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sédiments de l’étang de Berre

3. RÉSULTATS ET DISCUSSION

3.1. Evolution temporelle de la contamination des sédiments

L’évolution temporelle de la contamination des sédiments de surface a pu être reconstruite pour les zones NORD, SUD et VAÏNE pour Hg, Pb, Cu, Zn, HCtotet PCBtot. Les moyennes et les écarts-types des concentrations pour Hg, Pb et Cu sont reportées dans la Figure 3. Les fonds géochimiques naturels (FGN) et les concentrations dans les matières en suspension apportées par la Durance sont aussi reportés. Les FGN, correspondant aux concentrations naturelles de ces éléments dans les sédiments de l’étang de Berre, ont été obtenus à partir des concentrations mesurées par Giorgetti (1981) dans les couches profondes (>75 cm) de carottes de sédiments. Les concentrations dans les matières en suspension de la Durance proviennent des analyses de sédiments reportées par Alary (1998) dans des bassins de retentions localisés en amont de la centrale hydroélectrique.

Figure 3 : Évolution temporelle des concentrations moyennes de Hg, Pb et Cu dans les zones NORD, SUD et VAÏNE.

Les valeurs des fonds géochimiques naturels pour l’étang de Berre (FGN) et des concentrations de dans les limons de la Durance (Durance) sont aussi reportées.

3.1.1. Influence des réglementations sur les rejets industriels

Afin de mettre en évidence les effets des réglementations des rejets industriels sur la contamination des sédiments de surface, nous nous sommes intéressés aux évolutions temporelles dans les zones SUD et VAÏNE, qui ne sont pas influencées par les dépôts de matière en suspension de la centrale hydroélectrique.

Entre 1964 et 1976 dans la zone SUD (pas de données pour la zone VAÏNE avant 1976), on observe une forte augmentation de la contamination des sédiments pouvant être attribuée à l’augmentation des rejets de contaminants associés au fort développement industriel de l’étang de Berre. Après 1976, les concentrations en Hg, Pb, Cu, Zn, HCtotet PCBtot montrent de fortes diminutions dans les deux zones.

De 1976 aux dates les plus récentes, ces diminutions sont de l’ordre de 60-90% pour Hg, HCtot, Pb (jusqu’en 1992) et Zn, 40% pour Cu dans la zone SUD et de 80-90%

pour HCtot, PCBtot, Pb et Hg et de 60% pour Zn et Cu dans la zone VAÏNE (exemple de Hg, Pb et Cu dans la Figure 3).

Ces diminutions peuvent être directement attribuées à l’efficacité des réglementations sur les rejets industriels prises 5 ans plus tôt, dès 1971. Cette efficacité est particulièrement évidente pour Hg et Zn dans la zone SUD où les concentrations ont atteint les mêmes valeurs que les FGN en 2002 et 1983 respectivement. Dans la zone VAÏNE, bien que les réglementations aient permis de fortement diminuer les concentrations en contaminants, elles restent toujours supérieures aux valeurs du FGN (excepté pour Hg en 2002).

3.1.2. Influence des rejets de limons

Pour mettre en évidence l’influence des rejets de matières en suspension par la centrale hydroélectrique, nous nous sommes intéressés aux différences entre les évolutions temporelles de la contamination des sédiments dans les zones SUD et NORD, cette dernière étant seule soumise aux dépôts de matières en suspension de la centrale hydroelectrique. Deux périodes se distinguent : la période entre 1964 et 1976, qui correspond à la mise en place de la centrale hydroélectrique et pour laquelle des tendances différentes sont observées (forte augmentation de la contamination dans la zone SUD et contamination augmentant légèrement, constante ou diminuant dans la zone NORD) ; la période après 1976 où les évolutions temporelles sont très similaires avec des concentrations systématiquement supérieures dans la zone SUD (Figure 3).

En supposant que 1) les différences de tendance entre les zones SUD et NORD pendant la période 1964-1976 sont uniquement liées à de la dilution de la contamination des sédiments par les apports en matières en suspension de la Durance (la contamination des matières en suspension dans la Durance est plus

faible que dans les fonds de la zone NORD, Figure 3) et, 2) qu’en l’absence de cette dilution les tendances auraient été les mêmes dans les deux zones, il est possible de réaliser un bilan de matière pour quantifier l’influence de ces dépôts dans la zone NORD.

