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Le régime de la poursuite pénale contemporaine connaît certains principes fondamentaux – notamment le principe de la légalité des délits et peines, de la mise en œuvre

d’un procès équitable et d’un tribunal répressif indépendant et impartial46 – qui visent, dans

leurs pluralités, à la protection de la personne poursuivie. La protection d’une personne poursuivie ne doit toutefois pas s’entendre comme étant réservée aux seules affaires pénales. En principe, il serait logique qu’elle concerne toute poursuite de nature repressive opposant de manière générale un individu à la puissance publique. C’est ainsi que Rousseau croyait bon de ne pas distinguer les poursuites pénales des autres catégories de poursuite repressive. Selon

lui en effet, il serait « ridicule de vouloir alors s’en rapporter à une expresse décision de la

volonté générale, qui ne peut être que la conclusion de l’une des parties et qui par conséquent n’est pour l’autre qu’une volonté étrangère, particulière, portée en cette occasion à l’injustice et sujette à l’erreur »47lorsque le « procès où les particuliers intéressés sont une des parties et le public l’autre ». Si cette thèse était appliquée en l’état actuel du droit, l’existence d’une autorité repressive indépendante et d’une procédure équitable seraient nécessaires pour poursuivre un fonctionnaire sur le terrain tant disciplinaire que pénal.

Ainsi, la nature repressive des poursuites disciplinaires et pénales suffit pour qu’une

entreprise de rapprochement puisse être entamée48. Il est sans doute plus cohérent de débuter

l’étude par l’analyse de la nature repressive unissant ces deux poursuites (§1) pour préciser ensuite les principes dont il est ici question (§2).

46 H. Remy, « Les principes généraux du Code pénal de 1791 », Thèse, Paris, 1910, pp. 16 et s. ; J.-M. V. Carbasse, « Le droit pénal dans la Déclation des Droits de l’Homme et des Citoyen », Droits, 1988, vol. 8, p. 123.

47 J.-J. Rousseau, « Du contrat social », Bordes, rééd. 1972, Livre II, chapitre IV.

48 C. Marty, « Répression pénale et répression disciplinaire des fautes commises par les fonctionnaires publics », Thèse, Paris, 1947 ; P. Ramon, « La procédure disciplinaire à l’aune de la procédure disciplinaire », Thèse, Montpellier, 2006 ; J. Ricol, « Les tendances du droit disciplinaire, droit disciplinaire et droit pénal », Thèse, Toulouse, 1908.

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§1. La nature repressive comme fondement du

rapprochement entre poursuite disciplinaire et pénale

Le droit pénal et le droit disciplinaire tendent vraiment à être confondus lorsque les auteurs classiques considèrent qu’il n’y a plus lieu de distinguer entre ces deux matières

juridiques49. Une antinomie, prônée par plusieurs auteurs, existe pourtant entre les notions de

droit pénal et de droit disciplinaire. À la fin du XIXème siècle, la doctrine débattait sur le point

de savoir si un rapprochement entre ces deux matières devait avoir lieu. Jèze, considère que le

droit disciplinaire est distinct du droit pénal et qu’on ne peut les rapprocher. Selon lui, « la

répression disciplinaire vise l’aménagement du service public. La répression pénale a essentiellement pour objet la punition personnelle de l’agent public délinquant au nom de l’idée de justice ; l’idée d’exemplarité est secondaire ; la répression pénale des agents publics n’a pas pour but l’amélioration du service public »50. Dans sa thèse concernant les principes généraux du droit disciplinaire, Nezard reconnaît que ces deux droits connaissent une certaine

parenté51, mais ne conclut pas à leur confusion du fait que le droit disciplinaire est indépendant

du droit pénal et possède un caractère spécial52. Selon cet auteur, des différences aussi

profondes et des oppositions aussi caractéristiques entre l’action disciplinaire et l’action

criminelle empêchent de conclure à une identité de nature53. Aussi, pour affirmer que ces deux

droits ne se confondent pas, M. Genevois, dans ses conclusions concernant l’arrêt Subrini, met

en lumière les particularismes du droit disciplinaire54.

Les auteurs qui soutiennent la thèse de l’antinomie considèrent que la différence essentielle tient à ce que le principe de la légalité des délits et des peines n’est pas observé en

matière disciplinaire55. Il est admis couramment que l’autorité qui exerce le pouvoir

49 Pour A. Legal et J. Brethe de la Gressaye, « le droit disciplinaire doit être considéré comme le droit pénal particulier des institutions ». cf. A. Legal et J. Brethe de la Gressaye, « Le pouvoir disciplinaire dans les institutions privées », Sirey, Paris, 1938, p. 114 ; Pour J. Mourgeon, « il n’y pas lieu de distinguer répression pénale et répression disciplinaire. La répression pénale n’est que la répression disciplinaire propre à l’institution primaire ». cf. J. Mourgeon, « La répression administrative », LGDJ, Paris, 1967, p. 56.

