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Cette section vise à présenter les distinctions entre les expressions pratique enseignante, encadrement pédagogique, intervention et réaction. Cette section a également pour objet de souligner l’importance de la planification de la gestion de classe ainsi qu’à évoquer les objections existant en France envers la recension des pratiques efficaces de gestion de classe. Enfin, cette section vise à présenter les critères de sélection des pratiques recensées dans la suite de ce cadre théorique.

2.5.1 Distinction entre pratique, encadrement pédagogique, intervention et réaction

Plusieurs termes utilisés dans le cadre de cette recherche font référence aux pratiques des enseignants. Il convient ici de les définir et de les distinguer.

Selon Marcel (2002), « les pratiques renvoient […] à un individu agissant au sein d’un environnement » (p. 81) et elles englobent les termes activités, conduites, actions, travail, agir. En outre, les pratiques peuvent se définir comme une activité particulière réalisée au sein d’un environnement telle que l’enseignement, la médecine, la navigation… En éducation, les pratiques d’enseignement désignent les comportements et les actions réalisées par un enseignant dans une classe. Lenoir (2009) précise que les pratiques d’enseignement correspondent à la manière de faire particulière d’un enseignant.

Les pratiques d’enseignement diffèrent entre les individus puisqu’elles sont singulières. Il peut s’agir de pratiques validées par la recherche, de pratiques déclarées ou de pratiques effectives. Une pratique éprouvée correspond à une pratique expérimentée dans le contexte d’une recherche dans une classe avec groupe temoins ou d’une étude corrélationnelle afin de valider son efficacité. Une pratique déclarée fait référence aux données obtenues a postériori à l’aide d’un entretien ou d’un questionnaire avec le praticien, ici le personnel enseignant.

Enfin, une pratique effective correspond aux données obtenues à l’aide de dispositifs d’observation et des traces de ces pratiques, soit leur préparation et leur réalisation (Bressoux, 2001 ; Bru, 2002 ; Marcel, 2002).

Par ailleurs, trois autres termes utisés tout au long de cette recherche se retrouvent dans la littérature spécialisée en gestion de classe. En effet, la documentation scientifique consultée fait référence au fait que « l’encadrement pédagogique et les interventions que font les enseignants en réaction aux différentes situations qui se présentent dans la classe font partie des éléments qui ont des répercussions sur la présence des problèmes de comportement dans une classe » (Massé, Desbiens et Lanaris, 2006, p. 142). Selon ces auteurs, il est possible de définir l’encadrement pédagogique « comme la manière dont on traite les élèves et dont on structure, surveille et dirige les activités scolaires ; [l’encadrement pédagogique] englobe non seulement les activités qui ont lieu dans une classe, mais aussi les rapports entre les enseignants et les élèves, le climat

de la classe, ainsi que les interactions qui y ont lieu » (Massé, Desbiens et Lanaris, 2006, p. 142).

Selon les mêmes auteures, le terme intervention réfère à « tout geste [réfléchi, adapté et éducatif] que l’enseignant pose dans sa classe dans le but de modifier une interaction, de régler un problème ou encore d’influencer le déroulement d’une situation » (Massé, Desbiens et Lanaris, 2006, p. 142). Selon ces auteures, l’intervention est caractérisée par « son intentionnalité et se différencie fondamentalement de la notion de “réaction” » (Massé, Desbiens et Lanaris, 2006, p. 142). En effet, la réaction à un comportement dérangeant est caractérisée par l’absence de réflexion et l’absence de planification de l’action (Massé, Desbiens et Lanaris, 2006). La réaction à un comportement dérangeant

« vise à “débarrasser” l’enseignant d’un problème (ou d’un élève) et [survient]

sous le coup de l’émotion » (Massé, Desbiens et Lanaris, 2006, p. 142).

