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À travers la présentation du contexte géographique, social et économique français métropolitain et réunionnais, le premier chapitre de cette thèse a permis, d’une part, de percevoir la fragilité de l’environnement familial, social et économique de certains élèves scolarisés dans le département français de l’île de La Réunion et d’autre part, de souligner certaines lacunes du système éducatif français dans son ensemble, notamment en matière de climat scolaire et de performances quant à la transmission aux élèves des compétences scolaires et sociales de base.

Ce premier chapitre a également permis de faire un état des lieux de la situation actuelle au regard des comportements inappropriés des élèves à l’école en France, de définir le concept d’indiscipline scolaire et de faire succinctement l’historique des systèmes disciplinaires scolaires de l’Antiquité à nos jours. Ce survol historique des systèmes disciplinaires scolaires a notamment permis de souligner l’écart entre certaines avancées disciplinaires liées aux pédagogies nouvelles et l’ensemble des mesures mises en œuvre par le ministère de l’Éducation nationale depuis plusieurs décennies pour favoriser l’apprentissage scolaire des élèves et les comportements appropriés de ces derniers à l’école.

Ce premier chapitre montre par ailleurs que pour le ministère de l’Éducation nationale, l’objectif de tout établissement scolaire est la réussite scolaire et éducative de tous les élèves114 et la formation des citoyens de demain.

Ce chapitre a également permis de mettre en exergue les mesures privilégiées en France par le MEN pour gérer les comportements déviants des élèves qui se se manifestent à l’école. Or, ces mesures semblent en grande majorité reporter la responsabilité de la gestion des comportements inappropriés des élèves en classe non seulement à des personnels extérieurs à la classe, mais à des personnels

114 http://www.education.gouv.fr/cid2765/climat-scolaire-et-prevention-des-violences.html

extérieurs à l’établissement scolaire. Or, il semble important de rappeler que la résolution des problèmes de discipline est indissociable de l’acte d’enseigner et que transférer cette responsabilié au personnel de la « vie scolaire » ne changera rien à l’indiscipline qui se manifeste dans la classe mais que cela risque au contraire d’aggraver le phénomène en classe (Rey, 2013).

De plus, le renforcement des procédures disciplinaires, le recours persistant aux sanctions115 et aux punitions dans certains établissements ainsi que l’imposition par les établissements scolaires d’un règlement intérieur préétabli sans concertation avec les élèves peuvent d’emblée compromettre les objectifs visés par les mesures ministérielles. En effet, au-delà des effets négatifs connus des sanctions négatives sur le comportement des élèves, sur leur estime de soi et sur leur apprentissage scolaire, « l’imposition de toute règle est saisie [par ces derniers] comme un acte de pouvoir, appuyé sur un rapport de force » (Rey, 2013, p. 144). Par conséquent, les élèves « ont tendance à la ressentir comme une brimade, une oppression, une provocation effectuée spécialement par un adulte à leur endroit » (Rey, 2013, p. 136). En somme, « ce serait […] une illusion de penser qu’on peut, dans la classe, établir l’ordre avant de faire accéder au savoir.

Car on aurait alors une pratique de la discipline pour la discipline et elle serait perçue par les élèves comme tentative d’exercice d’une domination » (Rey, 2013, p. 144).

Par conséquent, certains éléments de ce premier chapitre semblent suggérer que certaines mesures de la politique de l’éducation en France sont contreproductives et qu’elles sont susceptibles de compromettre toute amélioration du climat scolaire et des conditions de travail des enseignants en

115 Dans cette recherche le vocable sanction est utilisé tel que l’entend le MEN dans ses textes officiels (cf. Defrance, 2009; Prairat, 2011) afin de définir ce qui constitue une sanction et afin de différencier le terme sanction du terme punitions. Ainsi, contrairement à l’acception contemporaine à laquelle nous adhérons, selon laquelle une sanction peut être soit positive (récompense ou avantage consécutif à un acte approprié) soit négative (punition ou peine consécutive à un acte déviant), le MEN limite non seulement la sanction à son versant négatif, c’est à dire à la répression des comportements perturbateurs qui portent atteinte aux normes, aux valeurs et aux personnes liées à l’institution scolaire, mais le MEN considère également la sanction comme une conséquence négative plus grave que ne l’est la punition. En effet, pour le MEN si les punitions scolaires « sanctionnent les manquements mineurs et les perturbations au sein de la classe et de l’établissement », les sanctions disciplinaires répondent aux manquements graves et aux atteintes aux personnes et aux biens (Prairat, 2011, p. 109).

Autrement dit, le versant positif de la sanction sous la forme de récompense, de valorisation ou de gratification n’est pas mis en exergue dans les textes officiels du MEN, que ces derniers soient relatifs aux sanctions disciplinaires ou au règlement intérieur.

classe, ainsi que toute amélioration de l’apprentissage scolaire des élèves et du comportement de ces derniers.

En somme, si les éléments rassemblés dans ce premier chapitre permettent de mieux appréhender le concept d’indiscipline scolaire et par conséquent de répondre aux questions de départ qui y sont relatives, ils conduisent également à chercher à apporter des éléments de réponse aux questions de départ gravitant autour de la gestion de l’indiscipline, qui restent quant à elles, encore pour le moment, en suspens.

Même si le phénomène d’indiscipline s’exprime au quotidien et de manière généralisée dans toutes les classes de tous les établissements scolaires (Rancifer, 1993), il n’en est pas pour autant une fatalité. D’ailleurs, si l’apparition et le maintien de la plupart des comportements perturbateurs des élèves sont habituellement liés aux conditions qui prévalent en classe ou à l’école (Brophy et McCaslin, 1992 ; Good et Brophy, 1995 ; Jones et Jones, 1995 ; Kameenui et Darch, 1995 ; Legault, 2001 ; Poliquin-Verville et Royer, 1992 ; etc.) et qu’il est possible aux enseignants d’entretenir les comportements perturbateurs (Massé, Desbiens et Lanaris, 2006 ; Poliquin-Verville et Royer, 1992) par une gestion de classe incohérente, il leur est également possible d’influer positivement à la fois sur le climat de l’établissement scolaire et sur les comportements perturbateurs des élèves à l’école en intervenant de manière efficace en classe (Janosz, Georges et Parent, 1998 ; Massé, Desbiens et Lanaris, 2006 ; Martineau, Gauthier et Desbiens, 1999 ; Mayer, 2001).

Le chapitre suivant a pour objet de documenter les moyens permettant aux enseignants d’influer de manière positive sur le comportement de leurs élèves en classe, tout en tentant d’apporter des éléments de réponse aux questions de départ gravitant autour de la gestion de la discipline en classe.

À cet effet, certains concepts indiscociables du concept d’indiscipline scolaire, notamment les concepts de discipline, discipline scolaire et de gestion de classe y seront définis et décrits.

CADRE THEORIQUE

Le présent chapitre permet de définir le concept de discipline scolaire. Il vise également à présenter le concept de gestion de classe, à faire un rappel des recherches préliminaires dans ce domaine, à présenter les principaux modèles théoriques et pratiques de gestion de la discipline en classe et à recenser les pratiques efficaces de gestion de classe.