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1.4 Objets d’étude

1.5.3 Présentation des résultats 1

2.2.3.1 Symbolique

La position du maître d’ouvrage peut être introduite à partir de l’analyse a posteriori que celui-ci fait du rapport Sompairac. « Le fascicule Sompairac a une histoire » explique R. Eladari :

Il a été fait en exploitation d'un groupe de travail qu'on avait mis en place a v e c l'association pour l'histoire de la justice, qui a longuement travaillé sur le palais de justice du dix-neuvième et qui s'était attaché à mettre en évidence les attributs les plus, les plus caractéristiques des palais de justice. Donc Sompairac a jeté sur ce travail l à un regard un peu plus distancié puisqu'il a regardé ça à la fois en historien d e l'architecture et en journaliste. Et en fait, il s'était aperçu que, le corpus symbolique d u palais du dix-neuvième siècle qui est très ancré dans l'inconscient et dans la culture judiciaire, finalement était assez simpliste. C'est une caricature, et cette caricature ... n'est pas propre aux palais de justice. Tout ce qu'on dit sur la symbolique des palais d e justice du dix-neuvième se retrouve dans la symbolique des bâtiments publics du m ê m e siècle, des préfectures, des mairies et tout le reste, et par conséquent ... même quand on regarde les salles d'audience on s'aperçoit que finalement, il y a des correspondants dans les salles des conseil des conseils généraux ou des mairies et tout le reste, y compris les crucifix qu'on mettait.

(…) Donc, Sompairac s'était aperçu et nous mêmes on en était très convaincus, q u e finalement c'était peut-être un modèle idéal qui a été, qui se dégage a posteriori de c e

8. René Eladari devient Délégué général à la création de la DGGPE en 1992, après avoir é t é responsable du « programme 13000 » ayant conduit à la création de 25 nouvelles prisons. Cf. « Après les prisons, les cités judiciaires », entretien avec R. Eladari, D’Architectures, n° 30, novembre 1992

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qu'on a fait au dix-neuvième siècle en définitive, et ce qu'on a fait au dix-neuvième siècle porte la marque d'une normalisation extrême du terrorisme intellectuel du Conseil Général des Bâtiments Civils ... Conseil Général des Bâtiments Civils dans lequel étaient un certain nombre de pontifes de l'Académie des Beaux-Arts, et tout ceci a donné donc l a notion d'équipe, de travail d'équipe pour les bâtiments publics au dix-neuvième d a n s lequel on avait non seulement un architecte mais aussi des membres de l'Académie d'architecture, des peintres, des sculpteurs et des machins comme ça, et tout ça a donné des archétypes que sont par exemple aujourd'hui la grande salle d'audience de la Cour de Cassation si vous voulez, qui est vraiment l'illustration la plus frappante de ce mode de production.

De cette analyse historique, le maître d’ouvrage tire une conclusion pratique immédiate, en termes de refus d’une symbolique imposée :

Donc, dire que aujourd'hui on doive édicter ce que serait une symbolique des palais d e justice est un contre sens, puisque pour nous, cette symbolique est en fait u n e réinterprétation a posteriori d'une pratique qui a couvert un siècle. De même, lorsqu'on voit le fonctionnement de la justice, les gens ne se reconnaissent plus dans ce système là. La bonne femme aveugle avec la balance ... tout ce qui est référence à la justice divine et cetera, est très décalé par rapport la pratique de la justice d'aujourd'hui. Par conséquent, l'objectif du document Sompairac c'était simplement de dire : voilà ce q u e l'on peut dire de la symbolique judiciaire de l'architecture classique des palais d e justice, elle est normée, elle est, elle se réduit à cinq ou six constantes si vous voulez, par rapport à ça on a regardé un peu ce qui se faisait comme palais de justice depuis soixante jusqu'à quatre vingt, et on s'est aperçu que, en partant des programmes q u i étaient plaqués sur les palais de justice du dix-neuvième et simplement adaptés a u x besoins d'aujourd'hui, on est arrivé à des réponses architecturales très différentes d a n s lesquelles finalement la symbolique a éclaté. Ne demeure, enfin le souci de symbolisme et d'image ne se retrouve plus aujourd'hui que dans le rapport entre la monumentalité du palais de justice et son environnement urbain, ça se retrouve dans la monumentalité de l'entrée, donc tout ce qui est interface entre la rue et la salle des pas perdus, ensuite tous les lieux publics du palais de justice, gardent une fonction forte et par conséquent ont une symbolique implicite, qui paraît relativement évidente, y compris la salle d e s pas perdus qui est un non lieu mais dans lequel finalement se cristallisent finalement beaucoup d'enjeux et beaucoup de fonctions. Et puis enfin, on dit la salle d'audience, c'est la mise en scène du fonctionnement actuel de la justice et par conséquent, ça se traduit par telle et telle indication, mais plus du tout par ce que j'appellerai une symbolique fondée sur des allégories ou sur des images. En tout cas, tout ce qui est iconographie, sculpture et même décoration n'est plus explicite.

Il s’en suit naturellement que c’est à l’architecte, à travers son projet, d’inventer la symbolique des nouveaux palais de justice. « C'est un truc dont on parlera dans vingt ans mais pas, pas maintenant. La symbolique du vingtième siècle on la définira a posteriori, en analysant les projets qui ont été commis depuis, depuis disons les années soixante. » Ainsi résume R. Eladari :

Donc, on a renvoyé en fait au projet architectural le soin de reconstituer à partir du programme ce besoin de symbolique pour les lieux que sont, le monument dans son ensemble, le traitement de son entrée et de son rapport avec la ville, le traitement de l a salle d'audience et le traitement de la salle des pas perdus. Tout le reste est totalement libre, banalisé en quelque sorte, puisque le reste c'est le back office, c'est l e fonctionnement de bureaux.

Incidemment, il apparaît qu’aux yeux du maître d’ouvrage, l’expression symbolique de la justice se réduit aux parties publiques du palais de justice (salle des pas perdus, salles d’audience, façades), le reste relevant du « back office ».