50 G. Jèze, « Les principes généraux du droit administratif », LGDJ, 3ème éd., Paris, 1926, p. 88.

51 H. Nézard, « Les principes généraux du droit disciplinaire », thèse, Paris, 1903, pp. 91-92.

52Ibid., pp. 97-100.

53Ibid., p. 97-112.

54 Concl. Genevois, sous C.E., 11 juillet 1984, « Subrini », D. 1985, p. 150.

55 J. Brethe de la Gressaye et A. Legal, V. « Discipline, Répertoire de droit criminel et de procédure pénale », Dalloz, 1953, p. 800.

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disciplinaire n’est pas liée par des incriminations légales ou réglementaires, elle peut retenir

et sanctionner tout acte qui lui paraît contraire au bien corporatif56. Elle a aussi le choix de la

sanction et, même lorsqu’une échelle des peines a été établie par un texte, elle peut infliger

celle qui lui paraît le mieux correspondre à la faute qui a été commise57. Sur ce point, les fautes

et les sanctions disciplinaires sont bien différentes des délits et des peines en droit pénal. Les fautes disciplinaires sont le plus souvent des actes de la vie privée, des faits contraires à l’honneur, des manquements aux devoirs professionnels, qui ne sont pas qualifiés par la loi

pénale58. Aussi, la différence tient à ce que la décision disciplinaire n’émane pas d’une

véritable juridiction et la procédure mise en œuvre est loin d’avoir tous les caractères d’une

véritable procédure contentieuse59. Enfin, l’action disciplinaire est indépendante de l’action

publique, un même fait peut donner lieu à une poursuite disciplinaire et pénale et la chose

jugée au criminel ne fait pas – à tous moment60 – autorité au disciplinaire61.

D’autres auteurs estiment que le droit pénal et le droit disciplinaire doivent être

assimilés. Ainsi L. Duguit associe complètement ces deux matières. « La répression

disciplinaire est une répression pénale au point de vue de son fondement en ce sens qu’elle s’explique par une même conception de l’Etat »62. Il considère de ce fait que la décision

disciplinaire est une décision administrative qui n’a pas été « juridictionnalisée ». Ces

groupements secondaires que constituent les institutions disciplinaires correspondent à la

structuration corporative de la société63. Pour cet auteur, la confusion de ces deux répressions

devrait même conduire à la disparition complète de la répression disciplinaire64. Ricol estime

que droit disciplinaire et droit pénal ne forment pas un droit unique, mais que le droit

disciplinaire tend à se rapprocher du droit pénal65. Ces deux droits sont fondés sur la même

56Idem. 57Idem. 58Ibid., p. 801. 59Idem. 60 V. infra p. 183-210.

61 J. Brethe de la Gressaye et A. Legal, V. « Discipline, Répertoire de droit criminel et de procédure pénale », op. cit., p. 801.

62 L. Duguit, « Traité de droit constitutionnel », tome III, éd. de Boccard, Paris, 1923, p. 253.

63 P. Papazian, « La séparation des pouvoirs civils et militaires en droit comparé », thèse, Paris II, p. 21.

64Ibid., p. 280.

65 J. Ricol, « Les tendances du droit disciplinaires, droit disciplinaire et droit pénal », Thèse, Toulouse, 1908, p. 12.

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conception de l’infraction, et sur la même conception de la peine66. Pour J. Brethe de la

Gressaye et A. Legal, « le droit disciplinaire n’est au fond que le droit pénal particulier des

institutions »67. Ils considèrent que le droit pénal est la sanction des devoirs envers la société, et le droit disciplinaire est le droit répressif spécial des institutions autonomes plus

restreintes68. J. Mourgeon relève, à son tour, l’idée de rapprochement, « la répression pénale

n’est que la répression disciplinaire propre à l’État ». J. Donnedieu de Vabres souligne aussi la similitude qui règne entre ces deux matières et s’interroge sur le point de savoir si ces

influences réciproques ne conduiraient pas à l’assimilation de ces deux branches du droit69.

