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3. Qualités exprimées

3.2.1.3 Le conducteur d’opération

3.2.1.3.2 Ambiances des salles d’audience

La fermeture complète des salles d’audience est un élément fondamental du projet : « rajouter des ouvertures vers l’extérieur, c’était vraiment défigurer le projet » explique le conducteur d’opération. Cependant, cette fermeture et le caractère uniforme des parois semble avoir fait l’objet de débats dans les premiers mois de la réception :

(…) effectivement Nouvel … quand il est … une de ses dernières visites [après la livraison, juin 2000], a trouvé que c’était un petit peu raide et que le fait d’avoir ces panneaux complètement pleins … pouvait être un peu fatiguant et donc il avait proposé de coller sur les murs des éléments en toile sérigraphiée qui pourraient représenter par exemple le quai de la Fosse … Mais … d’abord, techniquement, on savait pas très bien comment l e faire, il nous avait montré des échantillons, mais on avait quand même des doutes quant à la tenue dans le temps de ce genre de matériau, et puis ça faisait un surcoût p a s négligeable … Et puis y avait aussi des problèmes de sécurité qui auraient pu se poser par rapport à la … compatibilité puis qu’on est dans un établissement recevant du public où les parois doivent avoir un certain classement au feu.

La couleur rouge des salles a également été l’objet de discussions entre le maître d’ouvrage et l’architecte, le premier s’en remettant finalement « à la sagesse de l’architecte » :

Il y a eu une modification importante en cours de chantier sur la teinte du sol, comme sur la teinte des parois. En fait euh, à l’origine, c’était prévu dans le marché, l’architecte avait prévu du vengué, en sol. Le vengué qui est un bois gris, voire noir, et il était donc prévu à l’origine que ça se retourne sur les murs. Le rouge est venu euh, relativement

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tard, en début de chantier, quand l’architecte a proposé de remplacer le vengué par d u padouk. Parce qu’il fallait qu’il y ait un bon mariage entre le sol et les parois. Euh … l e matériau lui-même sans parler de la couleur, était connu au moment de l’appel d’offre. Donc on savait que c’était du padouk, du médium perforé, enfin, une partie perforée et une partie lisse (…). Mais donc … il y a eu un débat long quand même entre la maîtrise d’ouvrage et l’architecte sur la couleur. Le rouge n’a pas convaincu tout de suite. Mais bon, il [le maître d’ouvrage] s’en est remis un petit peu à la sagesse de l’architecte.

Le calepinage alternant les panneaux lisses et perforés a été préconisé par l’acousticien, « de façon à ce que l’acoustique à l’intérieur de la salle soit correcte ». Le maître d’ouvrage délégué précise que « honnêtement le résultat est bon ». De manière anecdotique, il relate les réactions de l’architecte constatant que le bois n’est pas teinté dans la masse : Nouvel « ne supportait pas les petits trous en bordure, avec la bordure blanche » (Figure 35).

Figure 35. Panneaux perforés des salles d’audience

L’éclairage des salles est un autre point faisant débat. Le maître d’ouvrage délégué commente le principe des prises de jour zénithales :

Il y a effectivement neuf verrières qui sont sensées rajouter un petit peu d’éclairement dans les locaux en dessous. Euh … faut reconnaître que c’est un petit peu trop petit, pour être effectivement efficace en matière d’apport lumineux. (…) on ne pourrait p a s travailler dans une salle d’audience si il n’y avait pas la lumière artificielle.

Ce principe a-t-il évolué dans les phases d’étude et de chantier ?

Non, le dessin n’a pas changé, je pense qu’au niveau du rendu du concours, y avait s a n s doute un caractère un peu exagéré, de … l’aura qui descendait sur les tables de justice. De toute façon, pour avoir l’effet qui était représenté au niveau des images de concours, il aurait fallu avoir des baies gigantesques, qui auraient été aussi beaucoup … q u i auraient aussi pu être très inconfortables.

(…) Là on est dans une salle d’audience, enfin on a trois salles d’audience qui sont percées avec ce puits de lumière et cet éclairage zénithal. Et c’est vrai que là on prend conscience que euh … l’image donnée au niveau du concours était quand même très embellie par rapport à la réalité.

L’image de concours est ainsi jugée exagérée, embellie et ambiguë, dans la mesure où l’effet recherché aurait été, s’il avait été réalisé, source de gênes visuelles, lumineuses et thermiques importantes.

