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La poursuite pénale met la personne poursuivie dans une situation critique puisqu’il risque d’être privé en cas de détention provisoire de sa liberté dès le déclenchement de

l’enquête, et probablement tout au long du déroulement de la poursuite686. Les systèmes

pénaux franco-libanais ont recours à cette mesure avant que le jugement d’une personne

supçonnée d’avoir commis une infraction soit définitif687.

Le fondement de la privation de la liberté, dans un délai688 et pour des motifs graves689

légitimement déterminé, est traditionnellement justifié par la nécessité de préserver la société contre des actes qu’aurait commis le suspect en liberté. Cette mesure est possible s’il existe un risque envisageable contre la sociéte. Ce risque peut-être le renouvellement de l’infraction,

686 V. supra p. 142-144.

687 Le législateur a investi la pouvoir de détention provisoirement la personne objet d’une poursuite pénale au juge des libertés et de la détention (JLD) en France (Art. 145 al. 1 du C.P.P français) et au juge d’instruction au Liban (Art. 107 al. 3 du C.P.P libanais op. cit.).

688 Le délai de la détention provisoire ne peux être, en principe et dans les cas normales, supérieur à douze mois après la prolongontion légale au Liban (Art. 108 al. 2 du C.P.P libanais « à l’exception des crimes d’homicide et de ceux liés aux stupéfiants et aux atteintes à la sûreté de l’Etat, des crimes présentant un grave danger, des crimes de terrorisme et des cas où l’intéressé a déjà fait l’objet d’une peine criminelle, la détention provisoire ne peut dépasser six mois en matière criminelle, renouvelables une seule fois par ordonnance motivée ») et douze mois au principe en France avec une possibilité des prolongations légale pour une durée raisonnable (Art. 145-1 et 145-2 du C.P.P français).

689 Le législateur à nomer les motifs de la détention provisoire par l’Art. 144 du C.P.P en France « la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s’il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs suivants et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence avec surveillance électronique : 1° Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ; 2° Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ; 3° Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ; 4° Protéger la personne mise en examen ; 5° Garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ; 6° Mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ; 7° Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé. Ce trouble ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l’affaire. Toutefois, le présent alinéa n’est pas applicable en matière correctionnelle » et l’Art. 107 al. 4 du C.P.P libanais « le juge d’instruction doit (…) démontrer les motifs factuels et matériels, de la détention provisoire devant constituer la seule mesure à même de sauvegarder les preuves à charge ou les traces matérielles de l’infraction, d’empêcher que les témoins ou les victimes ne fassent l’objet de pressions, ou d’empêcher le défendeur de prendre contact avec ses co-auteurs ou avec ses complices ou ses instigateurs, ou devant tendre à la protection du défendeur, à la cessation des effets de l’infraction, à la prévention de nouvelles infractions ou de la fuite du défendeur ou à la protection de l’ordre public contre toute atteinte pouvant résulter de l’infraction ». Certes, tous ces motifs sont basés sur indices et motifs grave.

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la commission d’actes qui entravent à la justice et la fuite. Cette mesure peut servir de moyen utile garantissant l’efficacité des instructions parce qu’elle empêche le suspect de faire disparaître les traces de l’infraction, de suborner les témoins et de se concerter avec ses complices.

Pour des raisons analogues et afin de protéger le service public, l’autorité disciplinaire compétente en France comme au Liban dispose d’une prérogative semblable à la détention provisoire qui se manifeste par la mesure de la suspension disciplinaire provisoire. Il convient donc d’analyser le caractère et la gravité de la faute conduisant à la suspension (§1) et par la suite de déterminer son délai et ses conséquences sur le fonctionnaire suspendu (§2).

§1. Le caractère de la suspension et de la faute conduisant à la suspension

Les termes « suspension disciplinaire provisoire » reflète le caractère de la mesure : suspension préventive ou mesure d’empêchement (A). En effet, elle ne peut être prononcée qu’à l’encontre des fonctionnaires à l’égard desquelles il existe des indices sérieux ou concordants laissant supposer qu’ils ont commis une faute d’une certaine gravité (B).

