• Aucun résultat trouvé

La question de la nature du Dissens portant sur la contrepartie. Le traitement du

PARTIE I – L’INTEGRATION MINIMALE DES MOTIFS PAR LA CONTREPARTIE

B- Le Dissens portant sur les éléments secondaires du contrat

74. La question de la nature du Dissens portant sur la contrepartie. Le traitement du

Dissens sur les éléments essentiels – le Totaldissens – est a priori le seul qui intéresse l’accord

sur la contrepartie, dès lors que cette dernière constitue un élément essentiel participant de la structure même du contrat à titre onéreux. Il convient toutefois de relever que l’absence d’accord sur des éléments essentiels est parfois l’objet d’une jurisprudence sur le fondement des règles du Dissens énoncées par le BGB359, qui ne traitent en principe pourtant que de la non-concordance des déclarations de volonté sur les autres éléments (Nebenpunkte),

c’est-à-356 H. DE PAGE, op. cit., p. 35.

357

V. A. RIEG, thèse préc., n° 294 : « Quelles sont les répercussions de l’absence de cause sur l’acte causé ? La réponse est aisée : la cause étant un élément constitutif de l’acte, au même titre que le consentement, l’existence de l’acte est en dépendance étroite par rapport à l’existence de la cause. Un auteur a employé cette formule frappante : “L’acte juridique causé naît et meurt avec sa cause ”. Cela signifie que le contrat ne prendra pas naissance. (…) C’est dire que, pour les actes causés, l’absence de cause constitue un obstacle à la validité de l’acte, tout comme le défaut de consentement dû à la démence par exemple ».

358

H. DE PAGE, op. cit., p. 58.

359

dire les éléments secondaires. La jurisprudence a ainsi pu estimer que l’absence d’accord sur la contrepartie constituait un cas de désaccord apparent relevant du § 154 du BGB360, la doctrine allemande analysant alors cette jurisprudence comme se rattachant à un Dissens portant sur un

essentialia negotii361. L’absence d’accord sur le montant du loyer dans le cadre d’un contrat de bail est, par exemple, un cas mentionné au titre du dissentiment apparent réglé par le § 154 du BGB362.

Le désaccord sur la contrepartie est susceptible de degrés : il peut être question d’une absence totale d’accord sur le principe même d’une contrepartie – ce qui devrait constituer un

Totaldissens – mais aussi de l’absence d’accord sur des éléments qui participent directement de

sa définition – ce qui peut donner lieu à l’application des §§ 154 et 155 du BGB. L’éventualité d’un Dissens caché (§ 155 du BGB) sur la contrepartie n’est pas à exclure et il s’agirait finalement d’un cas très proche de la fausse cause du droit français consistant en une absence de cause sur laquelle vient se greffer une erreur. En toute hypothèse, que les parties aient été conscientes ou non de leur désaccord sur le principe même d’une contrepartie minimale, ce dernier ne peut conduire qu’à l’invalidité d’un contrat à titre onéreux. Bien que le BGB n’exige pas expressément une cause, une contrepartie à la formation du contrat, il faut toutefois souscrire à l’affirmation de RIEG selon laquelle « on peut donc affirmer avec les auteurs

allemands que, dans les actes causés, la cause est un « élément constitutif de l’acte » (Geschäftsbestandteil), et son absence empêche la naissance de l’engagement »363.

75. Conclusion du chapitre. La place essentielle des motifs contractuels s’illustre, en

premier lieu, par l’exigence d’une justification de l’engagement, laquelle consiste en la contrepartie du contrat à titre onéreux. Il s’agit là d’une exigence qui peut être unitairement établie en droits français, anglais et allemand. En effet, en droit français, la contrepartie est expressément consacrée par le Code civil qui définit le contrat à titre onéreux suivant le critère de la contrepartie. L’intégration d’une contrepartie apparaît ainsi nécessaire pour que l’acte qui n’est pas motivé par une intention libérale soit valablement qualifié de contrat à titre onéreux et produise les effets de droit attachés à cette qualification. La contrepartie s’entend alors largement comme l’avantage obtenu en retour de l’engagement d’un contractant. Un intérêt, pouvant être identifié comme la contrepartie, doit donc être prévu au contrat.

360

BGH, 26.02.1999 – V ZR 318/97, NJW-RR 1999, 927.

361 R. BORK, Staudinger Kommentar zum BGB, 2015, § 154, n° 5.

362

H. KÖTZ, Vertragsrecht, op. cit., n° 127.

363

La nécessité d’une contrepartie pour la reconnaissance du contrat se fonde, en droit anglais, sur l’exigence d’une consideration. Il apparaît toutefois indispensable de dépasser la conception traditionnelle de la consideration. En effet, les critères traditionnels de la

consideration tendent davantage à l’assimiler à la contreprestation – que celle-ci soit celle d’un

acte à titre gratuit ou onéreux – qu’à la contrepartie du contrat intéressé. Un certain nombre de solutions s’inscrivent toutefois dans le sens de la reconnaissance de la consideration entendue comme un avantage ne consistant pas nécessairement en une contreprestation. La théorie de l’estoppel permet en outre de remédier aux insuffisances de la conception traditionnelle de la

consideration, notamment celles résultant du rejet des contrats à titre onéreux unilatéraux. Ces

développements du droit anglais vont dans le sens de l’admission de la contrepartie – entendue comme l’avantage retiré du contrat en contrepartie d’un engagement – comme critère du contrat à titre onéreux, qu’elle consiste ou non en une contreprestation.

S’agissant du droit allemand, le caractère nécessaire du motif-contrepartie pour la reconnaissance du contrat résulte du Dissens. Le BGB règle en effet, sur le fondement du

Dissens, la question de l’identification d’un contrat formé eu égard au contenu de l’accord des

parties. A ce titre, pour que l’accord puisse être considéré juridiquement comme un contrat, il faut que les parties aient convenu des éléments essentiels. A défaut pour les contractants d’être mus par une intention libérale, la contrepartie constitue alors un élément essentiel du contrat qui doit intégrer l’accord afin que ce dernier soit reconnu en tant que contrat.

En définitive, il apparaît unitairement dans les droits étudiés que la conclusion d’un acte qui n’est pas motivé par une intention libérale et qui n’intègre pas une contrepartie ne peut pas être reconnue comme un contrat. Il convient d’analyser comment se concrétise l’exigence d’une contrepartie, au regard du régime de son intégration dans le contrat

C

HAPITRE

2L

E REGIME DE L

INTEGRATION DE LA CONTREPARTIE