• Aucun résultat trouvé

L’exécution de l’intégralité des tâches de la fonction publique

Trois obligations fondamentales, pouvant garantir l’éxécution de l’intégralité des tâches de la fonction publique et par conséquent le bon fonctionnement du service public, vont néanmoins retenir notre attention au regard des problématiques qu’elles présentent et des questions qu’elles soulèvent. Ces trois obligations sont : l’obéissance hiérarchique (§1), la discrétion et le secret professionnel (§2) et l’exercice exclusif des fonctions (§3). Ces obligations sont essentielles pour l’éxécution des missions administratives et concernent tout autant le fonctionnaire français que le fonctionnaire libanais.

§1. L’obligation de l’obéissance hiérarchique

Les lois françaises et libanaises engagent le fonctionnaire à appliquer une obligation

d’obéissance. Le statut général français prévoit que « tout fonctionnaire, quel que soit son

rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique »122. De même, le statut général

au Liban dispose que « le fonctionnaire doit, d’une manière générale (...) se soumettre à son

supérieur direct et en exécuter les ordres et instructions (…) »123.

Le législateur considère cette obligation comme l’une des obligations professionnelles

les plus importantes124. Elle constitue le présupposé de tout système administratif dans la

mesure où chaque violation de cette obligation paralyse le fonctionnement des activités administratives qui vise à assurer l’intérêt public.

122 Art. 28 du statut général des fonctionnaires en France, op.cit.

123 Art. 14, al. 2 du statut général des fonctionnaires au Liban, op. cit.

124« Nécessité rationnelle propre à toute organisation hiérarchique (…), l’obéissance est la vertu même de l’engrenage. (…) Tout le monde dans l’Administration relève de cette contrainte, du ministre lui-même au dernier commis. Obéit qui commande, est capable de commander celui qui sait obéir et c’est la clef de cette discipline qui fait, comme on sait, la force de toute institution (…) », R. Catherine et G. Thuillier, « Conscience et pouvoir », Domat, Montchrestien, Paris, 1974, p. 49.

50

Hauriou a présenté le devoir d’obéissance comme une conséquence de la notion d’Etat

de droit. L’idée a été reprise par Barthélémy pour qui : « il n’y avait pas d’hiérarchie sans

obéissance, et pas d’Etat sans hiérarchie »125. Dès lors, le fonctionnaire a une obligation d’obéissance aux ordres de son supérieur hiérarchique. La subordination hiérarchique est indispensable à l’organisation de l’institution : elle favorise la compétence du supérieur pour donner des instructions à ses subordonnés afin de gérer l’institution administrative et en assurer le bon fonctionnement.

Pour G. Renard, la théorie de l’institution explique l’obéissance des fonctionnaires publics. D’après cet auteur, l’autorité est un élément fondamental de l’Administration. Par

conséquent, l’Administration a une nature institutionnelle. Elle « a droit à l’obéissance et

dispose des moyens de se faire obéir préalablement à toute discussion contentieuse (…) obéir d’abord, discuter ensuite: ce n’est pas seulement le catéchisme de la discipline militaire ; c’est le catéchisme du régime administratif »126.

L’obéissance légale peut se définir comme un pouvoir hiérarchique, appartenant à un

principe général de droit127, exercé par une autorité supérieure sur les subordonnés dont son

absence est équivalente à l’absence de l’ordre. En revanche, le supérieur possédant le pouvoir

d’instruction peut avoir un grade inférieur à celui de son fonctionnaire subordonné128.

D’après M. C. Vigouroux, le commandement comporte cinq principes129. La mauvaise

appréciation de ces principes affecte l’appréciation des faits commis par le fonctionnaire. Ces

principes sont de cinq ordres. Premièrement, « le respect des compétences ». Le fonctionnaire

doit se plier à l’obligation d’obéissance à son supérieur hiérarchique et autres autorités

supérieures compétentes130. Dans le cas des instructions contradictoires provenant d’autorités

diverses, il est toutefois préservé d’une faute131. Deuxièmement, « la clarté de l’ordre ».

