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2 / LA SURVEILLANCE DES LAGUNES DU BASSIN RHÔNE-MÉDITERRANÉE ET CORSE DANS LE CADRE DE LA DCE

Le point sur l'étang de Berre et les lagunes méditerranéennes

2 / LA SURVEILLANCE DES LAGUNES DU BASSIN RHÔNE-MÉDITERRANÉE ET CORSE DANS LE CADRE DE LA DCE

La Directive cadre sur l’eau prévoit la mise en œuvre d’un programme de surveillance de l’état des eaux. Ce programme de surveillance se compose principalement :

- du contrôle de surveillance, qui a pour objet d'évaluer les changements à long terme des conditions naturelles et des incidences globales des activités humaines.

Les masses d’eau sélectionnées pour le contrôle de surveillance ont été choisies de manière à représenter la diversité des masses d’eau de transition du bassin, - du contrôle opérationnel, qui s’applique sur les masses d’eau à risque de non

atteinte du bon état.

Deux campagnes de suivi ont été menées sur les lagunes méditerranéennes. La campagne de 2006 a porté exclusivement sur les masses d’eau du contrôle de surveillance (15 masses d’eau), représentatives des lagunes de la façade (Andral et Derolez, 2007). La campagne de 2009 a été complétée par le contrôle opérationnel, concernant 11 masses d’eau supplémentaires (soit 26 ME suivies en 2009).

Dans les bassins Rhône Méditerranée et Corse, la mise en œuvre des suivis de la qualité du littoral s’appuie sur les réseaux régionaux (Réseau Intégrateurs Biologiques - RINBIO, Réseau de Suivi Lagunaire - RSL) et nationaux (Réseau Phytoplancton et Phycotoxines - REPHY, Réseau d’Observation de la Contamination Chimique – ROCCH,…) (Laugier et al., 2010), complétés le cas échéant pour répondre aux exigences de la DCE.

a - Définition du bon état

L’état d’une masse d’eau est la combinaison de son état écologique et de son état chimique (Figure 2). L’état écologique est évalué sur la base d’éléments de qualité biologique et de paramètres hydro-morphologiques et physico-chimiques. Pour chaque élément de qualité biologique, sont déterminées des conditions de référence, qui correspondent aux caractéristiques des peuplements qui seraient obtenues dans un milieu soumis à très peu ou à l’absence de pressions humaines.

L’état biologique est mesuré par l’écart aux conditions de référence, sous forme d’un ratio de qualité écologique (Ecological Quality Ratio, EQR) :

EQR = valeur de l’indicateur mesuré / valeur de l’indicateur dans les conditions de référence.

Le classement de l’état biologique est établi selon cinq classes, du très bon au mauvais.

L’état chimique est bon ou mauvais, selon le respect des normes de qualité environnementale, définies pour chacune des substances identifiées dans la Directive fille n°2008/105/EC.

La règle du paramètre le plus déclassant s’applique pour l’état biologique et pour l’état chimique : un seul paramètre en-dessous des normes pouvant occasionner un classement inférieur à Bon de la masse d’eau.

Pour les éléments de qualité biologique, la directive prévoit des comparaisons entre pays membres, nommés «  exercices d’intercalibration  ». Pour les lagunes méditerranéennes, les échanges se font avec des pays membres méditerranéens concernés par la présence de ce type de milieux : Espagne, Grèce, Italie, Slovénie et Croatie. Les exercices d’intercalibration portent sur la comparaison des méthodes de suivi et sur l’harmonisation des limites du bon état (seuils « très bon-bon » et

« bon-moyen ») ainsi que des conditions de référence. L’objectif est de garantir que tous les pays membres aient le même niveau d’exigence pour qualifier la qualité des milieux.

b - L’évaluation de l’état chimique

Les molécules recherchées pour évaluer l’état chimique sont listées dans la directive fille n°2008/105/EC, qui établit les normes de qualité environnementale (NQE) à ne pas dépasser en termes de concentration de contaminants dans l’eau.

Figure 2 : Classification de l’état des masses d’eau dans le cadre de la DCE.

