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La suppression générale des clauses incohérentes en droit français

PARTIE I – L’INTEGRATION MINIMALE DES MOTIFS PAR LA CONTREPARTIE

Section 1 – La sanction de la contrepartie illusoire

A- La suppression générale des clauses incohérentes en droit français

121. Le cadre de la jurisprudence Chronopost. La force du contrôle de la cohérence du

contrat, sur le fondement de la cause, s’est illustrée en droit français avec la célèbre jurisprudence Chronopost527. En l’espèce, la société Banchereau souhaitait envoyer deux plis en vue d’une soumission à une adjudication et, afin de respecter le délai octroyé pour le dépôt des offres, la société expéditrice recourut aux services de la société Chronopost s’engageant à livrer les plis à leur destinataire le lendemain de leur envoi, avant midi. La société Chronopost n’ayant pas livré les plis le lendemain avant midi, comme elle s’y était engagée, ils arrivèrent après la date limite de dépôts des offres pour l’adjudication. En conséquence, la société Banchereau intenta une action contre la société Chronopost afin d’obtenir réparation de son préjudice subi en raison de l’inexécution de son obligation de célérité et consistant en la perte de chance de voir son offre retenue lors des adjudications. Le défendeur invoqua alors la clause limitative de sa responsabilité fixant un plafond d’indemnisation à hauteur du prix du transport. Au visa de l’ancien article 1131 du Code civil, la Cour estima que cette clause devait être réputée dans la mesure où elle « contredisait la portée de l’engagement pris ». En d’autres termes, au regard du supplément de prix payé par l’expéditeur du pli, les juges ont considéré que la société Chronopost s’engageait à une livraison présentant des garanties de rapidité et de fiabilité, garanties contredites par le faible montant de l’indemnisation maximale prévue en cas d’inexécution.

Le demandeur ne put toutefois prétendre à l’indemnisation de son entier préjudice. En effet, il résulte d’un second arrêt Chronopost de 2002, que dès lors que la clause limitative de responsabilité convenue devait être réputée non écrite, les dispositions supplétives du décret du 4 mai 1988 portant sur le contrat-type messagerie trouvaient à s’appliquer, notamment celle fixant un plafond légal d’indemnisation de la responsabilité du transporteur, sauf en cas de faute lourde de ce dernier528. Or la limitation de la responsabilité prévue était identique à celle de la

527 V J. GHESTIN, Traité de droit civil, Les obligations, Le contrat : formation, op. cit., n° 740 et s.

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Cass. Com., 9 juillet 2002, Bull., IV, n° 121, D. 2002, p. 2329, obs. E. CHEVRIER, D. MAZEAUD et P. DELEBECQUE, RTD civ. 2003, p. 567, obs. N. MOLFESSIS.

clause limitative de responsabilité initialement convenue : une limitation à hauteur du prix du transport (article 15 du décret du 4 mai 1988)529.

122. La particularité des faits de l’espèce. Au regard du fait que la limitation de

responsabilité prévue par décret rejoint celle faisant l’objet de la clause litigieuse, il apparaît clairement que le problème de la clause limitative de responsabilité du transporteur ne se situait pas tant sur le plan du contenu de la clause en lui-même que sur celui du procédé de son intégration, c’est-à-dire le fait qu’elle ait été imposée par le transporteur lui-même au titre de ses conditions générales. La nature de la relation contractuelle entre les parties justifiait donc une appréciation particulière de la contrepartie minimale exigée pour la validité du contrat.

A ce titre, il pourrait être considéré que si une clause est de nature à compromettre l’obligation essentielle, alors même qu’elle est le fruit de la liberté contractuelle des contractants, c’est que la contrepartie n’est peut-être pas celle qu’une appréhension immédiate du contrat suggère. La contrepartie ne peut en effet être prédéterminée, préétablie à l’avance,

