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3. Qualités exprimées

3.3.2 Discours a posteriori de R Rogers

3.3.2.2 Brief

Les planches intitulées B r i e f (résumé) montrent un plan accompagné d’une description succincte du programme (Figure 51). Le plan, établi au niveau du plancher des salles d’audience, illustre l’organisation générale du bâtiment, la dialectique entre les salles d’audience et le bloc tertiaire, ainsi que les connexions entre eux à travers les passerelles. La Tour des Sorcières figure également sur le plan, venant situer (et peut- être légitimer) la forme et l’échelle des salles d’audience. La salle des pas perdus (sous les salles d’audience) ainsi que l’atrium central sont assez peu lisibles sur ce plan.

Figure 51. Planches Brief

Le texte précise les conditions de la commande : « le Ministère Français de la Justice demandait un bâtiment de 25 000 m2 qui pourrait suggérer, à travers son expression de

transparence et d’ouverture, une perception positive de l’accessibilité du système judiciaire français. » On le voit, l’expression de transparence et d’ouverture est i c i interprétée de manière littérale et directement associée à la commande initiale d u maître d’ouvrage.

3.3.2.3

Site

La planche intitulée site montre une photographie où la Tour des Sorcières, en premier plan, masque en partie la façade Est du palais, laissant voir la coque de la salle d’audience à l’angle Nord-Est, et les « chapeaux » des coques de trois autres salles d’audience émergeant de la toiture (Figure 52). L’image suggère que, par leur forme et leur composition, notamment leur toitures émergentes, les salles d’audience d u nouveau palais répondent à la Tour des Sorcières conservée sur le site. La suggestion est accentuée par la hauteur de la prise de vue (probablement depuis un appartement de la rue du Maréchal Joffre). Le texte précise la complexité du contexte urbain : Fort d u Ha et fortifications médiévales, palais de justice néo-classique adjacent, cathédrale …

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3.3.2.4

Design

L’entrée Design se décompose en quatre planches (Figure 53). La photographie présente la façade Nord du bâtiment, montrant les deux travées principales de la structure métallique, posée chacune sur un soubassement, séparées par l’espace central de l’atrium, et couvertes par une même toiture suspendue. La travée Est reçoit les salles d’audience aux formes caractéristiques (c’est la salle détachée de l’angle Nord-Est qui apparaît une nouvelle fois sur cette façade), et la travée Ouest est occupée par le bloc tertiaire. Les bureaux n’ont pas de stores ; ils sont vides et inoccupés.

On pourra remarquer que la façade photographiée est éclairée par un soleil rasant venant du Nord-Est (voir l’ombre de la toiture sur la coque de la salle d’audience, l’ombre du poteau métallique sur cette même coque, les façades Est du Cours d’Albret qui sont encore dans l’ombre). Il s’agit donc d’une prise de vue réalisée de très bon matin en été, c’est-à-dire dans une situation correspondant assez mal à la perception journalière ordinaire du palais.

Figure 53. Planches Design

Le texte met en avant les grandes lignes du projet : la silhouette et les matériaux répondent à l’environnement urbain immédiat, l’accès du public se fait par un grand emmarchement au dessus d’un bassin d’eau, conduisant à l’étage noble (« piano nobile ») de la salle des pas perdus, décrit comme un grand déambulatoire vitré donnant accès aux salles d’audience. Celles-ci sont présentées comme effilées en coupe et rondes en plan, leur forme faisant écho à la masse des tours médiévales proches. Posées sur pilotis, elles sont derrière un rideau de verre presque invisible, sous u n e toiture en cuivre légère et ondoyante. Il est précisé que le profil conique des salles d’audience traverse la ligne de toit, avec des percées dans les coupes, essentielles pour la ventilation naturelle de chaque salle.

Le texte décrit ensuite l’organisation générale du bâtiment : un atrium sépare l’espace public de l’aile qui accueille les bureaux des magistrats et de leur équipe (« their support staff »). L’atrium serait la frontière visuelle entre servis et servants (« served and servers »). Les magistrats accèdent aux salles par des passerelles ouvertes traversant l’atrium depuis leurs bureaux, tandis que le public utilise la galerie a u devant de la salle des pas perdus. Il est précisé que la lisibilité des circulations verticales est une expression directe des différents processus judiciaires accueillis dans le bâtiment.

Enfin, le texte situe le palais de justice de Bordeaux dans la production de l’architecte. La conception des salles d’audience, décrites comme une séquence de structures indépendantes installées dans une enveloppe légère et transparente, est une variation sur la dialectique cadre-objet (« frame-object theme ») qui a nourri plusieurs projets récents de l’agence, un thème poursuivi dans la conception de la nouvelle Assemblée Nationale du Pays de Galles à Cardiff (projet controversé qui a occasionné de nombreuses péripéties liées au dépassement des coûts de construction, voir Figure 54). Le texte précise enfin qu’avec son utilisation expressive des formes et matériaux naturels, le projet de Bordeaux représente une nouvelle direction pour la pratique de l’agence.