Plus récemment, en qualifiant le droit disciplinaire d’« infra-pénalité », M. Delmas Marty a

souhaité mettre en lumière la parenté qui existe entre ces deux matières70. En retenant que le

droit disciplinaire est de même nature que le droit pénal, qu’il tend au même but, au moyen de sanctions répressives qui, comme celles du droit pénal, ont en vue la réprobation et

l’intimidation71, J. Brethe de la Gressaye et A. Legal ont su, en leur temps, rapprocher les deux

répressions en tenant pour acquis qu’il existe une différence de domaine d’application entre ces deux répressions expliquant les divergences que l’on ne peut manquer de relever entre

elles72. On comprend dès lors qu’au sein de cette étude, on puisse se ranger derrière la thèse

de l’analogie des deux répressions tout en reconnaissant qu’il existe quelques différences qui seront analysées.

J. Mourgeon, dans sa thèse consacrée à la répression administrative, étudie le

phénomène disciplinaire en l’assimilant au droit pénal73. Il considère que le fondement du

droit répressif repose sur la nécessité de maintenir l’ordre au sein des institutions primaires et secondaires. De ce fait, la répression administrative et la répression pénale destinées à

maintenir l’ordre dans ces institutions sont de même nature74. Pour cet auteur, la répression

66Idem.

67 A. Legal et J. Brethe de la Gressaye, « Le pouvoir disciplinaire dans les institutions privées », Sirey, Paris, 1938, p. 114.

68Idem.

69 J. Donnedieu de Vabres, note sous C.E., 8 mai 1942, « Andrade », S. 1943, III, p. 5.

70 M. Delmas-Marty, « Réflexion sur le pouvoir disciplinaire », RTDH, 1995, p. 155.

71 J. Brethe de la Gressaye et A. Legal, V. « Discipline, Répertoire de droit criminel et de procédure pénale », Dalloz, 1953, p. 801.

72Idem.

73 J. Mourgeon, « La répression administrative », Thèse, Paris, 1967.

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pénale est avant tout une répression disciplinaire. Il considère qu’il n’y a aucune distinction

entre la répression pénale et l’une quelconque des répressions disciplinaires 75 . Ce

rapprochement concernant la nature des deux matières a été soulevé aussi par S. Salon. Cet

auteur considère que « la répression disciplinaire et la répression pénale ont le même

fondement et, chacune dans une sphère différente, le même objet : assurer l’ordre au sein d’une collectivité instituée ; elles sont de même nature »76. Cette même nature répressive résulte de la nécessité de maintenir l’ordre au sein d’une collectivité. M. Waline écrivait, à

juste titre, que « le droit disciplinaire est de la même famille que le droit pénal, en ce sens que

l’un et l’autre ont pour fonction de faire respecter les normes d’un groupe social par des procédés de répression et d’intimidation tout à la fois »77. Cette assimilation va conduire nécessairement à rapprocher les fonctions de la poursuite pénale à celles de la poursuite disciplinaire. Les auteurs vont donc se prononcer concrètement sur l’assimilation des

fonctions de la poursuite pénale et de la poursuite disciplinaire78. La répression disciplinaire

est, comme la répression pénale, une manifestation du droit de punir79. Donc, ce qui change,

c’est le domaine où va être mise en œuvre la sanction80. En droit pénal, la sanction est

susceptible d’atteindre n’importe quel citoyen au sein de la société civile, alors que la sanction disciplinaire ne va concerner qu’un groupement disciplinaire particulier. Dès lors, les fonctions de la poursuite disciplinaire seront, sans grande surprise, les mêmes que celles de la

poursuite pénale : maintien de l’ordre et répression ainsi que rétribution et réadaptation81.

75Idem.

76 S. Salon, « Délinquance et répression disciplinaire dans la fonction publique », LGDJ, Paris, thèse, 1969, p. 27.

77 M. Waline, « Traité élémentaire de droit administratif », Sirey, Paris, 1951, p. 347 ; M. Waline, note sous C.E., 27 mars 1936, « Bonny », D. 1938, III, p. 33.

78 G. Stephani, G. Levasseur, B. Bouloc, « Droit pénal général », Paris, Dalloz, 13ème éd., 1987, p. 460 ; F. Delpérée, « L’élaboration du droit disciplinaire de la fonction publique », thèse, Paris, 1969, p. 100 ; P. Biays, « La fonction disciplinaire des ordres professionnels », Thèse, Rennes, 1949, p. 81.

