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2.2 Cadre théorique : les représentations sociales

2.2.8 La pertinence de l’utilisation des représentations sociales comme cadre théorique

La notion de représentation sociale constitue, depuis une trentaine d’années, une référence incontournable non seulement en psychologie sociale, mais également dans plusieurs autres domaines sociaux, comme en attestent les articles scientifiques qui confirment l’importance de cette théorie dans l’analyse des phénomènes sociaux. Les raisons de ce succès sont diverses. D’une part, cette notion transversale à plusieurs disciplines propose un cadre théorique souple en s’adaptant à diverses problématiques dont les troubles mentaux tel qu’illustré par Jodelet dans sa recherche en 1986 portant sur ces troubles. D’autre part, en tant que théorie de la « connaissance socialement élaborée et partagée » (Jodelet, 1994, p. 36), la théorie des représentations sociales est une théorie du lien social (Moliner et al., 2002). Elle met en lumière ce qui relie les individus au monde et aux autres. Elle permet d’informer la façon dont ce lien s’est construit. En plus, cette connaissance ou ce « savoir de sens commun » (Jodelet, 1994, p. 36) qu’ont les individus et les groupes d’individus pour agir ou prendre position est indispensable pour comprendre la dynamique des interactions sociales, donc mieux comprendre les pratiques sociales. Dans le contexte de cette étude, cet ensemble de possibilités qu’offre la théorie des représentations sociales s’avère pertinent pour le but de la recherche visant à saisir les représentations sociales qu’ont les « lecteurs » à l’égard des personnes ayant un TM et leur expérience vécue pendant l’initiative de la BV.

En considérant les critères de Moliner (1996), les troubles mentaux se prêtent particulièrement bien à l’analyse d’une représentation sociale comme objet de représentation. En ce sens, l’appréciation des trois dimensions d’une représentation sociale concernant ces troubles sert à mieux connaître cet objet social à travers le regard porté par le groupe d’individus à l’étude. Plus exactement, cette analyse permet de réaliser le premier objectif de cette étude en ciblant, d’une part, les informations dont disposent les « lecteurs » concernant les troubles mentaux et la façon dont ils s’expliquent ce phénomène. D’autre part, la prise de position des « lecteurs » à l’égard de ces personnes en raison de la nature des liens sociaux et des relations qu’ils entretiennent avec elles. Plus largement, l’intérêt d’étudier ces éléments apparaît utile afin de cerner la façon dont ils s’organisent et se traduisent en fonction de la participation des « lecteurs » à la BV. Cette démarche contribue donc à atteindre le second objectif de la présente recherche.

Par ailleurs, la théorie des représentations sociales fournit les moyens analytiques pour se pencher sur la vision qu’ont les « lecteurs » dans laquelle s’élabore le risque de stigmatisation associé aux troubles mentaux. La stigmatisation, étant plutôt une affaire de relations sociales que d’attributs sociaux et se construisant dans les interactions avec autrui, découle entre autres de la vision commune qu’ont les individus d’un objet social comme les troubles mentaux. Ainsi, l’analyse représentationnelle facilite la compréhension de la manière dont les représentations sociales des participants à cette recherche façonnent leurs conduites favorables ou non envers les personnes ayant un TM ainsi que le rôle de la BV dans l’édification des informations, des attitudes et des images, positives ou négatives, ou encore dans le changement de ces éléments vis-à-vis des troubles mentaux (objectif 3). Autrement dit, les représentations sociales étant la base inhérente des jugements humains en fournissant des critères d’évaluation de l’environnement social, permettent par leurs fonctions d’orientation et justificative (Rateau, 2007), qui sont conjointement liées aux attitudes des individus, de justifier ou de légitimer certaines conduites (Moliner, et al, 2002). En somme, en tant que processus de décodage de la réalité qui oriente l’action, la compréhension des représentations sociales permet de mieux cerner les dynamiques régissant les comportements ainsi que les modes de pensée des « lecteurs », et de pouvoir ainsi proposer des suggestions (objectif 4) visant la lutte à la stigmatisation les plus appropriées, notamment à l’endroit d’une initiative comme À livres ouverts. L’intérêt d’étudier les représentations sociales apparait en réponse à la recherche de la compréhension de ce qui régit la dynamique entre les « lecteurs » et les personnes ayant un TM en matière de stigmatisation dans le cadre d’une BV (objectif 3). Il s’agit ici

