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Malgré l’intérêt des chercheurs et des intervenants concernant la problématique de la stigmatisation à l’égard des personnes vivant avec un TM, les initiatives pour lutter contre ce phénomène demeurent un champ à étudier (AQRP, 2014; MSSS, 2015). Ce mémoire vise à documenter une de ces initiatives émergentes, soit la BV ou communément dénommée À livres ouverts au Québec. Cette étude s’intéresse spécifiquement au point de vue des « lecteurs » afin de mieux comprendre leur expérience vécue à la suite de leur participation à la BV ainsi que décrire les représentations sociales des personnes présentant un TM à partir de cette activité.

1.7.1 Les objectifs et questions de recherche

Je me suis intéressée, dans ce projet de recherche aux représentations sociales qu’ont les « lecteurs » à l’égard des personnes ayant un TM et à leur expérience vécue pendant l’initiative de la BV. Les objectifs sont :

(1) dégager les composantes cognitives (informations) et sociales (attitudes, opinions, croyances, et images) des représentations sociales des « lecteurs » à l'égard des personnes ayant un TM;

(2) comparer les images qu’ont les participants à l’égard des personnes ayant un TM en fonction de leur participation à la BV;

(3) explorer le vécu des « lecteurs » en lien avec leur participation à la BV concernant les troubles mentaux;

(4) formuler des recommandations quant aux initiatives visant la réduction des préjugés envers les personnes ayant un TM, notamment par rapport à la BV.

1.7.2 La pertinence scientifique et sociale de ce projet de recherche

D’un point de vue scientifique, de nombreuses études ont documenté divers moyens pour lutter contre la stigmatisation envers les personnes ayant un TM (Allport, 1954; Corrigan et Shapiro, 2010; Pettigrew et Tropp, 2006; St-Hilaire, 2011; Stuart, 2003; West et al, 2014). Cependant, peu d’études qualitatives se sont intéressées au vécu des participants aux initiatives prises pour lutter contre la stigmatisation. Étant donné que la grande majorité des études recensées ont été réalisées à l’aide de questionnaires, ce projet se démarque parce qu’il laisse la parole aux participants de ces initiatives prises. En plus, un autre problème spécifique de recherche vient du fait que certains facteurs dont le statut sociodémographique des participants ou le type de trouble mental n’ont pas été pris en compte dans les recherches (Chevrier, 2003). Autrement dit, la plupart des études citées ont été effectuées auprès de participants détenant un niveau de scolarité plus élevé que la moyenne et traitent principalement de la schizophrénie. Ainsi, le fait de considérer tous les troubles mentaux en général s’avère une particularité de cette recherche, de même que le fait d’interviewer des personnes de la population en général. Il est aussi bon de noter qu’« il n’existe que peu d’études sur la stigmatisation et la maladie mentale en général au Québec » (Whitley dans Fleury et Grenier, 2012, p. 45). Finalement, la BV, qui prend de l’essor à travers le monde, a fait peu l’objet de recherches jusqu’à présent, donc, on recense peu d’écrits sur cette activité (Dumaine, 2014), notamment sous l’angle des troubles mentaux. Ce qui renvoie au problème que Chevrier (2003) nomme l’absence totale ou partielle de connaissances. Des écrits européens ou australiens ont

documenté l’activité de la BV concernant les troubles mentaux (Barroche, Angster, Henry, Lab et Simon, 2011; Dumaine, 2014; Dreher, T., Mowbray, 2012; Government of Western Australia, 2008; Lismore’s Living Library, 2007; Loubières et Caria, 2011; Skehan, s.d.). Au Canada et au Québec, peu d’études (AQRP, 2015) de ce type ont été réalisées à ma connaissance. Il est donc difficile de savoir si les données peuvent s’appliquer à la situation particulière du Canada ou du Québec. L’état actuel des connaissances sur le sujet présente certaines limites que ce mémoire vise à pallier en contribuant à fournir des résultats originaux pour documenter la BV à l’égard des troubles mentaux et décrire les représentations sociales de ces troubles à partir de cette initiative. Concernant le plan social, plusieurs auteurs affirment que l’obstacle le plus important des personnes vivant avec un TM pour se rétablir est la stigmatisation ainsi que la discrimination qui lui est associée (ASCM, n.d.; AQRP, 2014; Corrigan et Shapiro, 2010; OSM, 2001; 2013; Stuart, 2003). La recension des écrits réalisée a permis de constater que ces obstacles ont des conséquences négatives importantes sur les personnes qui en sont victimes. Entre autres, le fait d’être victimes de stigmatisation peut décourager les personnes d’en parler et de consulter. Ainsi, plusieurs personnes demeurent isolées et ignorées par les ressources d’aide (AQRP, 2014; MSSS, 2015; OSM, 2001; Thornicroft, 2008).

Par ailleurs, plusieurs auteurs avancent que les troubles mentaux engendrent des conséquences significatives en matière socioéconomique, notamment en raison des coûts directs et indirects reliés aux soins et services prodigués aux personnes ayant un TM ainsi qu’à leur entourage (Gouvernement du Canada, 2006; MSSS, 2015; OSM, 2001). Ces mêmes auteurs soulignent que ces troubles peuvent également avoir un impact négatif important sur leur qualité de vie et leur espérance de vie. D’ailleurs, l’OSM (2001), avance que l’une des principales causes d’incapacité est liée à ces troubles. En ce sens, un nombre important de personnes est affecté directement ou indirectement par ces troubles ainsi que par les préjugés et la discrimination qui en découlent. Ce qui représente alors un problème de santé publique majeur. Il est donc important de trouver des moyens pour favoriser la lutte contre la stigmatisation à l’égard des personnes atteintes d’un TM. La présente étude se dirige dans cette direction en recueillant les propos des « lecteurs » et en identifiant les représentations sociales de ceux-ci envers les personnes ayant un TM. Ces nouvelles connaissances scientifiques pourraient encourager le développement d’initiatives pouvant contrer la stigmatisation à l’égard des personnes ayant un TM.

CHAPITRE 2

Cadre théorique et d’analyse

Cette étude vise à mieux comprendre l’expérience vécue des « lecteurs » à leur participation à la BV à l’égard des représentations sociales des personnes vivant avec un TM et d’en évaluer les conséquences à court terme. Ainsi, les principaux concepts à l’étude, soit les troubles mentaux, la stigmatisation et la pleine citoyenneté sont définis dans un premier temps. La seconde partie de ce chapitre présente le cadre théorique privilégié soit les représentations sociales, une approche permettant de mieux cerner le processus de la construction d’une pensée d’un objet partagée par les individus.

2.1 Définition des principaux concepts de l’étude