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4.4 Etat de la recherche (2009-2013)

4.4.2 Des variables d’influence

4.4.2.2 Influence des caractéristiques de l’enseignant

4.4.2.2.5 La formation

Sans démontrer de corrélation statistiquement significative entre la formation et les attitudes vis-à-vis de l’intégration scolaire, de nombreuses études ont montré que les enseignants de classe ordinaire estiment manquer de formation et/ou de connaissances pour répondre aux besoins des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers (Ajodhia-Andrews & Frankel, 2010 ; Anati & Ain, 2012 ; Blecker & Boakes, 2010 ; Fuchs, 2010 ; Glazzard, 2011 ; Horne & Timmons, 2009 ; Hwang & Evans, 2011 ; Leung & Mak, 2010 ; McGhie-Richmond et al., 2013 ; Wilde & Avramidis, 2011 ; Yu et al., 2011). Etre adéquatement formé à enseigner à une large diversité d’élèves au sein d’une même classe, à différencier leur enseignement et à collaborer efficacement serait une préoccupation majeure des enseignants (Blecker & Boakes, 2010 ; Horne & Timmons, 2009). Certains auteurs ont révélé que de nombreux enseignants se retrouveraient à devoir enseigner de manière intuitive, se formant sur le tas et en procédant par essai et erreur (Ajodhia-Andrews & Frankel, 2010 ; Glazzard, 2011 ; Wilde & Avramidis, 2011). D’autres se devraient d’acquérir des connaissances et des stratégies par leurs propres moyens, tant financièrement que temporellement (Fuchs, 2010). En outre, Khochen et Radford (2012) ont montré que plus de la moitié des enseignants interrogés pensent qu’ils ont reçu une formation suffisante et qu’ils possèdent les compétences nécessaires pour enseigner de manière inclusive, notamment parce qu’ils ont suivi dix jours de formation spécifique et qu’ils reçoivent du soutien pour la résolution de problèmes. Cependant, la majorité d’entre eux pensent que, de manière générale, les enseignants de classe ordinaire n’ont pas reçu une formation suffisante pour enseigner

efficacement en classe intégrative. Selon Horne et Timmons (2009), les enseignants estiment en effet qu’une formation supplémentaire est nécessaire pour intégrer de manière efficace les élèves avec des besoins éducatifs particuliers et permettrait d’éviter des sentiments de frustration et de culpabilité de ne pas répondre au mieux aux besoins des élèves de leur classe. Seuls les résultats de la recherche de McGhie-Richmond et al. (2013) indiquent que certains enseignants, essentiellement les spécialistes de branche, estiment ne pas avoir besoin de formation continue dans le domaine de l’intégration scolaire, notamment parce qu’ils ne se sentent pas fortement impliqués dans l’élaboration et le suivi des programmes individualisés des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers.

Avramidis et Norwich (2002) ont relevé que les préoccupations des enseignants à l’égard d’une formation lacunaire ou inadéquate pour mettre en œuvre l’intégration scolaire et répondre aux besoins de tous les élèves seraient associées à des attitudes plus négatives vis-à-vis de l’intégration scolaire. De manière similaire, Fuchs (2010) a rapporté que les enseignants ne sont pas en faveur de l’intégration scolaire essentiellement parce qu’ils ne se sentent pas suffisamment formés pour répondre aux sollicitations et aux responsabilités que représente l’enseignement à des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers.

