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Afin d’atteindre l’objectif idéal visé par l’éducation, l’école use au fil de l’histoire de multiples moyens disciplinaires60. Les systèmes disciplinaires scolaires privilégiés par l’école se sont modifiés au fur et à mesure de l’évolution des représentations sociales et morales de l’enfant en tant que sujet. Cette section vise à décrire succinctement l’évolution des pratiques disciplinaires mises en œuvre à l’école, de l’Antiquité à nos jours, pour éduquer les jeunes générations.

1.5.1 Éducation et châtiments corporels : de l’Antiquité au XVIIIe siècle

Dans la société romaine, « les châtiments corporels font alors partie des moyens habituels, “naturels”, pour assagir et maintenir les enfants dans la plus stricte obéissance » (Prairat, 2011, p. 18). Cette violence envers les enfants se manifeste également dans les pratiques pédagogiques des éducateurs. Dans la société médiévale, les enfants devaient dès leur jeune âge, faire face au même univers brutal que celui des adultes, sans être épargnés (Ariès, 1973, p. 190).

60 L’adjectif « disciplinaire », quant à lui, qualifie une mesure ou une structure, véhiculant la notion de châtiment. Par exemple, un bataillon est dit disciplinaire lorsqu’il est formé de militaires punis (Dictionnaire de pédagogie et de l’éducation, Bordas, 3° édition, 2007, p. 92-95).

À partir du XVe et tout au long du XVIe siècle, deux conceptions distinctes d’origine religieuse existent : la première voit l’enfant comme un être impur dont l’âme ne pourra être sauvée que grâce aux corrections et aux punitions. La deuxième conception représente l’enfant comme un être innocent et faible qu’il faut à la fois protéger de l’univers des adultes et à qui il faut imposer des règles strictes.

Cependant, même si à l’époque se répand « une idée nouvelle de l’enfance et de son éducation » (Ariès, op.cit, 1973 p. 200), les maîtres peuvent

« user sans indulgence coupable de leurs pouvoirs de correction et de redressement » (ibid, p. 200). Montaigne et Érasme évoquent effectivement

« l’excès, l’abus [et] l’usage incontrôlé » (Prairat, 2011, p. 21) et systématique de pratiques avilissantes à cette époque. En effet, selon Prairat « le Moyen-Âge [était] moins brutal et barbare qu’on n’a pu le dire » (2011, p. 21), selon Durkheim,

« lorsque la vie scolaire du Moyen-Âge arrive elle-même à son plus haut point de développement et d’organisation, les peines atteignent leur maximum d’intensité » (1992, p. 157), notamment dans les établissements jésuites où le fouet reste « [l’] instrument de correction préféré » jusqu’au XVIIIe siècle (op. cit.

p. 156).

L’univers scolaire est donc longtemps un milieu austère, rempli d’interdits, de sanctions sévères et de châtiments corporels.

1.5.2 Remise en question des châtiments corporels au XVIIIe et XIXe siècle

Selon Prairat (2011), les premières remises en question des châtiments corporels émergent à la fin du XVIIIe siècle. L’enfant, alors investi de qualités humaines devant être développées afin de « faciliter l’actualisation de ses potentialités », est « perçu comme une promesse, riche d’une humanité à venir » (Prairat, 2011, p. 22). Cela va « modifier la donne sur cette question des châtiments corporels, et plus largement sur le sens et la manière d’éduquer […] il

ne s’agit plus de dresser, mais d’aider, d’accompagner » (Prairat, 2011, p. 22), de l’« amener au niveau de l’adulte étape par étape en protégeant et en construisant sa dignité d’homme » (Douet, 1987, p. 23). Les méthodes pédagogiques alors préconisées par Jacques de Batencour, Jean-Baptiste de La Salle ou Charles Démia codifient, règlementent et délimitent le recours aux châtiments et aux brutalités enseignantes envers les élèves tout en appelant à une relative modération (Chartier et al., L’Éducation en France, p. 122 ; Prairat, 2011, p. 35-36). Toutefois, l’utilisation du fouet reste de rigueur et « témoigner trop de bonté extérieure aux enfants, les caresser, les embrasser, etc., c’est s’avilir. Toute démonstration trop tendre peut-être pernicieuse aux enfants et dangereuse aux maîtres » (J-B. de la Salle, 1811, p. 138)61.