A. Le caractère de la suspension

La suspension est une mesure provisoire qui n’est pas de caractère disciplinaire mais

de caractère urgent et conservatoire690. Il s’agit d’écarter un fonctionnaire qui fait l’objet d’une

poursuite disciplinaire ou pénale de l’exercice de ses fonctions d’une manière provisoire691.

Elle est destinée à preserver l’intérêt du service en garantissant son bon fonctionnement. Puisque la suspension n’a pas un caractère disciplinaire et est décidée en cas d’urgence,

elle est prononcée sans formalités. En d’autres termes, elle n’a pas à être motivée692 et il n’est

690 CH. Hellen, « La suspension dans la fonction publique », RDP 1980, p. 417.

691 C.E., 13 juillet 1966, « Fédér. de l’éducation nationale et synd. Génér. de l’éducation nationale (CFTC) », Rec., p. 497, AJDA 1967, p. 51, Concl. Rigaud ; C.E., 7 novembre 1986, « Edwige », Rec., p. 592 ; C.E.L, 1 octobre 1965, « Salam », Rec., p. 240 ; C.E.L, 6 janvier 1994, « Al-Ghonayyebe », RJA 1995, p. 220 ; C.E.L, 22 avril 1997, « Ibrahim El Khoury », RJA 1998, p. 437.

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pas nécessaire de la faire précéder de la communication du dossier693 ou d’autres formalités

liés aux droits de la défense694. La suspension a pour finalité principal la protection du service.

Il s’agit d’une part, de restaurer un climat de sérénité au sein de ce dit service, dans l’intérêt

même du fonctionnaire poursuivi. Et d’autre part, « d’éviter le scandale ou la gêne que peut

causer la présence effective dans un emploi public d’un fonctionnaire soupçonné d’une faute grave »695.

La jurisprudence affirme que le fonctionnaire suspendu est écarté provisoirement de ses fonctions. Toutefois, le lien qui l’unit au régime statutaire n’est pas rompu. Le fonctionnaire suspendu est toujours considéré comme étant en activité. Autrement dit, il est toujours soumis aux obligations professionnelles comme par exemple celle consistant à ne pas

exercer des activités qui contredisent la mission du corps auquel il appartient696. En ce sens,

le Conseil d’Etat précise qu’au regard du caractère provisoire de la suspension, l’emploi occupé par l’intéressé ne peut être vacant. L’Administration ne peut pas attribuer cet emploi à un autre fonctionnaire du fait qu’il n’existe pas de vacance d’emploi dans les fonctions occupées en cas de suspension. De telle sorte qu’en cas de délégation, la mesure serait entachée

d’un excès de pouvoirs. Le Conseil d’Etat a considéré que « (…) compte tenu de la nature

essentiellement provisoire d’une mesure de suspension, celle-ci ne peut avoir pour effet de rendre vacant l’emploi occupé par le fonctionnaire qui est frappé (…) »697. Afin de pallier à cette absence, l’Administration peut nommer un agent non titulaire pour occuper

temporairement le poste698.

693 C.E., 6 novembre 1946, « Dumeseil », Rec., p. 256.

694 C.E., 23 janvier 1953, « Sieur Chong-Wa », Rec., p. 34 ; C.E., 1 décembre 1967, « Sieur Bô », Rec., p. 458 ; C.E., 22 septembre 1993, « Sergène », Rec., p. 851.

695 Concl. Rigaud sur C.E., Ass., 13 juillet 1966, « Féd. de l’Educ. Nat. », Rec., p. 497, AJDA 1967.

696 C.E., Ass., 16 novembre 1959, « Renaudot », Rec., p. 434.

697 C.E., 8 avril 1994, « Gabolde », Rec., p. 185, RFDA 1994, p. 477.

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B. La gravité d’une faute conduisant à la suspension

En France comme au Liban, le législateur à engager l’autorité hiérarchique à suspendre tout fonctionnaire poursuivi.

En particulier, le statut général de la fonction publique en France a confié à l’autorité

hiérarchique le pouvoir de suspendre un fonctionnaire poursuivi, en disposant qu’« en cas de

faute grave commise par un fonctionnaire, (…) l’auteur de cette faute peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire »699. Le Conseil d’Etat a mis en œuvre cette disposition de manière stricte tout en considérant que la suspension d’un fonctionnaire est une mesure

traditionnelle que peut prendre l’autorité hiérarchique. Il a ainsi considéré qu’« il appartient à

l’autorité qualifiée, lorsqu’elle estime que l’intérêt du service l’exige, d’écarter provisoirement de l’exercice de son emploi (…) »700.

