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partir de l’initiative À livres ouverts. Elle permet de mieux comprendre leur image évoquée par les troubles mentaux, leur connaissance sur ces troubles, leur position ainsi que leurs croyances à l’égard des personnes atteintes d’un tel trouble. Il importe de mentionner que la méthodologie choisie ne permet pas de décrire la perception de l’ensemble de la population au Québec à l’égard des personnes vivant avec un TM. Il s’agit simplement de présenter les représentations sociales de ces personnes selon le point de vue des participants à une activité visant la réduction des préjugés envers les troubles mentaux au Québec.

À l’instar des résultats de Arboleda-Flórez (2001) et de plusieurs recherches (Dorvil et al., 2015; Feldman et Crandall, 2007; MSSS, 2015; Ponton, 2009; St-Hilaire, 2011), les participants à l’étude ne dépeignent généralement pas les personnes ayant un TM comme étant dangereuses ou violentes, impulsives et responsables de leur maladie. Courageuses, sensibles, souffrantes, isolées et non responsables de leur trouble semblent davantage être les qualificatifs que les « lecteurs » emploient pour décrire ces personnes. Ces derniers ont toutefois fait remarquer que les membres de la société québécoise adhèrent à cette vision péjorative. Quelques participants confient avoir des préjugés en estimant qu’il est normal d’en détenir. Certains évoquent d’ailleurs comprendre les personnes effrayées par les personnes présentant un TM et ne saisissant pas totalement la réalité de ces dernières, car eux-mêmes sont réticents à initier un contact avec une personne ayant un tel trouble, notamment si elles adoptent des comportements particuliers. Malgré ces nuances entre leur vision et la vision de la société en général, il apparaît que les participants ont une perception relativement positive à l’égard des personnes ayant un TM.

Ces résultats se démarquent de ceux obtenus par St-Hilaire (2011) stipulant que les personnes vivant avec un TM sont perçues comme des « tares », notamment en raison de leur différence par rapport à la norme sociale. Les résultats de la présente étude montrent d’ailleurs l’évaluation

favorable de ces personnes en les désignant égales aux autres n’ayant pas un tel trouble. Bien que cette étude révèle qu’elles ne se distinguent pas des autres membres de la société, elle montre que les personnes vivant avec un TM ont leur particularité tout comme chaque être humain en se démarquant par leur personnalité ou leur caractéristique personnelle. Les résultats relatifs à cette observation soulèvent la question suivante : les « lecteurs » ont-ils cette opinion bienveillante envers les personnes ayant un TM, car ils en sont également atteints ou en côtoient régulièrement dans le cadre de leur fonction professionnelle ou dans leur vie personnelle ?

Ensuite, l’analyse des résultats de l’étude suggère que les « lecteurs » disposent de certaines informations sur les troubles mentaux. Ils mentionnent effectivement plusieurs renseignements sur l’étiologie, les manifestations, la prévalence, les formes et les conséquences possibles des troubles mentaux. Les résultats de cette étude montrent que les « lecteurs » associent majoritairement la maladie mentale aux deux types de troubles : « schizophrénie » et « dépression ». Il a également été soulevé que tout le monde peut en être affecté un jour ou l’autre et que les personnes atteintes d’un tel trouble sont susceptibles de vivre des difficultés. Plusieurs sont identifiées dans cette recherche dont celles liées à leur interaction sociale en ayant, entre autres, un faible réseau social ou en vivant de l’ostracisme et à leur condition de vie en vivant par exemple des situations de précarité d’emploi. D’ailleurs, les « lecteurs » ont majoritairement associé le terme « souffrance », « perte » et « solitude » au mot inducteur « maladie mentale ». Cette association permet de supposer que l’expérimentation d’un trouble mental est particulièrement difficile pour les personnes concernées et qu’elles sont perçues comme des victimes. Des études citées dans la recension des écrits au premier chapitre font d’ailleurs état de cette réalité (AQRP, 2014; Corrigan et Shapiro, 2010; Lemire, 2013 ; Markowitz; 1998; MSSS, 2015; Ponton, 2009). Les participants associent ces obstacles à l’intégration sociale des personnes vivant avec un TM aux préjugés à leurs égards qui découlent de la méconnaissance de ces troubles.