Pour contribuer à maintenir la discipline, l’accent sera mis sur l’organisation du temps et l’utilisation de stimuli auxquels les élèves doivent réagir conformément à ce qui est attendu d’eux.

Ainsi, « au dernier coup de l’heure, un écolier sonnera la cloche et au premier coup tous les écoliers se mettront à genoux, les bras croisés et les yeux baissés. La prière étant finie, le maître frappera un coup de signal pour faire lever les élèves, un second pour leur faire signe de saluer le Christ, et le troisième pour les faire asseoir » (J-B de La Salle, dans Foucault, 1975, p. 152)62. Les élèves conditionnés répondent ainsi au doigt et à l’œil : « le maître frappera un coup de signal, et regardant l’enfant qu’il veut faire lire, il lui fera signe de commencer.

Pour faire arrêter celui qui lit, il frappera un coup de signal... Pour faire signe à celui qui lit de se reprendre, quand il a mal prononcé une lettre, une syllabe ou un mot, il frappera deux coups successivement et coup sur coup. Si après avoir été repris, il ne recommence pas le mot qu’il a mal prononcé, parce qu’il en a lu plusieurs après celui-là, le maître frappera trois coups successivement l’un sur

61 J-B. de la Salle, Conduite des écoles chrétiennes, 1811, p.138, cité par J. C. Caron, Dossier, La sanction Approches plurielles, Cahiers Alfred BINET, n° 3/2001, 668, Ramonville, Saint Agne, érès, 2001, p. 18-19)

62 J-B de La Salle, Conduite des écoles chrétiennes, B.N. Ms 11759, p. 27-28, dans Foucault, 1975, p. 152

l’autre pour lui faire signe de rétrograder de quelques mots et continuera de faire ce signe, jusqu’à ce que l’écolier arrive à la syllabe ou au mot qu’il a mal dit » (J.-B de La Salle, dans Foucault, 1975, p. 168-169)63.

De plus, au-delà du recours à des systèmes de récompense et de punition, le comportement des élèves est également conditionné par l’utilisation de signaux auditifs : « entrez dans vos bancs. Au mot “Entrez”, les enfants posent avec bruit la main droite sur la table et en même temps passent la jambe dans le banc ; aux mots “dans vos bancs”, ils passent l’autre jambe et s’asseyent face à leurs ardoises... “Prenez ardoises” ; au mot “prenez”, les enfants portent la main droite à la ficelle qui sert à suspendre l’ardoise au clou qui est devant eux, et par la gauche, ils saisissent l’ardoise par le milieu ; au mot ardoises, ils la détachent et la posent sur la table » (Journal pour l’instruction élémentaire, avril 1816, dans Foucault, 1975, p. 169). L’utilisation dans les systèmes disciplinaires de signaux pour conditionner les comportements disciplinés des élèves ira dans certaines écoles du XIXe siècle, jusqu’à l’adoption d’« un style de caserne » caractérisé par l’uniforme, le sifflet et le cachot (Douet, 1987, p. 24).

Le principe d’interdiction des châtiments corporels à l’école qui apparaît en 1803 (Prairat, 2011, p. 29) évoluera jusqu’à aboutir à l’interdiction officielle de ces derniers vers la fin du XIXe, mais « les mauvais points, les réprimandes, la privation partielle de récréation, la retenue après la classe sous la surveillance de l’instituteur et l’exclusion temporelle » sont, au début du XXe, autorisés (Douet, 1987, p. 30)64.