79 J. Ricol, « Les tendances du droit disciplinaire, droit disciplinaire et droit pénal », Thèse, Toulouse, 1908, p. 47.

80 Pour P. Deumier concernant les sanctions disciplinaires « on change de groupe, pas de but ni de moyen ». cf. P. Deumier, « La sanction disciplinaire un concept unifié ? », in P. Ancel et J. Moret-Bailly, « Vers un droit commun disciplinaire », Publication de l’Université de Saint-Etienne, 2007, p. 248.

81 Pour une analyse différente mais concluant à l’assimilation des fonctions de la sanction pénale et ceux de la sanction disciplinaire, V., V. Cohen-Donsimoni, « Le droit disciplinaire dans l’entreprise depuis la loi du 4 août 1982 », Aix-Marseille, 1994, p. 44 ; V. aussi, P. Biays, « La fonction disciplinaire des ordres professionnels », Thèse, Rennes, 1949, p. 81.

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Le maintien de l’ordre au sein d’un groupement disciplinaire a toujours été mis en œuvre par le biais de mesures répressives. La rétribution, qui est la contrepartie du mal infligé à une personne en conséquence de ses actes, va intervenir suite à une faute commise. L’idée de rétribution correspond à la conception même de la justice qui veut que l’équilibre soit rétabli

lorsqu’une infraction a été commise82. Le caractère rétributif de la mesure disciplinaire

découle donc de sa fonction même ; elle va être prise en conséquence d’un trouble causé à l’ordre particulier du groupement. La fonction de réadaptation permet d’éviter qu’une nouvelle infraction soit commise en éduquant le délinquant. Cette fonction va avoir pour objet de permettre à l’individu de réintégrer le groupement tout en ayant compris les raisons de son incrimination. Certaines dispositions laissent à penser que le droit disciplinaire est soucieux de mettre en œuvre des mécanismes afin de favoriser la réintégration de la personne

sanctionnée au sein du groupement83. Par exemple, l’avertissement n’est pas inscrit au dossier

du fonctionnaire ou encore l’article 18 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 concernant la procédure disciplinaire des fonctionnaires de l’Etat prévoit un mécanisme d’effacement des sanctions84.

En conclusion, le but du droit disciplinaire et du droit pénal est clairement affiché par les auteurs : assurer l’ordre au sein d’une collectivité instituée85. Si la doctrine dominante considère que droit pénal et droit disciplinaire s’interpénètrent, alors l’assimilation quant au but poursuivi par ces deux matières paraît inéluctable. Plus précisément, le droit pénal est chargé de maintenir l’ordre général au sein de la société civile alors que le droit disciplinaire est chargé de maintenir l’ordre particulier au sein d’une société plus restreinte. Le but de ces deux matières étant le même, seule une différence de domaine d’application existe. La répression pénale s’applique au sein de la société civile et la répression disciplinaire au sein

d’un groupement particulier86. Ces groupements disciplinaires au sein desquelles la répression

disciplinaire s’applique ne sont toutefois pas ignorés par la société civile. Le droit pénal ne

82 Le symbole de la justice est bien la balance.

83 J. P. Carton, « Contribution à l’élaboration du droit disciplinaire professionnel », Lille II, 1995, p. 269.

84Idem.

85 S. Salon, « Délinquance et répression disciplinaire dans la fonction publique », LGDJ, Paris, thèse, 1969, p. 27 ; J. Mourgeon, « La répression administrative », Thèse, Paris, 1967, p. 56 ; J. Ricol, « Les tendances du droit disciplinaires, droit disciplinaire et droit pénal », Thèse, Toulouse, 1908, p. 53.

86 A. Legal et J. Brethe de la Gressaye, « Le pouvoir disciplinaire dans les institutions privées », Paris, Sirey, 1938, p. 121.

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s’arrête pas aux portes des groupements disciplinaires. Dans la mesure où une faute disciplinaire peut, à la fois, être une faute pénale, des agissements commis au sein d’un

groupement disciplinaire peuvent aussi être réprimés par des juridictions pénales87.

L’identité de moyen entre ces deux matières s’illustre par la mise en œuvre d’une

mesure répressive88. La frontière entre ces deux poursuites est même parfois difficile à tracer,

à tel point qu’il n’est plus possible d’envisager la répression disciplinaire sans envisager les rapports qu’elle entretient avec la répression pénale. L’élément commun aux mesures répressives est la volonté de punir une faute commise. Donc, en l’absence d’une faute, pas de répression. L’appréciation de la faute peut être différente selon que l’on se trouve dans le

domaine pénal ou disciplinaire89. Aussi, en l’absence d’un comportement fautif, certaines

mesures comme les mesures d’ordre intérieur prises en vertu du pouvoir de direction ne sont

pas considérées comme des mesures répressives90. Enfin, cette identité de moyen entre le

régime pénal et le régime disciplinaire permet de justifier, en partie, l’influence des principes généraux régissant la poursuite pénale sur le régime de la poursuite disciplinaire.