L’ordre doit être expliqué d’une façon tout à fait explicite et directe sans mêler les objectifs

de celui qui ordonne. Troisièmement, « l’indifférence de la nature de l’ordre ». Le

125 J. Barthélémy, « L'influence de l'ordre hiérarchique sur la responsabilité des agents », RDP, 1914, p. 491.

126 G. Renard, « La théorie de l’institution », 1er vol., Sirey, paris, 1930, p. 171.

127 C.E., Sect., 30 juin 1950, « Quéralt », Rec., p. 413.

128 C.E., 11 décembre 1996, « Département du Val d’Oise c. Mme Lacombe et autres », req. n°152106.

129 C. Vigouroux, « Déontologie des fonctions publiques », 2ème éd., Dalloz, Paris, 2013-2014, pp. 329 et s.

130 C.E., 27 mai 1994, « Comte », req. n° 139887.

51

commandement peut prendre deux natures différentes : écrite ou verbale132. Le fonctionnaire

qui refuse d’obéir à un ordre verbal commet une faute disciplinaire133. Quatrièmement, « la

résolution » par le supérieur. Il a la compétence d’assurer la bonne organisation de son service sans jamais avoir recours à une sanction disciplinaire justifiée par le caractère autoritaire qu’il

possède134. Enfin, c’est « l’attention aux collaborateurs ». Pour cet auteur si la déontologie

entendue par ces cinq principes est respectée, le fonctionnaire doit exécuter l’ordre de son supérieur. Autrement-dit la désobéissance à cet ordre est une faute disciplinaire.

La jurisprudence administrative considère que l’obligation d’obéissance impose la soumission à la réglementation du service. Par exemple, la contravention à l’obligation de

respecter les horaires du service135, même s’ils contredisent la réglementation136, est exigée de

tous les fonctionnaires.

L’ordre hiérarchique est souvent collectif. Chaque fonctionnaire qui refuse

individuellement de le respecter, commet une faute disciplinaire137. Tel est le cas lorsque

l’agent ne souhaite pas se soumettre aux visites médicales obligatoires, au contrôle de

l’aptitude physique à l’emploi138 ou à une contre-visite médicale en cas de congé139.

De multiples incidents de service sont considérés comme caractérisant des faits de désobéissance et constituant par la suite des fautes disciplinaires. Tel est le cas d’un inspecteur de police ayant toutes les connaissances adéquates et qui refuse de dactylographier des

procès-verbaux140. Ou un agent qui refuse de se plier à une inspection individuelle141. Des

fautes disciplinaires sont aussi relevées lorsque le fonctionnaire ne se plie pas au pouvoir

132 C.E., 25 juillet 1986, « Divier », Rec., p.208.

133 C.E., 31 mai 1985, « Ministre délégué à la culture c. Fresne », RFDA, 1985, p. 736.

134 C.E., 5 juillet 1985, « M. M. », Rec., p.223.

135 C.E., 2 mai 1990, « Chen Zardi », req. n° 71954.

136 C.E., 27 mars 1987, « Mme Bourdy », req. n° 54574.

137 C.A.A de Nantes, 30 décembre 1996, « District de l’agglomération angevine », op. cit. ; C.A.A de Paris, 11 juillet 1997, Pattedoie, req. n° 95PA03248.

138 C.E., 18 octobre 1978, « Canava », Rec. T., p. 856.

139 C.A.A de Nancy, 13 juin 1996, « Centre hospitalier de Clermont-de-l’Oise », req. n° 95NC01022 ; T.A de Rennes, 14 juin 1998, « M. Yves Royan », LPA, n° 131, 2 juillet 1999, Concl. L. Gros ; AJFP, novembre-décembre, 1999, p. 39, Comm. B. Tchikaya ; Art. 113-34 de l’arrêté du 22 juillet 1996 portant règlement général d’emploi de la police nationale, JORF n°206 du 4 septembre 1996, p. 13141.