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La suite de la saga Chronopost concernait alors la question de la caractérisation d’une faute lourde afin d’écarter le plafond d’indemnisation. Lorsque la Chambre mixte fut saisie de cette question, elle affirma, outre le fait que le seul manquement à une obligation essentielle du contrat ne peut suffire à caractériser une telle faute, qu’« une clause limitant le montant de la réparation est réputée non écrite en cas de manquement du transporteur à une obligation essentielle du contrat » [Chambre mixte 22 avril 2005, n° 03-14.112; D. 2005, 1864 note J.-P. TOSI, 2836, obs. S. AMRANI-MEKKI et B. FAUVARQUE-COSSON, 2748, obs. H. KENFACK ; RTD civ. 2005. 604, obs. P. JOURDAIN, et 779 obs. J. MESTRE et B. FAGES ; RTD com. 2005. 828, obs. B. BOULOC ; JCP G 2005.II.10066, obs. G. LOISEAU ; RDC 2005. 651, avis R. DE GOUTTES, 673, obs. D. MAZEAUD, et 752, obs. P. DELEBECQUE]. Une formulation similaire fût par la suite reprise dans d’autres arrêts [V. par ex. Com. 21 févr. 2006, n° 04-20.139, D. 2006. 717, obs. E. CHEVRIER, RTD civ. 2006. 322, obs. P. JOURDAIN, RTD com. 2006. 909, obs. B. BOULOC, CCC 2006. Comm. 103, obs. L. LEVENEUR, RDC 2006. 694, obs. D. MAZEAUD ; Com. 30 mai 2006, n° 04-14.974, D. 2006. 1599, obs. X. DELPECH, 2288, note D. MAZEAUD, 2638, obs. S. AMRANI-MEKKI et B. FAUVARQUE-COSSON, et 2007. 111, obs. H. KENFACK, RTD civ. 2006. 773, obs. P. JOURDAIN, RTD com. 2007. 224, obs. B. BOULOC, RDC 2006. 1075, obs. Y.-M. LAITHIER, et 1224, obs. S. CARVAL ; Com. 13 juin 2006, n° 05-12.619, D. 2006. 1680, et 2007. 111, obs. H. KENFACK, RTD civ. 2006. 773, obs. P. JOURDAIN, RTD com. 2007. 224, obs. B. BOULOC, JCP G 2006. II. 10123, obs. G. LOISEAU ; Com. 13 févr. 2007, n° 05-17.407, D. 2007. 654, obs. X. DELPECH et 2966, obs. S. AMRANI-MEKKI et B. FAUVARQUE-COSSON, RTD civ. 2007. 567, obs. B. FAGES, Defrénois 2007. 1042, obs. R. LIBCHABER, JCP G. 2007. I. 185, obs. P. STOFFEL-MUNCK, et II. 10063, obs. Y.-M. SERINET, RDC 2007. 707, obs. D. MAZEAUD, et 746, obs. S. CARVAL ; Com. 5 juin 2007, n° 06-14.832, D. 2007. 1720, obs. X. DELPECH et 2966, obs. S. AMRANI-MEKKI et B. FAUVARQUE-COSSON, RTD civ. 2007. 567, obs. B. FAGES, RTD com. 2008. 174, obs. B. BOULOC, JCP G 2007. II. 10145, obs. D. HOUTCIEFF, RDC 2007. 1121, obs. D. MAZEAUD, et 1144, obs. S. CARVAL.]. Or, par cette tournure, la Cour de cassation introduisit une solution radicalement différente de celle de l’arrêt Chronopost. D’après sa motivation, en effet, si la clause devait être réputée non écrite, c’est parce qu’elle concernait l’inexécution de l’obligation essentielle, et non pas parce qu’elle en contredisait la portée, la vidait de sa substance. Dès lors, le seul fait pour une clause limitative ou exclusive de responsabilité de viser l’inexécution de l’obligation essentielle suffisait à ce qu’elle soit réputée non écrite, ce qui n’est pas le sens de la solution de 1996, laquelle imposait un contrôle non pas du seul objet de la clause mais de ses effets. Cette solution, critiquée par la doctrine [V. not. D. MAZEAUD, « Clauses limitatives de réparation : les quatre saisons », D. 2008. 1776], avait pour conséquence de condamner le recours aux clauses limitatives ou exclusives de responsabilité, technique contractuelle dont l’intérêt concret est précisément le plus souvent d’encadrer la responsabilité du débiteur en cas de manquement à son obligation essentielle. La Cour de cassation a toutefois par la suite corrigé sa jurisprudence en revenant sur le sens premier de la solution de l’arrêt Chronopost, notamment par un arrêt du 18 décembre 2007 [Cass. com. 18 décembre 2007, n° 04-16.069, D. 2008, AJ, p. 154, note X. DELPECH : « ayant relevé que la clause litigieuse limitait l’indemnisation pour la seule coupure inopinée de courant, sauf en cas de faute lourde du fournisseur, la cour d’appel a pu retenir que cette stipulation n’avait pas pour effet de vider de toute substance l’obligation essentielle de fourniture d’électricité, caractérisant ainsi l’absence de contrariété entre ladite clause et la portée de l’engagement souscrit »]. D’après cet arrêt, les juges doivent se livrer à une véritable appréciation in concreto pour déterminer si la clause a pour effet de contrarier la portée de l’engagement souscrit.