Finalement, « la France a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations unies en 1990. L’article 19 de cette convention stipule que l’enfant doit être “protégé contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalité physique” » (Prairat, 2011, p. 25). Toutefois, selon ce

63 J.-B de La Salle, Conduite des écoles chrétiennes, 1828, p. 137-138., dans Foucault, 1975, p. 168-169

64 Selon l’arrêté du 12 juillet 1918, cité par Douet, 1987, p. 30

même auteur, en dépit de cette convention, les questions relatives aux sanctions en éducation ainsi qu’à la protection des enfants de toute forme de violence, continuent, notamment aujourd’hui à faire débat.

1.5.3 Libéralisation des méthodes pédagogiques au début du XXe siècle

« Dès la fin du XVIIIe siècle, s’élaborent et s’expérimentent des contre-modèles pédagogiques qui s’opposent aux pratiques coercitives dominantes et préparent une mutation radicale des modèles éducatifs » (Troger et al., 2015, p. 50). Selon les mêmes auteurs, si « au XVIIe siècle, l’œuvre du théologien morave Jan Amos Komensky, plus connu sous le nom de Comenius, avait annoncé l’émergence d’une réflexion sur les spécificités psychocognitives de l’enfance […] c’est la publication en 1762 de l’Émile de Jean-Jacques Rousseau qui constitue, au moins pour les pays de culture francophone, le point de départ de ce processus. […] Cette profession de foi, qui fait de l’enfant un individu à part entière et non plus seulement un adulte inachevé, va être reprise par la quasi-totalité des pédagogues novateurs pendant les deux siècles suivants » (Troger et al., 2015, p. 50).

Pendant la première moitié du XXe siècle, les recherches en pédagogie, en psychologie et en médecine présentent une image positive de l’enfant. Ces nouvelles représentations de l’enfant modifient alors significativement les pratiques disciplinaires à l’école, qui se voudront alors moins répressives. Ainsi, une nouvelle forme de pédagogie, plus bienveillante, s’attachant notamment à préserver la dignité de l’enfant, à comprendre son comportement et à favoriser son épanouissement voit le jour. Le « Suisse Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1827) et […] l’Allemand Friedrich Fröebel (1782-1852) […] peuvent être considérés comme les pionniers des pédagogies nouvelles » (Troger et al., 2015, p. 51). Par la suite, plusieurs chercheurs, comme Montessori, Neill, Dewey, Makarenko, Ferrière ou Freinet, proposent alors des moyens différents de ceux

adoptés par les tenants de la pédagogie traditionnelle pour établir la discipline des élèves en classe.

1.5.3.1 Discipline par l’organisation du travail65

Au début du XXe siècle, en Italie, Maria Montessori, pionnière de l’École active, s’inspirant des expériences réalisées par les médecins Itard et Séguin et de théories psychologiques et biologiques, inspire une pédagogie, dont le principe majeur est le respect absolu de l’enfant. Cette pédagogie dans laquelle l’enseignant est responsable de l’organisation du travail et de l’environnement éducatif vise le développement psychique naturel de l’enfant. Le rôle de l’enseignant est, à travers l’entraînement de tous les sens de l’enfant, d’aider celui-ci à développer toutes ses capacités perceptives, à trouver son chemin naturel, à étudier en autonomie, à apprendre à se maîtriser, à se concentrer et à canaliser son énergie. Dans le cadre du travail qu’il doit effectuer, l’enfant a le droit de se déplacer librement dans la classe et les exercices de rangement, de classement et d’entretien du matériel le responsabilisent et lui permettent d’être ordonné et discipliné. Le respect, l’ordre et le calme caractérisent l’enseignement dispensé. En effet, « c’est la parfaite organisation du travail qui, laissant à l’individu la possibilité de se développer et de dépenser son trop-plein d’énergie, procure à chaque enfant une satisfaction apaisante et salutaire. Et c’est dans de telles conditions de travail que la liberté conduit à perfectionner ses activités, à atteindre une forme accomplie de discipline, elle-même résultat de cette nouvelle qualité de calme qui a été développée chez l’enfant » (Montessori M., citée par Gasparini, 2000, p. 54)66.