De même, le statut général de la fonction publique au Liban a consacré à l’autorité

hiérarchique le droit de suspendre un fonctionnaire en disposant que « le fonctionnaire est

déféré à la Commission supérieure de discipline selon un décret ou une décision de l’autorité qui a le droit de nomination ou selon une décision prise par le Comité de l’Inspection centrale. Or, le décret ou la décision de convocation à la Commission supérieure de discipline peut suspendre provisoirement le fonctionnaire de l’exercice de ses fonctions »701. Ainsi, il ressort

du décret-loi portant création de l’Inspection centrale au Liban que « l’inspecteur général et

les inspecteurs (…) doivent prendre toutes les mesures nécessaires qu’exige la sécurité de l’enquête y compris la suspension provisoire des fonctionnaires sur lesquelles l’inspection est déclenchée. Toutefois, cette dernière mesure doit être notifiée au ministre concerné durant vingt-quatre heures pour prendre une décision finale et également au directeur de l’Inspection centrale pour en prendre connaissance »702.

Le législateur libanais a ainsi consacré à l’autorité hiérarchique la prérogative de suspendre provisoirement un fonctionnaire, même dans l’hypothèse où les inspecteurs font

699 Art. 30 al. 1 de la loi n° 83-634 du juillet 1983.

700 C.E., 19 octobre 1938, « Cne de Blida », Rec., p. 774.

701 Art. 58 al. 1 et 2 du statut général des fonctionnaires libanais.

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suspendre provisoirement le fonctionnaire, objet de l’inspection. En effet, l’inspecteur doit,

conformément au texte relatif et à la jurisprudence703 libanaise, informer le ministre concerné

à propos de la suspension dans un délai maximal de vingt-quatre heures afin qu’il prenne une décision finale puisque ce dernier est le supérieur hiérarchique dans son Administration. En France, le Conseil d’Etat affirme qu’en cas de délégation du pouvoir disciplinaire, le pouvoir de prononcer la suspension est aussi transféré704. Or, au Liban, la situation est tout à fait différente parce que le droit libanais ne dispose pas d’un texte qui autorise manifestement la délégation du pouvoir disciplinaire comme ce qui a pu être affirmé par le Conseil d’Etat libanais705.

Néanmoins, la jurisprudence affirme que l’autorité hiérarchique ne peut prononcer la décision de suspension que s’il existe une faute grave sans quoi la décision serait entachée

d’erreur et par la suite serait annulée706. De telle sorte que la faute doit être non seulement

grave mais aussi présumée imputable au fonctionnaire pour que la décision de suspension soit légale. C’est pourquoi, la décision ne peut se fonder sur un seul indice car elle peut être viciée par le juge de l’excès de pouvoir et ensuite annulée puisque les faits en cause ne sont pas assez

graves et suffisants pour qu’elle soit justifiée707. Pourtant, si une présomption sérieuse de faute

grave est établie, le juge administratif peut confirmer la légalité de la décision de suspension. La présomption sérieuse est acceptable quand les faits qui la justifient ont un caractère de

vraisemblance et qu’ils sont soutenus par certaines pièces du dossier708. Ceci a été confirmé

par le Conseil d’Etat, en considérant que « les faits invoqués à l’appui de la suspension doivent

avoir un caractère de vraisemblance suffisant »709.

En résumé, l’autorité hiérarchique ne peut pas prendre une décision de suspension à l’encontre d’un fonctionnaire dont la faute commise ne serait pas grave. En cas contraire, elle

703 C.E.L, 22 avril 1997, « Ibrahim El Khoury », RJA 1998, p. 437.

704 C.E., 22 novembre 2004, « Ministre de l’Education nationale », req. n° 244515, Rec., Tables ; cah. fonct. pub. 2005, n° 241, p. 32, Concl. I. de Silva.

705 C.E.L, 21 juin 1978, « Gadban », op.cit. ; C.E.L, novembre, 1969, « Gestion de la construction », Rec., p. 56 ; C.E.L, janvier 1994, « El Mor », req. n° 8, Rec. 1995, p. 224.