140 C.E., 31 octobre 1979, « Ministre de l’intérieur c. Gentric », Rec. T., p. 781.

52

hiérarchique142, ne rejoint pas son poste143 ou n’applique pas la première sanction disciplinaire

imposée à son encontre144. Généralement, le fait de refuser d’accomplir les obligations de

service constitue un comportement fautif145 comme par exemple, le refus d’un professeur de

musique d’un conservatoire municipal de participer à un concert organisé par ce

conservatoire146.

L’obligation d’obéissance constitue donc un devoir statutaire imposé à « à tout agent

public »147. Il ne convient toutefois pas d’oublier que la portée de l’obligation d’obéissance varie selon le statut de l’agent : selon qu’il s’agit d’un fonctionnaire civil ou militaire ; ce

dernier devant être d’une certaine façon conditionné à l’exécution sans discussion d’ordres148.

Le devoir d’obéissance militaire est absolu alors qu’il est flexible dans le cas de l’obéissance civile. Dans la fonction civile, le poste du fonctionnaire joue un rôle important dans la détermination du devoir d’obéissance. Tout en se dirigeant vers les échelons élevés de l’échelle hiérarchique, l’obéissance peut être discutable au regard des décisions fermes et importantes. Autrement dit, tout en descendant dans l’échelle, la soumission devient absolue

et prend l’aspect impératif puisque les actes sont limités et précis149.

A. Les Frontières de l’obéissance hiérarchique

Le fonctionnaire doit-il toujours se conformer à l’obligation d’obéissance malgré, parfois, la teneur de l’ordre ou bien, peut-il refuser d’obéir aux ordres de son supérieur dans des cas déterminés ?

En réalité, la jurisprudence administrative, a été la première sur ce point, à accorder au fonctionnaire le droit de refuser les ordres de son supérieur hiérarchique dans des cas et conditions bien déterminés.

142 C.E., 15 juin 1983, « François », req. n° 25701 ; C.E., 25 février 1985, « Panarari c. Centre hospitalier générale de Roanne », req. n° 99763 ; C.E., 26 juillet 1989, « Ville d’Aix en Provence », req. n° 99763.

143 C.E., 26 mai 1930, « Sieur Bourcias », Rec., p. 559 ; C.E., 27 février 1959, « Maiza Khelidja », Rec. T., p. 1017 ; C.A.A de Lyon, 22 mai 2001, « M. Faraone », req. n° 99LY01093.

144 C.E., 23 juillet 1977, « Bedot », req. n° 98206.

145 C.A.A de Marseille, 29 juin 1999, « Commune d’Aléria », req. n° 97MA05051.

146 C.E., 19 février 1992, « M.X. », RDP, 1993, p. 873, n° 47.

147 C.E., 5 mai 1911, « Giraud », Rec., p. 525.

148 R. Catherine, « Le fonctionnaire français, droits, devoirs, comportement », op. cit., pp. 96 et s.

53

En 1944, la jurisprudence française a joué un rôle fondamental avec l’arrêt

« Langneur »150. Le chef du service du chômage dans une telle commune avait délivré improprement des allocations à plusieurs personnes. Les actes du fonctionnaire ont été jugés par le Conseil d’Etat comme revêtant un caractère illégal et compromettant le fonctionnement du service public. Pour le juge administratif : malgré la circonstance lié a fait que le fonctionnaire ait appliqué les ordres du maire, il avait commis une faute impliquant une sanction disciplinaire. Il résulte de cet arrêt que le fonctionnaire ne commet pas une faute disciplinaire et sa responsabilité est totalement exonérée si l’ordre de son supérieur hiérarchique est manifestement illégal et compromet gravement le fonctionnement du service public. En effet, si le fonctionnaire subordonné exécute un ordre englobant ces deux

conditions, il est responsable et commet une faute disciplinaire151.

La jurisprudence a confirmé les deux conditions mentionnées dans l’arrêt

« Langneur »152. Ces conditions déterminent, dans le cas de l’illégalité de l’ordre, les critères de la faute disciplinaire de désobéissance. Ainsi, la désobéissance est considérée comme fautive si l’une de ces conditions fait défaut.