elle doit au contraire faire l’objet d’une appréciation concrète au regard des éléments du champ contractuel. Le paradoxe est latent : comment une clause de nature à participer à la définition de la contrepartie convenue, en ce qu’elle intègre le contenu du contrat voulu par les parties, pourrait-elle être de nature à y porter atteinte ? Si les parties s’accordent pour limiter la responsabilité du transporteur rapide au prix du transport, cela ne devrait-il pas avoir une incidence sur la mesure de la portée de son obligation ?

Il semble d’ailleurs que la clause limitative de responsabilité ne privait pas en réalité le cocontractant d’une contrepartie minimale exigée au titre de la validité du contrat. Certes, un surcoût est payé par l’expéditeur en contrepartie de la garantie de la livraison dans un certain délai, et l’engagement de célérité dans la livraison apparaît comme une obligation de résultat : si la livraison a lieu plus tard qu’à l’heure convenue, l’inexécution est caractérisée. Toutefois, la limitation de la responsabilité ne vide pas cet engagement de sa substance dans la mesure où, à défaut de livraison dans les délais, l’inexécution est caractérisée et le transporteur est tenu de rembourser l’acheteur du prix du transport. L’inexécution de l’obligation de célérité n’est donc pas neutre pour le transporteur, au contraire il se retrouve même potentiellement privé de tout intérêt au contrat. Ce n’est en définitive pas à la portée de l’obligation de célérité que la clause limitative de responsabilité porte atteinte. Ce qui se retrouve exclu ce sont que les risques tenant à l’intérêt personnel de l’expéditeur à la livraison rapide puisque l’indemnisation du gain manqué en cas d’inexécution se retrouve par avance refusée. En d’autres termes, la clause ne porte pas atteinte à l’obligation de célérité mais à la répartition normale des risques : alors que le gain attendu de l’exécution du contrat pourrait être, à certaines conditions, indemnisable, la clause a pour effet de modifier la répartition normale – à défaut de stipulations contraires – de la charge de ce risque pour le faire supporter par l’expéditeur amené à le subir. Or une telle répartition des risques n’est pas sanctionnée dans l’absolu, c’est-à-dire qu’elle n’est pas en tant que telle rigoureusement inacceptable : en témoigne le plafond d’indemnisation fixé par décret dans le cadre des contrats types messagerie.

Il apparaît donc que si la clause prive de substance la contrepartie, il ne s’agit pas tant de la contrepartie minimale convenue, laquelle ne peut être appréciée qu’au regard du contenu du contrat lui-même, que de la contrepartie minimale normalement attendue par l’expéditeur suivant la répartition légale des risques. Cette contrepartie minimale normalement attendue se retrouve alors prise en compte pour des considérations de politique juridique tenant à la protection du contractant qui, à moins de renoncer au contrat, n’a pas d’autre choix que d’accepter les conditions générales du transporteur. En ce sens, selon un auteur, « [i]l ne faut

des stipulations non négociées, incluses dans les contrats de masse, et directement contraires à une promesse publicitaire »530. Au-delà de la jurisprudence Chronopost, les arrêts dans lesquels des clauses ont été réputées non écrites en raison de leur incohérence avec la contrepartie s’inscrivent ainsi dans le cadre de relations contractuelles particulières, témoignant d’un déséquilibre des positions contractuelles des parties531.

