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humaines, l’étang de Berre est une lagune riche en éléments nutritifs et donc à forte productivité. Cette caractéristique peut rapidement devenir un point faible en cas de déséquilibre entre apports et développement de la chaîne trophique (eutrophisation).

Depuis 1966, ses caractéristiques écologiques ont subi des changements de grande envergure dus à d’importantes décharges d'eau douce de la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas (l'équivalent de 7 fois le volume de la lagune par an, en 1977). La lagune de Berre est rapidement devenue une lagune particulièrement instable, montrant des variations considérables de la salinité, une forte stratification de colonne d'eau et subissant des apports additionnels en éléments nutritifs. L’étang est devenu hyper-eutrophe (eaux fréquemment colorées, développement de macroalgues) ; les fréquentes périodes d’anoxie ont conduit à la disparition du benthos. On a également observé une réduction des herbiers de Zostera.

Les concentrations des principaux éléments minéraux au sein de l’étang sont principalement soumises au régime d’apports par la centrale. Mais c’est le nitrate qui apparaît comme le principal descripteur du niveau trophique de l’étang. Le suivi réalisé depuis 1994 ne révèle pas d’évolution significative des teneurs maximales annuelles, les concentrations mesurées en 2009 et 2010 sont équivalentes à celles de 1994. Les taux de production primaire mesurés en 2006 sont les plus élevés jamais mesurés dans l’étang. Ces valeurs classent l’étang de Berre parmi les lagunes les plus productives. L’étang se comporte comme un bassin de rétention, de regénération et de concentration de la matière. Le relargage d’éléments nutritifs par le sédiment, via la reminéralisation biologique, pourrait-il être responsable du maintien d’une eutrophisation extrême dans l’étang ? En réalité, comparés aux autres lagunes, les flux benthiques mesurés dans l’étang de Berre sont équivalents, voire inférieurs.

Les communautés phytoplanctoniques ont été parmi les premières à réagir aux déséquilibres physico-chimiques de la masse d’eau, les peuplements diversifiés laissant place à des proliférations monospécifiques. La très grande réactivité des communautés phytoplanctoniques aux évolutions du milieu a conduit à développer de nouvelles techniques d’échantillonnage automatisées permettant la caractérisation in-situ et « en temps réel » de leur structure et leur dynamique.

Les peuplements de macrophytes de l’étang de Berre témoignent également d’une importante perturbation : régression des herbiers de Magnoliophytes, prolifération des Chlorobiontes nitrophiles et développement des Rhodobiontes limités aux espèces pionnières. Cet état de fait s’est accompagné d’une réduction de la diversité, restreinte aux espèces résistantes au stress et/ou pionnières et favorisant les espèces opportunistes.

La recolonisation des herbiers de zostères, principale phanérogame aquatique présente dans l’étang, mais qui ne subsiste plus qu’à l’état de relique est, en ce sens, un objectif emblématique des plans de réhabilitation qui doivent être engagés pour l’étang de Berre. Plusieurs pistes sont explorées pour ceci, et si le retour à un niveau d’eutrophisation plus faible par une diminution des apports exogènes reste la voie d’action privilégiée, d’autres facteurs tels que la génétique, l’effet des vagues sur des herbiers fragilisés ou encore la remise en suspension des sédiments fins sont étudiés.

Le suivi du milieu réalisé depuis 1994 offre une quantité considérable de données, une aubaine pour les statisticiens qui les transforment en courbes qui donnent à voir l’évolution du milieu. Sachant que les rejets d’eaux douces de la centrale EDF sont sources de perturbations pour l’écosystème lagunaire, quels sont les effets de leurs limitations ? Que s’est-il passé en termes de réponse de l’écosystème après 2005 ?

C’est d’ailleurs dans le cadre du suivi des nouvelles modalités de rejets d’eau douce de la centrale EDF qu’a été réalisé un inventaire ichtyologique de l’étang. Cette campagne de recensement des espèces de poissons présentes qui s’inscrit également dans le dispositif mis en place pour la DCE, visant à juger de la qualité écologique de l’étang a été complétée par une description fine des pratiques et du dynamisme de la pêche professionnelle dans l’étang de Berre. Les pêcheurs professionnels, en effet, voient leur activité dépendre exclusivement de l’équilibre de l’écosystème, la qualité des eaux et de la diversité des peuplements. Une nouvelle contrainte est cependant apparue plus récemment avec la prolifération des méduses et autres organismes gélatineux (cténaires) qui a été observée au cours des cinq dernières années, dans l’étang de Berre comme dans de nombreuses autres lagunes du pourtour méditerranéen.

Mais le territoire de l’étang de Berre ne se limite pas à sa masse d’eau et il recouvre en fait une grande diversité de paysages et milieux : fleuves, deltas, falaises, garrigue, forêts et coussous de Crau. Ces paysages concentrés sur une petite zone font du pourtour de l’étang le secteur le plus riche en espèces d’oiseaux de la région PACA, voire de France. La diversité des substrats rocheux et sableux, la diversité des zones humides en eau libre ou dans les marais, l’eau douce ou salée, l’étendue des espaces agricoles dynamisent le développement de la vie animale et végétale et en font le paradis des ornithologistes. Ceux-là militent pour une reconnaissance institutionnelle de la valeur patrimoniale des milieux qui entourent l’étang de Berre.

Ils joignent leur voix à celle de l’ensemble des autres usagers, randonneurs, baigneurs, plaisanciers, adeptes des sports nautiques, qui croient et espèrent une réhabilitation prochaine de l’étang.

1. INTRODUCTION

L’étang de Berre constitue l’une des plus grandes lagunes méditerranéennes et abrite l’une des plus importantes zones industrielles pétrochimiques d’Europe (Figure 1). Son développement industriel débuta réellement à partir des années 1930 avec la création de raffineries de pétrole à Berre-l’Étang et à la Mède, puis s’intensifia dans les années 1960-1980 avec la création d’un complexe pétrolier et sidérurgique et la mise en place de nombreuses autres activités (incinération de déchets industriels spéciaux, traitement de surface et métaux, électroniques, …) le long du chenal de Caronte et autour de l’étang de Vaïne. Cette industrialisation intense s’est accompagnée par d’importants rejets de contaminants dans l’étang parmi lesquels des hydrocarbures polycycliques aromatiques (HAPs), des polychlorobiphényles (PCBs) et des métaux (As, Cd, Co, Cr, Cu, Hg, Ni, Pb et Zn).

Une partie probablement importante de ces contaminants, a été stockée au cours du temps dans les sédiments (Giorgetti, 1981 ; Bouchard, 1981 ; Accornero et al., 2008). Ces apports ont entrainé une forte dégradation de la qualité du milieu (se traduisant par exemple par l'interdiction de la pêche à partir de 1957) et l’apparition de questionnements autour des risques sanitaires et écotoxicologiques qu’ils pouvaient constituer.

Evolution spatiale et temporelle