c’est-à-dire empiriquement enracinées » (Poisson, 1991, cité par Mukamurera et al., 2006, p. 115).

C’est en rendant intelligible l’expérience subjective de l’intégration scolaire (Anadón, 2006), telle que les enseignants l’ont vécue, ainsi que la projection de l’expérience de l’intégration scolaire de celles ou ceux qui ne l’auraient pas vécue, que les attitudes des enseignants vis-à-vis de l’intégration scolaire seront appréhendées (Eiser, 1986 ; Haddock, Rothman, Reber, & Schwarz, 1999 ; Schwarz et al., 1991). Afin d’en rendre compte, ce chapitre se divise en plusieurs sections consistant à expliciter : 1) les objectifs spécifiques de recherche de cette seconde phase de l’étude, 2) l’instrument à partir duquel les données ont été récoltées, 3) les procédures d’échantillonnage et de récolte des données, ainsi que les caractéristiques de l’échantillon et 4) le processus d’analyse des données ainsi que la présentation et l’interprétation des résultats de l’analyse qualitative. La discussion des résultats quantitatifs et qualitatifs est présentée dans le chapitre suivant (chapitre 9).

8.1 Précision des objectifs de recherche

Cette seconde phase de la recherche a pour principale intention de comprendre plus finement les résultats de l’étude quantitative menée précédemment, en « traduisant le vécu individuel dans le langage du cadre théorique, mais également en élargissant la compréhension selon les éléments

rapportés par l’acteur lui-même » (Cudré-Mauroux, 2010, p. 234). Ainsi, si l’analyse des propos des enseignants relatifs à l’intégration scolaire permet, de manière générale, de mieux comprendre les situations vécues et d’illustrer les données quantitatives obtenues précédemment, les objectifs spécifiques de cette étude qualitative ont été déterminés à partir de l’analyse des résultats statistiques et en regard du cadre théorique, comme le préconisent Creswell et Plano Clark (2011) en ce qui concerne les plans de recherche mixte de type séquentiel explicatif.

L’orientation des objectifs de l’étude qualitative s’est effectuée, dans un premier temps, à partir du constat que seuls quatre résultats de l’étude quantitative sont communs aux deux échantillons de recherche, relevant de fait leur prégnance au niveau national malgré des contextes linguistiques et culturels distincts ainsi que l’intérêt de les investiguer plus en profondeur : la nature des besoins éducatifs particuliers et le sentiment de compétence pour enseigner à des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers influencent les attitudes des enseignants tant francophones que germanophones, alors que la formation continue ne les influence pas de manière significative. En outre, les deux modèles indiquent que d’autres variables que celles examinées pourraient expliquer la variance des attitudes, notamment des variables environnementales. Au contraire, les variables écartées au départ (sexe de l’enseignant, degré d’enseignement) et celles qui ont été insérées dans l’analyse de régression, mais qui ont démontré un effet sur l’un des deux échantillons uniquement (expérience de contact avec une personne en situation de handicap en dehors du cadre professionnel et années de pratique de l’enseignement) ne sont pas examinées dans le cadre de cette seconde étude. Si l’expérience de l’intégration répond également à ce critère, ce facteur n’est cependant pas étudié comme une variable d’intérêt, mais comme substrat à l’analyse des autres déterminants des attitudes à l’égard de l’intégration scolaire. La délimitation des objectifs a, dans un second temps, été affinée en regard des résultats de la recherche à l’échelle internationale.

Ainsi, l’analyse des résultats de l’étude quantitative indique premièrement que les attitudes des enseignants vis-à-vis de l’intégration scolaire varient de manière significative en fonction de la nature des besoins éducatifs des élèves intégrés en classe ordinaire, corroborant les résultats de la plupart des recherches à l’échelon international (Avramidis & Norwich, 2002 ; de Boer et al., 2011 ; Gyimah et al., 2009 ; Khochen & Radford, 2012 ; Kovačević & Maćešić-Petrović, 2012 ; Leung & Mak, 2010). Ils indiquent de surcroît que les élèves qui manifestent des troubles du comportement sont les élèves les moins bien perçus comme devant être scolarisés en classe ordinaire, ce que relèvent de nombreuses études (par exemple : Čagran & Schmidt, 2011 ; Gebhardt et al., 2011 ; Rakap & Kaczmarek, 2010). Or, il est reconnu que si les enseignants peuvent influencer leurs élèves, ces derniers peuvent également avoir un impact sur l’enseignement et sur la qualité de la relation enseignant-élève (Nurmi, 2012). Par exemple, manifester des difficultés comportementales accentue le risque que des relations enseignant-élève conflictuelles s’établissent. Or, ces dernières sont reconnues pour avoir un effet négatif sur le développement des relations entre l’élève et ses pairs, et interférer avec les

apprentissages et la réussite scolaire (Coplan & Prakash, 2003). Par extension, il est supposé que les caractéristiques des élèves intégrés en classe ordinaire peuvent influencer le vécu expérientiel de l’intégration scolaire des enseignants. L’analyse des données qualitatives a ainsi pour premier objectif de comprendre plus finement comment les caractéristiques des élèves, telles que décrites par les enseignants, influencent leur expérience de l’intégration scolaire, notamment en termes de gestion de classe et des apprentissages, en identifiant les liens de causalité (ou du moins des liens significatifs, au sens de Deslauriers, 1997) entre la description des élèves et le vécu expérientiel de l’intégration scolaire perçu positivement ou négativement.

