CHAPITRE IV : RÉSULTATS SUR LES PRATIQUES DE COLLABORATION INTERPROFESSIONNELLE LORS
4.3. Le suivi après la présentation du PSSE
4.3.4. Synthèse : activité de suivi à la suite de la présentation du PSSE
Dans cette section sur l’activité de donner des séances d’information aux travailleurs à la suite de la présentation du PSSE, nous avons vu que la crédibilité des intervenants est encore une fois au cœur de leurs préoccupations. Il y a d’abord une volonté forte, exprimée par l’ensemble des intervenants, d’adapter ces séances aux spécificités de l’entreprise et des travailleurs. Des rencontres ont lieu dans la majorité des équipes pour se coordonner et s’assurer de cette adaptation aux réalités du milieu de travail.
De plus, toujours en lien avec la question de la crédibilité, il est important autant pour les infirmières que pour les techniciens de ne pas répondre immédiatement aux questions des travailleurs s’ils ne sont pas certains de la réponse. Ils vont plutôt différer cette réponse pour consulter d’autres intervenants et s’assurer ainsi de la pertinence de la réponse. Il est aussi très important pour eux d’effectivement revenir avec des réponses dans le milieu de travail dans des délais raisonnables, sans préciser toutefois ce qui est considéré comme raisonnable.
Par ailleurs, les infirmières se préoccupent énormément de la « forme » des séances d’information, autant que le contenu en fait. Plusieurs d’entre elles expriment l’idée que le développement de la culture de prévention passe aussi par les relations et les liens qu’elles réussissent à établir avec les travailleurs durant ces séances. Elles ont ainsi cette préoccupation de dynamiser les séances d’information notamment en intégrant de nouvelles méthodes pédagogiques. Selon ce qui ressort des entretiens avec les techniciens, ces derniers accordent moins d’importance au « contenant » des présentations aux travailleurs. Plusieurs d’entre eux ne semblent pas considérer que la façon de donner la formation peut avoir un impact sur le développement d’une culture de prévention dans les entreprises.
Par contre, autant les techniciens que les infirmières tiennent à donner les séances d’information en équipe même si certains considèrent qu’ils auraient l’expertise nécessaire
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pour la donner seuls. Les rôles entre techniciens et infirmières sont bien partagés à cet égard et l’interdépendance entre les intervenants est reconnue.
Un autre élément qui ressort des données sur l’activité de donner des séances d’information est que certains intervenants sont reconnus pour leur expertise en lien avec certains risques pour la santé spécifique. Cette situation se produit principalement dans les régions qui pratiquent la spécialisation des intervenants en fonction du secteur d’activité économique, donc les régions B et D, mais pas uniquement.
Conclusion sur les pratiques de collaboration interprofessionnelle lors de
la trajectoire d’élaboration des PSSE
Dans ce chapitre, nous avons mis à plat l’activité d’intervention entourant le PSSE par les intervenants en santé au travail du réseau de santé publique. Un grand nombre d’opérations sont réalisées par les intervenants, regroupés en équipes d’intervention, pour réaliser cette tâche. Cette dernière répond à la finalité légale de l’article 113 de la LSST qui stipule que les établissements visés par règlement doivent avoir un programme spécifique. Elle se double aussi pour les intervenants d’une autre finalité : favoriser une culture de prévention durable dans les entreprises. On constate que, d’une région à l’autre, d’une équipe à l’autre, il y a énormément de variabilité dans la séquence des activités d’intervention, ainsi que dans la manière de les réaliser.
Les données révèlent que l’activité collective est présente dans les trois grandes étapes que nous avons étudiées. De plus les pratiques de collaboration interprofessionnelles sont fréquemment utilisées par les membres des équipes d’intervention. Il est intéressant de constater que d’une région à l’autre, malgré la grande variabilité dans la manière de réaliser les opérations, ces pratiques sont plutôt semblables.
Le tableau 4.4 résume les principales activités réalisées par les équipes de santé au travail lors de la trajectoire d’intervention entourant le PSSE, de même que les pratiques de collaboration associées à celles-ci.
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Tableau 4.4 : Résumé des pratiques de CIP selon les activités à réaliser durant les trois étapes de l’élaboration des PSSE
Étapes de l’élaboration des PSSE
Activité Pratiques de CIP
1 : la visite de connaissances préalables
Prendre contact avec l’entreprise
Parallèle
Se rencontrer pour distribuer les rôles
Parallèle / Concertation Décider du nombre d’intervenants pour la visite de connaissances préalables Concertation
Présenter le mandat des ÉSAT
Parallèle / concertation
Recueillir des informations sur l’entreprise
Parallèle / concertation
Observation de la production
Parallèle / concertation
Évaluer qualitativement les risques pour la santé
Parallèle
Décider de produire le PSSE avant ou après l’évaluation
quantitative des risques
Parallèle (coordonnateurs ou médecin responsable)
Évaluer quantitativement les risques pour la santé
Parallèle / Consultation
2 : la rédaction du PSSE Écrire le PSSE Parallèle, Consultation, Concertation Prioriser les risques dans le
PSSE
En services partagés
Se rencontrer pour planifier la présentation du PSSE
Concertation
Présenter le PSSE Parallèle, Concertation 3 : le suivi après la
présentation du PSSE
Se rencontrer pour planifier les séances d’information
Concertation
Donner les séances d’information
Concertation / parallèle / consultation
Il est ainsi possible de constater que la même activité peut être réalisée en utilisant des pratiques différentes, principalement les pratiques en parallèle et les pratiques de concertation. Selon les régions, et parfois selon les équipes à l’intérieur d’une même région, l’activité est réalisée autrement.
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Il est possible de faire le constat, au vue de ce que nous avons présenté dans ce chapitre, que les principaux facteurs qui influencent quelles pratiques seront utilisés sont le partage d’un but commun ainsi que la reconnaissance de l’interdépendance entre les intervenants.
En lien avec notre hypothèse, de fait, si certaines pratiques de CIP reviennent d’une étape à l’autre, certaines sont plus spécifiques à l’une des étapes qu’aux autres. C’est le cas pour les pratiques en services partagés qui ne sont présentes que pour la priorisation des risques. C’est également le cas pour la consultation qui survient principalement à partir des mesures environnementales quantitatives et pour rédiger le PSSE mais qui sont peu présentes par ailleurs.
Dans le prochain chapitre, nous allons nous pencher plus spécifiquement sur ces conditions de réalisation du travail afin de mieux comprendre comment celles-ci influencent l’activité collective interprofessionnelle dans les ÉSAT et ainsi être en mesure de voir comment ces pratiques permettent de réaliser efficacement de la prévention durable dans les entreprises.
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