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7.4 Description de l’échantillon

7.4.2 Caractéristiques sociocognitives

Le sentiment de compétence perçu pour enseigner à des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers est une caractéristique sociocognitive de l’échantillon particulièrement intéressante à étudier. En effet, il est reconnu que cette variable a une influence considérable sur les attitudes des enseignants envers l’intégration scolaire, leurs pratiques d’enseignement et, en conséquence, sur la réussite des élèves (Avramidis & Norwich, 2002 ; Forlin & Chambers, 2011 ; Gaudreau, Royer, Beaumont, & Frenette, 2012). Cette caractéristique de l’échantillon de recherche est donc décrite ci-après de manière détaillée.

Les données recueillies indiquent que les enseignants francophones et germanophones interrogés sont peu nombreux à se sentir tout à fait (3% dans le cas de chaque échantillon) ou pas du tout (respectivement 11.8% et 3.6%) compétents pour enseigner aux élèves BEP (tableau 17). Avec un mode équivalent à 2 dans les deux échantillons, les enseignants interrogés sont nombreux à s’estimer

un peu compétents (respectivement 47.9% et 36.5%). Le tableau 17 indique également que 20.7% des

enseignants francophones et 29.9% des enseignants germanophones se sentent assez compétents et que

49.8 23.7 11.27 2.4 1.6 1.6 0.4 0 10 20 30 40 50 60 Difficultés d'apprentissage Déficience intellectuelle Troubles du comportement Troubles du langage Handicap physique

Déficit auditif Déficit visuel

Ta ux d ve s sc ol ar is és e n cl as se o u éc ol e sp éc ia lis ée (e n % )

moins d’enseignants francophones (12.4%) que d’enseignants germanophones (25.1%) se perçoivent comme plutôt compétents. S’ils se situent tous en moyenne entre un peu et assez compétents, les enseignants germanophones (M = 2.87, ET = .941) se sentent significativement plus compétents que les enseignants francophones (M = 2.44, ET = .972) pour enseigner aux élèves avec des besoins éducatifs particuliers (t(334) = -4.21, p < .001).

Ce résultat peut s’expliquer par le fait que les enseignants germanophones sont plus nombreux à avoir suivi une formation continue dans le domaine du handicap et/ou de l’intégration scolaire (voir tableau 16). En effet, les analyses indiquent une relation significative entre le sentiment de compétence perçu par les enseignants germanophones et le fait qu’ils aient suivi une formation continue ou pas dans le domaine du handicap et/ou de l’intégration scolaire (2(4) = 18.016, p < .001), indiquant un effet significatif de la formation continue sur le sentiment de compétence perçu. Or, cette relation n’est pas significative dans le cas des enseignants francophones interrogés. Ainsi, il semblerait, du moins dans le cas des enseignants germanophones, que plus les enseignants sont formés et ont des connaissances spécifiques sur l’intégration scolaire et les besoins éducatifs particuliers des élèves, plus ils se sentent confiants dans leur capacité à enseigner de manière générale, ainsi qu’à répondre aux besoins de ces élèves (Avramidis et al., 2000 ; Batsiou et al., 2008 ; Ross, 2002).

Tableau 17. Descriptif du sentiment de compétence perçu par les enseignants francophones et germanophones à enseigner pour des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers (BEP)

Enseignants francophones (N = 169) Enseignants germanophones (N = 167) n %63 n % Sentiment de compétence pour enseigner à des élèves ayant des BEP

Tout à fait 5 3.0 5 3.0 Plutôt 21 12.4 42 25.1 Assez 35 20.7 50 29.9 Un peu 81 47.9 61 36.5 Pas du tout 20 11.8 6 3.6 Valeurs manquantes 7 4.1 3 1.8

Le sentiment de compétence plus élevé perçu par les enseignants germanophones peut également s’expliquer par le fait qu’ils sont légèrement plus nombreux que les enseignants francophones à avoir expérimenté l’intégration scolaire, en termes de fréquence (79.6% contre 73.9%) et de mode (deux années d’expérience de l’intégration contre zéro). Cette explication n’est toutefois pas confirmée par une relation significative entre ces deux variables, mais elle rejoint les résultats d’autres chercheurs ayant démontré que les enseignants qui travaillent dans des écoles intégratives – et qui expérimentent l’intégration scolaire – se sentent mieux préparés à intégrer des élèves avec des besoins éducatifs