65 Sources : Montessori M., Pédagogie scientifique, Desclée de Brouwer, 1992 ; Dictionnaire de pédagogie et de l’éducation, 3e édition, Bordas, 2007 ; Pédagogie, dictionnaire des concepts clés, 9e édition, ESF, 2012

66 Montessori M., Le manuel Montessori, cité par Gasparini, Ordres et désordres scolaires, Paris, Grasset, 2000, p. 54

1.5.3.2 Discipline par la liberté et la responsabilité67

Aux États-Unis, Dewey, initiateur des méthodes actives en pédagogie, met en avant un système où la discipline est fondée sur la liberté et la responsabilité. Il rejette l’éducation traditionnelle qui favorise un contexte de soumission et d’obéissance. Pour lui, l’école doit absolument favoriser la socialisation de l’individu. Il insiste sur une éducation démocratique, qui va former des citoyens libres et responsables, autodisciplinés, respectant le règlement de l’école et acceptant la sanction. Pour ce faire, les enfants sont notamment amenés à participer à l’élaboration du règlement.

1.5.3.3 Discipline par le bien-être de l’enfant68

En Angleterre, Neill, qui prône l’épanouissement personnel à l’école, le développement de sa créativité et de son autonomie, estime que chacun est libre de faire ce qu’il veut à condition qu’il n’empiète pas sur la liberté des autres.

L’important est alors de fournir toutes les possibilités pour un développement heureux et joyeux de l’enfant et de lui assurer une liberté totale dans tous les domaines (scolarité, nourriture, habillement, jeu, sexualité, etc.). Le but est de développer le sens de la responsabilité des enfants et de former des adultes heureux, libres de toutes sortes de complexes et de phobies. Neill déconseille le recours aux récompenses, qui selon lui éveillent la jalousie chez l’enfant ainsi que le recours aux sanctions négatives, qui pour lui, cachent de la haine chez l’adulte qui l’inflige et en provoque chez l’enfant qui la subit. Toutefois, l’élève n’a pas le droit de perturber la classe, car il n’est pas contraint d’y aller.

67 Sources : Dictionnaire de pédagogie et de l’éducation, 3e édition, Bordas, 2007 ; Pédagogie, dictionnaire des concepts clés, 9e édition, ESF, 2012

68 Sources : Dictionnaire de pédagogie et de l’éducation, 3e édition, Bordas, 2007 ; Pédagogie, dictionnaire des concepts clés, 9e édition, ESF, 2012 ;

Neill A. S., Libres enfants de Summerhill, La Découverte, 1970

1.5.3.4 Discipline par le sentiment d’appartenance au groupe69

En Russie, Anton Semionovitch Makarenko, estimant que le travail est pourvoyeur de valeurs, s’occupe de jeunes présentant des comportements asociaux. Pour lui, l’éducation vise à préparer l’homme à la vie et à intégrer ce dernier dans la collectivité. Il associe dans sa pédagogie le travail scolaire classique et le travail manuel. L’intérêt général prime, et la discipline, stricte, acquiert une dimension sociale, car celle-ci est nécessaire à l’harmonie de la collectivité. Selon Estrela (1994), s’éduquer comme communiste exige de « placer son travail et son intelligence au service d’une cause commune » (Lénine, 1977, p. 35 dans Estrela, 1994, p. 24). Le sentiment d’appartenance à la collectivité est renforcé chez les élèves et le travail scolaire favorise l’intérêt général. Le groupe est coresponsable et solidaire des actes de chacun des membres de la collectivité. L’indiscipline, considérée comme une rébellion contre cette collectivité est ainsi fortement contenue, mais l’est également par un système de sanctions négatives visant à maintenir et renforcer l’indispensable discipline.