Deuxièmement, les résultats statistiques relatifs aux caractéristiques liées à l’enseignant ont démontré, entre autres, que la formation continue dans le domaine du handicap et/ou de l’intégration scolaire n’influence pas les attitudes des enseignants à l’égard de l’intégration scolaire, résultat contraire à ceux de nombreuses recherches à l’échelle internationale (Avramidis & Norwich, 2002 ; de Boer et al., 2011 ; Čagran & Schmidt, 2011). En conséquence, l’étude qualitative cherche à mieux comprendre l’absence d’effet de la formation continue sur les attitudes des enseignants. Pour ce faire, elle s’efforce, d’une part, d’identifier les raisons pour lesquelles les enseignants ne suivent pas ou peu de formation continue sur ces thématiques. En effet, la description de l’échantillon quantitatif indique que, si la majorité des enseignants interrogés dans le cadre de l’étude quantitative ont exprimé avoir expérimenté l’intégration scolaire (78%), seule une minorité d’entre eux a indiqué avoir suivi une formation continue sur le thème de l’intégration scolaire ou dans le domaine du handicap (24%). D’autre part, cette seconde étude vise à mieux comprendre comment la formation en général influence l’expérience de l’intégration scolaire, en examinant l’adéquation perçue de la formation initiale ainsi que les modalités de formation continue qui soutiennent positivement l’expérience de l’intégration scolaire. En outre, il s’agit également d’identifier les besoins en formation en terme de forme et de contenu, tel que l’ont recommandé Khochen et Radford (2012) : « the main problem is not the need

for training per se, but the issue of specifying exactly what the content of training should be » (p. 150).

Dans cette même dimension, il a été démontré dans l’étude quantitative que le sentiment de compétence pour enseigner à des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers est la variable qui prédit le plus fortement la variance des attitudes envers l’intégration scolaire. Bien que ce résultat, contrairement au précédent, concorde avec la littérature scientifique, la force de cette variable laisse penser que ce sentiment est un levier important dans l’expression d’attitudes à l’égard de l’intégration scolaire. En effet, il est notamment reconnu que le sentiment d’efficacité personnelle75 influencerait les croyances des enseignants relatives à la réussite scolaire des élèves avec des besoins éducatifs

75Le sentiment de compétence à enseigner à des élèves avec des besoins éducatifs particuliers est, dans ce travail, utilisé de

manière analogue au sentiment d’efficacité personnelle en raison de son niveau de précision. Le lecteur peut se référer à la note explicative dans la section 8.4.3.2.2 relative à l’explicitation de la différence conceptuelle entre sentiment de compétence et sentiment d’efficacité personnelle.

particuliers (Ross, 1994 ; Tournaki & Podell, 2005). Ainsi, l’analyse qualitative qui suit cherche à dégager quels éléments renforcent ou diminuent le sentiment de compétence perçu pour enseigner à des élèves avec des besoins particuliers.

Troisièmement, les résultats statistiques issus de la seconde hypothèse de recherche ont montré que les variables prédictives du modèle expliquent en partie seulement la variance des attitudes des enseignants vis-à-vis de l’intégration scolaire. Cela signifie que d’autres variables sont susceptibles de contribuer à la prédiction des attitudes, notamment celles liées à l’environnement scolaire (Ahmmed et al., 2012 ; Avramidis & Norwich, 2002 ; Hsieh et al., 2012 ; Scruggs & Mastropieri, 1996). Etant donné l’influence de la perception du soutien reçu par les enseignants sur leurs attitudes vis-à-vis de l’intégration scolaire (Ahmmed et al., 2012 ; Avramidis & Norwich, 2002 ; Gaad & Khan, 2007 ; Horne & Timmons, 2009 ; Koutrouba et al., 2006), l’analyse qualitative se focalise sur cet aspect de l’environnement scolaire en particulier. En effet, selon Ahmmed et al. (2012), peu de travaux recherche ont étudié comment la perception du soutien scolaire influence les attitudes des enseignants vis-à-vis de l’intégration scolaire et la compréhension de ce sujet demeure incomplète (Morley, Bailey, Tan, & Cooke, 2005). En conséquence, l’étude qualitative vise à saisir comment le soutien perçu par les enseignants influence leur vécu expérientiel de l’intégration en examinant l’appréciation subjective du soutien reçu à l’aide de plusieurs déterminants de la satisfaction. De plus, cette étude cherche à identifier les besoins en soutien exprimés par les participants.

En résumé, les objectifs de recherche de cette phase qualitative se retrouvent dans les trois champs d’influence des attitudes relevés dans le cadre théorique (cf. figure 4) et sont formulés de la manière suivante :

1) Caractéristiques de l’élève intégré en classe ordinaire :

a. Identifier les caractéristiques des élèves intégrés en classe ordinaire qui influencent positivement et négativement le vécu expérientiel de l’intégration scolaire des enseignants, notamment en termes de gestion de classe et des apprentissages ;

2) Caractéristiques de l’enseignant :

a. Identifier les raisons pour lesquelles les enseignants entrent ou n’entrent pas dans une démarche de formation continue sur le thème de l’intégration scolaire et/ou dans le domaine du handicap ;

b. Examiner la perception d’adéquation des formations suivies par les enseignants et son influence sur l’expérience de l’intégration scolaire ;

c. Identifier les besoins potentiels de formation en termes de forme et de contenu ; d. Identifier les raisons qui génèrent un faible sentiment de compétence pour enseigner

aux élèves présentant des besoins éducatifs particuliers et les conditions qui favorisent un sentiment de compétence élevé.

3) Caractéristiques de l’environnement scolaire :

a. Examiner la perception d’adéquation du soutien social reçu et son influence sur l’expérience de l’intégration scolaire ;

b. Identifier les besoins potentiels en soutien.

La formulation des objectifs de la phase qualitative a contribué à générer les thématiques qui ont guidé l’élaboration du canevas d’entretien.