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2.2 Cadre théorique : les représentations sociales

2.2.2 Les trois dimensions du contenu des représentations sociales

Selon Moscovici (1961), l’ensemble structuré d’éléments sociocognitifs qui constituent les représentations sociales s’élabore sous trois dimensions, soit l’information, l’attitude et le champ de représentation ou l’image. Quant à Jodelet (1994, p. 55), elle a regroupé ces trois dimensions sous l’appellation de « contenu des représentations ». Abric (1994, p. 188), pour sa part, définit ce contenu comme étant un « ensemble organisé d’opinions, d’attitudes, de croyances et d’informations se référant à un objet ou une situation ». Or, certaines dimensions sont parfois étudiées de manière isolée, toutefois prise individuellement, elles n’ont en soi peu ou pas de sens (Jodelet, 1994 ; Rateau, 2007). En ce sens, la signification d’une représentation sociale ne peut pas se réduire à la somme du sens de chacune de ses dimensions pris séparément. Ces dernières entretiennent donc des relations entre elles. D’ailleurs, Moliner et ses collaborateurs (2002, p. 12) soulignent que ces éléments constitutifs peuvent indistinctement être qualifiés d’opinions, d’informations et de croyances, car « la frontière est souvent floue entre le je pense, le je sais et le je

crois ». Enfin, le principal est de retenir que la signification émerge d’un ensemble structuré dont

les différents éléments sont unis par les relations entre eux (Rateau, 2007).

Tout d’abord, la première dimension, l’information réfère à la somme des connaissances des individus à l’égard de l’objet social (Moscovici, 1961). L’ensemble de ces informations peut être plus ou moins stéréotypé, riche, varié et original (Herzlicht, 1972). Pour Jodelet (1994), ces connaissances ont une visée pratique, car elles influencent les comportements adoptés par les individus face à un phénomène ou aux situations qui se présentent à eux. L’utilisation de cette dimension dans cette recherche permet de cerner les connaissances des « lecteurs » à l’égard des troubles mentaux ainsi que l’influence qu’elle a sur leurs comportements. Elle est également utilisée pour explorer les sources de ces informations et la manière d’expliquer les troubles mentaux. Quant à la deuxième dimension du contenu d'une représentation sociale, l'attitude exprime l'orientation générale, positive ou négative, à l’égard de l'objet de la représentation. Elle se caractérise donc à une position évaluative par rapport à cet objet. Selon Rateau (2007, p. 167), l’attitude représente « un état mental de préparation à répondre, organisé par l’expérience du sujet et exerçant une influence sur sa réponse à tous les objets et à toutes les situations s’y rapportant ». Ainsi, elle est une prédisposition à réagir d’une façon systématiquement favorable ou défavorable face aux objets qui entourent l’individu. L’attitude influence alors la disposition à agir du sujet envers un objet donné. Doise (1994) et Moscovici (1961 ; cité dans Doise, 1994), pour leur part,

soulignent que les attitudes peuvent se modifier en fonction des expériences personnelles de l’individu et de ses rapports sociaux. En ce sens, les prises de position individuelles peuvent changer en fonction de certaines conditions comme le vécu de l’individu, le groupe d’appartenance auquel il appartient ou encore auquel il n’appartient pas encore, mais auquel il aspire à appartenir (Doise, 1994). Ce faisant, les attitudes peuvent apparaître, disparaître et se transformer à travers différents processus d’acquisition et de changement. Cette dimension, pour sa part, permet de connaitre la prédisposition à réagir des « lecteurs » à l’égard des personnes ayant un TM et, donc à mieux comprendre les rapports sociaux qu’ils entretiennent envers celles-ci. Elle favorise alors l’exploration des réactions circonstancielles et émotionnelles des « lecteurs » à l’endroit de ces personnes. Ce faisant, ces réactions facilitent la compréhension de l’orientation globale, favorable ou défavorable, des participants.

Enfin, la troisième dimension, le champ de représentation ou l'image se définit comme une structure intériorisée qui amasse, organise et hiérarchise les différents éléments d’information à l’égard d’un objet. Cette organisation structurante de l’ensemble des informations connues permet à l’individu de se constituer une image évocatrice de l'objet de représentation (Moscovici, 1961). En d’autres termes, les images que se font les individus par rapport à l’objet se sont formées à partir de l’information qu’ils avaient à l’égard de l’objet. Ainsi, ce champ de représentation, variant d'un individu à l'autre, permet, d’une part de décoder les informations subséquentes et, d’autre part de disposer à des comportements adaptés à l’environnement social. Ce faisant, dans ce projet, le recueil d’images que se font les « lecteurs » envers les troubles mentaux aide à discerner les connaissances que ceux-ci ont sur ces troubles, en plus de mieux saisir les conduites qu’ils ont à l’égard des personnes atteintes de ce trouble. Plus spécifiquement, cette dimension permet d’explorer la hiérarchisation des informations que disposent les « lecteurs » envers ces personnes en observant les images évoquées en ordre d’importance selon leur participation à l’activité À livres

ouverts, dénommée la BV. Ce qui permet d’obtenir la définition spontanée du concept des troubles

mentaux des participants.

Par ailleurs, ces éléments constitutifs sont variés en raison qu’ils peuvent être formés autant d’opinions, d’images, de croyances, de stéréotypes que d’attitudes (Jodelet, 1994) et sont déterminés par l’individu (son histoire, son vécu), par le système social et idéologique dans lequel il est inséré (Abric, 1994, 2011). En ce sens, les représentations sociales sont soumises à une double logique, soit une première d'ordre cognitif et une seconde d'ordre social (Abric, 1994 ; 2011). La première composante correspond aux connaissances du sujet à l’égard des objets, ce qui s’apparente alors à la dimension de l’information de la représentation sociale. Elle suppose un sujet actif qui

acquiert et utilise des informations concernant les systèmes et les sous-systèmes environnementaux pour se modeler une représentation d’un objet. La représentation sociale est donc soumise aux règles qui régissent les processus cognitifs. Quant à la logique sociale où les sentiments, les attitudes, les normes et les valeurs, des individus sont considérés lors de l'expression du contenu, elle correspond davantage aux deux autres dimensions de la représentation sociale, soit l’attitude et le champ de représentation. Cette seconde composante implique que la mise en œuvre des processus cognitifs est directement déterminée par les conditions sociales dans lesquelles s’élabore ou se transmet une représentation. Les représentations sociales se présentent alors comme un système sociocognitif relatif à un objet social. Ainsi, il importe dans cette optique de considérer le contexte dans lequel les représentations sociales s’inscrivent, car comme Jodelet (1986) l’explique ces éléments du contenu varient en fonction de leur source, de leur référence et de leur contexte de production qui les relie les uns avec les autres. En effet, les représentations sociales s’expriment différemment en fonction des variabilités interindividuelles. Elles dépendent du vécu propre aux individus, de leur rapport social et de leur insertion dans des contextes particuliers (Jodelet, 1994, Doise, 1994). En plus, le contexte réfère autant à l’environnement immédiat dans lequel évolue l’individu qu’aux valeurs et idéologies communes à l’ensemble d’un groupe social auxquelles se réfère l’individu afin de se représenter un objet (Abric, 1994, 2011). Ce faisant, pendant l’analyse des données recueillies auprès des « lecteurs », le contexte dans lequel se déroule la recherche soit dans le cadre d’une BV a été considéré. Enfin, les trois dimensions décrites précédemment, qui seront détaillées ultérieurement dans le tableau d’opérationnalisation, ont également servi de cadre lors de la rédaction du guide d’entrevue et de l’analyse des données.