1.5.3.5 Discipline par des activités passionnantes70

En France, Freinet base sa pédagogie sur l’activité de l’élève à travers le tâtonnement expérimental. Pour lui « il n’y a désordre que lorsqu’il y a des failles dans l’organisation du travail ou lorsque l’enfant n’est occupé à aucune activité qui réponde à ses désirs et à ses possibilités » (Freinet, 1970, p. 39). Autrement dit, une activité passionnante pour l’enfant le conduit naturellement à s’autodiscipliner.

L’enseignant se doit donc d’organiser le travail dans ce but. La « pédagogie du travail » (par le travail), illustre en France l’esprit de l’éducation socialiste.

69 Sources : Dictionnaire de pédagogie et de l’éducation, 3e édition, Bordas, 2007 ; Pédagogie, dictionnaire des concepts clés, 9e édition, ESF, 2012

70 Sources : Dictionnaire de pédagogie et de l’éducation, 3e édition, Bordas, 2007 ; Pédagogie, dictionnaire des concepts clés, 9e édition, ESF, 2012.

L’indiscipline est également vue comme un acte de rébellion et comme les règles sont élaborées par les élèves, c’est la « coopérative » qui est autorisée à élaborer des solutions et les sanctions, l’intervention de l’enseignant dans ce domaine restant discrète. « L’efficience intellectuelle, morale, sociale, de notre éducation n’est pas conditionnée exclusivement, comme on a voulu trop longtemps nous le faire croire, par la personnalité de l’éducateur ou la valeur magique d’une méthode. Elle est fonction du matériel employé, de la perfection de ce matériel et de l’organisation technique du travail » (Freinet, 1994, 1, p. 74 dans Nault et Fijalkow, 1999, p. 453)71.

En effet, « c’est d’ailleurs par ce biais de l’organisation matérielle et technique de la classe que nous résolvons, nous, le problème de la discipline » (Freinet, 1994, 1, p. 75 dans Nault et Fijalkow, 1999, p. 453)72. Ainsi, « pour [Freinet], la discipline est intimement reliée à l’organisation spatiotemporelle et technique d’une situation d’apprentissage. […] Freinet comprend très tôt que la question de la discipline ne doit pas être traitée séparément de la question du travail scolaire » (Nault et Fijalkow, 1999, p. 452).

Toutefois, « l’autonomie et la confiance que Freinet accorde aux enfants, sa volonté de favoriser entre eux des relations coopératives et communautaires, heurtent de front les deux traditions successives que l’école française a cumulées : la conception répressive dominante dans l’Église catholique, qui a repris à son compte les pratiques autoritaires de l’Antiquité, puis la conception républicaine, qui a fait de l’école laïque l’instrument d’une inculcation volontariste des valeurs de la république. Dans les deux cas, le maître est dépositaire d’une autorité, celle de l’Église ou celle de l’État républicain, qui transcende toute autre forme de relation aux élèves. Ce n’est pas un hasard si les grandes figures des mouvements pédagogiques viennent plus souvent de pays où la culture

71 Freinet, 1964, rééd. 1994, 1, p. 74 dans Nault et Fijalkow, 1999, p. 453

72 Freinet, 1964, rééd. 1994, 1, p. 75 dans Nault et Fijalkow, 1999, p. 453

protestante est influente et a favorisé une conception participative et communautaire de la démocratie. Il n’est pas surprenant non plus qu’elles soient mal reçues dans un pays où l’autorité de l’Église ou de l’État a toujours prévalu sur la liberté du chrétien ou du citoyen » (Troger et al., 2015, p. 53).