2.5.2 Importance de la planification de la gestion de classe

La documentation scientifique consultée révèle que l’anticipation et la prévention des problèmes de comportement pouvant apparaître en classe sont d’une importance majeure dans le processus de la gestion de classe (Evertson, 1989 dans Martineau, Gauthier et Desbiens, 1999). Or, c’est précisément ce que permet le processus de planification. En effet, selon Martineau, Gauthier et Desbiens (1999), le processus de planification de la gestion de classe est caractérisé « par la prise d’un ensemble de décisions concernant la sélection, l’organisation et la mise en séquence de routines d’activité, de routines d’intervention, de routines de supervision et de routines d’exécution » (Martineau, Gauthier et Desbiens, 1999, p. 476). Ces mêmes auteurs apportent une définition précise des routines et des fonctions de ces dernières qui montre notamment tout l’intérêt du processus de la plannification de la gestion de classe. Ainsi, « les routines consistent en l’automatisation d’une série de procédures visant le contrôle et la coordination de séquences de comportements applicables à des situations

spécifiques. Elles ont pour effet : 1) de réduire la quantité d’indices à traiter simultanément par les enseignants ; 2) de diminuer le nombre de décisions à prendre pendant l’intervention ; 3) d’augmenter la stabilité des activités ; 4) d’accroître la disponibilité des enseignants devant les réactions des élèves ; et 5) de réduire l’anxiété des élèves en rendant les enseignants plus prévisibles » (Martineau, Gauthier et Desbiens, 1999, p. 476).

Toutefois, au regard de l’impact négatif que certaines pratiques enseignantes peuvent avoir sur l’apprentissage et le comportement des élèves en classe, ce processus de planification implique une connaissance précise des pratiques d’encadrement pédagogique et des interventions pertinentes et efficaces. Or, une connaissance précise des pratiques d’encadrement pédagogique et des interventions pertinentes et efficaces exige au préalable l’identification précise des pratiques d’encadrement pédagogique et des interventions pertinentes et efficaces. Cependant, selon Prairat (2013), il semble qu’en France certains soient opposés à un tel travail.

2.5.3 Objections en France envers la recension des pratiques efficaces de gestion de classe

En France, selon Prairat, « la conduite de classe est une tâche difficile et dont ont ne parle guère » (2013, p. 75). Pourtant, s’il est admis que « la gestion de classe est une fonction centrale de l’enseignement, […] tous les procédés utilisés ne s’équivalent pas nécessairement. En effet, certaines pratiques de gestion de classe sont associées à un plus grand effet de l’enseignant pour favoriser les apprentissages et le bien-être des élèves ; d’autres, au contraire, peuvent entraîner des effets pervers qui nuisent au bon fonctionnement de la classe et à la réussite des élèves » (Martineau, Gauthier et Desbiens, 1999). C’est l’une des raisons pour lesquelles « il faut aujourd’hui ouvrir l’investigation en direction de ces gestes professionnels, et identifier chez les maîtres-experts ces

micro-compétences qui ont une efficacité dans la gestion et la conduite du groupe-classe » (Prairat, 2013, p. 75).

Pourtant, en France, plusieurs « objections sont couramment avancées pour s’opposer à un tel travail » (Prairat, 2013, p. 75) : l’une craignant que ce travail ne mène qu’à « collectionner un ensemble de “trucs” et de ficelles » (Prairat, 2013, p. 75-76) et l’autre affirmant « que ces savoir-faire sont d’abord des savoir-être et relèvent, par conséquent, de la personnalité du maître ; à chacun sa manière d’être, en somme » (Prairat, 2013, p. 75-76). À ce titre, le même auteur s’interroge, « peut-on vraiment faire l’économie de ces “trucs” et de ces ficelles dans l’effectivité d’une pratique de guidance et de conduite de groupe ? » (Prairat, 2013, p. 76). De plus, il souligne qu’« il ne s’agit pas de lister des attitudes personnelles et singulières, mais d’inventorier des savoir-faire finalisés pour en faire des savoir-faire partagés par une communauté de travail » (Prairat, 2013, p. 76).