Dans les lagunes du bassin Rhône-Méditerranée et Corse, les molécules hydrophobes sont recherchées dans les sédiments et dans la matière vivante. Le suivi dans les sédiments s’appuie sur le réseau national ROCCH, qui prévoit un prélèvement tous les six ans sur un à six points par lagune. Le suivi dans la matière vivante est réalisé dans le cadre du réseau RINBIO (Andral et Tomasino, 2010). Tous les trois ans, des poches de moules sont transplantées dans les lagunes de salinité suffisamment élevée. Les moules sont prélevées après deux mois et demi d’immersion dans le milieu. Leur chair est alors analysée pour déterminer les concentrations des contaminants accumulés. Afin de pouvoir vérifier le respect des normes de qualité environnementales, la concentration dans l’eau est obtenue selon la formule suivante :

Ceau= Cmollusque/ BCFmollusque,

avec Ceau la concentration dans l’eau ; Cmollusquela concentration dans les moules et BCFmollusquele facteur de bio-concentration de la molécule concernée dans les moules, obtenu dans la littérature.

Dans le milieu littoral, la plupart des contaminants chimiques sont présents à l’état de traces. L’utilisation d’échantillonneurs passifs permet, pour certains composés, de les extraire et de les concentrer in situ, réduisant ainsi une partie des difficultés liées à l’analyse des contaminants présents à de faibles concentrations (prélèvement de gros volumes) et facilitant leur détection analytique en laboratoire (dépassement des limites de détection) (Mazella et al., 2007). Les échantillonneurs sont immergés dans le milieu pendant 2 jours à 4 semaines, puis prélevés pour analyses. La concentration moyenne dans l’eau au cours de la période d’exposition est obtenue par l’application de ratios. Afin de déterminer les concentrations en composés organiques hydrophiles dans les masses d’eau littorales, les échantillonneurs POCIS (Polar Organic Chemical Integrative Sampler) ont été utilisés dans le cadre de la campagne de surveillance de 2009 (3 masses d’eau de transition) (Munaron et al., 2011) et d’une campagne spécifique en 2010 (sur l’ensemble des masses d’eau des contrôles opérationnels et de surveillance) .

c - L’évaluation de l’état écologique

La Directive identifie quatre compartiments biologiques à suivre dans les lagunes : - le phytoplancton (microalgues),

- les macrophytes (macroalgues et angiospermes), - la macrofaune benthique,

- et les poissons.

Les paramètres à renseigner concernent l’abondance et la composition spécifique des peuplements ainsi que la biomasse pour le phytoplancton uniquement. En soutien à ces éléments de qualité biologique, un suivi des paramètres hydro-morphologiques et physico-chimiques est prévu, mais l’hydromorphologie ne peut pas dégrader la masse d’eau au-delà de l’état Bon. La physico-chimie, quant à elle, ne peut pas dégrader la masse d’eau au-delà de l’état moyen.

Le suivi du phytoplancton dans les lagunes s’appuie sur la logistique et la méthode mises en œuvre dans le cadre du Réseau de suivi lagunaire (Ifremer et al., 2000). Les prélèvements d’eau sont réalisés l’été tous les ans, au niveau d’un à trois points par masse d’eau (Figure 3b). Deux paramètres sont renseignés :

- la biomasse, estimée par la concentration en chlorophylle a,

- l’abondance, évaluée au moyen des densités de cellules de pico-phytoplancton (<3 µm) et de nano-phytoplancton (>3 µm), mesurées par cytométrie en flux.

Etant donnée la forte variabilité inter-annuelle de ces paramètres du phytoplancton, les données sont agrégées sur une période de six années, correspondant à la durée d’un plan de gestion. L’indicateur est le percentile 90 (P90) des valeurs obtenues sur six ans, rapporté à la valeur définie pour les conditions de référence (Tableau 1).