Ainsi, en France, en dépit d’un succès significatif de son mouvement, « en 1933, Freinet est muté d’office, ainsi que certains des collègues qui l’avaient soutenu […]. L’hostilité des notables Provençaux et de certains inspecteurs de l’Éducation nationale qui a abouti à son éviction est exemplaire de la forte réticence qu’une majorité de la société française manifeste alors à l’égard des pédagogies nouvelles » (Troger et al., 2015, p. 52-53). Si « les mouvements pédagogiques ont profité des évènements de Mai 68 pour exercer une influence sur les politiques éducatives […]. Dès 1975, de nouvelles instructions reviennent cependant sur ces évolutions, et en 1985 le ministre socialiste de l’Éducation nationale Jean-Pierre Chevènement supprime les dernières références aux instructions de 1969 » qui étaient « directement inspirées des théories dites de l’école nouvelle » (Troger et al., 2015, p. 54-55).

En somme, « les mouvements pédagogiques n’ont pas réussi à diffuser massivement les innovations qu’ils proposent depuis maintenant deux siècles [et]

l’inertie du système et les oppositions résolues d’une partie des enseignants ont jusqu’à maintenant freiné l’élaboration d’un nouveau modèle pédagogique consensuel » (Troger et al., 2015, p. 55-56).

1.5.4 Système disciplinaire contemporain en France73

En France, en dépit des nouvelles conceptions pédagogiques précédemment évoquées et par conséquent des nouvelles méthodes dont l’enseignant dispose alors pour favoriser les comportements appropriés des

73 http://www.education.gouv.fr/cid2765/climat-scolaire-et-prevention-des-violences.html

élèves en classe, les comportements déviants des élèves à l’école persistent au point où « la violence à l’école est devenue incontournable dans le discours politique français, depuis le début des années 1990 » (Debarbieux, 2008, p. 145).

La médiatisation des comportements inappropriés des élèves à l’école va alors amener le ministère de l’Éducation nationale à remplacer un vieil arrêté datant du 5 juillet 1890 par une nouvelle règlementation. Depuis Lionel Jospin en 1997 jusqu’à Najat Vallaud-Belkacem en 2017, se succéderont de nombreuses annonces de « plans nationaux de lutte contre la violence à l’école » visant à favoriser la bonne conduite des élèves à l’école et à améliorer le climat scolaire.

Ces mesures mises en œuvre au sein du système scolaire français74 incluent la responsabilisation de l’élève, le rappel à la loi, la réaffirmation des valeurs de la république, le renforcement des moyens humains (agents, appelés du contingent, surveillants, conseillers principaux d’éducation, emplois jeunes, police, gendarmerie, instances judiciaires) et la formation des personnels.

Toutefois, certaines de ces mesures contrastent à la fois avec les méthodes éducatives issues des pédagogies nouvelles évoquées précédemment et avec les préconisations de la communauté scientifique publiées dans ce domaine depuis 1950 qui seront présentées dans le chapitre suivant.

1.5.4.1 Discipline par la coercition pour former les futurs citoyens75

Pour le ministère de l’Éducation nationale, la lutte contre les comportements inappropriés des élèves à l’école « implique la connaissance et la compréhension des règlements intérieurs par les élèves et les parents ainsi que des sanctions encourues en cas de manquement au respect des règles

74 http://eduscol.education.fr/cid49285/equipes-mobiles-de-securite-academiques.html ;

http://www.nonauharcelement.education.gouv.fr/ressources/outils/decouvrez-la-campagne-de-prevention ;

http://eduscol.education.fr/cid46846/agir-contre-la-violence.html; http://www.education.gouv.fr/cid92069/annee-scolaire-2015-2016.html ; http://www.education.gouv.fr/cid86831/college-mieux-apprendre-pour-mieux-reussir.html

75 http://www.education.gouv.fr/cid2765/climat-scolaire-et-prevention-des-violences.html

établies »76. Le système disciplinaire établi vise alors « à réaffirmer le respect des règles » et « l’accent est mis sur la responsabilisation des élèves »77 notamment par un système de sanction78 visant à former les futurs citoyens.

Le Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale (BOEN) du 13 Juillet 200079, fait état de la nouvelle règlementation concernant les procédures disciplinaires et

Le Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale (BOEN) du 13 Juillet 200079, fait état de la nouvelle règlementation concernant les procédures disciplinaires et