L’éclairage des salles d’audience est donc finalement principalement artificiel, par l e biais de caissons lumineux installés à côté de la prise de jour zénithale (Figure 36). U n système de régulation permet de faire varier l’intensité lumineuse (les commandes sont disposées dans le pupitre du Président).

Figure 36. Prise de jour zénithale et caisson lumineux dans une salle d’audience

Le plafond des salles d’audience laisse voir distinctement les deux entrées lumineuses :

Les boîtes [salles d’audience] ont un toit intermédiaire. Donc y a un espace qui doit faire deux mètres, deux mètres cinquante, entre le toit de la boîte et le dessous, la dalle d e l’étage supérieur. Et donc on a ici un … une verrière qui permet de capter une partie de l a lumière qui vient de la verrière. Donc c’est pour ça que on a ces deux trous différents.

Ce dispositif (cf. Figure 37) et notamment les dimensions de la trémie pour l’éclairage zénithal n’ont pas été modifiés en cours de chantier. Par contre, un élément important a été supprimé par l’architecte en fin de chantier : c’est le verre dépoli en sous-face de l a trémie, recouvrant les parties naturelles et artificielles de l’éclairage:

Il y a eu une modification très importante, j’ai oublié de vous dire, c'est que à l’origine, Nouvel avait prévu dans les marchés d’avoir une sorte de caisson lumineux. C’est-à-dire que on avait du verre translucide qu’était dessous, qui cachait l’ensemble, et quand il … qui cachait y compris le puits de lumière, et quand il a vu la réalisation du premier pavé, enfin du premier caisson, ça devait être ici d’ailleurs, et l’effet que donnaient ces pavés de … enfin ces verres dépolis, il est devenu vert [rires] et il a dit c’est pas du tout c e que j’envisageais, et il a proposé au maître d’ouvrage, qui l’a accepté, de tous l e s supprimer. Donc c’est quand même une modification importante, parce que on aurait pas du tout eu le même aspect avec euh … le plafond … (…) Disons qu’on aurait eu e n rouge comme c’est là, mais on aurait eu du verre dépoli autour, ici de l’ensemble luminaire et verrière comme euh … sur la verrière toute seule là-bas.

Ce témoignage faisant état du constat par l’architecte du décalage entre sa conception et la construction, rejoint celui par celui de l’un des responsables du chantier pour l a DGPPE cité plus haut.

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Figure 37. Au centre : rayon lumineux dans une salle d’audience. A gauche et à droite : sur le toit d’une salle d’audience, dispositif de capture de la lumière

zénithale des verrières

Ce problème d’éclairage a-t-il constitué le problème principal des salles d’audience ? D’autres aspects sont également évoqués par le maître d’ouvrage délégué, notamment les questions acoustiques et thermiques jugées « pas mal réglées ». Le soufflage de l’air en partie basse des fauteuils pose cependant un problème aux magistrates :

Vous avez des grilles perforées, et donc on a sous, sous, sous nos pieds donc un plénum qui permet de faire l’arrivée d’air. Mais bon, il est un petit peu moins bien réglé sous l e s salles, sous les tables de justice, dans la mesure où on a également une fente … (…) On a eu des plaintes par les femmes qui siègent … parce que c’est vrai que celles qui portent des robes ou des jupes … trouvent que ça peut être inconfortable.

Figure 38. Soufflage de l’air sous les sièges des salles d’audience

Outre les portes des salles d’audience extrêmement lourdes, l’inconfort des bancs d u public est également évoqué comme un « souci » apparu après coup : « c’est vrai que c’est un peu raide, et y a une assise qui est un petit peu courte » explique le maître d’ouvrage délégué. Ces bancs ont été dessinés par JND, une filiale de l’agence de Jean Nouvel chargée du design.

La salle des délibérés, attenante à la salle d’audience, est un espace aveugle, aux m u r s blancs et à la moquette rouge, avec un plafond de Batiline permettant entre autres d’« adoucir un petit peu » la lumière des néons (Figure 39). Le conducteur d’opération admet que la salle peut être inadaptée à son usage, mais il refuse de croire les

témoignages selon lesquels certains jurys se tiendraient en partie dans la cafétéria d u niveau haut : « un inconvénient qu’on avait repéré dès le départ, c’est effectivement son caractère aveugle. Mais c’est inhérent à la conception du bâtiment. (…) C’est vrai que … être huit heures dans une salle comme ça fermée, c’est pas particulièrement convivial ».

Figure 39. Salle des délibérés