Tout d’abord, l’ordre doit être manifestement illégal. Si l’ordre est donné par une personne incompétente n’exerçant aucune autorité sur le fonctionnaire, il est considéré

illégal153. Il l’est également lorsqu’il néglige une disposition d’ordre constitutionnel, législatif

ou réglementaire154. L’obéissance doit néanmoins respecter l’ordre constitutionnel155. Ainsi,

un fonctionnaire qui recourt à son droit licite de grève peut désobéir à l’ordre de son supérieur hiérarchique si ce dernier lui demande d’exécuter sa tâche. Ceci constitue en effet un ordre illégal qui rompt le principe constitutionnel du droit de grève. Dans cette hypothèse, le

150 C.E., Sect., 10 novembre 1944, « Langneur », Rec., p. 288.

151 C.E., 3 mai 1961, « Pouzelgues », Rec., p. 280 ; Pour B. Chenot, en cas d’obéissance à un ordre illégal, le fonctionnaire subordonné commet lui-même une faute qui s’ajoute à celle du chef, Concl. Sur C.E., Sect., 10 novembre 1944, « Langneur », op. cit.,D., 1945.88.1.

152 C.E., 27 mai 1949, « Dame Arasse », Rec., p. 248 ; C.E., Sect., 4 janvier 1964, « Charlet », Rec., p. 1 ; C.E., 4 janvier 1964, « charlet », op. cit., RDP, 1964, p. 453, note M. Waline ; C.E., 21 juillet 1995, « Bureau d’aide sociale de la ville de Paris », req. n° 115332.

153 C.E., 8 novembre 1961, « Coutaret », Rec., p. 632.

154 C.E., 3 mai 1961, « Pouzelgues », op. cit.

155 R. Carré de Malberg, « Contribution à la théorie générale de l’Etat », t. I, Sirey, Paris, 1920, réed., CNRS, Paris, 1962, n° 173, p. 522.

54

fonctionnaire n’est pas soumis à une sanction disciplinaire156. Semblable illégalité est

constatée en cas d’infraction aux obligations professionnelles de l’agent public. Ainsi en va-t-il par exemple du médecin territorial qui refuse de vacciner le personnel du C.C.A.S et qui commet, par conséquent, une faute disciplinaire.

Ensuite, l’ordre doit gravement compromettre l’intérêt public. En d’autres termes, l’ordre doit nuire soit à l’intérêt public157 soit au fonctionnement du service public158. Par exemple, le personnel qui soigne les hôpitaux n’est pas tenu de procéder à des examens

radiologiques présentant un tel danger159. De même, l’instruction donnée à un postier par son

chef de service de distribuer des messages publicitaires est un ordre manifestement illégal. Mais cet ordre ne compromet pas manifestement l’intérêt public et ne délie pas son destinataire

de son obligation d’obéissance160.

En résumé, le fonctionnaire passe d’une obligation d’obéissance à un droit à la désobéissance selon la présence ou non de ces deux conditions. Ainsi, le Conseil d’Etat français a considéré que la simple illégalité ne libère pas le fonctionnaire de l’obligation d’obéissance de son chef du service. Les illustrations de cette affirmation sont nombreuses. Par exemple, le refus d’un fonctionnaire municipal d’exécuter la décision d’abandonner son

poste dans l’Administration et d’occuper le poste d’agent de bibliothèque161 ; de même, le

refus d’un fonctionnaire au service des téléphones de se plier à l’ordre de son chef qui lui impose d’assurer la permanence téléphonique, en considérant que cet ordre n’est pas

mentionné dans la réglementation de la fonction qu’il exécute162 ; encore, le refus d’un

fonctionnaire exonéré du service – après avoir annulé la décision de son arrêt du travail – d’exécuter un poste qui lui est présenté parce qu’il considère qu’il est d’un grade inférieur au dernier. Il doit y joindre et n’a pas droit de désobéir à cet ordre sous prétexte qu’il est illégal

car il ne compromet pas gravement l’intérêt public163 ; ou encore le refus d’un fonctionnaire

de respecter les horaires du travail même s’ils contreviennent au système applicable à ce