§2. Aperçu des principes répressifs applicables en matière disciplinaire

Dès lors que le droit positif n’est pas en mesure de réserver les compétences – repressives – punitives au seul juge pénal, la séparation fonctionnelle totale des autorités

disciplinaires et judiciaires n’est pratiquement pas possible. Si le philosophe Beccaria91

n’envisage l’application des principes d’origine criminelle – notamment le principe de la légalité des délits et des peines, de la mise en œuvre d’un procès équitable et d’un tribunal répréssif indépendant et impartial – qu’en matière pénale, c’est parce qu’il entend par là le fait que la poursuite répressive ne prenne exclusivement que la forme pénale. Toutefois, le droit

87 V. infra p. 139-140.

88 V. Cohen-Donsimoni, « Le droit disciplinaire dans l’entreprise depuis la loi du 4 août 1982 », thèse, Aix-Marseille, 1994, p. 43 ; J. Brethe de la Gressaye et A. Legal, V. « Discipline, Répertoire de droit criminel et de procédure pénale », Dalloz, 1953, p. 801.

89 M. Degoffe, « Droit de la sanction non pénale », Paris, Economica, 2000, pp. 180 et s.

90Idem.

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positif a bien changé depuis cette conception de Beccaria92. L’application de ces principes

peut actuellement s’envisager lors du recours à des poursuites repressives, indépendament de la forme pénale ou disciplinaire. Par conséquent, les principes régissant le régime de la poursuite pénale sont des principes communs de la répression dont la transposition est

envisageable également en matière disciplinaire93.

La nécessité d’enrichir le régime disciplinaire de certaines règles de provenance pénale a été clairement reconnue par le Conseil Constitutionnel. C’est une condition préalable pour que soit reconnue conforme à la Constitution la conformité du phénomène des sanctions

administratives notamment celles de nature disciplinaire94. Un important nombre de principes

communs de la repression peuvent alors s’appliquer aux poursuites répréssives à consonnance disciplinaire. Il s’agit, entre autre et parmi les plus importants, des principes de la légalité des

délits et des peines, de la non-rétroactivité et de la rétroactivité in mitius, de la proportionnalité,

de l’interdiction de cumuler plusieurs sanctions pour une seule infraction, de l’obligation pour l’autorité répressive d’être indépendante et impartiale et bien sûr du respect des droit de la défense95.

Le droit disciplinaire, qui fonctionne – d’une manière ou d’autre – comme un petit

système pénal pour reprendre l’expression du Michel Foucault96, a ainsi gagné en garanties.

Le temps d’un mécanisme répressif fonctionnant parallèlement à la justice ordinaire décrit par

Franz Kafka97 est désormais révolu. Si la procédure présentée dans « le procès » de Kafka est

92 Le législateur d’aujourd’hui est obligé de respecté au moins l’esprit de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789.

93 Cette affirmation a encore plus d’intérêt aujourd’hui, en raison de l’importance accrue du phénomène répressif disciplinaire – qualifier généralement comme extra-pénal – objet de notre étude.

94 V. supra p. 18-19.

95 L’extention de ces règles en dehors des affaires pénales est réclamée par une série de décisions du Conceil Constitutionnel. Par ex., C.C, 30 décembre 1982, DC 82-155, Rec. cons., p. 88 ; Pouvoirs 1983 n° 25.199, note P. Avril et J. Gicquel ; RDP 1983.333, note L. Favoreu ; Rev. adm., 1983.142, note M. de Villers ; C.C, 17 janvier 1989, DC 88-248, Rec. cons., p. 18; Rev. adm., 1989.223, note J. L. Autin ; RDP 1989.399, note L. Favoreu ; RFDA 1989 note B. Genevois ; GAJC n° 43 ; C.C, 28 juillet 1990, DC 89-260, op. cit. ; C.C, 13 août 1993, DC 93-325, RFDC 1993.583 ; RDP 1992.99 Chron D. Rousseau, qui ajoute au principe des droits de la défense le principe du caractère contradictoire de la procédure.

96 M. Foucault, « Surveiller et punir. Naissance de la prison », Gallimard, Paris, 1975, p. 180. L’auteur écrivit qu’« au coeur de tout système disciplinaire fonctionne un petit système pénal ».

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dominée par le secret98, par la présomption de culpabilité99 et par l’absence d’application