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Le travail collectif interprofessionnel

2.2. Le travail collectif

2.2.4. Le travail collectif interprofessionnel

Dans le modèle de la collaboration interprofessionnelle, à l’instar de ce que nous venons de présenter sur le travail collectif qui mène à la création de collectifs de travail, il y a tout un processus dont il faut tenir compte avant d’en arriver formellement à cette CIP. C’est le travail collectif interprofessionnel. Certains parallèles peuvent être faits avec l’activité collective conjointe et le travail collectif.

Ce travail collectif interprofessionnel est analysé à l’aide de l’approche organisationnelle de Friedberg, qui identifie quatre dimensions à l’action collective : le degré de formalisation et de codification de la régulation, le degré de finalisation de la régulation, le degré de prise de conscience et d’intériorisation de la régulation, enfin le degré de délégation explicite de la régulation (D’Amour, 1997 : 100).

En ce qui concerne le degré de formalisation, on fait référence aux règles formelles qui régissent le collectif de travail. Ce sont les procédures établies et explicites et les descriptions de tâches. En somme, la structure qui régit le fonctionnement des collectifs interprofessionnels. D’un côté, une forte formalisation est souhaitée par les gestionnaires pour réduire l’incertitude, et de l’autre par les professionnels eux-mêmes à titre de protection de leur activité et de base de négociation (D’Amour, Sicotte et Lévy, 1999 : 79). Par contre, une trop forte formalisation peut également devenir un obstacle à l’activité des intervenants, voire les amener à les contourner pour adopter d’autres règles plus souples, plus implicites. En lien avec les ÉSAT, il est intéressant de constater que les études de D’Amour, Sicotte et Lévy démontrent qu’une situation en particulier tend à causer des problèmes, soit celle qui désigne un « responsable » dans une équipe interprofessionnelle. Il y a alors moins de

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collaboration et plus de formalisme entre les membres de l’équipe. Ceux qui ne sont pas nommés responsables se sentent non-reconnus en tant que professionnels (ibid.). Une autre règle qui crée des problèmes est la trop grande rigidité des interactions entre les professionnels. Les membres de l’équipe doivent pouvoir se rencontrer de façon informelle et être en mesure de discuter de façon libre.

En somme, pour les auteurs, s’il est important de formaliser les règles et les rapports entre les membres d’une équipe interprofessionnelle, ces règles doivent provenir du collectif même plutôt que de la hiérarchie. On ne peut ainsi imposer « l’obligation de collaborer » (op.cit. : 80).

Par rapport à la finalisation, c’est l’existence de buts explicites à atteindre. Le but doit être partagé par les membres de l’équipe, et alors seulement les professionnels seront prêts à collaborer pour atteindre ceux-ci (D’Amour, 1997 : 101). Trois constats sont ressortis de l’étude de D’Amour, Sicotte et Lévy, en lien avec cette finalisation. Le premier est que chacun des groupes professionnels a une conception très différente de ce qu’est la collaboration, ou de ce que devrait être la collaboration interprofessionnelle. Le second est que les intérêts mêmes des différents individus, d’abord, et ensuite professionnels, sont divergents également. Enfin, qu’il y a des transactions, ou de la négociation, autour des buts à atteindre (D’Amour, Sicotte et Lévy, 1999 : 80-82).

L’intériorisation, en troisième lieu, désigne la nécessité pour les acteurs d’être conscients de leurs interdépendances. Pour ce faire, les acteurs doivent d’abord reconnaître la valeur de l’autre, de ce que chacun apporte à l’équipe, établir ensuite une relation de confiance avec eux, ce qui leur permet au final de partager les territoires professionnels (D’Amour, 1997 : 101-102). Il est intéressant de constater qu’autant dans le modèle de Friedberg que dans les travaux de Dejours, la confiance revient comme une donnée fondamentale du travail collectif autant professionnel qu’interprofessionnel. Par contre, ce partage des territoires peut parfois, voire souvent, aller à l’encontre des logiques professionnelles. De fait, les professionnels ont souvent de la difficulté à partager leurs responsabilités (D’Amour, Sicotte et Lévy, 1999 : 83). Les deux premières conditions, soit la reconnaissance et la relation de confiance, sont donc nécessaires. De plus, le partage devrait concerner plutôt les zones grises à la frontière

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des logiques professionnelles, qui sont souvent plus nombreuses qu’on pourrait le penser à première vue.

Enfin, la délégation fait référence à la gestion de l’action collective. Il est possible de gérer cette action à l’interne, tout comme il est possible de le faire à l’externe. Dans le premier cas, il s’agit d’une gestion endogène, à savoir qu’elle se fait à l’intérieur même de la structure administrative. À l’externe, on parle de gestion exogène. La gestion de l’action collective est alors réalisée principalement par le système professionnel. En définitive, les auteurs dans ce champ de recherche se posent également la question de la place du client dans la délégation de la collaboration interprofessionnelle (D’Amour, 1997 : 102).

Finalement, pour comprendre le travail collectif interprofessionnel, il faut s’intéresser aux règles implicites et explicites, à la régulation de contrôle et autonome dirait Reynaud, aux buts communs à atteindre, à la reconnaissance que font les acteurs de leur interdépendance, autrement dit à la confiance qu’ils ont les uns envers les autres selon Dejours, et à la façon dont ils gèrent au quotidien le travail collectif, ce qui correspond à la réélaboration des règles selon Caroly. Selon l’intensité de ces éléments, il sera possible de parler réellement de collaboration.