156 C.E., 26 juin 1996, « Commune de Grand-Bourg-de-Marie-Galante », Rec. T., p. 979.

157 C.E., 10 avril 1970, « Navarrot »,Rec. T., p. 1087.

158 C.E., 10 février 1965, « Morati », Rec., p. 91.

159 T.A de Pau, 20 décembre 1967, « Sieur Siougos », Rec., p. 646.

160 C.A.A de Paris, 6 octobre 1998, « M. Charny », AJFP, mars-avril 1999, p. 44, obs. P. B.

161 C.E., 26 juin 1989, « Mme Chardon », req. n° 94393.

162 C.E., 21 juillet 1995, « Bureau d’aide sociale de la Ville de Paris », op. cit.

55

sujet164… Ainsi que beaucoup d’autres décisions semblables qui révèlent que la disponibilité

d’une seule condition ne libère pas le fonctionnaire de son obligation d’obéissance165.

Dans ce contexte, le législateur français a validé les solutions jurisprudentielles de

l’arrêt « Langneur » via le statut général en disposant que le fonctionnaire doit obéir aux tâches

et instructions de son supérieur « sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal

et de nature à compromettre gravement un intérêt public »166. Ce concept est également adopté

par le législateur libanais dans le statut général des fonctionnaires qui prévoit que « si les

ordres et les instructions du supérieur direct sont manifestement et clairement contraires à la loi, le fonctionnaire doit attirer, par écrit, l’attention de son supérieur sur l’infraction impliquée et le fonctionnaire n’est tenu d’exécuter ses ordres et instructions seulement si le supérieur les confirme par écrit, le fonctionnaire pouvant adresser à la Direction de l’Inspection centrale une copie de la correspondance échangée »167.

Le Conseil d’Etat libanais a appliqué littéralement ce texte en considérant qu’« à la

lumière des dispositions du statut général des fonctionnaires168, le fonctionnaire doit exécuter les ordres et instructions de ses supérieurs sauf si ces ordres présentent manifestement et clairement une violation de la loi. Dans ce cas, le fonctionnaire doit attirer, par écrit, l’attention de son supérieur sur l’infraction impliquée et il ne sera tenu d’exécuter ces ordres et instructions que si le supérieur les confirme par écrit. »169. En conséquence, si le fonctionnaire exécute cet ordre manifestement et clairement illégal, sans attirer par écrit l’attention de son supérieur, il engagera une responsabilité pour une faute très grave.

Donc, selon la législation et la jurisprudence libanaise, il n’existe qu’un cas où le fonctionnaire subordonné n’engage pas la responsabilité d’exécuter les ordres illégaux. Il s’agit du cas où ce dernier attire, par écrit, l’attention de son supérieur sur l’infraction en vigueur et que le supérieur omet de confirmer, lui aussi par écrit, l’exécution de ses ordres malgré la présence de l’infraction impliquée.

164 C.E., 27 mars 1987, « Mme Bourdy », op. cit.

165 C.E., 9 février 1949, « Dlle Manach », Rec., p. 64.

166 Art. 28 du statut général des fonctionnaires en France, op.cit.

167 Art. 14, al. 2 du statut général des fonctionnaires au Liban, op.cit.

168Idem.