Pour ceci, il faut tout d’abord estimer les concentrations théoriques de Hg, Pb et Cu dans la zone NORD s’il n’y avait pas eu de dilution (Ci,T76). Ceci se fait à partir des augmentations relatives de ces métaux entre 1964 et 1976 dans la zone SUD (Xi= 410% pour Hg, 226% pour Pb et 151% pour Cu) et de leurs concentrations mesurées dans la zone NORD en 1964 (Ci,M64) selon l’équation 1.

Ci,T76= Ci,M64(1 + Xi) Équation 1

Ensuite, la dilution relative de la contamination (D en %) induit par le dépôt des matières en suspension dans la zone NORD entre 1964 et 1976 peut être estimée en comparant les concentrations mesurées (Ci,M76) et théoriques (Ci,T76) en 1976 dans la zone NORD selon l’équation 2.

D(%) = (Ci,T76– Ci,M76)/Ci,M76× 100 Équation 2

Les valeurs obtenues montrent que les dépôts de matière en suspension issues du canal ont diminués de 80-85 % les teneurs en Hg et Pb, et de l’ordre de 50% pour celles du Cu entre 1964 et 1976. La plus faible dilution du Cu est liée au fait que la différence de teneurs entre sédiment et matière en suspension de la Durance est plus faible que pour Hg et Pb.

3.2. Etat actuel de la contamination

Figure 4 : Distribution spatiale des concentrations de Cr, Cu, Hg et Pb dans la fraction <63µm des sédiments de surface échantillonnées en février 2008.

Deux carottes de sédiments et des prélèvements de surface ont été faits dans les deux zones SUD et VAÏNE pour mieux spécifier l’état actuel de leur contamination.

La distribution spatiale des concentrations en métaux diffère selon l’élément considéré (exemples de Cr, Cu, Hg et Pb dans la Figure 4). Les concentrations en As, Co, Cu, Ni et Zn sont relativement homogènes sur la totalité des sites (respectivement 6,7±1,5 ; 7,6±0,9 ; 26±5 ; 26±9 ; 106±20 µg.g-1) mais des enrichissements en Cu, Ni et Zn s’observent dans l’Étang de Vaïne ou à l’entrée du chenal de Caronte. Les concentrations en Pb dans l’Étang de Vaïne (45±7 µg.g-1) sont significativement supérieures à celles du Grand Étang (29±5 µg.g-1). La zone à l’entrée directe du chenal de Caronte présente les plus fortes concentrations en Cr et Hg, 144±70 et 0,42±0,03 µg.g-1respectivement, contre 67±19 et 0,22±0,07 µg.g-1 pour l’ensemble des autres sites.

Ces concentrations sont significativement plus faibles que celles observées en 1976 et confirment donc une forte diminution durant les dernières décennies, en accord avec les résultats de la partie précédente. Si l’on compare ces concentrations à celles des FGN, il ressort qu’en 2008 la contamination est absente ou faible pour As, Cr, Hg, Ni et Zn (concentration ≤1,5 fois le FGN), exceptés pour Cr et Hg à l’embouchure du chenal de Caronte où les niveaux de contamination sont modérés (concentrations globalement entre 3 et 4 et fois celles du FGN). Les contaminations en Pb et Cu sont modérées sur l’ensemble de la zone (concentrations entre 2 et 5 et entre 1 et 3 fois le FGN respectivement). La présence de concentrations relativement élevées dans les sédiments de surface dans l’Étang de Vaïne et à l’embouchure du chenal de Caronte pourrait être attribuée à des rejets récents en métaux par les installations industrielles autour de l’Étang de Vaïne et dans le chenal de Caronte ou le golfe de Fos ou par la raffinerie de la Mède.

Figure 5 : Profils de concentrations en Cd, Cr, Hg et Pb dans les sédiments des carottes SA-10 et V-10. Les fonds géochimiques naturels (FGN) sont aussi reportés.