706 C.E., 24 juin 1977, « Dame Deleuse », Rec., p. 294 ; C.E., 29 janvier 1988, « Moine », Rec., Tables p. 867 ; C.E.L, 3 février 1971, « S.A. », Rec., p. 111 ; C.E.L, 10 mai 1972, « Al-Jannah », Rec., p. 214.

707 C.E., Sect., 24 juin 1977, « Dame Delense », Rec., p. 294.

708 C.A.A de Lyon, 26 juin 2000, « Mlle X. », req. n° 97LY02382.

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serait annulée et pourrait exposer le fonctionnaire inculpé à un préjudice moral ou matériel710.

C’est pourquoi chaque suspension prononcée sans l’existence d’une faute grave est considérée

comme étant une illégalité donnant lieu à une prérogative d’indemnisation711.

§2. Le délai et la conséquence de la suspension

Le fonctionnaire poursuivi peut être suspendu par l’autorité hiérarchique. Si la décision de suspension est prise en l’absence d’un texte qui la réglemente ou détermine sa durée, elle se fait alors sous l’appréciation de l’autorité compétente qui a pris cette décision et sous le contrôle du juge administratif qui condamne tout abus portant atteinte à l’utilisation de ce pouvoir. Cependant, la jurisprudence affirme que s’il existe des textes qui réglementent la durée de la suspension, ils doivent être appliqués tout en expliquant leur nécessité afin d’assurer l’intérêt public et l’intérêt de la fonction publique elle-même. Cela, sans jamais négliger les droits légitimes du fonctionnaire suspendu qui sont consacrés par des textes

législatifs et doivent être mis en œuvre712.

Ainsi, via le statut général, le législateur français retient que la « situation (du

fonctionnaire suspendu) doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l’expiration d’un délai de quatre mois, aucune décision n’a été prise par l’autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l’objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions »713.

Il ressort de ce texte que la suspension est, en principe, prononcée en France pour une durée maximale de quatre mois, après quoi le fonctionnaire, qui ne fait pas l’objet d’une poursuite pénale, reprend automatiquement ses fonctions. Or, la faculté de prononcer une telle

sanction n’est pas pour autant exclue714. Dans un arrêt du Conseil d’Etat, il ressort que

l’expiration du délai de quatre mois et le retour du fonctionnaire à ses fonctions n’a pas pour effet d’effacer l’illégalité de la décision de suspension si elle est viciée si bien que le

710 C.E., 26 juin 1954, « Reinhart », Rec., p. 397 ; C.E.L, 7 mai 1968, « Chouhayeb », Rec., p. 140; C.E.L, 10 mai 1972, « Al-Jarah », Rec., p. 214.

711 CAA de Paris, 17 octobre 2006, « M.X. », req. n° 03PA04251.

712 C.E., 26 juin 1959, « Reinhart », Rec., p. 397.

713 Art. 30 al. 2 et 3 du statut général des fonctionnaires en France.

714 C.E., 10 juin 1964, « Brugère », Dr.adm. 1964, n° 363 ; RDP 1964, p. 1242 ; C.E., 12 février 1988, « Mme Alezra », D. 1988, SC, 269 Obs. F. Florens.

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fonctionnaire a toujours le droit de recourir contre cette décision durant le délai légal

déterminé715.

Dans l’hypothèse où le fonctionnaire suspendu fait objet d’une poursuite pénale, il est

rétabli dans ses fonctions « à l’expiration du même délai (quatre mois) » si « les mesures

décidées par l’autorité judiciaire ou l’intérêt du service n’y font pas obstacle »716. Lorsque les mesures décidées par l’autorité judiciaire font obstacle à l’intérêt du service, le fonctionnaire, objet d’une poursuite pénale, n’est pas rétabli dans ses fonctions. Il ne reste pas suspendu et ne reste donc pas sans emploi. Suite à la modification de l’article 30 du statut général par

l’article 26 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016717, le législateur français dipose que « sur

décision motivée (…) il peut être affecté provisoirement par l’autorité investie du pouvoir de nomination, sous réserve de l’intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est, le cas échéant, soumis » et qu’« à défaut, il peut être détaché d’office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d’emplois pour occuper un emploi compatible avec de telles obligations. (…) L’affectation provisoire ou le détachement provisoire prend fin lorsque la situation du fonctionnaire est définitivement réglée par l’administration ou lorsque l’évolution des poursuites pénales rend impossible sa prolongation ».