123. La suppression des clauses incohérentes en présence d’un déséquilibre des positions contractuelles des parties. L’éradication de clauses compromettant la contrepartie

s’est opérée pour d’autres clauses que celles limitatives ou exclusives de responsabilité dans des cas où, comme dans l’arrêt Chronopost, elles figuraient dans les conditions générales d’un prestataire. Ainsi, par exemple, la Chambre commerciale, dans un arrêt du 15 février 2000, a retenu que la clause rejetant expressément l’indivisibilité entre deux conventions, devait être écartée au motif qu’elle était « en contradiction avec l’économie générale du contrat »532. Un contrat de diffusion de publicités dans une officine de pharmacie avait été conclu. Les publicités étaient alors diffusées sur un matériel fourni par la société de publicité et financé en crédit-bail par une autre société. La société de publicité ayant cessé la diffusion de publicités, le pharmacien, qui ne percevait plus de redevances publicitaires, a cessé de s’acquitter de son obligation à l’égard du crédit bailleur. Le crédit bailleur invoqua la clause du contrat par laquelle le pharmacien avait expressément accepté d’assumer le risque de la défaillance du prestataire de service, le contrat précisant que le locataire restait tenu du montant des loyers même en cas de résiliation ou d’annulation du contrat d’exploitation conclu avec la société de publicité. L’indépendance des contrats avait donc été intégrée au titre des conditions particulières du contrat de location. Cet argument ne convainquit pas la Cour d’appel dont la solution fut approuvée par la Cour de cassation. Elle considéra qu’il « s’agissait d’un matériel très

spécifique et que la seule cause du contrat de crédit-bail était constituée par le contrat de prestations d’images ». La cause du contrat de crédit-bail ne consistait pas en la seule mise à

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B. FAGES, « Manquement à une obligation essentielle et clause limitative de responsabilité », RTD civ. 2007, p. 567.

531 A ce titre, la sanction de l’incohérence du contrat, réalisée par la Cour de cassation sur le fondement de la cause ne manque pas de rappeler le contrôle des clauses abusives opéré en matière de contrats de consommation, au titre de l’application de l’article L 212-1 alinéa 1er

du Code de la consommation. En effet, ce texte pose une disposition générale selon laquelle sont qualifiées d’abusives « les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». Dès lors, ce texte permet donc de sanctionner, en matière de contrats de consommation, des clauses qui, sans avoir pour objet direct de définir la contrepartie [v. article L 212-1 du Code de la consommation, alinéa 2: « L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible »] sont telles qu’elles la vident concrètement de sa substance.

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Cass. com. 15 février 2000, n° 97-19.793 ; D. 2000, somm. P. 364, obs. P. DELEBECQUE ; Défresnois 2000, p. 1118, obs. D. MAZEAUD ; JCP G 2000, I, 272, n° 9, obs. A. CONSTANTIN ; JCP E 2001, p. 269, obs. J.-B. SEUBE.

disposition du matériel : l’utilisation spécifique du matériel dans le cadre du contrat de prestations d’images participait de la définition de la contrepartie qui pouvait être attendue du contrat de crédit-bail, en dépit de la clause, les contrats étant alors interdépendants. La clause de divisibilité des conventions, insérée dans le contrat de crédit-bail au titre des conditions particulières du crédit bailleur, était donc de nature à compromettre la contrepartie attendue par le preneur533. Cette solution, comme celle de l’arrêt Chronopost, se justifie au regard de la situation particulière des contractants, l’un d’eux acceptant les conditions contractuelles de l’autre. Elle n’a alors pas été retenue dans des cas où un tel déséquilibre des positions contractuelles ne pouvait être caractérisé.

124. L’inopportunité de l’application de la solution en l’absence de déséquilibre des positions contractuelles, l’affaire Faurecia. La jurisprudence eut à considérer l’application

du principe de l’arrêt Chronopost de 1996 s’agissant d’un contrat informatique conclu entre les sociétés Oracle et Faurecia. Le contrat visait à déployer un nouveau logiciel informatique sur des sites de l’équipementier automobile. En raison de l’inexécution de son engagement par la société Oracle, les juges furent notamment saisis de la question de l’application de la clause limitative de sa responsabilité insérée au contrat. La Cour de cassation a estimé que la société Oracle, en ne livrant pas la version du logiciel commandée, avait manqué à une obligation essentielle, cette dernière étant « de nature à faire échec à l’application de la clause limitative

de réparation »534. En d’autres termes, la Cour de cassation a fait application de la solution consistant à déplacer le contrôle des clauses de l’appréciation de leur effet à celui de leur objet, à savoir l’obligation essentielle du débiteur. En cela la solution retenue par la Cour de cassation était critiquable. Mais elle l’était aussi au regard de la nature des relations contractuelles en présence535. En effet, ainsi que le relève M. FAGES « on n’imagine pas que, dans ce type

d’opération contractuelle, marquée par le sur-mesure, cette stipulation relative à la responsabilité du prestataire de service informatique n’ait pas fait l’objet d’une discussion entre les parties avant d’être acceptée telle quelle en connaissance de cause »536. Les faits de