63Les pourcentages sont exprimés en valeur effective et non en compensant les valeurs manquantes (valides), les valeurs

manquantes étant considérées comme une source d’information importante. De plus, le pourcentage total de cette colonne est équivalent à 99.9% au lieu de 100%. Cette différence est due aux arrondis.

particuliers que les enseignants n’ayant pas cette expérience (Avramidis & Kalyva, 2007 ; Balboni & Pedrabissi, 2000).

En ce qui concerne le sentiment de compétence perçu par les enseignants pour enseigner à des élèves selon différents types de besoins éducatifs particuliers (tableaux 18 et 19), les enseignants francophones et germanophones se sentent plus compétents pour enseigner aux élèves présentant des difficultés d’apprentissage (Mf = 3.79 et Mg = 3.43), comparativement aux autres types de besoins particuliers64. De manière intéressante, dans l’échantillon francophone, cette catégorie est la seule pour laquelle le mode est équivalent à 4 (plutôt compétent) et pour laquelle aucun enseignant ne s’est estimé pas du tout compétent (min = 2, max = 5). Ces résultats peuvent s’expliquer par le fait que les difficultés d’apprentissage sont des besoins éducatifs particuliers relativement fréquents dans la population scolaire suisse65 (voir figure 9) et que les enseignants francophones et germanophones sont nombreux à avoir expérimenté l’enseignement à des élèves ayant ce type de difficultés (voir tableau 16). Une autre explication réside dans le fait que les enseignants perçoivent les adaptations de l’enseignement pour ces élèves comme étant plus faciles à réaliser que pour des élèves ayant d’autres besoins éducatifs particuliers (Avramidis & Kalyva, 2007).

Tableau 18. Statistiques descriptives du sentiment de compétence perçu par les enseignants de l’échantillon francophone pour enseigner aux élèves ayant des besoins éducatifs particuliers en fonction de catégories diagnostiques spécifiques

Sentiment de compétence selon les types de besoins éducatifs particuliers

Echantillon francophone (N = 169)

n (valide) n (manquante) M ET Mode

Difficultés d’apprentissage 169 0 3.79 .98 4 Handicap physique 165 4 3.27 1.38 2 Difficultés d’adaptation 166 3 3.01 1.09 2 Troubles du langage 165 4 2.70 1.14 2 Déficience intellectuelle 166 3 2.66 1.24 2 Déficit auditif 166 3 2.27 1.28 1 Déficit visuel 164 5 2.00 1.18 1 Autisme 165 4 1.44 .84 1 Syndrome d’Asperger 145 24 1.32 .68 1

Ensuite, c’est pour les élèves ayant un handicap physique (Mf = 3.27 et Mg = 2.99) et des difficultés d’adaptation (Mf = 3.01 et Mg = 3.14) que les enseignants expriment un sentiment de compétence relativement élevé (tableaux 18 et 19). Le sentiment de compétence plutôt élevé pour enseigner à des

64Les résultats des t-tests pour échantillons appariés entre la catégorie difficultés d’apprentissage et chacune des autres

catégories indiquent des différences significatives entre les moyennes du sentiment de compétence perçu à enseigner spécifiquement à ces élèves et à d’autres. Par exemple, entre difficultés d’apprentissage et handicap physique (échantillon francophone), la différence de sentiment de compétence perçu est hautement significative (t(164) = 4.83, p < .001)

65Durant l’année scolaire 2007/2008 et selon les codes de classification du CSPS, les élèves scolarisés en classe spéciale ou

élèves avec des difficultés d’adaptation surprend, car les élèves qui présentent des difficultés comportementales et manifestent des comportements hostiles et/ou d’opposition engendrent des attitudes de rejet chez les enseignants (Cook, 2004), augmentent leur niveau de stress (Avramidis et al., 2000 ; Grieve, 2009 ; Hastings, 2005) et sont perçus par les enseignants comme les élèves pour lesquels l’enseignement est le plus difficile (Avramidis et al., 2000 ; Rakap & Kaczmarek, 2010). De plus, il est reconnu que les enseignants ont un faible sentiment d’efficacité personnelle vis-à-vis de l’enseignement à ces élèves (Gaudreau et al., 2012).