Tableau 1 : Grilles de diagnostic de la qualité du phytoplancton  et valeurs de référence pour les paramètres :

a) biomasse (chlorophylle a)

b) abondance (densités de cellules)

Le troisième paramètre demandé par la directive concerne la composition spécifique du phytoplancton. Un indicateur basé sur les concentrations en pigments photosynthétiques, obtenues par chromatographie en phase liquide à haute performance (HPLC), est en cours d’élaboration.

b)

Figure 3 : Echantillonnage spatial : a) des macrophytes ; b) du phytoplancton. Exemple de la lagune de Salses-Leucate.

Le suivi des macrophytes dans les lagunes s’appuie également sur la logistique et la méthode mises en œuvre dans le cadre du RSL consolidée pour la DCE (Ifremer et al., 2000 ; Lauret et al., 2011). Du fait de l’hétérogénéité spatiale des peuplements de macrophytes, l’échantillonnage est plus dense que celui mis en œuvre pour le phytoplancton et correspond à un point tous les 50 à 100 hectares (Figure 3a). Les observations sont réalisées au printemps, une fois tous les trois ans.

Les paramètres à renseigner sont :

- l’abondance, évaluée par le pourcentage de recouvrement végétal (toutes espèces confondues),

- la composition spécifique, évaluée par la richesse spécifique et par le recouvrement relatif des espèces de référence.

Les espèces de référence sont les espèces indicatrices d’un très bon état vis-à-vis de l’eutrophisation, qui constitue un enjeu fort pour ces milieux. Les phanérogames qui forment des herbiers (ex : Zostera marina, Z. noltii) représentent les principales espèces de référence. Certaines macroalgues, comme les acétabulaires, sont également classées parmi les espèces de référence.

L’indicateur de qualité des macrophytes est obtenu par la combinaison des indicateurs de composition et d’abondance (Tableau 2a et b). L’indicateur de composition, soit le pourcentage de recouvrement par les espèces de référence, a plus de poids dans l’indicateur final que l’indicateur d’abondance. L’indicateur d’abondance n’intervient dans le classement final que pour des lagunes dont le recouvrement végétal total moyen est inférieur à 50 % (Tableau 2c).

La macrofaune benthique est échantillonnée selon la stratégie spatiale mise en œuvre pour le suivi du phytoplancton (Figure 3b). Les prélèvements sont réalisés au printemps, une fois tous les trois à six ans. Les paramètres renseignés concernent la composition spécifique. A partir des données d’abondance par espèce, trois métriques sont calculées :

Tableau 2 : Grilles de diagnostic de la qualité du peuplement de macrophytes (c) sur la base des indicateurs de composition (a) et d’abondance (b).

a) Grille de calcul de l’indicateur de composition (EQRb

b) Grille de calcul de l’indicateur d’abondance (EQRa)

c) Règle d’agrégation des paramètres composition (EQRc) et abondance (EQRa)

- l’indice de diversité de Shannon-Wiener (H’), qui permet d’apprécier l’équilibre écologique du peuplement,

- la richesse spécifique (s),

- la répartition de l’abondance selon cinq groupes de polluo-sensibilité vis-à-vis de l’enrichissement en matière organique, définis par l’indice AMBI (Borja et al., 2000).

Ces trois métriques sont combinées pour obtenir l’indicateur M-AMBI (Muxika et al. 2007). La qualité est obtenue par comparaison aux valeurs de référence, définies d’une part pour les lagunes poly- et euhalines (salinité >18) et d’autre part pour les lagunes oligo- et mésohalines (salinité <18).

Le quatrième élément de qualité biologique à suivre dans le cadre de la DCE concerne les poissons (ichtyofaune). Un indicateur est en cours de développement par le Cemagref (Girardin et al., 2009 ; Delpech et al., 2010a et 2010b). Cet indicateur est basé sur les guildes écotrophiques de l’ichtyofaune. Quatre métriques ont été pré-sélectionnées :

- la densité des espèces migratrices amphihalines,

- la densité des espèces prédatrices d’invertébrés benthiques, - la densité des espèces zooplanctonophages,

- la densité des espèces résidentes.

Deux campagnes de pêche ont été mises en œuvre sur les lagunes méditerranéennes en 2006 (Lepage et al., 2009) et 2010-2011.