En l’absence de définition textuelle de la notion de « poursuite pénale », la

jurisprudence l’a considérée comme étant la mise en œuvre de l’action publique soit à l’initiative du procureur de la République, soit à l’initiative de la partie lésée718. L’action publique à l’initiative d’une partie lésée est directement mise en mouvement suite au dépôt

d’une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction719. En revanche, le

dépôt d’une simple plainte ou bien la décision d’ouverture d’une enquête préliminaire n’est

715 C.E., 31 mai 1989, « Tronchet », DR. adm. 1989, n° 339.

716 Art. 30 al. 3 du statut général des fonctionnaires en France.

717 Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

718 C.E., Sect., 19 octobre 1993, « Védrenne », Rec., p. 323, req. n° 74235.

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pas suffisante pour la mise en mouvement de l’action publique puisqu’il s’agit de mesures

d’information720.

Il ressort donc que le législateur français ait traité explicitement la notion de durée de suspension, à l’inverse du législateur libanais. Ce dernier a affirmé dans le statut général que

« le fonctionnaire reste suspendu jusqu’à ce que la Commission supérieure de discipline tranche sa situation ou jusqu’à ce que l’autorité qui l’a renvoyé en discipline retire sa décision de saisine »721.

Dans cette mesure, il convient de s’interroger sur la situation pécuniaire du fonctionnaire suspendu, en France ainsi qu’au Liban, durant la phase de suspension.

En France, le statut général dispose que durant la période de quatre mois initial de

suspension et à l’exception à la règle du service fait que « le fonctionnaire suspendu conserve

son traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires »722. De plus, « le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n’est pas rétabli dans ses fonctions, affecté provisoirement ou détaché provisoirement dans un autre emploi peut subir une retenue, qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée au deuxième alinéa (de cet article). Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille »723. A ce stade de la réfléxion, le Conseil d’Etat en France consacre les principes suivants.

En premier lieu, en cas de poursuite disciplinaire ou pénale imposée à l’encontre d’un

fonctionnaire, ce dernier peut continuer à tomber sous le coup de la suspension724. En fait,

lorsque le fonctionnaire tombe sous le coup d’une détention provisoire prononcée pénalement, l’autorité disciplinaire n’est pas forcée de prendre parallèlement une décision de suspension provisoire à l’encontre de ce dernier. En effet, elle dispose dans ce domaine d’une compétence discrétionnaire assez vaste. Or, la décision de la détention provisoire appliquée au

720 C.E., Sect., 19 novembre 1993, « Vedrenne », op. cit. (Suspension illégale au-delà de quatre mois d’un fonctionnaire qui fait l’objet d’une enquête préliminaire à la suite d’une simple plainte pour détournement de fonds publics).

721 Art. 58 al. 2 du statut général des fonctionnaires au Liban.

722 Art. 30 al. 2 du statut général des fonctionnaires en France.

723Ibid., Art. 30 al. 5.

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fonctionnaire ne dépend pas de la suspension disciplinaire. Rien n’empêche l’exécution des

deux décisions à la fois puisqu’il n’existe aucune incompatibilité entre les eux725. Cependant,

l’autorité se contente d’appliquer les textes et lois juridiques liés à ce sujet et à sa

rémunération726.

En deuxième lieu, après la période initiale de suspension, si aucune sanction disciplinaire ou pénale n’est prononcée contre le fonctionnaire suspendu, ce dernier peut revendiquer le paiement de la totalité ou de la moitié de sa rémunération correspondant à la

période de sa suspension727. Il continue en outre de jouir des droits de l’avancement d’échelon

et de grade parce que d’une part, il n’existe aucun texte législatif qui le prive explicitement de ce droit et d’autre part, le retard d’avancement d’échelon et de grade est considéré comme

étant une sanction disciplinaire par le droit français728.

Enfin, l’autorité disciplinaire ne se borne pas à un délai déterminé afin de prendre sa décision de suspension. D’ailleurs, la suspension peut être imposée des semaines ou même des