533 La Chambre mixte a par la suite consacré le principe selon lequel « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants », de sorte que « sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance » [Cass. Chambre mixte 17 mai 2013, n° 11-22.768 et 11-22.927, v. L. LEVENEUR, « Interdépendance contractuelle – Location financière, la clause d’indépendance du contrat n’est pas valable !, CCC 2013, n°8-9, comm. 176 ; D. MAINGUY, « Location financière, interdépendance des contrats et clauses d’indépendance », JCP E, 2013. 1403 ; F. BUY, « L’interdépendance contractuelle à l’honneur », JCP G 2013. 1155 ; J.-B. SEUBE, « Haro sur les clauses de divisibilité ! », JCP G 2013].

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Com. 13 févr. 2007, Bull. civ. IV, n° 43 ; D. 2007. AJ 654, obs. X. DELPECH, et Pan. 2975, obs. B. FAUVARQUE-COSSON ;

RTD civ. 2007. 567, obs. B. FAGES ; JCP G 2007. II. 10063, note Y.-M. SERINET, et I. 185, n° 10, obs. P. STOFFEL-MUNCK ; RDC 2007. 707, obs. D. MAZEAUD, et 746, obs. S. CARVAL.

535

V. B. FAGES, « Manquement à une obligation essentielle et clause limitative de responsabilité », art. préc.

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l’espèce ne sont clairement pas comparables à ceux des précédents arrêts évoqués et ayant justifié une sanction de la clause litigieuse. La position de la Cour de cassation ne fut pas suivie par la Cour d’appel de renvoi.

Comme cela a été présenté, la Cour de cassation – entre-temps revenue à l’essence de la jurisprudence Chronopost – n’a jamais entendu supprimer, automatiquement, toute clause limitative ou exonératoire de responsabilité du seul fait qu’elle vise l’inexécution d’une obligation jugée essentielle. Dans un second arrêt Faurecia537, la Cour de cassation a alors

contredit sa solution précédente. Elle réaffirma ainsi le principe selon lequel « seule est réputée

non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ». La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre la Cour d’appel

ayant fait application de la clause, au motif que « le montant de l’indemnisation négocié aux

termes d’une clause stipulant que les prix convenus reflètent la répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résultait, n’était pas dérisoire ». Par conséquent, la Cour a

estimé que la limitation de responsabilité participait de la répartition des risques librement définie entre les parties.

Au regard de cette jurisprudence, il peut être défendu que la suppression des clauses incohérentes avec la contrepartie suppose un contexte contractuel particulier, à savoir un déséquilibre des positions contractuelles des parties justifiant une appréciation particulière de la contrepartie qui peut être raisonnablement attendue. La généralisation de la sanction des clauses incohérentes avec la contrepartie soulève alors des interrogations.

125. La généralisation de la sanction des clauses incohérentes avec la contrepartie.

La jurisprudence conduisant à la suppression des clauses incohérentes avec la cause de l’engagement d’une partie a été consacrée par la réforme à l’article 1170 du Code civil. Ce texte prévoit que « [t]oute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est

réputée non écrite ». Bien que la caractérisation d’une situation de déséquilibre des positions

contractuelles ne soit pas exigée, il peut être supposé que ce texte s’appliquera lorsque des circonstances particulières justifieront qu’une clause du contrat soit écartée au motif qu’elle contredit la contrepartie minimale qui peut être raisonnablement attendue par un contractant. C’est dire que la jurisprudence continuera, vraisemblablement, à faire montre de « plus

d’égards pour la nature du contrat », et ménagera « un sort plus favorable aux clauses

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Cass. com., 29 juin 2010, n° 09-11.841, D. 2010. 1832, obs. X. DELPECH ; ibid. 1697, édito. F. ROME, note D. MAZEAUD ; JCP G 2010, n° 787, note D. HOUTCIEFF.

limitatives ayant fait l’objet d’une négociation individuelle entre les parties »538. A ce tire, l’article 1170 du Code civil complète le mécanisme du code civil spécialement prévu pour le contrat d’adhésion. En effet, la réforme a également introduit dans le Code civil un contrôle spécial du déséquilibre significatif des contrats d’adhésion. L’article 1171 du Code civil dispose