Le même auteur ajoute encore qu’« il est tout à fait dommageable que, sur cette question de la conduite de classe, nombre de discours entretiennent des fictions telles que celles du “feeling pédagogique” ou de l’autorité naturelle pour continuer d’occulter la facette relationnelle du métier » (Prairat, 2013, p. 75). En effet, que l’on dise « que la compétence à gérer une classe s’acquiert par l’expérience, c’est-à-dire par essais et erreurs ou par imitation [ou qu’] il s’agit d’une compétence purement personnelle [et que] l’inclure dans un programme de formation serait peine perdue […] aboutit à négliger cet aspect dans la formation » (Nault et Fijalkow, 1999, p. 459).

2.5.4 Critères de sélection des pratiques recensées

En dépit des objections évoquées précédemment, la recension des pratiques de gestion de classe jugées efficaces est primordiale pour les enseignants (Prairat, 2013). Par conséquent, cette recherche tente de recenser

les pratiques de gestion de classe dites efficaces, à savoir les pratiques de gestion de classe qui sont appuyées par les données de recherche. La documentation scientifique consultée sur le sujet, se constitue principalement d’ouvrages de référence, de revues scientifiques et de handbooks de qualité reconnue, d’articles, de thèses, de rapports de recherche, de synthèses et de synthèses de synthèses.

Cette littérature fait état de pratiques jugées scientifiquement efficaces et tient compte de résultats de recherches menées au secondaire, mais également au primaire. Étant donné la similitude entre les problèmes de comportement rencontrés par les enseignants du primaire et du secondaire (Wheldall et Merrett, 1992 dans Gaudreau et al., 2011), de nombreux concepts issus de recherches portant sur la gestion de classe au primaire ou en éducation spécialisée s’avèrent également pertinents pour la gestion de classe au secondaire (Emmer et Gerwels, 2006). En somme, la majorité des auteurs consultés s’accordent sur les principales composantes qui constituent ce domaine de compétence professionnelle central du métier d’enseignant.

Ces pratiques ont fait l’objet d’analyses et sont présentées par la recherche comme suffisamment efficaces pour être adoptées en classe. Elles sont associées aux meilleurs effets sur l’enseignement ainsi que sur le comportement et l’apprentissage des élèves. En effet, ces dernières permettent aux enseignants dits efficaces de créer, de maintenir et de rétablir un climat de classe favorable à l’enseignement, à l’apprentissage et à la réussite des élèves, tout en gérant de manière éducative les comportements inappropriés ou les inconduites des élèves qui surviennent en classe.

Bien que catégorisées de manière différente selon les auteurs, ces pratiques sont non seulement plébiscitées par la majorité des principaux spécialistes dans ce domaine mais elles sont également mises en avant par des travaux de synthèse de synthèses reposant sur « l’analyse systématique d’un corpus de recherches empiriques du travail enseignant [et non sur] un modèle a priori de ce que devrait être une bonne gestion de classe » (Martineau, Gauthier et

Desbiens, 1999, p. 470). De plus, ces techniques, qui par ailleurs apparaissent de manière récurrente dans les écrits de référence, s’avèrent être mis en avant dans les principaux modèles théoriques et pratiques de gestion de la discipline en classe évoqués supra.

Compte tenu de leur dissémination dans les écrits scientifiques et dans un souci d’appréhender la gestion de classe d’une manière globale, nous avons fait le choix de répertorier l’ensemble des techniques considérées comme efficaces sous la forme d’un modèle que nous avons intitulé Modèle de Gestion de la Discipline En Classe (MGDEC). Ce modèle théorique constitue ainsi une synthèse des pratiques efficaces de gestion de la discipline en classe qui apparaissent de manière récurente à la fois : 1- dans les travaux de la majorité des principaux spécialistes en gestion de classe ; 2- dans les travaux de synthèse de synthèses reposant sur l’analyse systématique d’un corpus de recherches empiriques du travail enseignant ; 3- dans la majorité des ouvrages de référence en gestion de classe ; et 4- dans les principaux modèles théoriques et pratiques de gestion de la discipline en classe.