Tableau 19. Statistiques descriptives du sentiment de compétence perçu par les enseignants de l’échantillon germanophone pour enseigner aux élèves ayant des besoins éducatifs particuliers en fonction de catégories diagnostiques spécifiques

Sentiment de compétence selon les types de besoins éducatifs particuliers

Echantillon germanophone (N = 167)

n (valide) n (manquante) M ET Mode

Difficultés d’apprentissage 164 3 3.43 .88 4 Difficultés d’adaptation 159 8 3.14 .99 4 Handicap physique 152 15 2.99 1.33 2 Troubles du langage 152 15 2.78 1.03 2 Déficit auditif 147 20 2.39 1.14 2 Déficience intellectuelle 151 16 2.15 1.12 1 Déficit visuel 145 22 1.95 1.03 1 Syndrome d’Asperger 122 45 1.83 1.02 1 Autisme 141 26 1.77 1.02 1

Néanmoins, ce résultat peut s’expliquer par le fait que les enseignants de cette étude sont nombreux à avoir expérimenté l’intégration scolaire avec ces élèves66 (46.2% d’enseignants francophones, 61.1% d’enseignants germanophones). Les analyses indiquent notamment une relation significative entre ces deux variables dans le cas de l’échantillon germanophone, indiquant un effet significatif de l’expérience de l’intégration de ces élèves sur le sentiment de compétence perçu pour leur enseigner (2(4) = 11.86, p < 05) : les enseignants ayant expérimenté l’intégration de ces élèves sont plus nombreux à évaluer leur sentiment de compétence dans les catégories assez, plutôt et tout à fait que s’ils n’ont pas expérimenté l’intégration scolaire avec ces élèves. Ainsi, comme pour les difficultés d’apprentissage, l’expérience de l’intégration semble renforcer le sentiment de compétence perçu, particulièrement chez les enseignants germanophones interrogés (Avramidis et al., 2000 ; Avramidis & Kalyva, 2007).

Cette hypothèse n’explique cependant pas les résultats relatifs au handicap physique, étant donné que seuls 20% environ d’enseignants ont indiqué avoir expérimenté l’intégration scolaire de ces élèves (voir tableau 16), qui sont effectivement peu représentés dans la population scolaire suisse (1.6% pour

66A noter que les élèves qui présentent des troubles du comportement représentent 11.3% de la population d’élèves

scolarisés en classe spéciale ou en école spécialisée et que c’est comparativement plus élevé que d’autres besoins éducatifs particuliers tels que les déficits sensoriels ou le handicap physique (OFS, 2009).

l’année scolaire 2007/2008, selon l’OFS). De plus, les relations entre les variables expérience de

l’intégration scolaire avec des élèves ayant un handicap physique et sentiment de compétence pour enseigner à des élèves ayant un handicap physique ne sont pas significatives, quel que soit