Les profils de métaux dans les carottes de sédiments montrent clairement que les concentrations sont relativement faibles au niveau de l’interface mais sont très élevées plus en profondeur dans les sédiments (exemple de Cd, Cr, Hg et Pb dans la Figure 5). La comparaison avec les FGN montre que les niveaux de contaminations peuvent être très élevés, avec des concentrations pouvant atteindre jusqu’à 34 (V-10) ou 50 fois (SA-(V-10) les valeurs du FGN pour Cd, jusqu’à 8 (V-(V-10) et 14 (SA-(V-10) pour Hg et jusqu’à 45 (V-10) et 12 (SA-10) pour Pb. Ces rapports restent inférieurs à 6 pour les autres métaux. Ceci indique que si la contamination des sédiments de surface a effectivement diminué au cours du temps, de fortes concentrations en contaminants métalliques sont toujours présentes dans les sédiments à quelques centimètres sous l’interface, où ils ont été enfouis au cours du temps.

Conclusion

Ce travail avait pour objectif d’établir un état des lieux de la contamination des sédiments de l’étang de Berre. A partir de l’utilisation d’un traitement statistique de données issues de la littérature et par la mesure des concentrations en métaux dans des carottes de sédiment et des sédiments de surface, il permet de quantifier spatialement et temporellement, l’efficacité qu’ont eu les réglementations sur les rejets industriels prises il y a 40 ans, ainsi que l’influence des rejets de limons par la centrale hydroélectrique à partir de 1966.

La reconstruction de l’évolution temporelle de la contamination des sédiments de l’étang de Berre basée sur des données historiques a permis de montrer que la contamination des sédiments de surface a été très élevée par le passé et atteint actuellement, pour la plupart des contaminants, les niveaux les plus faibles depuis plusieurs décennies. Dans la zone sud du Grand Étang comme dans l’étang de Vaïne, cette diminution de la contamination est clairement attribuée à l’efficacité des réglementations prises sur les rejets industriels à partir des années 1970, qui ont permis de diminuer jusqu’à 90% des concentrations en contaminants. Cet aspect est particulièrement important pour les politiques de gestion puisqu’il montre que ces mesures prises sur les rejets industriels ont permis de diminuer significativement, et dans un temps relativement court, les niveaux de contamination.

Dans la zone nord du Grand Étang, la contamination des sédiments est relativement faible depuis 1966 en lien avec les importants apports de limons de la Durance, en provenance de la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas, qui ont permis de diluer les concentrations en contaminants dans les sédiments. Ces dilutions ont pu être estimées à 80-85 % pour Hg et Pb et à 50 % pour Cu.

En 2008, les sédiments de surface dans la zone sud du Grand Étang et l’étang de Vaïne présentaient des niveaux de contamination faibles pour As, Ni et Zn, mais

modérées en Pb, Cu, Hg et Cr dans deux zones clairement identifiées : l’étang de Vaïne (Cu et Pb) et la zone sud ouest du Grand Étang (Hg, Cr, Pb, Cu).

Nous avons aussi pu montrer, à partir des profils de métaux dans des carottes de sédiments, que si la contamination des sédiments de surface avait effectivement diminuée ces dernières décennies, de fortes teneurs restent toujours présentes dans les sédiments, stockées plus en profondeur quelques centimètres sous l’interface. Ceci est particulièrement important à considérer pour d’éventuels aménagements futurs et pose aussi de nouvelles questions concernant leur potentielle mobilité. Ces perspectives ont en partie été étudiées dans un travail de thèse (Rigaud, 2011).

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L’objectif de cette étude est d’évaluer le dépôt sédimentaire dans l’étang de Berre depuis l’ouverture de la centrale de Saint-Chamas, en 1966, en estimant aussi bien son épaisseur que sa répartition spatiale sur le fond de l’étang. Les techniques utilisées ont également permis d’estimer l’évolution de ces dépôts en réponse à la mise en application des quotas des apports sédimentaires de la centrale, en 1994 puis en 2006. Ce travail a été réalisé en confrontant plusieurs méthodes différentes : la datation aux isotopes radioactifs et l’analyse photographique de carottes sédimentaires réparties dans l’étang, les sondages bathymétriques réalisés par le SHOM1en 1962 et 1992.

1. MATÉRIEL ET MÉTHODES