D’autres recherches indiquent l’effet positif de la formation dans le domaine de l’intégration scolaire ou du handicap sur les attitudes des enseignants, à l’instar des résultats des revues d’Avramidis et Norwich (2002) et de De Boer et al. (2011). Par exemple, Čagran et Schmidt (2011) ont rapporté que les enseignants qui ont pris part à différentes formes de formation professionnelle leur permettant de développer des compétences sur la manière d’enseigner à des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers et de les gérer ont des attitudes plus positives envers l’intégration scolaire. Ils expriment également des attitudes plus favorables quant aux bénéfices de l’intégration pour les élèves avec des besoins éducatifs particuliers que leurs collègues qui n’ont pas pris part à ces formations. D’après Segall et Campbell (2012), une formation approfondie est associée à des attitudes plus favorables vis- à-vis de l’intégration scolaire d’élèves ayant un trouble du spectre autistique, tout comme le fait de posséder des connaissances sur l’autisme et les pratiques d’enseignement à employer avec ces élèves. Enfin, Forlin et Sin (2010) ainsi que Male (2011) ont rapporté une différence significative entre les attitudes des enseignants mesurées avant et après qu’ils ont suivi une formation spécifique dans le domaine de l’intégration scolaire. Les enseignants auraient alors des attitudes plus positives vis-à-vis de l’intégration scolaire, quelle que soit la nature des besoins éducatifs particuliers. Par ailleurs, le sentiment d’efficacité personnelle des enseignants vis-à-vis de l’enseignement aux élèves ayant des besoins éducatifs particuliers s’améliore également suite à leur participation à cette formation continue (Forlin & Sin, 2010). Selon Male, ce résultat est encourageant, car il démontre que les opportunités de perfectionnement professionnel peuvent modifier positivement les attitudes des enseignants qui en bénéficient. Ajodhia-Andrews et Frankel (2010) sont arrivés à un constat similaire à partir des

entretiens qu’ils ont menés, constat qui a par ailleurs déjà été mis en évidence dans le cadre de recherches antérieures (Avramidis & Kalyva, 2007 ; Dickens-Smith, 1995).

Relativement au degré de formation (bachelor, master, autres titres), plusieurs études indiquent qu’il ne contribue pas à la prédiction des attitudes (Ahmmed et al., 2012 ; Savolainen et al., 2012) ou qu’il n’y a pas de différence significative dans les attitudes des enseignants en fonction du type de formation (Gebhardt et al., 2011 ; Gyimah et al., 2009 ; Hsieh et al., 2012 ; Rakap & Kaczmarek, 2010). Rakap et Kaczmarek (2010) ont cependant précisé que les enseignants qui n’ont pas suivi de formation en enseignement spécialisé (initiale ou continue) ont des scores moyens plus bas à l’échelle de mesure des attitudes que les enseignants qui ont un certificat en enseignement spécialisé. Selon Gyimah et al (2009), les enseignants qui affirment avoir des connaissances de l’enseignement aux élèves ayant des besoins éducatifs particuliers expriment des attitudes plus positives envers l’intégration scolaire d’élèves ayant une déficience intellectuelle légère à moyenne, un trouble émotionnel et/ou du comportement ou un déficit auditif. Au contraire, les enseignants qui estiment ne pas avoir ces connaissances seraient plus en faveur de la séparation scolaire (Gyimah et al., 2009). Rakap et Kaczmarek (2010) ont également mis en évidence qu’un grand nombre des enseignants qu’ils ont interrogés seraient prêts à participer à des programmes de formation continue pour apprendre de nouvelles stratégies leur permettant de travailler avec des élèves présentant un handicap sévère et d’utiliser ensuite leurs nouvelles aptitudes pour soutenir ces élèves. Cela rejoint les résultats d’autres recherches, qui indiquent également que de nombreux enseignants souhaiteraient recevoir davantage de formation afin de répondre aux besoins éducatifs spécifiques de leurs élèves (Glazzard, 2011 ; Hwang & Evans, 2011 ; Wilde & Avramidis, 2011). Les enseignants expriment notamment avoir besoin de connaissances relatives aux handicaps ou aux déficits des élèves et de conseils sur les stratégies d’enseignement appropriées à certains élèves, notamment ceux avec un trouble du spectre autistique (Wilde & Avramidis, 2011). La formation peut donc être perçue par certains comme une ressource pour réussir l’intégration scolaire (Hwang & Evans, 2011).