Cependant, les participants soulignent que les personnes présentant un TM peuvent également vivre de belles réussites et entretenir des projets d’avenir. En ce sens, selon eux, le parcours de ces personnes dépend de leur volonté à se faire traiter, car les troubles mentaux peuvent être contrôlés notamment par une thérapie médicamenteuse. Les images évocatrices, « médicament » et « rétablissement », sont d’ailleurs saillantes dans l’association de mots produits par les participants. Une telle association suggère que les « lecteurs » estiment un rétablissement possible des personnes présentant un TM en ayant recours à l’aide médicale. Par ailleurs, ils estiment que ces troubles proviennent d’un ensemble de facteurs, mais les événements de vie négatifs, surtout ceux vécus à

l’enfance, peuvent avoir un impact considérable sur la santé mentale des individus ayant expérimenté de tels événements. Les participants remarquent aussi la présence d’une coexistence des troubles mentaux et d’un abus de substances chez les personnes atteintes d’un TM sans toutefois lier ces deux problématiques de manière causale. Les données du CCLAT (2009) présentées au premier chapitre concordent avec cette observation. Enfin, l’étude de Dorvil (2010), incluant celle-ci, stipulent qu’on reconnaît une personne vivant avec un TM par ses comportements particuliers comme le monologue et que ce type de conduite engendre un malaise chez certains membres de la société.

Dans un sens plus large, les résultats de cette recherche ainsi que ceux d’autres chercheurs estiment que les troubles mentaux génèrent des coûts économiques importants pour la société soit en raison des soins et des services prodigués aux personnes atteintes soit en raison des dispositifs employés pour pallier l’absentéisme en emploi (Gouvernement du Canada, 2006; MSSS, 2015; OSM, 2001; Ponton, 2009; Provost, 2010; St-Hilaire, 2011). Néanmoins, le phénomène des troubles mentaux entraine, selon les données de cette étude, une remise en question collective sur l’aggravation possible de la situation et l’impact des valeurs sociales tels la performance ainsi que le rythme effréné de la population sur ces troubles. À cet égard, ils remarquent une évolution de la perception de la société envers les troubles mentaux et des traitements offerts aux personnes atteintes d’un tel trouble. Ainsi il est possible de soulever l’hypothèse que les participants remettent en questions les valeurs sociales prônées et la responsabilité individuelle des troubles mentaux. Bien qu’il y a une amélioration dans la manière de percevoir et de soigner les personnes vivant avec un TM, plusieurs études dont celle-ci notent la persistance du rejet, d’évitement et de honte à leur égard (AQRP, 2014; Dorvil et al., 2015; Lemire, 2013; Markowitz, 1998; Massé et T.-Brault, 1979; St-Hilaire, 2011).

Ces connaissances des participants proviennent principalement des expériences personnelle ou professionnelle des « lecteurs » et du réseau Internet. Ces résultats apportent une nuance à ceux obtenus par Dorvil et ses collaborateurs (2015) évoquant que les médias de masse sont la principale source d’information de la population concernant les troubles mentaux. Les résultats de la présente étude montrent d’ailleurs l’existence d’un doute sur la crédibilité de ce moyen de communication, dont les journaux et la télévision. Les participants effectuent généralement une démarche de recherche d’informations en naviguant dans Internet, mais ils restent vigilants quant aux renseignements obtenus en faisant une judicieuse sélection des sites parcourus. Notons également que les participants mentionnent qu’ils se réfèrent beaucoup à leurs propres expérience et

connaissance par rapport aux troubles mentaux, en ayant par exemple suivi des formations connexes à ce sujet ou en ayant consulté un professionnel de la santé, pour se formuler une opinion à ce propos.

Quant à l’orientation des participants à l’égard des personnes ayant un TM, elle semble globalement positive. Il apparaît que les « lecteurs » éprouveraient de la peine et de l’inquiétude si une personne de leur entourage leur apprenait qu’elle a été diagnostiquée avec un trouble mental. Ces émotions sont justifiées par l’anticipation de la souffrance que cela peut engendrer chez la personne atteinte et par le manque d’informations sur cette réalité pour l’accompagner adéquatement. Malgré ces préoccupations, les participants souhaiteraient leur apporter du soutien et de l’écoute. Les résultats de cette étude ainsi que ceux de l’Association médicale canadienne (2008) stipulent toutefois que les personnes recevant un tel dévoilement de la part de leurs proches ne divulgueraient pas ouvertement cette information à leur entourage. Les données de cette étude indiquent que ce serait essentiellement les personnes en qui les participants accordent une grande confiance qui pourraient en être informées pour préserver la confidentialité et l’intégrité de la personne concernée.