56

A la lumière de ce qui est présenté, il apparaît que l’obéissance du fonctionnaire aux ordres et instructions de son supérieur direct, n’est pas une obéissance aveugle. Par contre, cette notion est plus large. Dans certains cas, le fonctionnaire doit absolument désobéir à l’ordre donné. Dans d’autres cas, le fonctionnaire a le droit de se rebeller contre l’ordre donné. En premier lieu, si l’ordre illégal donné par le supérieur relève d’une infraction pénale, le fonctionnaire a le droit et même l’obligation de ne pas se plier à cet ordre. Sinon, il peut-être

poursuivi à la fois pour infraction pénale et pour faute disciplinaire170. Ainsi a-t-il pu être jugé

par le Conseil d’Etat qui a considéré que le fonctionnaire ne doit pas exécuter l’ordre de son supérieur s’il relève d’une infraction pénale. Son exécution ne justifie pas légalement cette

infraction171. En d’autres termes, l’exécution de cet ordre ne débarrasse cet acte de sa nature

« d’infraction » que seulement si un texte législatif le prévoit expressement.

En effet, nombreux textes de cette nature ont été mentionnés dans le Code pénal

libanais et celui français. Le Code pénal libanais dispose qu’« il n’y a pas d’infraction lorsque

le fait a été accompli en vertu d’une disposition de la loi ou sur l’ordre légitime de l’autorité (…) Si l’ordre donné est illégal et que la loi ne lui permette pas de vérifier la légalité de cet ordre, l’agent l’exécutant n’est pas sanctionné »172. Ainsi, il ressort que « n’est pas punissable le fonctionnaire ou le préposé du gouvernement qui a ordonné ou commis un acte incriminé par la loi, s’il a cru, par suite d’une erreur de fait, obéir à un ordre légitime de ses supérieurs pour des objets de leur ressort sur lesquels il leur était dû obéissance»173. Le Code pénal

français a aussi inclus un texte de ce genre qui est plus souple que le texte libanais : « (…)

n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal »174.

Le fonctionnaire est encore en droit de se rebeller contre l’ordre de son supérieur hiérarchique si cet ordre constitue un abus d’autorité ou s’il compromet son application et a pour but de forcer le subordonné à exécuter des agissements ou actes malhonnêtes satisfaisant aux caprices et désirs personnels du supérieur comme par exemple un abus d’autorité en

170 R. Chapus, « Droit administratif général », op. cit., pp.282-283, n° 338.

171 C.E., 2 décembre 1959, Rec., p. 643.

172 Art. 185 du C.P libanais.

173Ibid., Art. 226.

57

matière sexuelle. De toute évidence, dans de pareils cas, il n’est en aucun besoin d’un texte exonérant de la responsabilité. Malgré cette absence de texte, le droit de désobéissance resterait toujours existant car l’exécution de l’ordre peut infliger, comme la jurisprudence française susmentionnée le démontre, un dommage grave et important à l’intérêt public. Pour

éviter tout doute ou toute confusion, le Code français a précisé que « (…) les subordonnés sont

en droit de ne pas céder à l’harcèlement auquel se livrait leur supérieur hiérarchique, dont les ordres, menaces, contraintes, pressions, auraient pour but d’obtenir (…) des faveurs de nature sexuelle »175.

Enfin, le fonctionnaire est en droit de se rebeller contre les ordres de son supérieur qui présentent un danger grave pour sa vie. Ainsi, le juge administratif français considère que le fonctionnaire a le droit d’abandonner un emploi que son supérieur lui a ordonné d’occuper s’« il avait un motif raisonnable de penser qu’il présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé »176.

En dehors de ces cas, le fonctionnaire doit obéir et exécuter les ordres de son supérieur direct. Si le fonctionnaire insiste continuellement à ne pas se conformer à ces ordres pour une raison illégale ou sans excuses, il viole alors manifestement la loi et risque d’être poursuivi disciplinairement.

B. Les caractéristiques de la législation libanaise

A la lumière de ce qui a pu être présenté, il faut mettre brièvement l’accent sur les caractéristiques de la législation libanaise en ce domaine.

Ainsi, au Liban, lorsque le supérieur insiste sur l’exécution d’un ordre qui a un objet illégal, le fonctionnaire subordonné doit obéir et exécuter. Si non, il engage sa responsabilité et peut être poursuivi disciplinairement. Mais dans ce cas, le fonctionnaire doit informer la Direction de l’Inspection centrale sur l’infraction qui risque d’être commis en exécution de