Certains auteurs ont également mentionné que si les enseignants reconnaissent manquer de formation, ils ne s’engagent pas forcément dans des activités de formation continue, notamment en raison de leur charge de travail (Leung & Mak, 2010). D’autres ont mis en évidence l’insatisfaction des enseignants par rapport aux formations continues proposées qui ne seraient ni pertinentes, ni véritablement utiles, notamment parce qu’elles ne répondent pas forcément aux besoins spécifiques des enseignants (Fuchs, 2010 ; Starczewska et al., 2012). Fuchs (2010) a également relevé que les enseignants estiment que les cours de pédagogie spécialisée dispensés en formation initiale sont inutiles et qu’ils ne les prépareraient pas suffisamment à être capables ensuite de différencier et d’adapter leur enseignement, ainsi qu’à collaborer avec l’équipe de soutien.

Scruggs et Mastropieri (1996) relevaient, il y a presque vingt ans déjà, le besoin de former systématiquement et intensivement les enseignants à l’intégration scolaire et associaient la formation à une forme de soutien pour les enseignants. Il y a un peu plus de dix ans, Avramidis et Norwich (2002) ont mis en évidence l’importance de fournir des occasions de formation aux enseignants, tant en formation initiale que continue. Plus récemment, de Boer et al. (2011) relevaient que les enseignants mieux formés, mieux informés et ayant plus de connaissances sur les élèves avec des besoins éducatifs particuliers ont des attitudes plus positives. Malgré ces recommandations et ces constats immuables dans le temps, les recherches actuelles indiquent que les enseignants de classe ordinaire ne se sentent toujours pas suffisamment ou adéquatement formés pour répondre aux besoins de tous leurs élèves. De plus, la littérature récente tend à confirmer les études antérieures relativement à l’impact positif de la formation, notamment de la formation continue, sur les attitudes des enseignants vis-à-vis de l’intégration scolaire, bien que certaines n’aboutissent pas à des résultats significatifs. En conséquence, certains auteurs émettent aujourd’hui des recommandations relatives plus spécifiquement aux contenus de la formation. Par exemple, la formation initiale devrait permettre aux futurs enseignants d’acquérir les principes et les stratégies pratiques de mise en œuvre de l’éducation à visée inclusive (Savolainen et al., 2012). Dans le même sens, les activités de formation continue devraient permettre aux enseignants d’acquérir les meilleures pratiques relatives à l’intégration scolaire, d’apprendre à coenseigner et à travailler avec d’autres intervenants dans la classe (Shady et al., 2013). Selon ces auteurs, si les enseignants et les futurs enseignants s’approprient les pratiques d’enseignement nécessaires à l’intégration scolaire tôt dans leur carrière, voire en formation initiale, il est possible que les attitudes vis-à-vis de l’intégration scolaire deviennent plus positives. Quant à Lalvani (2013), elle a relevé que peu de programmes de formation à l’enseignement comprennent des cours qui traitent de la construction socioculturelle du handicap et que les questions relatives à la justice sociale ne sont généralement pas mises au premier plan dans la formation. Or, les résultats de son étude montrent l’importance de former les enseignants à l’intégration scolaire en leur permettant de comprendre comment se construit le handicap et en leur apprenant les bases du développement de l’enfant à partir de perspectives socioculturelles. Il s’agirait également de former les enseignants à l’intégration scolaire dans un cadre lié à la justice sociale et de leur permettre de développer une pensée critique afin qu’ils puissent établir le lien entre l’intégration scolaire et la nécessité de lutter contre toutes les formes de discrimination (Lalvani, 2013). En ce sens, les questions spécifiques liées aux élèves en situation de handicap ne devraient pas être confinées au domaine de l’éducation spécialisée, mais plutôt être intégrées dans des discussions sur les pratiques éducatives démocratiques, sur la diversité et sur l’éducation multiculturelle (Lalvani, 2013).