Le refus d’adoption d’un enfant des personnes ayant un TM au Québec, pour sa part, est largement contesté. Les participants ne font pas abstraction au risque encouru, mais pour eux il s’agit d’un geste discriminatoire en raison que les incidents sont imprévisibles, et ce, autant chez les parents présentant un TM que chez les parents n’ayant pas un tel trouble.

L’attitude des « lecteurs » envers les personnes vivant avec un TM semble, quant à eux, partagée. Plusieurs réticences sont évoquées quant à la possibilité d’entretenir une relation amoureuse ou à louer un appartement à une personne ayant un TM. Les participants de l’étude de Ipsos Reid Public

Affairs (Association médicale canadienne, 2008) et de cette présente étude estiment d’ailleurs être

indécis à établir une relation conjugale avec une personne atteinte d’un TM. Néanmoins, les réactions des participants de cette étude sont essentiellement favorables dans un contexte de travail. Les résultats relatifs à la position et aux orientations des participants à l’égard des personnes vivant avec un TM permettent d’émettre l’hypothèse que plus la situation est personnelle plus elle est contraignante dans la prise de position. Les participants se montrent en faveur de ces personnes dans plusieurs situations en général, mais lorsqu’il s’agit d’une situation où ils sont directement impliqués ils se montrent plus réticents.

Les représentations sociales des participants à l’égard des personnes ayant un TM sont des processus dynamiques susceptibles de se moduler entre autres en fonction de la personne qui les émet et du contexte. Autrement dit, la perception d’une personne directement ou indirectement concernée par les troubles mentaux et la circonstance dans laquelle s’insère un fait varie de celle d’une personne n’étant pas touchée ou indifférente à cette situation. Notons que dans cette présente étude, la majorité des participants (à l’exception d’un participant) ont dit connaître ou vivre avec un TM, cette particularité doit être considérée dans l’analyse des données. Malgré les nuances présentées, l’ouverture des participants à l’égard des personnes ayant un TM est généralement positive surtout si ces personnes gèrent bien leur trouble.

CHAPITRE 5

L’expérience vécue des « lecteurs » à leur participation à la BV

5.1 Introduction

Le chapitre précédent ayant permis de mieux comprendre les représentations sociales qu’ont les « lecteurs » à l’égard des personnes présentant un TM à partir de la BV, certaines observations ont été mises en lumière par rapport aux perceptions qu’ils ont envers ces personnes. Ces résultats sont mis en lien, dans le présent chapitre, avec leur expérience vécue à la BV, soit à l’activité À livres

ouverts, exprimée par les participants. Ce chapitre vise donc à répondre aux deuxième, troisième et

quatrième objectifs de cette étude soit :

2) comparer les images qu’ont les participants à l’égard des personnes ayant un TM en fonction de leur participation à la BV ;

3) explorer le vécu des « lecteurs » en lien avec leur participation à la BV concernant les troubles mentaux ;

4) formuler des recommandations quant aux initiatives visant la réduction des préjugés envers les personnes ayant un TM, notamment par rapport à la BV.

L’analyse des propos des participants relatifs aux représentations sociales des personnes ayant un TM a fait ressortir des réflexions quant à leur perception des troubles mentaux comme qu’il s’agit, selon eux, d’un trouble qui est susceptible d’entrainer plusieurs répercussions négatives dont la souffrance, la détérioration des relations sociales et la solitude. Cependant, les « lecteurs » décrivent les personnes ayant un TM de manière plutôt positive. Ils emploient entre autres les qualificatifs courageuses et sensibles pour les désigner. La majorité des participants rapportent également détenir de bonnes connaissances sur le phénomène des troubles mentaux et connaître au moins une

personne atteinte d’un tel trouble. Les résultats montrent finalement que les « lecteurs » adoptent généralement des orientations favorables envers ces personnes présentant un TM même si certains contextes dont amoureux semblent plus délicat. Il est donc intéressant d’analyser cette observation à partir de l’activité à laquelle les « lecteurs » ont participé, À livres ouverts, pour rendre une compréhension plus complète de la situation. Il importe toutefois d’exposer les grandes lignes de l’expérience vécue des participants à l’activité. Ainsi, il sera présenté dans ce chapitre les motifs des « lecteurs » à participer à l’activité, les associations de mots obtenus par les 16 participants ayant réalisé les deux étapes du projet de recherche et leurs appréciations quant à cette initiative. Suivront, naturellement, les suggestions pour enrichir la réalisation d’une telle activité à la base du principe de la BV selon les commentaires évoqués par les « lecteurs » de l’étude. Enfin, une synthèse critique sera présentée à la fin du chapitre.