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Liens entre la collaboration interprofessionnelle et les ÉSAT

1.2. La collaboration interprofessionnelle

1.2.2. Liens entre la collaboration interprofessionnelle et les ÉSAT

Nous l’avons mentionné à quelques reprises déjà, quand on s’intéresse aux ÉSAT, on s’intéresse nécessairement également à la collaboration interprofessionnelle. De fait, dans ces équipes de santé au travail, plusieurs professionnels sont impliqués ensemble dans l’élaboration des programmes de santé spécifiques à un établissement.

Si l’on reprend les éléments centraux de la définition de la CIP, il y a effectivement plusieurs partenaires. Nous en avons parlé dans la sous-section précédente, il y a des médecins, des infirmières, des techniciens et d’autres intervenants qui font partie des équipes d’intervention et des équipes locales en santé au travail plus généralement. En plus de ces derniers, il y a les acteurs dans les établissements eux-mêmes qui participent à l’élaboration de l’œuvre commune, soit le PSSE.

Chacun de ces participants a sa propre identité professionnelle, à savoir « un construit social ou un système d'action inscrit dans des rapports sociaux situés dans un temps et un espace individuel et social » (Le Capitaine, 2010 : 107). Ainsi, l’identité professionnelle est ce qui permet aux membres d’une profession donnée de se reconnaître « dans le champ du travail et de l’emploi » (Dubar, 2000 : 95).

Ensuite, dans les ÉSAT, il y a structuration des actions collectives. Le médecin, l’infirmière et le technicien ne peuvent faire chacun de son côté selon ses propres volontés. Si on veut en arriver à un résultat satisfaisant, à savoir un PSSE qui sera non seulement accepté par le comité santé et sécurité mais qui permettra réellement à l’entreprise de se prendre en charge et d’agir en prévention au quotidien, une certaine coordination est de fait nécessaire. Cette coordination se fait à travers les différentes structures que se donnent les différentes régions administratives.

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Cette structuration des actions collectives, d’ailleurs, est d’autant plus nécessaire que les risques et les astreintes en santé au travail sont plus souvent qu’autrement eux-mêmes multifactoriels et multicausals. Les compétences de l’ensemble des membres des ÉSAT, donc des médecins, infirmières et techniciens, voire également des ergonomes, hygiénistes et agents de recherche, sont d’autant plus nécessaires afin de réaliser des interventions en prévention sur ce genre de risques.

Un autre exemple de problèmes complexes que les ÉSAT ont à prendre en compte, et idéalement résoudre, est la mobilisation des milieux de travail et la construction sociale des interventions (Prud’homme, 2011). Les établissements, dans la grande majorité des situations, n’ont pas demandé aux équipes de santé au travail d’intervenir dans leur entreprise. En fait, plusieurs d’entre eux ne connaissent pas vraiment ce que sont ces ÉSAT avant d’être contactés par elles pour élaborer un PSSE. De plus, la culture de prévention, au sens large, dans chacun de ces établissements est très variable. En somme, mobiliser un milieu de travail pour que celui-ci se prenne en charge en faveur de la prévention n’est pas simple et nécessite la coordination des actions des différents membres de l’équipe de santé. De plus, nous émettons l’hypothèse que la prévention de ces risques sera alors plus efficace, et qu’elle le sera à plus long terme.

Enfin, les membres des ÉSAT sont en situation d’interdépendance les uns par rapport aux autres. Pour en arriver à élaborer le PSSE, certaines activités ne peuvent être réalisées que par l’un des membres de l’équipe. Par exemple, les évaluations environnementales ne peuvent être faites que par le technicien, les PSPS sont réservés aux infirmières, une partie de la surveillance médicale est affectée au médecin, et ainsi de suite.

Cette interdépendance ne signifie pas, loin s’en faut, que les membres dans l’ÉSAT sont égaux les uns par rapport aux autres. Nous en avons parlé quelque peu dans la première section de ce chapitre, les professions dans les équipes de santé ne sont pas toutes égales les unes et les autres. Elles n’ont pas toutes le même rapport de force, ou le même « pouvoir », à savoir « la capacité de contrôler l’autre groupe sous la menace de sanctions pour cause de non-respect » (Edwards, Bélanger et Wright, 2006, p. 129, cités dans Gouin, 2015 : 21-22). Avoir besoin de l’ « autre groupe » ne signifie certes pas qu’on ne peut pas les contrôler par ailleurs.

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D’abord, nous l’avons dit, il n’y a que le médecin responsable dans l’équipe qui est nommé dans la LSST. C’est lui qui doit « signer » le PSSE pour que celui-ci devienne officiel. De plus, les entreprises qui connaissent la LSST peuvent exiger que ce soit un médecin qui pilote l’intervention à la place d’un technicien du travail et d’une infirmière, même dans les régions avec très peu de médecins. Enfin, par habitude, dans le monde hospitalier en général, les infirmières ont l’habitude d’être en situation de dépendance vis-à-vis des médecins. Les médecins peuvent avoir tendance spontanément à prendre les décisions sans nécessairement consulter les autres. Il peut être difficile dans le contexte de la santé au travail de changer ces habitudes.

L’équilibre nécessaire à la CIP, dont nous avons parlé précédemment, n’est donc pas si évident à atteindre dans les équipes de santé au travail.

En vertu de ce que nous venons de voir, il faut comprendre que la « collaboration interprofessionnelle » va au-delà de la simple « collaboration ». Dans les pages qui suivent, nous approfondirons les facteurs qui favorisent l’émergence de la collaboration interprofessionnelle dans les milieux de travail.