l’échantillon. Ainsi, un sentiment de compétence perçu relativement élevé pour enseigner à des élèves avec des difficultés d’adaptation ou un handicap physique peut être dû, en partie, au fait que les adaptations de l’enseignement pour ces élèves sont généralement mineures (Wilczenski, 1995) et donc plus faciles à réaliser (Avramidis & Kalyva, 2007). En effet, ces élèves suivent généralement le programme scolaire sans différenciation des objectifs et sont soumis à des évaluations et à des certifications régulières, « les mesures mises en place [leur permettant] d’atteindre les objectifs du plan d’études » (Département de la Formation, de la Jeunesse et de la Culture [DFJC], 2013, p. 16). Les enseignants francophones et germanophones se perçoivent comme étant relativement compétents67 pour enseigner à des élèves présentant un trouble du langage (Mf = 2.74 et Mg = 2.78), bien qu’ils soient peu nombreux à avoir expérimenté l’intégration scolaire de ces élèves, ces derniers ne représentant effectivement que 3.5% de la population d’élèves scolarisés en classe ou en école spécialisée durant l’année scolaire 2007/2008 (OFS, 2009). Ce résultat peut donc également s’expliquer par le fait que les adaptations de l’enseignement pour ces élèves sont perçues par les enseignants comme mineures et relativement faciles à mettre en œuvre (Avramidis & Kalyva, 2007). Concernant les besoins éducatifs particuliers dont les adaptations de l’enseignement sont plus importantes, les tableaux 18 et 19 indiquent que les enseignants francophones et germanophones se sentent moins compétents pour enseigner à des élèves avec une déficience intellectuelle (Mf = 2.66 et Mg = 2.15), un déficit auditif (Mf = 2.27 et Mg = 2.39), un déficit visuel (Mf = 2.00 et Mg = 1.95) ou encore un trouble du spectre autistique (Mf autisme = 1.44 et Mf asperger = 1.32 / M g autisme = 1.77 et M g asperger = 1.83). Il est intéressant de relever également que, face à certains besoins éducatifs particuliers, le mode passe de 2 (un peu) à 1 (pas du tout). Dans l’échantillon francophone, cela concerne les troubles sensoriels et du spectre de l’autisme (voir tableau 18). Dans l’échantillon germanophone, cela s’applique à la déficience intellectuelle, le déficit visuel et les troubles du spectre autistique. Parallèlement, le nombre de données manquantes augmente dans l’échantillon germanophone. Dans l’échantillon francophone, si les données manquantes restent plus ou moins stables, elles augmentent massivement lorsqu’il s’agit de se prononcer sur le sentiment de compétence perçu pour enseigner à des élèves présentant le syndrome d’Asperger. Cela peut provenir du fait que les enseignants

67Cette affirmation est possible en comparant les moyennes du sentiment de compétence à enseigner globalement aux élèves

et spécifiquement aux élèves avec un trouble du langage. Ainsi, pour l’échantillon francophone, le score moyen du sentiment de compétence perçu à enseigner aux élèves avec un trouble du langage est significativement plus élevé que la moyenne du sentiment de compétence à enseigner globalement à des élèves présentant différents besoins éducatifs (Mtroubles langage = 2.74 >

Mglobal = 2.44 ; t(158) = -2.601, p =.010). Dans le cas de l’échantillon germanophone, le score moyen du sentiment de

compétence à enseigner aux élèves présentant un trouble du langage est légèrement inférieur au score moyen du sentiment de compétence à enseigner globalement au élèves BEP (Mtroubles langage = 2.78 < Mglobal = 2.87), sans pour autant être

interrogés ne connaissaient pas forcément ce syndrome et qu’il n’était pas défini dans le questionnaire. Par conséquent, il a pu être difficile, voire impossible, pour certains participants de se prononcer sur cette question.

Le sentiment de compétence plus faible perçu par les enseignants, tant francophones que germanophones, à enseigner pour des élèves présentant ces types de besoins éducatifs particuliers (déficience intellectuelle, déficits sensoriels, troubles du spectre autistique) peut s’expliquer en partie parce que ces élèves présentent des besoins plus complexes et que plus d’adaptations de l’enseignement sont nécessaires (Avramidis & Norwich, 2002 ; Jobe, Rust, & Brissie, 1996 ; Ross, 2002). Les élèves ayant une déficience intellectuelle ou un trouble autistique bénéficient effectivement, dans la plupart des cas, d’un programme d’enseignement individualisé, amenant les enseignants à adapter et à différencier le contenu et les modalités d’enseignement (DFJC, 2013). Si cela n’est pas systématiquement le cas pour les élèves présentant un déficit sensoriel ou un syndrome d’Asperger, les faibles taux de sentiment de compétence perçu peuvent provenir du fait que ce sont des handicaps plus rares68 auxquels les enseignants sont moins souvent confrontés (voir tableau 16).