de mieux comprendre les significations que les « lecteurs » donnent à l’objet des troubles mentaux, les images qu’ils évoquent à ce sujet selon leur participation à l’activité et comment ils construisent leurs pratiques sociales envers les personnes atteintes de ce trouble. En plus, la détermination des trois dimensions permet que le « savoir de sens commun » porté par les participants puisse ainsi être traduit sur le plan scientifique. L’analyse des représentations sociales des « lecteurs » facilite alors le développement des connaissances concernant les troubles mentaux à partir de leur point de vue dans le contexte d’une BV et de transformer ce savoir en un savoir scientifique. Ce faisant, la théorie des représentations sociales favorise l’établissement d’indicateurs susceptibles d’apporter des réponses à la question de la présente recherche.

CHAPITRE 3

La stratégie méthodologique de la recherche

3.1 Introduction

Cette étude, dirigée par Myreille St-Onge, émane d’une offre d’encadrement de projet de mémoire de l’AQRP portant sur le dévoilement d’un trouble mental en tant que stratégie de lutte contre la stigmatisation. Le principal objectif de cette offre était de réaliser un projet de recherche contribuant au mandat de l’organisme soit, le rétablissement des personnes présentant un TM.

Ce mémoire visait donc des objectifs s’apparentant à ceux poursuivis par ma directrice de recherche et par l’AQRP, notamment relatifs à la mission du GPS-SM qui vise la réduction de la stigmatisation et de la discrimination à l’égard des personnes ayant un TM ainsi que des membres de leur entourage que porte cet organisme. Les publications et les données recensées dans le cadre des études réalisées par cette Association, plus spécifiquement celles de Esther Samson (2012) et de Laurence Caron (AQRP, 2014, 2015), ont contribué à la réalisation de cette recherche. Néanmoins, ce mémoire se démarque de l’offre proposée par son intérêt spécifique pour l’initiative de lutte contre la stigmatisation, la BV, adapté au mandat de l’AQRP en étudiant les représentations sociales des « lecteurs ». Il s’agit donc d’une étude sur cette initiative à l’égard des troubles mentaux qui est dénommée À livres ouverts. Plus spécifiquement, elle se particularise par son objectif à documenter cette initiative émergente en colligeant l’expérience vécue des « lecteurs » à la suite de leur participation à cette initiative ainsi qu’en décrivant les représentations sociales qu’ils ont des personnes présentant un TM à la suite de cette activité. Elle se penche donc sur le point de vue des « lecteurs » concernant l’initiative visant la réduction des préjugés envers les troubles mentaux et leurs perceptions des personnes atteintes d’un tel trouble.

Le choix du cadre théorique étant les représentations sociales implique certains choix méthodologiques. L’application empirique de cet angle d’approche nécessite effectivement, comme Moliner et ses collaborateurs (2002) le précisent, que l'étude des représentations sociales passe en tout premier lieu par l'identification des éléments constitutifs de celles-ci. Pour ce faire, le chercheur doit dresser la liste des opinions, des images, des croyances ou des informations que les personnes d'un groupe donné partagent au regard de l'objet (Moliner, et al., 2002). Le point de vue de ce groupe donné est donc privilégié pour identifier ces éléments et documenter leur expérience. Dans le cadre de ce mémoire, la parole est laissée aux « lecteurs ». La méthode de collecte de données qualitatives est conséquente avec ce postulat en facilitant la recherche sur les représentations sociales d'un objet, dans le présent projet, les personnes ayant un TM, tout en tenant compte de l’expérience individuelle des « lecteurs » à partir de leur participation à une BV.

Ce chapitre est structuré de la façon suivante. D’abord, l’approche et le type de recherche sont présentés. Ensuite, les données relatives à la population et à l’échantillon, les outils ainsi que les étapes de collectes de données, le tableau d’opérationnalisation et l’analyse de ces données sont exposés. Finalement, les défis ainsi que les limites de l’étude et les considérations éthiques sont discutés.