Figure 54. Nouvelle Assemblée Nationale du Pays de Galles à Cardiff. Image de synthèse du projet de R. Rogers, 2003 (68)

3.3.2.5

Construction

La photographie introduisant cette partie est très spectaculaire : le squelette du palais de justice en cours de construction apparaît à nu, avec les coques en bois des salles d’audience d’un côté, les planchers des bureaux et la structure métallique de l a charpente de l’autre (Figure 55). C’est le bâtiment sans ses différentes enveloppes qui est montré.

Le texte explique que le bâtiment est un assemblage d’éléments distincts : « les façons dont le palais de justice fonctionnent comme institution sont rendues visibles et, e n accord avec cette philosophie, les méthodes de construction sont également clairement exprimées ». Les différentes composantes du bâtiment sont explicitées. Ainsi, les aménagements de l’atrium « permettent à la lumière naturelle de pénétrer profondément dans le bâtiment ». Les prouesses technologiques sont évoquées, comme le calcul du calepinage intérieur des salles d’audience : « les développements récents en commande numérique ont été essentiel pour la production des courbes complexes et des perforations acoustiques du revêtement intérieur de panneaux d’érable ».

68. Image extraite du site du Guardian :

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Remarquons que le texte mentionne un élément prévu au projet mais abandonné dans la construction : le bassin entre le rempart fermant l’Ecole de la Magistrature et la r u e des Frères Bonie.

Figure 55. Planches Construction

3.3.2.6

Environnement

Le thème environnement est introduit par une image étonnante, montrant l’intérieur d’une salle d’audience, dans laquelle la tache solaire projetée par l’ouverture zénithale des coques sur les parois courbes, vient se positionner quasiment dans l’axe de la salle, suffisamment bas pour frôler les têtes du public (absent). La tache dessine comme u n e forme de visage doux et bienveillant, regardant frontalement les juges en embrassant les bancs du publics. Il y a dans cette image une force symbolique indéniable.

L’effet de cette image doit beaucoup à la position de la tache solaire, dans l’axe ou presque de la salle et suffisamment basse pour frôler les têtes. Une telle position n’est possible que pour un azimut quasiment Ouest du soleil, et une hauteur d’au moins 45° degrés, c’est-à-dire pour les périodes entre 15 et 16 heures solaires pendant les mois de mai à juillet. On remarque que la pendule visible sur la photographie indique u n e heure comprise entre 16 et 17 heures (heure légale), qui confirme notre analyse. Pour les autres périodes, la tache solaire éventuelle est plus latérale et plus haute dans l a salle.

Figure 56. Planches Environnement

Le texte de cette section concernant les « problématiques environnementales » (environmental issues) du bâtiment introduit d’emblée la préoccupation énergétique :

Le souci d’une conception énergétiquement efficace a marqué toutes les décisions c l é s du projet. L’orientation du bâtiment sur le site protège les espaces vitrés vulnérables d e s expositions solaires indésirables tout en maximisant l’usage de la lumière naturelle. Les plateaux de bureaux qui courent le long du Cours d’Albret filtrent également le bruit d e cette voie publique très passante.

L’atrium qui contient la salle des pas perdus fonctionne comme un tampon par rapport au bruit et à l’air de mauvaise qualité provenant de l’environnement urbain immédiat. Ce réservoir stable d’air propre et tempéré est alimenté via une chute d’eau spécialement conçue pour le rafraîchir et l’humidifier. Le bassin agit comme une source chaude, l’air passant à travers un échangeur de chaleur. Le cycle est refermé par le fait que l’air fourni par l’atrium est injecté dans les plateaux de bureaux à travers l e s nervures creuses de la structure de planchers, faisant un usage maximal de la capacité thermique du béton et permettant le rafraîchissement nocturne en été.

La forme des salles d’audience favorise la ventilation naturelle de ces e s p a c e s centripètes et protégés. De l’air à faible vitesse introduit à la base du volume et bénéficiant de l’effet d’inertie, est évacué à travers les ouvertures sous le vent au sommet des salles d’audience, qui émerge de la toiture. Une grande prise de jour zénithale oculaire offre à l’espace un éclairage naturel contrôlé. Différentes perforations permettant l’absorption et la réflexion acoustique sont accordées pour assurer la clarté de la parole.

Cette description aborde tous les thèmes environnementaux (thermique, ventilation, éclairage, acoustique) et fait un usage abondant de termes techniques et d’expressions

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convenues dans la communauté d’architecture bioclimatique (energy-efficient design, maximizing the use of daylight, summer night-time cooling, stack-effect, etc.). Remarquons à nouveau que la description du système de climatisation naturelle met en jeu le bassin d’eau qui n’a finalement pas été construit, le long du rempart.

3.3.2.7

Credits

Cette partie du site donne les informations attendues et montre une image séduisante des maquettes des coques des salles d’audience posées sur une nappe, entre verres et soucoupes (Figure 57).

Figure 57. Planches Credits